La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/2023 | FRANCE | N°20/02851

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 21 février 2023, 20/02851


C4



N° RG 20/02851



N° Portalis DBVM-V-B7E-KRO5



N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES

AU NOM DU PEU

PLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 21 FEVRIER 2023





Appel d'une décision (N° RG F19/00354)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 07 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 18 septembre 2020





APPELANTE :



S.A.S. LE SEYEC agissant poursuites et diligences de ses r...

C4

N° RG 20/02851

N° Portalis DBVM-V-B7E-KRO5

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 21 FEVRIER 2023

Appel d'une décision (N° RG F19/00354)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 07 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 18 septembre 2020

APPELANTE :

S.A.S. LE SEYEC agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exerice, domiciliés en cette qualité audit siège,

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Patrick PUSO de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de CLERMONT-FERRAND, substituée par Me Julien TOURNAIRE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND,

INTIME :

Monsieur [E] [M]

né le 22 Octobre 1972 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Peggy FESSLER de la SCP FESSLER JORQUERA & ASSOCIES, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Stéphane TEYSSIER de la SELARL TEYSSIER BARRIER AVOCATS, avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 décembre 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 21 février 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 21 février 2023.

Exposé du litige :

M. [M] a été embauché par la SAS LE SEYEC en contrat de travail à durée indéterminée du 27 avril 1998 en qualité de préparateur de commandes. Après plusieurs avenants à son contrat de travail, au dernier état de la relation contractuelle, M. [M] occupait le poste de «'coordinateur logistique'».

M. [M] a été élu délégué du personnel et membre du comité d'entreprise, il était délégué syndical au sein de la SAS LE SEYEC et membre du Conseil de prud'hommes de Lyon.

Estimant relever du coefficient 220 de la convention collective des transports routiers, M. [M] a saisi le Conseil de prud'hommes de Lyon le 18 août 2017, d'une demande de reclassification de son emploi, d'un rappel de salaire au titre du minimum conventionnel et de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, d'un rappel de primes non versées, de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Conseil de prud'hommes de Lyon s'est dessaisi du dossier au profit du Conseil de prud'hommes de Vienne au titre de l'article 47 du code de procédure civile.

M. [M] a été licencié pour motif économique le 13 décembre 2019.

Par jugement du 7 septembre 2020, le Conseil de prud'hommes de Vienne a :

- Jugé que les demandes de M. [M] relatives à l'application des dispositions de l'avenant conventionnel du 3 mai 2016 sont applicables,

- Jugé que l'usage relatif aux versements des primes perçues par M. [M] n'a pas été convenablement dénoncé,

- Jugé que la SAS LE SEYEC a manqué à son obligation loyale dans l'exécution du contrat de travail,

En conséquence,

- Fixé le salaire mensuel brut moyen de M. [M] à la somme de 2 365 euros,

- Condamné la SAS LE SEYEC à verser à M. [M] les sommes suivantes :

' 22 183 euros bruts à titre de rappel de salaire,

' 2 218 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 2 375 euros bruts au titre des rappels de primes,

' 7 000 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

' 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail'). Ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne des salaires des trois derniers mois doit être fixée à la somme de 2 365 euros,

- Ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal au sens des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- Ordonné la remise des bulletins de salaires rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un mois après la notification de la présente décision, et s'est réservé le droit de liquider ladite astreinte,

- Débouté M. [M] du surplus de ses demandes,

- Débouté la SAS LE SEYEC de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS LE SEYEC aux entiers dépens de l'instance.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties et la SAS LE SEYEC en a interjeté appel.

Par conclusions d'appelant en réponse du 6 mai 2022, la SAS LE SEYEC demande de :

- Réformer le jugement en ce qu'il a :

- Dit et jugé que les demandes de M. [M] relatives à l'application des dispositions de l'avenant conventionnel du 3 mai 2016 sont applicables,

- Dit et jugé que l'usage relatif aux versements des primes perçues par M. [M] n'a pas été convenablement dénoncé,

- Dit et jugé que la SAS LE SEYEC a manqué à son obligation loyale dans l'exécution du contrat de travail,

En conséquence,

- Fixé le salaire mensuel brut moyen de M. [M] à la somme de 2 365 euros,

- Condamné la SAS LE SEYEC à verser à M. [M] les sommes suivantes :

' 22 183 euros bruts à titre de rappel de salaire,

' 2 218 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 2 375 euros bruts au titre des rappels de primes,

' 7 000 euros au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

' 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certificat de travail'). Ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne des salaires des trois derniers mois doit être fixée à la somme de 2 365 euros,

- Ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal au sens des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- Ordonné la remise des bulletins de salaires rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un mois après la notification de la présente décision, et s'est réservé le droit de liquider ladite astreinte,

- Débouté M. [M] du surplus de ses demandes,

- Débouté la SAS LE SEYEC de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS LE SEYEC aux entiers dépens de l'instance,

En conséquence,

- Débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes,

- Condamner M. [M] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à tous les dépens.

Par conclusions récapitualtives du 27 avril 2022, M. [M] demande de :

- Confirmer les chefs du jugement du conseil de prud'hommes ayant :

- Dit et jugé que les demandes de M. [M] relatives à l'application des dispositions de l'avenant conventionnel du 3 mai 2016 sont applicables,

- Dit et jugé que l'usage relatif aux versements des primes perçues par M. [M] n'a pas été convenablement dénoncé,

- Dit et jugé que la SAS LE SEYEC a manqué à son obligation loyale dans l'exécution du contrat de travail,

- Fixé le salaire mensuel brut moyen de M. [M] à la somme de 2 365 euros,

- Condamné la SAS LE SEYEC à verser à M. [M] les sommes suivantes :

' 22 183 euros bruts à titre de rappel de salaire,

' 2 218 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 2 375 euros bruts au titre des rappels de primes,

' 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal au sens des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- Ordonné la remise des bulletins de salaires rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un mois après la notification de la présente décision, et s'est réservé le droit de liquider ladite astreinte,

- Condamné la SAS LE SEYEC aux entiers dépens de l'instance,

- Réformer les chefs de jugement en ce qu'ils ont :

- Limité le montant des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat à la somme de 7 000 euros,

- Omis de statuer sur les congés payés afférents au rappel de primes,

Statuer à nouveau sur ces chefs de jugement,

- Condamner la SAS LE SEYEC à lui verser les sommes de':

' 25'000 euros nets de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

' 237 euros au titre des congés payés afférents au rappel de primes,

- Ordonner la capitalisation des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamner en tout état de cause la SAS LE SEYEC à lui payer une indemnité de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la SAS LE SEYEC aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 novembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION':

Sur la convention collective applicable':

Moyens des parties':

M. [M] soutient que les partenaires sociaux de la branche professionnelle du transport ont souhaité par la conclusion d'un accord collectif, prendre en compte la spécificité des salariés exerçant des tâches de logistiques souvent très éloignées de celle du transport (s'occuper de la marchandise avant et après le transport, (c'est-à-dire chargement, déchargement, stockage, préparation, filmage..) et distinctes de celles des chauffeurs routiers dans leurs sujétions et pénibilité. Ils ont ainsi signé un accord collectif le 30 juin 2004 dans le cadre de la convention collective des transports routiers, modifié à plusieurs reprises dont la dernière modification date du 3mai 2016. Cet accord précise que ces dispositions s'appliquent à toutes les entreprises de transport qui emploient du personnel occupant des emplois dans la logistique. Or, l'établissement de [Localité 4] avait une activité de logistique et employait plusieurs salariés affectés à des tâches de logistique dont M. [M], soumettant la SAS LE SEYEC à l'avenant du 30/06/2004 en plus de la convention collective des transports et donc à la grille des salaires de l'avenant de 2004 pour les salariés affectés à des activités de logistique. L'inspecteur du travail ayant confirmé cette application en toute connaissance de cause de la SAS LE SEYEC en copie des échanges de mails.

La SAS LE SEYEC fait valoir que son activité principale est bien celle de transports routiers et non de logistique, que [Localité 4] est un de ses établissements secondaires dont l'activité était les transports routiers de fret interurbains, que l'activité de transport y était largement majoritaire sans stockage durable, sans autonomie puisque l'ensemble de l'entreprise était gérée au siège de Saint-Maire (36), et que l'activité de M. [M] est une activité qui constitue une étape de l'opération de transport prévue par la convention collective des transports. La SAS LE SEYEC soutient que l'inspecteur du travail a confirmé que l'activité principale de l'entreprise définit l'appartenance à la convention collective et que son activité principale est le transport routier, les préparateurs de commandes, caristes et autres coordonnateurs logistiques relevant de la grille ouvrier sédentaires de la convention collective des transports routiers. Il n'existe pas de convention collective propre à l'activité de logistique mais un accord spécifique qui permet de traiter la situation des salariés travaillant dans une entreprise dont l'activité principale est la logistique.

Sur ce,

En application des dispositions de l'article L.2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. En cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables.

Il ressort de l'article 5 de l'avenant du 30 juin 2004 relatif aux conditions spécifiques d'emploi des personnels des entreprises exerçant des activités de prestations logistiques, applicable et entré en vigueur le 1er février 2005 après avoir été étendu, qu'il s'applique dans les entreprises et établissements exerçant «'des activités de prestations logistiques'» (article 1a) aux personnels occupant les emplois spécifiquement définis dans l'annexe 1, dans les entreprises ou établissements entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport défini à l'article 1.1 de la convention collective principale et exerçant les mêmes activités, à leurs personnels occupant les mêmes emplois spécifiques.

Il résulte par ailleurs de l'article 1er de l'arrêté du 22 septembre 2016 portant extension d'un avenant à un accord conclu dans le cadre de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport, que sont rendues obligatoires pour tous les employeurs et tous les salariés des entreprises exerçant des activités de prestations logistiques compris dans le champ d'application de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, les dispositions de l'avenant n°9 du 3 mai 2016 au protocole d'accord du 30 juin 2004 susvisé. L'article 2 de cet arrêté dispose que l'extension des effets et sanctions de l'avenant prend effet à compter de la date de publication de l'arrêté (5 octobre 2016) pour la durée restant à courir et aux conditions prévues par ledit avenant.

Il n'est pas contesté que l'activité principale de la SAS LE SEYEC relève du transport routier et que la convention collective applicable aux contrats de travail des salariés exerçant sur le site de [Localité 4] est la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport.

Toutefois les éléments suivants versés aux débats démontrent, contrairement à ce qui est conclu par l'employeur, que le site de Corba était bien un établissement gérant une activité logistique dans le cadre de l'activité de transport routier :

- De l'organigramme intitulé « organigramme LESEYES logistique 69 corbas'», de l'établissement de [Localité 4] que M. [M] en était le coordinateur,

- Des rapports d'audit du 2 février 2016 et 5 janvier 2018 qui décrivent que «' le site est un site de logistique mono client' Pain Harrys groupe BARILLA » et la «'logistique de marchandise générale': réception, stockage'; préparation de commande, expédition'»,

- Du rapport du directeur du site, M. [O] sur la politique qualité 2017/2018, que «'l'entrepise LE SEYES a su se développer pour devenir un acteur économique reconnu pour sa qualité de service. Le site logistique de [Localité 4], fort d'une équipe de 30 collaborateurs' «', vantant «'la qualité de la prestation logistique'» ,

- De la lettre de licenciement de M. [M] pour motif économique de M. [M] en date du 13 décembre 2019 qui motive l'existence des difficultés économiques en indiquant que «' notre société est une entreprise de transport routier de marchandises qui assure également des missions de logistiques pour certains de ses clients. A ce titre depuis plus de 20 ans, notre société réalise des prestations de stockage et de préparation de commandes pour notre client BARILLA et sa marque Harry's. Preuve de la qualité de notre prestation, les activités logistiques sont également certifiées dans le cadre de l'ISO 9001'; Au cours du second semestre 2017, notre client a décidé de lancer un appel d'offres afin de mettre en concurrence notre société avec d'autres sociétés prestataires. Par mail du 7 février 2018, nous avons été informés que notre partenariat prenait fin le 30 septembre 2018' nous avons dû procéder à la suppression de l'ensemble des postes de la logistique à [Localité 4]''»'; «'l'activité logistique de Barilla représentait''»

Il résulte par ailleurs de l'avis de la DIRRECTE interrogée le 2 février 2017 sur l'application de la grille des salaires au personnel, préparateurs de commandes et caristes du site, que la convention des transports routiers applicables prévoit des grilles différenciées pour les ouvriers sédentaires et les ouvriers roulants et qu'il convient d'appliquer la grille des ouvriers sédentaires, le dernier avenant étant celui du 3 mai 2016 étendu par arrêté du 22 septembre 2016, puis le 8 mars 2017 qui confirme «'grilles sédentaires pour ceux occupés à la logistique et grilles roulants pour les conducteurs'».

Il ressort ainsi de l'ensemble de ces éléments que le site de [Localité 4] de la SAS LE SEYEC exerçait des activités de prestations logistiques et que l'avenant n°9 du 3 mai 2013 au protocole d'accord du 30 juin 2004 étendu par l'arrêté du 22 septembre 2016 s'applique à la relation de travail entre M. [M] et la SAS LE SEYEC par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des fonctions exercées':

Moyens des parties,

M. [M] fait valoir qu'aux termes de sa fiche de poste, il exerçait un poste de «'coordinateur logistique'» qui encadre le personnel logistique, remplace le responsable de dépôt, traite les litiges, prépare la facturation' ce qui correspond à la définition de l'emploi de «'chef d'exploitation logistique'». Sur l'organigramme, il est situé hiérarchiquement au-dessus des responsables réception et responsable expédition, cet emploi correspondant à l'emploi de chef d'exploitation suivant l'accord de 2004 et son avenant de 2006. Il dirigeait une équipe affectée à la logistique dont deux responsables et remplaçait le responsable de l'entrepôt logistique, rédigeait et établissait les procédures logistiques, cet emploi correspondant au minimum au coefficient 200L de la grille conventionnelle au lieu de 150.

La SAS LE SEYEC fait valoir pour sa part que M. [M] était rémunéré au-delà du salaire minimum pour le coefficient 150, le coefficient 200 L qui correspond aux emplois de chef d'exploitation logistique, responsable maintenance d'entrepôt logistique, responsable service client logistique et responsable conditionnement façon, ne correspond pas au travail effectif de M. [M] qui était employé en qualité de coordinateur logistique, technicien de maintenance.

Sur ce,

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

La classification d'un salarié dépend des fonctions effectivement exercées que le juge apprécie.

En l'espèce, il ressort de l'annexe de l'avenant n°9 du 3 mai 2016 au protocole d'accord du 30 juin 2004 relatif aux conditions spécifiques d'emploi des personnels des entreprises exerçant des activités de prestations logistiques, relative aux classifications d'emploi que le coefficient 150 L attribué à M. [M] par la SAS LE SEYEC correspondant dans la grille à un emploi de technicien de maintenance d'entrepôt logistique alors que le coefficient 200 L, correspond aux emplois de chef d'exploitation logistique, responsable maintenance d'entrepôt logistique, responsable service client logistique, responsable conditionnement à façon.

Sur l'organigramme «'LESEYEC LOGISTIQUE 69 [Localité 4]'» mis à jour en 2018 , versé aux débats et non contesté, M. [M] occupe le poste de coordinateur logistique à l'instar de M. [G], tous deux placés, sous l'autorité du responsable dépôt, lui-même placé sous celle du directeur de site. Les responsables réceptions, responsable expédition/inventoriste, et pour M. [M], 3 caristes, 3 préparateurs, , 2 contrôleurs et 3 filmeurs étant placés sous l'autorité'» de M. [M] et M. [G].

Il ressort de la fiche de fonction de coordinateur logistique, versée aux débats que M. [M] est placé sous l'autorité du responsable de dépôt et que ses tâches principales sont dans le domaine technique, l'encadrement du personnel logistique (préparateurs, contrôleurs, cariste, inventoriste), le remplacement du responsable de dépôt lors de ses absences (CP, stages, formations), le suivi des FIFO, de la Casse, des Périmés, le suivi de l'inventaire, le traitement des litiges, la gestion et le suivi des palettes Europe, la gestion des rotations des bennes de déchets et le suivi de la valorisation, le contrôle de la mise en charge des matériels et le rangement du local de charge, la préparation des éléments de facturation'; et dans le domaine réglementaire, le respect de la sécurité, le suivi et le contrôle des EPI (chaussures de sécurité, gants, cuter, vêtements de travail).

Les fonctions ainsi décrites dans la fiche de fonction correspondent manifestement au poste de «'chef d'exploitation logistique'» visé dans l'article 3 bis des accords et avenants des 30 juin 2004 et 2016 susvisés et applicables à la situation de M. [M]. En effet le salarié encadrait le personnel logistique, remplaçait le responsable de l'entrepôt logistique, rédigeait et établissait des procédures de logistique (procédure de validation bon de livraison système SAP client Barilla en octobre 2016), optimisait les moyens matériels et faisait respecter dans le domaine réglementaire, la sécurité.

Il doit donc être fait droit à la demande de reclassification de M. [M] à hauteur du coefficient 200 L en lieu et place du coefficient 150 en application de la convention collective applicable, et donc de condamner la SAS LE SEYEC à lui verser la somme de 22'183 € de rappel de salaire au titre du minimum conventionnel, compte tenu de son ancienneté outre la somme de 2218,30 € de congés payés afférents par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la demande de rappel de primes':

Moyens des parties,

M. [M] sollicite un rappel de primes et fait valoir qu'il percevait trois primes mensuellement y compris lors des absences pour maladie et congés payés, et que le versement de ces primes avait le caractère d'un usage d'entreprise, ou, à tout le moins, d'un engagement unilatéral de l'employeur.

Il soutient que l'employeur a diminué sans justification le montant de ces primes à compter du mois de mars 2016, lors des congés ou des absences pour maladie sans respecter la procédure de modification d'usage d'entreprise identique à la procédure de dénonciation d'un usage (respect d'un délai de préavis suffisant pour que puissent être engagées des négociations, information des représentants du personnel, information individuelle de chacun des salariés concernés)

La SAS LE SEYEC ne conteste pas que M. [M] a bénéficié d'une prime sans autre précision sur le bulletin de salaire tous les mois dont le montant a varié dans le temps et qu'elle n'était pas prévue par son contrat de travail. Seules une prime de qualité et une prime semestrielle étaient prévues dans le contrat sans que leur quantum n'ait été fixé. L'employeur soutient que pour qu'un usage soit créé il est nécessaire que la prime soit fixée dans son montant et qu'une prime variable à chaque versement ne saurait constituer un usage, le caractère de constance exigé, n'étant pas présent s'agissant de la prime litigieuse.

Sur ce,

Il ressort des dispositions de l'article 1353 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé.

Pour être qualifiée d'usage, présenter un caractère obligatoire pour l'employeur et constituer un élément normal et permanent du salaire, la gratification doit réunir trois critères cumulatifs, être constante dans son attribution c'est-à-dire versée un certain nombre de fois'; fixe, c'est-à-dire calculée toujours selon les mêmes modalités même si son montant est variable'; et générale, c'est-à-dire attribuée à l'ensemble du personnel.

Il appartient au salarié qui invoque un usage, de rapporter la preuve de son existence et de son étendue et à l'employeur d'établir que l'avantage ne présente pas les caractéristiques d'un usage. Contrairement à l'usage, la tolérance n'oblige pas l'employeur qui peut à tout moment revenir sur celle-ci.

Il est de principe que la dénonciation d'un usage ou d'un engagement unilatéral doit, pour être régulière, être précédée d'un préavis suffisant pour permettre des négociations et être notifiée, outre aux représentants du personnel, à tous les salariés individuellement s'il s'agit d'une disposition qui leur profite.

A la différence des gratifications établies par l'usage, le caractère obligatoire des primes résultant d'un engagement unilatéral de l'employeur, n'est pas subordonné aux critères de constance, fixité et généralité. L'employeur peut décider d'accorder à ses salariés des avantages supplémentaires en matière de rémunération. S'il peut, en principe déterminer librement les conditions d'attribution de ces avantages, c'est à la condition de le faire de manière précise et objective et de mettre les salariés en mesure de vérifier que ce qui était promis a effectivement été payé. Si l'employeur veut pour l'avenir cesser d'accorder un avantage supplémentaire auquel il s'est engagé unilatéralement, il doit dénoncer son engagement dans les délais et formes requis.

En l'espèce, il est constant que M. [M] a perçu depuis 2014 mensuellement une «'prime de qualité'» et une «'prime litiges'» dont les montants sont invariables (150 €) ainsi qu'une autre prime mensuelle intitulée « prime» dont le montant a pu ponctuellement varier dans le temps sans que cette variation ne soit attachée à ses absences dans l'entreprise pour congés payés ou pour maladie. Il ressort de l'analyse des bulletins de salaire de M. [M] qu'il a perçu très régulièrement depuis 2014, un montant de 300 € au titre de cette prime. Il n'est pas contesté que son collègue, M. [G], qui occupait les mêmes fonctions, a également bénéficié d'une prime du même montant dans la même occurrence. Par conséquent, cette gratification présente les caractères de constance, de fixité et de généralité exigés pour constituer un usage.

Or, il n'est pas contesté que l'employeur a modifié à compter du mois de mars 2016 unilatéralement à la baisse le montant de ces primes sans avoir au préalable dénoncé cet usage conformément aux dispositions susvisées.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré et de condamner l'employeur à verser à M. [M] la somme de 2 375 € de rappel de prime à ce titre.

En application de l'article L. 3141-24 du code du travail, le congé annuel prévu par l'article L.'3141-3 ouvre droit à une indemnité due au salarié au titre des congés payés qui est égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence, proportionnellement à la durée du congé effectivement dû. En tout état de cause, cette indemnité ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.

Toutes les sommes qui sont la contrepartie directe ou indirecte du travail du salarié, et notamment les commissions lorsqu'elles sont liées directement au travail personnel, doivent être inclues dans le calcul de l'indemnité de congés payés.

Cependant, les primes et les gratifications dont le montant n'est pas affecté par la prise du congé annuel sont à exclure de l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés.

Il convient par conséquent de débouter le salarié de sa demande au titre de l'indemnité de congés payés afférents à la prime litigieuse.

Sur la demande au titre de l'exécution fautive du contrat de travail':

Moyens des parties,

M. [M] fait valoir que'la SAS LE SEYEC a commis une faute en refusant de lui verser le salaire conventionnel minimum correspondant aux fonctions qu'il exerçait, et en refusant de lui verser les primes dues. Cette faute constitue un manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, qui lui a causé un préjudice distinct résultant de l'absence de versement des rémunérations qui lui étaient dues. Il expose que cette absence de reconnaissance de sa véritable qualification lui a causé un préjudice moral et lui a fait perdre une chance de reclassement à la suite de la suppression de son poste de travail et donc de conserver un emploi et que ses indemnités de rupture et son indemnisation pôle emploi ont été calculées suivant un salaire erroné et ce préjudice particulier n'est pas réparé par le seul rappel de salaire alloué.

La SAS LE SEYEC fait valoir que'les manquements invoqués par le salarié n'étant pas établis, il ne peut lui être reproché une exécution déloyale du contrat de travail et que le salarié ne démontre l'existence d'aucun préjudice, la demande de dommages et intérêts étant manifestement disproportionnée.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.

Il est constant que la SAS LE SEYEC a commis des manquements à l'exécution de bonne foi du contrat de travail en ne rémunérant pas M. [M] conformément aux dispositions conventionnelles applicables eu égard aux fonctions exercées et en modifiant unilatéralement le montant d'une de ses primes à la baisse.

M. [M] qui allègue l'existence d'un préjudice moral du fait de son sentiment de déclassement professionnel, ne verse toutefois aucun élément permettant de justifier de l'existence et de l'étendue de ce préjudice. Il ne démontre pas non plus que cette «'absence de reconnaissance »'comme conclu, lui aurait fait perdre une chance de reclassement à la suite de la suppression de son poste de travail.

S'il en résulte que les indemnités de rupture et son indemnisation Pôle emploi ont été calculées suivant une rémunération erronée faute de prendre en compte les sommes non versées auxquelles la SAS LE SEYEC est condamnée aux termes du présente arrêt, M. [M] ne produit toutefois aucune pièce ni élément de calcul permettant à la Cour de déterminer le montant de son préjudice exact à ce titre. Il convient par conséquent d'infirmer le jugement déféré à ce titre et de débouter M. [M] de sa dommages et intérêts.

Sur l'anatocisme':

Il résulte des dispositions de l'article 1343- 2 du code civil que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. Il convient de confirmer le jugement déféré s'agissant de la capitalisation des intérêts.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE'la SAS LE SEYEC recevable en son appel,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':

- Jugé que les demandes de M. [M] relatives à l'application des dispositions de l'avenant conventionnel du 3 mai 2016 sont applicables,

- Jugé que l'usage relatif aux versements des primes perçues par M. [M] n'a pas été convenablement dénoncé,

- Jugé que la SAS LE SEYEC a manqué à son obligation loyale dans l'exécution du contrat de travail,

En conséquence,

- Fixé le salaire mensuel brut moyen de M. [M] à la somme de 2 365 euros,

- Condamné la SAS LE SEYEC à verser à M. [M] les sommes suivantes :

' 22 183 euros bruts à titre de rappel de salaire,

' 2 218 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 2 375 euros bruts au titre des rappels de primes,

' 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, sont exécutoires de droit à titre provisoire les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de mettre (bulletins de paie, certificat de travail'). Ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mensualités, étant précisé que la moyenne des salaires des trois derniers mois doit être fixée à la somme de 2 365 euros,

- Ordonné la capitalisation des intérêts au taux légal au sens des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- Ordonné la remise des bulletins de salaires rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un mois après la notification de la présente décision, et s'est réservé le droit de liquider ladite astreinte,

- Débouté M. [M] du surplus de ses demandes,

- Débouté la SAS LE SEYEC de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SAS LE SEYEC aux entiers dépens de l'instance.

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [M] de sa demande au titre de l'indemnité de congés payés afférente à son rappel de prime,

DEBOUTE M. [M] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

CONDAMNE la SAS LE SEYEC aux dépens d'appel,

CONDAMNE la SAS LE SEYEC à payer à M. [M] la somme de 2'500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 20/02851
Date de la décision : 21/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-21;20.02851 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award