C4
N° RG 19/04558
N° Portalis
DBVM-V-B7D-KHQC
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL SG AVOCATS CONSEIL
Me Frederic GABET
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 21 FEVRIER 2023
Appel d'une décision (N° RG 18/00550)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de Valence
en date du 07 octobre 2019
suivant déclaration d'appel du 08 novembre 2019
APPELANT :
Monsieur [T] [C]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Sophie ADRIAENS, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Sami GATTOUFI de la SELARL SG AVOCATS CONSEIL, avocat plaidant inscrit au barreau de REIMS,
INTIMES :
Monsieur [B] [X]
né le 03 Février 1982 à [Localité 8],
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Frederic GABET, avocat au barreau de VALENCE,
Association CGEA D'[Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Alexine GRIFFAULT de la SELAS AGIS, avocat au barreau de VIENNE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 décembre 2022,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 21 février 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 21 février 2023.
Exposé du litige :
M. [C] a été embauché par M. [X] en contrat à durée déterminée du 22 septembre 2014 au 19 décembre 2014 en qualité de « monteur réseau » pour motif d'un accroissement temporaire d'activité suite à la mise en place de nouveaux chantiers.
Le contrat a été renouvelé pour une période de 12 mois par avenant en date du 19 décembre 2014 expirant le 18 décembre 2015 aux mêmes conditions que le contrat initial.
Monsieur [C] a donné sa démission par courrier du 3 septembre 2015 réceptionné le 7 septembre 2015 au motif qu'il avait trouvé un travail en contrat à durée indéterminée.
Le 16 mars 2017, le Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère a prononcé le redressement judiciaire de M. [X] et a désigné Maître [G] en qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan.
M. [C] a saisi le Conseil de prud'hommes de Valence, en date du 5 juillet 2017 aux fins de requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, de requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse outre des indemnités.
Par jugement de départage du 7 octobre 2019, le Conseil de prud'hommes de Valence a :
Déclaré prescrite l'action relative au salaire du mois d'août 2015
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère adoptant le plan de continuation
Mis hors de cause le CGEA /AGS d'[Localité 7]
Dit que le salaire de référence et de 1715,54 €
Requalifié le contrat de travail à durée déterminée en date du 22 septembre 2014 en contrat à durée indéterminée
En conséquence
Condamné M. [X] à payer par M. [C] une indemnité de 1715,54 € outre intérêts à compter de la décision
Condamné M. [X] à payer par Monsieur [C] la somme de 1000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Débouté Monsieur [C] de ses demandes de plus en plus contraires, fins et prétentions
Débouté M. [X] de ses demandes de plus en plus contraires, fins et prétentions
Condamné M. [X] aux entiers dépens.
La décision a été notifiée aux parties et M. [C] en a interjeté appel.
Par conclusions N° 3 du 19 avril 2021, M. [C] demande à la cour d'appel de :
Confirmer le Jugement du 7 octobre 2019 en ce que le Conseil de Prud'hommes de VALENCE a :
Requalifié le CDD en CDI,
Condamné M. [X] à payer à M. [C] :
1 715,54 € au titre de l'indemnité de requalification, outre intérêts à compter du jugement
1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
Condamné M. [X] aux entiers dépens,
Infirmer le Jugement du 7 octobre 2019 en ce que le Conseil de Prud'hommes de VALENCE a :
Déclaré prescrite l'action relative au salaire du mois d'août 2015,
Mis hors de cause le CGEA/AGS d'[Localité 7],
Débouté M. [C] de ses demandes plus amples et contraires, fins et prétentions,
Et STATUANT A NOUVEAU :
Dire et juger que l'action relative au paiement du salaire du mois d'août 2015 M. [C] n'était pas prescrite, mais parfaitement recevable,
En conséquence,
Condamner M. [X] à lui payer: 991,66 € au titre du salaire du mois d'août 2015 outre 99,16 € au titre des congés payés y afférent,
Dire et juger que la demande relative au repos compensateur obligatoire n'est ni irrecevable ni prescrite,
Condamner Monsieur [B] [X] à payer à Monsieur [T] [C] :
6 436,46 € bruts au titre des heures supplémentaires effectuées et non réglées,
643,64 € au titre des congés payées y afférent,
2 831,39 € bruts au titre du repos compensateur obligatoire,
283,14 € bruts au titre des congés payés y afférent, Dire et Juger10 293,24 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,
Analyser la démission en une prise d'acte de la rupture du contrat,
Dire et juger que la prise d'acte de la rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
Condamner M. [X] à payer les sommes suivantes :
7000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 715,54 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
171,55 € au titre des congés payés y afférent,
Condamner Monsieur [B] [X] à payer 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner Monsieur [B] [X] aux entiers dépens en ce compris les frais, d'exécution, et notamment les frais d'huissier engagés au titre de l'exécution forcée du Jugement du 7 octobre 2019, pour 760,94 € TTC,
Condamner l'employeur au paiement des intérêts de retard pour les sommes à caractère salarial à compter du courrier de réclamation du 14 septembre 2015,
Condamner l'employeur au paiement des intérêts de retard pour les sommes à caractère indemnitaire à compter du prononcé de la décision,
Ordonner la remise des bulletins de salaires et de l'ensemble de ses documents de fin de contrat rectifiés conformément à l'arrêt, sous astreinte de 100 € par jour de retard et par document à compter de la décision à intervenir, la Cour se réservant la faculté de liquider l'astreinte.
Par conclusions en date du 29 avril 2021, M. [X] demande à la cour d'appel de :
In limine litis,
Déclarer irrecevables car formulées pour la première fois en cause d'appel les demandes de Mr [C] tendant au paiement de 2 831,39 euros bruts au titre du repos compensateur obligatoire et de 283,14 euros au titre des congés payés y afférent ;
Subsidiairement, si la Cour y faisait droit, Juger ces demandes en paiement prescrites ;
Très subsidiairement, si la Cour jugeait que les demandes en paiement n'étaient pas prescrites
Débouter M. [C] de ses demandes en paiement ;
Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
Déclaré prescrite l'action relative au paiement du salaire d'août 2015 ;
Dit que le salaire de référence est de 1 715,54 € ;
Débouté Mr [C] de ses demandes plus amples et contraires, fins et prétentions ;
Infirmer le jugement en ce qu'il a :
Requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée
indéterminée ;
Condamné Mr [X] à payer à Mr [C] une indemnité de 1 715,54 €
outre intérêts à compter de la présente décision ;
Condamné Mr [X] à payer à Mr [C] 1 000 € au titre de l'article
700 du CPC ;
Condamné Mr [X] aux entiers dépens de l'instance ;
Et statuant de nouveau :
Débouter M. [C] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Le Condamner à verser à M. [X] :
10 000 € en réparation du préjudice subi ;
5 000 € au titre de l'article 700 du CPC.
« Condamner M. [C] aux entiers dépens de l'instance »
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 janvier 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles en cause d'appel :
Moyens des parties :
M. [X] soutient que, s'agissant de la demande de M. [C], à ce que lui soient versées des sommes au titre du repos compensateur obligatoire et le salaire du mois d'août 2015, celles-ci sont formulées pour la première fois en cause d'appel et sont donc irrecevables.
M. [C] conclut pour sa part, que ces demandes pouvaient être formulées par voie de conclusions en appel car elles constituent des demandes additionnelles ayant un lien suffisant avec les demandes visées par la requête initiale devant le Conseil des prud'hommes en application de l'article 70 du code de procédure civile, que cette demande nouvelle est relative à l'exécution du contrat de travail et présente un lien direct avec la demande au titre des heures supplémentaires impayées.
L'AGS CGEA d'[Localité 7] s'en rapporte aux observations de M. [X] quant à l'irrecevabilité des nouvelles demandes présentées.
Sur ce,
Les articles 564 du code de procédure civile et suivants disposent qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, il ressort des demandes de M. [C] devant le Conseil des prud'hommes qu'il a sollicité par requête du 5 juillet 2017 le paiement de rappel de salaires au titre d'heures supplémentaires et les congés payés afférents, mais qu'il n'a pas demandé de sommes au titre du repos compensateur obligatoire relatif aux heures supplémentaires alléguées et les congés y payés afférents.
Toutefois il convient de constater que ces demandes en cause d'appel tendent aux mêmes fins que les demandes de première instance, à savoir le paiement des sommes dues lors de la réalisation d'heures supplémentaires alléguées, même si leur fondement juridique est différent. Il y a donc lieu de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée à ce titre.
Sur l'irrecevabilité tirée de la prescription des demandes en paiement des repos compensateurs pour les années 2014 et 2015 et du salaire du mois d'août 2015 :
Moyens des parties :
M. [X] soulève la prescription des demandes au titre du repos compensateur obligatoire pour les années 2014 et 2015, le contrat de travail ayant pris fin le 8 septembre 2015 et le salarié ayant saisi le conseil des prud'hommes le 26 juin 2017 sans formuler de demandes à ce titre avant l'appel.
M. [X] soulève également la prescription de la demande de paiement du salaire du mois d'août 2015, demande formulée pour la première fois à l'audience de plaidoirie du 5 février 2019 devant le Conseil de prud'hommes alors que le contrat de travail de M. [C] a pris fin le 8 septembre 2015 et qu'il a saisi le Conseil de prud'hommes par requête du 26 juin 2017.
M. [C] soutient pour sa part qu'il a saisi le Conseil de prud'hommes de Valence le 5 juillet 2017 et que sa demande en justice a donc valablement interrompu le délai de prescription pour toutes les demandes découlant de son contrat de travail qui a été rompu le 8 septembre 2015. La demande est en lien direct avec son contrat de travail duquel découlent ses prétentions originaires. Dès lors ses demandes ne sont pas prescrites.
L'AGS CGEA d'[Localité 7] s'en rapporte aux observations de M. [X] quant à l'irrecevabilité des demandes présentées.
Sur ce,
Aux termes des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Il ressort du jugement déféré que le premier juge, a valablement jugé que la saisine par M. [C] de la juridiction prud'homale le 5 juillet 2017 n'a pas interrompu la prescription de ses demandes en paiement du salaire du mois d'août 2015 et de l'indemnité compensatrice de préavis, formulées pour la première fois lors de l'audience de plaidoirie du 5 février 2019, et sans lien suffisant avec ses demandes initiales, ces demandes étant donc prescrites.
La demande, intervenue pour la première fois en appel (conclusions du 10 février 2020), relative au paiement d'un rappel de salaire au titre du repos compensateur obligatoire et aux congés payés afférents pour les heures supplémentaires réalisées pour les années 2014 et 2015 est également prescrite.
Sur la mise hors de cause de l'AGS CGEA d'[Localité 7] :
Moyens des parties :
L'AGS CGEA d'[Localité 7] soutient que lors de la saisine du Conseil de prud'hommes par M. [C] le 6 juillet 2017, M. [X] bénéficiait d'un plan de redressement depuis le 17 février 2017 sans qu'une nouvelle procédure collective ait été ouverte. Il était donc déjà in bonis lors de la saisine du Conseil de prud'hommes, sa mise en cause n'étant donc pas justifiée et M. [X] respecte son plan de redressement et est donc en possession des fonds permettant de régler sa créance. Subsidiairement elle soulève le principe de subsidiarité de sa garantie.
M. [C] conteste la mise hors de cause de l'AGS CGEA d'[Localité 7] sur le fondement d'un arrêt de la cour de cassation du 7 avril 2016.
Sur ce,
Il résulte des articles L. 625-3 du code de commerce et L. 3253-8, alinéa 1, 1°, du code du travail que les sommes dues par l'employeur en raison de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après l'adoption d'un plan de redressement, qu'il soit par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective et que l'assurance des salariés contre le risque de non-paiement en cas de redressement ou de liquidation judiciaire couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Dès lors, l'AGS-CGEA ne peut, au motif que, comme en l'espèce, le plan de continuation de l'employeur, M. [X] a été arrêté par le Tribunal de commerce (17 février 2017) avant la saisine du Conseil de prud'hommes par le salarié (6 juillet 2017), refuser sa garantie par voie d'infirmation du jugement déféré.
Toutefois, l'obligation ainsi rappelée à la charge de l'AGS de faire l'avance des sommes éventuellement allouées à M. [C] ne pourra s'exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l'absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement conformément au principe de subsidiarité de la garantie de l'UNEDIC.
Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :
Moyens des parties :
M. [C] soutient que les contrats à durée déterminée doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée puisque le contrat à durée déterminée du 22 septembre 2014, motivé par un surcroît temporaire d'activité dû à la mise en place de nouveaux chantiers, s'inscrit en réalité dans le cadre de l'activité normale et habituelle de l'entreprise. Le fait qu'il ait été renouvelé pour un an en étant d'ailleurs la preuve. Il a par ailleurs été embauché le 22 septembre 2014, soit plus de sept mois après la conclusion du premier contrat de sous-traitance. Par ailleurs l'attribution d'un marché à l'employeur ne peut constituer une tâche occasionnelle mais s'inscrit au contraire dans le cas de l'activité normale et durable de l'entreprise.
M. [X] fait valoir pour sa part que son activité dans la fibre optique et sa réalisation en sous-traitance, le soumet aux règles des marchés et de leur obtention, l'embauche de M. [C] ayant été motivée par l'attribution d'un marché qui nécessitait une deuxième équipe de travail sur les chantiers. Ces marchés ont une certaine durée mais toujours un terme et qu'il s'agit donc bien d'un accroissement temporaire de son activité lié à l'exécution du marché et à la surcharge de travail que cela entraine. Il travaillait régulièrement avec la société EIFFAGE et savait qu'il avait toutes les chances d'obtenir le chantier, mais entre le dépôt de candidature et l'attribution du marché, il s'écoule plusieurs mois et les négociations sont longues. Ainsi M. [C] a été embauché en prévision de l'obtention de ces futurs marchés.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
L'article L. 1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).
Selon l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.
En l'espèce, il est constant que M. [C] a été embauché en contrat à durée déterminée à temps complet du 22 septembre 2014 au 19 décembre 2014 « en conséquence d'un surcroît d'activité dû à la mise en place de nouveaux chantiers », puis par avenant pour le même motif et aux mêmes conditions du 20 décembre 2014 au 18 décembre 2015.
L'employeur verse aux débats pour justifier de son accroissement d'activité, deux contrats de sous-traitance, le premier en date du 11 février 2014 pour des travaux du 1/01/2014 au 31/12/2014 et le second en date du 17/04/2015 pour des travaux du 20/04/2015 au 31/03/2016.
Il en ressort que M. [C] a été embauché pour son premier contrat à durée déterminée plus de 7 mois après le début du premier chantier, puis renouvelé en contrat à durée déterminée 4 mois avant le début du second marché, qui s'est terminé trois mois après la fin de son second contrat de travail.
M. [X] ne justifie ni des raisons présidant aux discordances des dates susvisées, se contentant de conclure de manière générale au temps nécessaire aux négociations lors de l'attribution des marchés, ni de la nécessité de créer une deuxième équipe.
Au surplus, l'attribution de nouveaux chantiers procède de l'activité normale et permanente de l'entreprise sous-traitante d'installation en matière de fibres optiques.
Il convient par conséquent de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
Il convient de fixer au passif de la procédure collective de M. [C] la somme de 1 715,54 € d'indemnité de requalification par voie d'infirmation du jugement déféré.
Sur la rupture du contrat de travail :
Moyens des parties :
M. [C] soutient que sa démission constitue en réalité une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il fait valoir qu'il a exposé dans son courrier le différend existant relatif au paiement d'heures supplémentaires (temps de trajet) et qu'il a contesté rapidement cette démission la rendant équivoque.
Il fait également valoir que l'employeur a commis des manquements suffisamment graves pour que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse en ne lui rémunérant pas son temps de transport entre l'entreprise et les chantiers comme du travail effectif et en ne lui réglant pas ses heures supplémentaires et le repos compensateur quand elles vont au-delà du contingent annuel défini.
M. [X] soutient pour sa part que la lettre de démission de M. [C] est claire et dénuée d'ambiguïté à savoir l'obtention d'un contrat à durée indéterminée et qu'il n'y a pas lieu de la requalifier de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail. De plus la lettre du 14 septembre 2015 invoquée dans laquelle le salarié réclame une rémunération de son temps de trajet ne remet pas en cause la démission mais au contraire conditionne l'exécution de son préavis au règlement des heures supplémentaires afférentes au trajet.
M. [X] soutient également qu'il n'a commis aucun manquement ou manquement grave pouvant justifier qu'une prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse puisque le temps de trajet entre l'entreprise et le chantiers ne constituent pas du temps de travail effectif en application de la convention collective et n'ouvrait donc pas droit au paiement d' heures supplémentaires.
Sur ce,
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Elle doit être librement consentie et le consentement du salarié ne doit pas être vicié. A défaut, la démission est nulle et la rupture du contrat de travail s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il appartient au salarié d'apporter la preuve que son consentement a été vicié.
Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d'une démission.
Il est constant que M. [C] a adressé à son employeur un courrier recommandé avec avis de réception distribuée datée du 3 septembre 2015 comme suit : « Monsieur le directeur,
Conformément aux dispositions de l'article L. 1243 ' 1 du code du travail, je vous informe que j'ai trouvé un emploi à contrat à durée indéterminée.
Le contrat de travail CDD conclu le 22 septembre 2014 au 19 décembre 2014 et prolongé par la suite sous une autre forme de CDD, qui devait se terminer décembre 2015, sera donc rompu à partir du lundi 7 septembre 2015.
Je souhaite bien entendu, ne pas respecter le préavis que cela impacte mon embauche en CDI'. »
Il ressort clairement et de façon non équivoque, le salarié visant par ailleurs les dispositions de l'article L. 1243 ' 1 du code du travail, qu'il démissionne afin de pouvoir bénéficier d'un contrat à durée indéterminée et qu'il sollicite de M. [X] de ne pas exécuter de préavis.
Il ne résulte pas du courrier adressé par le salarié à l'employeur par la suite le 14 septembre 2015, la rétractation de sa démission du 3 septembre 2015 mais la demande faite en contrepartie de l'exécution de son préavis, du paiement par l'employeur d'heures supplémentaires liées à des temps de trajet.
Il convient par conséquent par voie de confirmation du jugement déféré, de juger que la rupture du contrat de travail par M. [C] doit produire les effets d'une démission et de le débouter de l'ensemble de l'ensemble de ses demandes à ce titre.
Sur la demande reconventionnelle de M. [X] :
Moyens des parties :
M. [X] demande des dommages et intérêts à l'encontre de M. [C] et allègue que son départ précipité et imprévu de l'entreprise l'a contraint à supprimer une de ses équipes qu'il faisait travailler et a entrainé une perte de son chiffre d'affaires de 20 000 € par mois entrainant son redressement judiciaire qu'il a très mal vécu dans le cadre de sa petite entreprise familiale en son nom personnel. Il explique que M. [C] a été embauché en contrat à durée indéterminée après son départ puis a monté sa propre entreprise et a déposé le bilan moins d'un an après, puis a décidé 4 mois après, de faire des demandes à son encontre.
M. [C] conteste cette demande de dommages et intérêts et soutient que M. [X] ne démontre pas le lien de causalité entre son départ et la situation difficile de l'entreprise et qu'il n'occupait que des fonctions de monteur réseau et non de cadre.
Sur ce,
Il doit être noté que M. [X] ne fonde sa demande de dommages et intérêts sur aucun moyen de droit.
Vu les dispositions de l'article 1290 du code civil,
Faute de verser des éléments notamment comptables justifiant d'un lien de causalité entre la démission sans préavis de M. [C] et la situation économique de l'entreprise ni la réalité du préjudice prétendument subi, M. [X] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts par voie de confirmation du jugement déféré.
Sur la procédure collective en cours :
Il résulte des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
En conséquence, les sommes susvisées seront fixées au passif du redressement judiciaire de M. [X].
Sur la garantie de l'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 7] :
L'UNEDIC délégation AGS CGEA d'[Localité 7] devra sa garantie à M. [C] dans les conditions des articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail, comme indiqué au présent dispositif, dès lors qu'il s'agit de créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective nonobstant l'adoption d'un plan de redressement et de continuation.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE M. [C] recevable en son appel,
REJETTE l'exception d'irrecevabilité soulevée par M. [X] relative aux demandes nouvelles en cause d'appel,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
Déclaré prescrite l'action relative au salaire du mois d'août 2015
Dit que le salaire de référence et de 1715,54 €
Requalifié le contrat de travail à durée déterminée en date du 22 septembre 2014 en contrat à durée indéterminée
En conséquence
Débouté Monsieur [C] de ses demandes de plus en plus contraires, fins et prétentions
Débouté M. [X] de ses demandes de plus en plus contraires, fins et prétentions.
L'INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,
Y ajoutant,
DECLARE prescrite la demande de rappel de salaire au titre du repos compensateur obligatoire et aux congés payés afférents pour les heures supplémentaires réalisées pour les années 2014 et 2015,
DIT qu'il y a lieu de fixer la somme de 1 715,54 € d'indemnité de requalification au passif de la procédure de redressement judiciaire,
DIT que sera fixée au passif du redressement judiciaire de M. [X] la somme 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance,
DIT que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés du redressement judiciaire de M. [X],
DIT que le présent arrêt est opposable à l'AGS représentée par l'AGS-CGEA d'[Localité 7] et qu'elle doit sa garantie dans les conditions définies par l'article L.3253-8 du code du travail dans la limite des plafonds légaux,
DIT que l'obligation de l'AGS de faire l'avance des sommes allouées à M. [C] devra couvrir la totalité des sommes allouées à l'exception de la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que son obligation de faire l'avance des sommes allouées à M. [C] ne pourra s'exécuter que sur justification par le mandataire judiciaire de l'absence de fonds disponibles pour procéder à leur paiement,
DIT que chaque partie supportera la charge des frais irrépétibles qu'elles ont engagés en cause d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,