C4
N° RG 20/01359
N° Portalis DBVM-V-B7E-KM7T
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL GIBERT-COLPIN
Me Anaïs FAURE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 21 FEVRIER 2023
Appel d'une décision (N° RG 19/00244)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE
en date du 20 mars 2020
suivant déclaration d'appel du 18 mars 2020
APPELANTE :
S.A.R.L. AJC PROPRETE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Sylvie GIBERT de la SELARL GIBERT-COLPIN, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE substituée par Me Elodie SANCHES, avocat au barreau de GRENOBLE,
et par Me Philippe TRUCHE, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,
INTIMEE :
Madame [D] [O]
née le 17 Août 1955 à [Localité 6] (26)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Anaïs FAURE, avocat au barreau de VALENCE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 décembre 2022,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 21 février 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 21 février 2023.
Exposé du litige :
Mme [O] a exercé son activité professionnelle au sein de plusieurs sociétés de nettoyage. Au dernier état, Mme [O] était embauchée à temps partiel en qualité d'agent de service. Elle effectuait son travail sur le site ARCELORMITTAL à [Localité 5] pour la SARL AJC PROPRETE.
Mme [O] a pris sa retraite le 30 septembre 2018.
Mme [O] a saisi le conseil des prud'hommes de [Localité 6], en date du 2 juillet 2019 pour solliciter des rappels de salaire, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et des indemnités de transport.
Par jugement du 20 février 2020, le conseil des prud'hommes de [Localité 6], a :
Condamné la SARL AJC PROPRETE à payer à Mme [O] les sommes suivantes:
659,24 euros bruts à titre de rappel de salaire ;
65,92 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
2 500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
268,47 euros nets au titre de l'indemnité de transport ;
1 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Rappelé l'exécution provisoire de droit en application de l'article R 1454-28 du Code du travail ;
Débouté la SARL AJC PROPRETE de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamné la SARL AJC PROPRETE aux entiers dépens de l'instance.
La décision a été notifiée aux parties et la SARL AJC PROPRETE en a interjeté appel.
Par conclusions du 15 juin 2020, la SARL AJC PROPRETE demande à la cour d'appel de :
Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté la société AJC PROPRETE à l'encontre du jugement du Conseil de prud'hommes de Valence du 20 février 2020.
L'infirmer en toutes ses dispositions
Dire et Juger que la Société AJC PROPRETE n'a pas manqué à ses obligations contractuelles concernant les horaires de travail de Mme [O] ;
Dire et juger de ce fait qu'aucun rappel de salaire et de congés payés afférents n'est dû à Mme [O] ;
Dire et juger qu'il n'y a eu aucune exécution déloyale du contrat de travail et que de ce fait aucun dommage intérêts ne serait être alloué à Mme [O] ;
Dire et juger que le montant de rappel de prime de transport ne peut être supérieur à la somme de 257,94 €euros
Débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes ;
Condamner Mme [O] à payer à la société AJC PROPRETE la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la même aux entiers dépens de l'instance.
Par conclusions en réponse du 31 juillet 2020, Mme [O] demande à la cour d'appel de :
Dire et juger l'appel formé par la SARL AJC PROPRETE recevable mais particulièrement mal fondé
Condamner la société AJC PROPRETE à lui payer à Mme [O] les sommes suivantes:
64,95 heures (0,5 h par jour soit 2,5 h par semaine soit 10,82 par mois) x 6 mois x 10,15 € : 659,24 € bruts
indemnité compensatrice de congés payés y afférents : 65,92 € bruts
dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 5 000 € nets
indemnité de transport de 50 € x 6 mois : 268, 47 € (37, 53 € déjà versés venant en déduction des 300 €)
indemnité sur le fondement de l'article 700 du CPC : 4 000 €.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur le contrat de travail :
Moyens des parties :
Mme [O] soutient que la SARL AJC PROPRETE a procédé à des modifications unilatérales de la durée contractuelle du travail après son transfert .
Elle explique que depuis le 1er mars 2018, son temps de travail était de 24 heures75 hebdomadaires, soit 107,25 heures mensuelles. La société AJC PROPRETE a succédé à la société GSF ORION sur le chantier de SOLUSTIL à compter du 1er avril 2018 et son contrat de travail a été transféré à la SARL AJC PROPRETE après avoir été salariée de l'entreprise GSF ORION de Saint Marcel les [Localité 6]. Elle bénéficiait d'un contrat de travail prévoyant une durée de travail de 15 heures par semaine sur le site de SOLUSTIL à [Localité 5].
Or, depuis la reprise du chantier et du contrat de Mme [O], la société AJC PROPRETE la rémunérait sur la base de 12,5 heures par semaine sur ce chantier sans son accord à la modification de la durée du temps de travail.
La SARL AJC PROPRETE conteste avoir modifié la durée du travail de Mme [O] à la suite de la reprise du marché de la société GSF ORION. Elle affirme que le volume horaires de la salariée a été augmenté juste avant la reprise du marché en collusion avec le précédent employeur, que des anomalies ont été découvertes et qu'il était impossible que la salariée commence l'exécution de son travail à 4 heures du matin sur le site de la société SOLUSTIL puisqu'il lui était impossible de rentrer sur le site, que cette modification des ses horaires entrainait l'exécution d'heures de nuit non prévues dans son contrat de travail liant GSF ORION et SOLUSTIL (tarifs prestation hors heures de nuit) et qu'aune demande de modification n'avait été demandée à SOLUSTIL concernant le marché de nettoyage. De plus, l'alarme du site n'était désactivée par Mme [O] qu'entre 4 heures 45 et 5 heures le matin et l'accès n'est pas possible avant cet horaire. Les attestations versées par la salariée ont été rédigées avant son départ de la SARL AJC PROPRETE en septembre 2018 dans le cadre de la préparation de son dossier évoquant une situation immédiatement conflictuelle.
Sur ce,
Il ressort des dispositions de l'article 1353 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé.
En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [O] a travaillé sur le site de ARCELOMITTAL [Localité 5] dans le cadre de marchés de nettoyage qui se sont succédés. La société GSF ORION a ainsi succédé à la société ACCRO-BAT.
Ainsi, Mme [O] a conclu un avenant à son contrat de travail en date du 1er mars 2012 avec la SARL ACCRO-BAT en qualité d'agent de nettoyage avec une répartition de ses horaires du lundi au vendredi de 6 heures à 8 heures et de 11 heures15 à 13 heures 57. Un avenant a été ensuite conclu avec la société titulaire du marché, la société GSF ORION le 1er avril 2014 pour un moyenne hebdomadaire de 23 heures 45, soit 102,92 heures par mois.
Un second avenant en date du 1er avril 2015 portait sa durée de travail à 107,25 heures par mois réparties entre le site ARCELORMITTAL et le site LEROY MERLIN, Mme [O] exécutant deux heures par jour sur le site de ARCELORMITTAL de 6 à 8 heures du matin.
Par avenant du 1er mars 2018, soit un mois avant la reprise du marché par la SARL AJC PROPRETE, le nombre d'heures de travail de Mme [O] a été maintenu par la société GSF ORION, mais avec une nouvelle répartition entre le site de SOLUSTIL (anciennement ARCELOMITTAL) et LEROY MERLIN, Mme [O] effectuant désormais 3 heures par jour sur le site de SOLUSTIL de 4 à 7 heures du matin.
Il est constant que les dispositions relatives au travail de nuit étaient désormais applicables à la situation de Mme [O] sans que les majorations légalement prévues n'aient été versées à Mme [O] par la société GSF ORION ni réclamées par la salariée.
M. [V], Directeur de site SOLUSTIL [Localité 5] indique par mail qu'il a contacté la société de télé surveillance pour connaitre les heures d'arrêt de l'alarme du site et que depuis le 2 janvier 2018, l'alarme est désactivée tous les jours dans les bureaux par Mme [O] entre 4 heures 45 et 5 heures.
En outre, d'anciens salariés travaillant sur le site, (M. [S], Mme [G], Mme [P]) confirment qu'il n'était pas possible de pénétrer sur le site SOLUSTIL de [Localité 5] (portail et usine fermés) avant 4 heures 45 du matin. M. [L], témoigne également n'avoir pu pénétrer sur le site le 23 août 2018 pour la livraison d'une machine à laver, l'usine et le portail étant fermés jusqu'à 4 heures 45 du matin.
Mme [O] explique qu'elle n'avait pas à désactiver l'alarme en arrivant sur le site puisqu'elle commençait son travail au rez de chaussée des locaux où travaillaient déjà les salariés pour le nettoyage des vestiaires, couloirs et sanitaires et qu'il existait du travail de nuit dans l'usine; toutefois elle produit un descriptif des lieux peu instructif, ne le démontre pas et n'explique pas comment elle pouvait passer le portail fermé jusqu'à 4 heures 45 comme décrit par les témoignages concordants susvisés.
De plus le témoignage de M. [H], chef d'équipe SOLUSTIL, versé par la salariée, qui explique que le portail s'ouvrait automatiquement à 4 heures 30, soit 30 minutes avant le travail posté, confirme le désenclenchement de l'alarme par Mme [O] à 4 heures 45 lors de son arrivée, constaté par le service de surveillance, et infirme son arrivée prétendue à 4 heures.
Les autres attestants déclarent avoir vu Mme [O] vers 4 heures 45 ou de 4 heures 30 à 4 heures 45 de manière vague mais jamais à 4 heures, le portail du site étant manifestement fermé à cette heure avant l'arrivée des équipes de nuit postées.
De plus, il ressort également des différentes attestations versées aux débats par Mme [O] qu'elle quittait le site entre 7 heures et 7 heures 45, induisant un temps de travail de plus de trois heures par jour si comme conclu par Mme [O], elle commençait à 4 heures du matin.
Il ressort ainsi des éléments versés aux débats que Mme [O] était dans l'impossibilité d'embaucher à 4 heures du matin et donc d'effectuer 3 heures de travail par jour, en finissant à 7 heures du matin. Au mieux, elle effectuait 2,5 heures par jour en arrivant à 4 heures 45 et en partant un peu après 7 heures. Or, Mme [O] reconnait avoir été payée 2,5 heures par jour par la SARL AJC PROPRETE.
Il convient par conséquent de juger que l'augmentation du volume horaire de travail opérée en 2018, un mois avant le transfert ne correspondait pas à la réalité du volume horaires effectif de Mme [O] et qu'elle n'a pas effectué trois heures par jour de travail sur le site SOLUSTIL au profit de la SARL AJC PROPRETE. Sa demande de rappel de salaires à ce titre doit être rejetée par voie d'infirmation du jugement déféré.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
Moyens des parties :
Mme [O] soutient que l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail. En effet, elle expose que la société AJC PROPRETE a effectué une dénonciation calomnieuse auprès de l'inspection du travail et qu'elle a subi un préjudice moral, ayant été fortement blessée par le fait que son intégrité soit mise en cause devant l'inspection du travail.
L'employeur conteste l'exécution déloyale du contrat de travail. Elle expose que les arguments développés par Mme [O] sont similaires à ceux évoqués au titre de sa demande de rappel de salaire, qu'elle n'établit nullement l'existence d'un préjudice distinct de celui qu'elle invoque au titre de sa demande de rappel de salaire et que Mme [O] a quitté les effectifs de la Société AJC PROPRETE en date du 30 septembre 2018, soit moins de 6 mois après la reprise du marché.
Sur ce,
Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.
Il n'est pas contesté que la SARL AJC PROPRETE a adressé une copie de son courrier d'avril 2018 adressé à la société GSF ORION à l'inspection du travail.
Toutefois, il ressort du courrier de l'inspection du travail adressé à la SARL AJC PROPRETE en date du 10 août 2018, qu'elle a également été destinataire d'un courrier de Mme [O].
S'il en ressort l'existence d'un différend entre Mme [O] et son nouvel employeur sur le nombre d'heures de travail effectivement accomplies au ragrd de son contrat de travail et que ce conflit ait pu entrainer chez la salariée une inquiétude nécessitant de consulter son médecin, cet état de fait ne constitue pas une exécution déloyale du contrat de travail par la SARL AJC PROPRETE. Il convient de débouter Mme [O] de ses demandes à ce titre par voie d'infirmation du jugement déféré.
Sur l'indemnité de transport:
Moyens des parties :
Mme [O] soutient que la société AJC PROPRETE lui est redevable d'une indemnité de transport. En effet, elle expose qu'une prime de transport était contractuellement prévue dans le contrat de travail du 1er mars 2012 repris par la société GSF en 2014, et que poursuivant le contrat de travail, la société AJC PROPRETE aurait dû continuer de régler une indemnité de transport de 50 € chaque mois à la requérante.
La SARL AJC PROPRETE fait valoir qu'elle a été contrainte en date du 28 septembre 2018, de faire parvenir par lettre recommandée avec accusé de réception une demande à la Société GSF ORION afin que cette dernière lui fasse parvenir le contrat de travail initial de Mme [O] et que Mme [O] n'a en effet perçu de la part de la Société AJC PROPRETE qu'une indemnité de transport habituellement versée à ses salariés, à hauteur de 7,01 euros nets mensuels, restant redevable de la somme de 257,94 €.
Sur ce,
Il est constant que le contrat de travail de Mme [O] prévoyait une indemnité de transport de 50 € par mois et qu'elle n'a perçu que 7,01 € par mois pendant 6 mois (soit 42,06 €) par la SARL AJC PROPRETE. Il convient de condamner la SARL AJC PROPRETE à lui verser la somme de 257,94 € par voie d'infirmation du jugement déféré sur le quantum.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE la SARL AJC PROPRETE recevable en son appel,
INFIRME le jugement déféré,
STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,
CONDAMNE la SARL AJC PROPRETE à payer à Mme [O] la somme de 257,94 € à titre d'indemnité de transport,
DEBOUTE Mme [O] de ses autres demandes,
DEBOUTE la SARL AJC PROPRETE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que chaque partie supportera la charge des frais irrépétibles et dépens qu'elles ont engagé en première instance et en appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,