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21/02/2023 | FRANCE | N°20/03469

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 21 février 2023, 20/03469


N° RG 20/03469 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KTLW



N° Minute :





C3

























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SELARL CDMF AVOCATS



la SELARL BOYER-BESSON MANGIONE











AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE

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2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 21 FEVRIER 2023



Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/05306) rendu par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 24 septembre 2020, suivant déclaration d'appel du 06 Novembre 2020





APPELANTE :



Compagnie d'assurance MACIF prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité aud...

N° RG 20/03469 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KTLW

N° Minute :

C3

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL CDMF AVOCATS

la SELARL BOYER-BESSON MANGIONE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 21 FEVRIER 2023

Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/05306) rendu par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 24 septembre 2020, suivant déclaration d'appel du 06 Novembre 2020

APPELANTE :

Compagnie d'assurance MACIF prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Denis DREYFUS de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

S.A.S. AUDRAS ET DELAUNOIS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey MANGIONE de la SELARL BOYER-BESSON MANGIONE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente

M. Laurent Grava, conseiller,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 décembre 2022, Anne-Laure Pliskine, conseillère, qui a fait son rapport, assistée de Caroline Bertolo, greffière, en présence de Catherine Silvan, greffière stagiaire, a entendu seule les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE

Dans la nuit du 28 au 29 mars 2011, un incendie s'est déclaré dans l'immeuble en copropriété du [Adresse 1]. A cette occasion, la toiture de l'immeuble a été entièrement détruite et d'importants dégâts ont été engendrés dans les appartements (notamment ceux situés sous les greniers au 3ème étage) et les parties communes.

Par un jugement du 11 décembre 2012, le tribunal pour enfants de Grenoble a déclaré le mineur [M] [S] coupable des faits de dégradation ou détérioration du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes.

Sur l'action civile, le tribunal a notamment déclaré recevable la constitution de partie civile du syndicat de copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1].

Par actes d'huissier en date des 10 février et 15 février 2012, la compagnie GAN assurances, assureur de la copropriété, a sollicité la désignation d'un expert judiciaire au contradictoire de l'ensemble des parties concernées par le sinistre ou dont la responsabilité était susceptible d'être engagée.

Par ordonnance rendue le 14 mars 2012, le juge des référés du tribunal de grande instance de Grenoble a ordonné une mesure d'expertise

L'expert a déposé son rapport définitif le 20 mars 2013.

Par des conclusions déposées le 18 février 2014 devant le tribunal pour enfants de Grenoble, le syndicat de copropriétaires a sollicité que les parents de [M] [S] soient déclarés civilement responsables de leur fils, que ce dernier soit déclaré civilement responsable de l'entier préjudice du syndicat.

Par jugement rendu le 18 juin 2014, statuant sur les intérêts civils, le tribunal pour enfants a fixé le préjudice subi par :

- le syndicat de copropriétaires, à la somme totale de 161.286 euros,

- Madame [R] [W], à la somme totale de 38.085,02 euros,

- Madame [G], à la somme de 1.930,92 euros (tout en commettant un expert pour ordonner une expertise médicale en vue d'évaluer son préjudice corporel),

- Madame [T], à la somme totale de 44.957,29 euros,

- la société Grenoble habitat, à la somme totale de 474,22 euros,

- Monsieur [N], à la somme totale de 800 euros.

En exécution du jugement du 18 juin 2014, la MACIF, assureur de Mme [S], mère du mineur [M] a été condamnée à payer aux copropriétaires susvisés, au syndicat de copropriétaires et à leurs assureurs, la somme totale de 360.565,45 euros.

Par acte d'huissier en date du 7 décembre 2018, la MACIF a assigné la société Audras et Delaunois, syndic du syndicat des copropriétaires de l'immeuble aux fins de solliciter sa condamnation à lui rembourser la somme totale de 360.565,45 euros, qu'elle a dû payer au syndicat de copropriétaires, aux propriétaires et à leurs assureurs en exécution du jugement du 18 juin 2014, avec intérêts de retard à compter de l'assignation.

Par jugement rendu le 24 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

-dit que les demandes de la MACIF formées au titre de son recours subrogatoire ne peuvent excéder la somme de 110.532 euros ;

-déclaré irrecevables les demandes de la MACIF formées au-delà de cette somme ;

-débouté la MACIF de l'ensemble de ses demandes ;

-condamné la MACIF à verser à la SASU Audras et Delaunois une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la MACIF aux dépens ;

-autorisé la SELARL Boyer Besson Mangione à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 6 novembre 2020, la compagnie MACIF a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

-dit que les demandes de la MACIF formées au titre de son recours subrogatoire ne peuvent excéder la somme de 110.532 euros ;

-déclaré irrecevables les demandes de la MACIF formées au-delà de cette somme ;

-débouté la MACIF de l'ensemble de ses demandes ;

-condamné la MACIF à verser à la SASU Audras et Delaunois une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné la MACIF aux dépens ;

-autorisé la SELARL Boyer Besson Mangione à recouvrer les dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions notifiées le 16 février 2022, la compagnie MACIF demande à la cour de:

Vu l'article L 121-12 al. 1 er du code des assurances,

Vu les anciens articles 1382 et 1383 du code civil,

Vu l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965,

-réformer le jugement du 24 septembre 2020 en toutes ses dispositions.

-débouter la société Audras et Delaunois en ce qu'elle croit pouvoir soulever l'irrecevabilité des demandes présentées par la compagnie MACIF, son action n'étant nullement prescrite.

-voir constater les fautes commises par la société Audras et Delaunois en relation causale directe avec la survenance du sinistre incendie.

-voir constater qu'en exécution du jugement du 18 juin 2014, la MACIF a été condamnée à payer aux copropriétaires, au syndicat de copropriétaires et à leurs assureurs, la somme totale de 360.565,45 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis du fait de ce sinistre incendie.

-dire et juger que la MACIF, subrogée dans les droits de son assurée, Madame [O] [S], déclarée civilement responsable de son fils [M] [S] par jugement du 18 juin 2014, est consécutivement fondée à rechercher la responsabilité de la société Audras et Delaunois.

-condamner la société Audras et Delaunois à rembourser à la MACIF la somme totale de 360.565,45 euros, qu'elle a dû payer au syndicat de copropriétaires, aux propriétaires et à leurs assureurs en exécution du jugement du 18 juin 2014, avec intérêts de retard à compter de la présente assignation, et capitalisation.

-condamner la société Audras et Delaunois à payer à la MACIF la somme supplémentaire de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner la société Audras et Delaunois aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, la MACIF se fonde sur l'article L 121-12 al. 1 er du code des assurances et énonce que son recours subrogatoire est recevable, qu'au demeurant, le tribunal l'a admis dans son jugement, tout en limitant le montant du recours subrogatoire à la somme de totale de 110.532 euros.

Elle déclare que les pièces versées aux débats attestent de la matérialité des versements effectués.

Elle réfute toute prescription puisque l'assignation délivrée à la société Audras et Delaunois le 7 décembre 2018 est intervenue dans les 5 ans qui ont suivi le règlement des condamnations par la compagnie MACIF.

Elle fait état des fautes commises par la société Audras et Delaunois à l'origine du sinistre et le lien de causalité, puisque cet incendie a été rendu possible par le fait que Monsieur [M] [S], étranger à la copropriété, a pu investir dans la nuit un des greniers, qui avait déjà servi préalablement aux faits de rendez-vous à plusieurs reprises. Elle souligne que l'entrée de l'immeuble était pourvue d'un digicode défectueux et que l'ouverture de la porte pouvait se réaliser par simple pression, qu'il résultait également de l'enquête que le syndic de la copropriété, la société Audras et Delaunois, en la personne de Monsieur [I], avait été alerté sur les risques liés à l'absence de fermeture de l'immeuble et à la présence de squatters.

Dans ses conclusions notifiées le 15 novembre 2021, la SAS Audras et Delaunois demande à la cour de:

Vu les articles 122 et 123 du code de procédure civile,

Vu l'article 2224 du code civil,

Déclarer irrecevables les demandes de la société MACIF à l'encontre de la société Audras et Delaunois en l'état de la prescription.

Vu le recours subrogatoire,

Vu l'article L 121-12 du code des assurances,

Vu les articles 1240 et suivants du code civil,

Vu l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965,

-confirmer le jugement dont appel.

En conséquence,

-débouter la compagnie MACIF de l'intégralité de ses prétentions.

-condamner la compagnie MACIF à régler à la société Audras et Delaunois la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de 1 ère instance.

Y ajoutant,

-condamner la compagnie MACIF à régler à la société Audras et Delaunois la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel et aux dépens d'appel.

Subsidiairement retenir un partage de responsabilité et indemniser la perte d'une chance à hauteur de 5 % des sommes sollicitées.

-dire dans cette hypothèse n'y avoir lieu à condamner la société Audras et Delaunois au règlement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Audras et Delaunois se fonde sur la décision du tribunal qui a souligné que seules les fautes commises par Monsieur [S] ont directement et exclusivement causé l'incendie de l'immeuble et qu'aucun lien de causalité ne peut être retenu entre les manquements du syndic et le dommage.

Elle soulève une fin de non-recevoir pour prescription et subsidiairement, déclare dans le cadre de son recours subrogatoire, la compagnie d'assurance MACIF doit se retourner à l'encontre de Monsieur [E] [Y], co-responsable des faits.

Elle réfute toute responsabilité propre, affirmant qu'elle n'a pas été suffisamment informée des risques liés à la présence des squatteurs, qu'en tout état de cause, au 9 mars 2011, des demandes de devis avaient d'ores et déjà été faites par le syndic en vue de mettre au vote la sécurisation de la porte lors de l'assemblée générale du 7 avril suivant.

La clôture a été prononcée le 1er juin 2022.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande

Selon l'article122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 123, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.

Le syndicat des copropriétaires peut soulever cette fin de non-recevoir pour la première fois en cause d'appel.

Selon l'article L. 121-12 du code des assurances, dans les assurances de dommages, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

En vertu des règles générales qui gouvernent la subrogation, prévues par les articles 1250 et suivants du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicables à la cause, le débiteur, poursuivi par un créancier subrogé dans les droits de son créancier originaire, peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense que ceux dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire.

En application de ces principes, le point de départ de la prescription de l'action du subrogé est identique à celui de l'action du subrogeant.

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, par jugement du tribunal pour enfants du 11 décembre 2012, non versé aux débats mais mentionné par le jugement sur intérêts civils du 17 juin 2014, M.[M] [S] a été reconnu coupable notamment des faits de dégradation ou détérioration du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, condamnation définitive en l'absence d'appel.

Dès lors que le mineur a été reconnu responsable de l'incendie, il appartenait nécessairement à sa mère en qualité de représentant légal d'indemniser les victimes, ce dont elle avait connaissance dès cette date, quand bien même les demandes de condamnation ont été formulées ultérieurement.

En conséquence, le point de départ de la prescription doit être au plus tard fixé à cette date, et l'action subrogatoire de l'assureur devait être intentée avant le 11 décembre 2017 (Civ. 1re, 2 févr. 2022, n° 20-10.855). L'assignation ayant été délivrée le 7 décembre 2018, l'action est prescrite.

La compagnie MACIF sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

-dit que les demandes de la MACIF formées au titre de son recours subrogatoire ne peuvent excéder la somme de 110.532 euros ;

-déclaré irrecevables les demandes de la MACIF formées au-delà de cette somme ;

-débouté la MACIF de l'ensemble de ses demandes ;

et statuant de nouveau ;

Déclare irrecevable l'action intentée par la compagnie MACIF ;

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Condamne la compagnie MACIF aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/03469
Date de la décision : 21/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-21;20.03469 ?
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