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02/02/2023 | FRANCE | N°21/01558

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 02 février 2023, 21/01558


C 9



N° RG 21/01558



N° Portalis DBVM-V-B7F-KZ4S



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL ALTER AVOCAT



la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKERr>
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 02 FEVRIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 19/00438)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 08 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 02 avril 2021





APPELANTE :



Madame [E] [C]

née le 31 Mai 1961 à [Localité 8] (PORTUGAL)

de ...

C 9

N° RG 21/01558

N° Portalis DBVM-V-B7F-KZ4S

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL ALTER AVOCAT

la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 02 FEVRIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 19/00438)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 08 mars 2021

suivant déclaration d'appel du 02 avril 2021

APPELANTE :

Madame [E] [C]

née le 31 Mai 1961 à [Localité 8] (PORTUGAL)

de nationalité Portugaise

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Pierre JANOT de la SELARL ALTER AVOCAT, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Amélie CHAUVIN, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S. SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE en son établissement de MOIRANS sis [Adresse 9], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 novembre 2022,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 02 février 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 02 février 2023.

EXPOSE DU LITIGE':

Mme [E] [C], née le 31 mai 1961, a été embauchée en date du 1er décembre 2007 par contrat à durée indéterminée, en qualité d'opératrice montage secteur NT, niveau 2 échelon 2 coefficient 180 de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne, par la société Schneider Electric France.

Elle a été affectée au sein de l'établissement [6] à [Localité 7], dans l'équipe du matin.

A compter du 28 janvier 2008, elle a travaillé en équipe jusqu'au 30 avril 2008. Les parties ont régularisé un avenant de prolongation jusqu'au 18 juillet 2008. Un avenant a ensuite été signé pour un passage en équipe de nuit du 25 août 2008 au 31 octobre 2008.

La salariée est restée par la suite en équipe de nuit.

Au terme de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle brute était de 2 386,00 euros.

Le 18 septembre 2013, alors qu'elle assemblait des pièces et qu'elle a forcé pour les assembler, Mme [E] [C] a été victime d'un accident du travail en raison d'une inflammation de son épaule droite.

Elle a été placée en arrêt maladie.

En date du 28 janvier 2014, le médecin du travail l'a déclarée «'Apte à une reprise à mi-temps 50% tous les jours, uniquement sur «'les socles'» pendant un mois'».

Le 27 avril 2015, Mme [E] [C] a été en arrêt de travail pour «'rechute'» dans le cadre de son accident du travail du 18 septembre 2013 et ce jusqu'au 28 février 2016, faisant l'objet dans l'intervalle d'une intervention chirurgicale.

En date du 1er mars 2016, le médecin du travail a rendu l'avis suivant': «'Apte avec aménagement': temps partiel thérapeutique. Travail pour l'instant uniquement aux socles et poignées'».

Le 28 juin 2016, Mme [E] [C] a ressenti des scapulalgies droites importantes, ladite pathologie ayant été prise en charge comme une rechute de l'accident du travail du 18 septembre 2013, selon décision de la CPAM de l'Isère du 26 août 2016, étant pour autant relevé que selon expertise en date du 28 novembre 2016, au visa de l'article L 141-1 du code de la sécurité sociale, le Dr [S] a conclu qu'à la date du 01 juin 2016, Mme [C] n'était pas consolidée des lésions de son accident du travail du 18 septembre 2013. Elle a été opérée le 19 octobre 2016.

Mme [C] a été en arrêt de travail jusqu'au 04 février 2018.

Elle a repris le 05 février 2018.

Le 20 février 2018, le médecin du travail a délivré un avis d'aptitude sous réserve d'une reprise à mi-temps thérapeutique le matin, sur les postes définis.

Mme [E] [C] a été placée en arrêt de travail à compter du 1er juin jusqu'au 15 décembre 2018.

En date du 18 décembre 2018, le médecin du travail a rendu l'avis suivant': «'Inaptitude à tout poste de montage assemblage. Serait apte à un poste sans gestuelle avec efforts, port de charges et gestes répétés, de type administratif'».

Par courrier en date du 19 décembre 2018, la société Schneider Electric France a informé Mme [E] [C] qu'elle procédait à des recherches de reclassement.

Par courrier en date du 1er février 2019, Mme [E] [C] a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement fixé le 12 février 2019 par la société Schneider Electric France, qui l'informait de l'impossibilité d'un reclassement.

Par lettre en date du 19 février 2019, la société Schneider Electric France a notifié à Mme [E] [C] son licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle et impossibilité de reclassement.

Par requête en date du 21 mai 2019, Mme [E] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble afin de contester le caractère réel et sérieux de son licenciement en invoquant le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et à l'obligation de reclassement.

La société Schneider Electric France s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 8 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble, statuant en formation de départage, a':

- constaté que la société Schneider Electric France a manqué à son obligation de sécurité vis-à-vis de Mme [E] [C],

- condamné la société Schneider Electric France à verser à Mme [E] [C] la somme de 5'000,00 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouté Mme [E] [C] de sa demande formée au titre du non-respect de l'obligation de reclassement par la société Schneider Electric France';

- condamné la société Schneider Electric France à verser à Mme [E] [C] la somme de 1'500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Schneider Electric France au paiement des entiers dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signé le 16 mars 2021 pour Mme [C] et tamponné le 10 mars 2021 pour la société Schneider Electric France.

En date du 23 mars 2021, Mme [E] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble d'une requête en omission de statuer sur l'existence ou non d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Par déclaration en date du 2 avril 2021, Mme [E] [C] a interjeté appel à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 8 mars 2021.

Par jugement en date du 28 juin 2021, le juge départiteur a rappelé l'effet dévolutif de l'appel et constaté le dessaisissement du conseil de prud'hommes de Grenoble au profit de la cour d'appel de Grenoble, laissant les dépens à la charge de Mme [E] [C].

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 18 octobre 2022, Mme [E] [C] sollicite de la cour de':

Vu les articles L. 4121-1, L. 1226-15 et L. 1235-3-1 du code du travail

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a constaté que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [E] [C];

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Schneider Electric France à verser à Mme [E] [C] 5 000€ à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité;

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Schneider Electric France à verser à Mme [E] [C] 1 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Réformer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Mme [E] [C] de sa demande au titre de la violation de l'obligation de reclassement par la société Schneider Electric France ;

Dire et juger que le juge départiteur a omis de statuer sur la demande d'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour inaptitude en raison de la violation de l'obligation de sécurité';

En conséquence, statuant à nouveau

Dire et juger que le licenciement de Mme [E] [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de la société Schneider Electric France à son obligation de reclassement ;

Dire et juger que le licenciement de Mme [E] [C] est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de la société Schneider Electric France à son obligation de sécurité ;

Par conséquent,

Condamner la société Schneider Electric France à lui verser les sommes suivantes :

-26 246€ (11 mois de salaire) au titre de l'indemnité de l'article L. 1235-3 du code du travail pour le préjudice lié à la perte injustifiée de son emploi ;

-15'000 € à titre de dommages-intérêts de la perte de qualité de vie consécutive au licenciement';

-2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.

Et aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 28 octobre 2022, la société Schneider Electric France sollicite de la cour de':

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [E] [C] de sa demande formée au titre du non-respect de l'obligation de reclassement par la société Schneider Electric France,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [E] [C] de ses demandes tendant à voir considérer son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

-Constaté que la société Schneider Electric France a manqué à son obligation de sécurité vis-à-vis de Mme [E] [C];

-Condamné la société Schneider Electric France à verser à Mme [E] [C] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts ;

-Condamné la société Schneider Electric France à verser à Mme [E] [C] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamné la société Schneider Electric France au paiement des entiers dépens ;

Et statuant à nouveau,

Dire et juger que la société Schneider Electric France a satisfait à son obligation de sécurité,

Dire et juger que la société Mme [E] [C] a satisfait à son obligation de reclassement.

Dire et juger que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Mme [E] [C] est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

Débouter Mme [E] [C] de l'intégralité de ses demandes,

Condamner Mme [E] [C] à payer à la société Schneider Electric France la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner Mme [E] [C] aux entiers dépens.

A titre subsidiaire,

Déclarer irrecevable la demande formée par Mme [E] [C] au titre de la perte de qualité de vie, et, en tout état de cause, la Juger injustifiée et débouter Mme [E] [C],

Limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 6.343,95 € bruts et en tout état de cause à la somme de 22.203,83 € bruts.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 novembre 2022.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 30 novembre 2022.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur le manquement à l'obligation de sécurité et l'inaptitude provoquée':

D'une première part, l'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

D'une seconde part, l'article L4121-1 du code du travail énonce que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et (version avant le 24 septembre 2017': de la pénibilité au travail) (version ultérieure au 24 septembre 2017': y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1);

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L4121-2 du code du travail prévoit que :

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'article L 4121-3 du même code dispose que :

L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

L'article R4121-1 du code du travail précise que :

L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3.

Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.

L'article R4121-2 du même code prévoit que :

La mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée :

1° Au moins chaque année ;

2° Lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, au sens de l'article L. 4612-8 ;

3° Lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail est recueillie.

L'article R4121-4 du code du travail prévoit que :

Le document unique d'évaluation des risques est tenu à la disposition :

1° Des travailleurs ;

(version avant le 1er janvier 2018': 2° Des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou des instances qui en tiennent lieu) ; (version après le 1er janvier 2018': 2° Des membres de la délégation du personnel du comité social et économique)

3° Des délégués du personnel ;

4° Du médecin du travail ;

5° Des agents de l'inspection du travail ;

6° Des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ;

7° Des agents des organismes professionnels de santé, de sécurité et des conditions de travail mentionnés à l'article L. 4643-1 ;

8° Des inspecteurs de la radioprotection mentionnés à l'article L. 1333-17 du code de la santé publique et des agents mentionnés à l'article L. 1333-18 du même code, en ce qui concerne les résultats des évaluations liées à l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, pour les installations et activités dont ils ont respectivement la charge.

Un avis indiquant les modalités d'accès des travailleurs au document unique est affiché à une place convenable et aisément accessible dans les lieux de travail. Dans les entreprises ou établissements dotés d'un règlement intérieur, cet avis est affiché au même emplacement que celui réservé au règlement intérieur.

D'une troisième part, l'article R4541-1 du code du travail dispose que':

Les dispositions du présent chapitre s'appliquent à toutes les manutentions dites manuelles comportant des risques, notamment dorso-lombaires, pour les travailleurs en raison des caractéristiques de la charge ou des conditions ergonomiques défavorables.

L'article R4541-2 du même code prévoit que':

On entend par manutention manuelle, toute opération de transport ou de soutien d'une charge, dont le levage, la pose, la poussée, la traction, le port ou le déplacement, qui exige l'effort physique d'un ou de plusieurs travailleurs.

L'article R4541-3 du même code énonce que':

L'employeur prend les mesures d'organisation appropriées ou utilise les moyens appropriés, et notamment les équipements mécaniques, afin d'éviter le recours à la manutention manuelle de charges par les travailleurs.

L'article R4541-4 du code du travail prévoit que':

Lorsque la nécessité d'une manutention manuelle de charges ne peut être évitée, notamment en raison de la configuration des lieux où cette manutention est réalisée, l'employeur prend les mesures d'organisation appropriées ou met à la disposition des travailleurs les moyens adaptés, si nécessaire en combinant leurs effets, de façon à limiter l'effort physique et à réduire le risque encouru lors de cette opération.

L'article R4541-5 du même code dispose que':

Lorsque la manutention manuelle ne peut pas être évitée, l'employeur :

1° Evalue les risques que font encourir les opérations de manutention pour la santé et la sécurité des travailleurs ;

2° Organise les postes de travail de façon à éviter ou à réduire les risques, notamment dorso-lombaires, en mettant en particulier à la disposition des travailleurs des aides mécaniques ou, à défaut de pouvoir les mettre en 'uvre, les accessoires de préhension propres à rendre leur tâche plus sûre et moins pénible.

L'article R4541-6 du code du travail dispose que':

Pour l'évaluation des risques et l'organisation des postes de travail, l'employeur tient compte :

1° Des caractéristiques de la charge, de l'effort physique requis, des caractéristiques du milieu de travail et des exigences de l'activité ;

2° Des facteurs individuels de risque, définis par arrêté conjoint des ministres chargés du travail et de l'agriculture.

L'article R4541-7 du même code dispose que':

L'employeur veille à ce que les travailleurs reçoivent des indications estimatives et, chaque fois que possible, des informations précises sur le poids de la charge et sur la position de son centre de gravité ou de son côté le plus lourd lorsque la charge est placée de façon excentrée dans un emballage.

L'article R4541-8 du code du travail prévoit que':

L'employeur fait bénéficier les travailleurs dont l'activité comporte des manutentions manuelles:

1° D'une information sur les risques qu'ils encourent lorsque les activités ne sont pas exécutées d'une manière techniquement correcte, en tenant compte des facteurs individuels de risque définis par l'arrêté prévu à l'article R. 4541-6 ;

2° D'une formation adéquate à la sécurité relative à l'exécution de ces opérations. Au cours de cette formation, essentiellement à caractère pratique, les travailleurs sont informés sur les gestes et postures à adopter pour accomplir en sécurité les manutentions manuelles.

L'article R4541-9 du code du travail dispose que':

Lorsque le recours à la manutention manuelle est inévitable et que les aides mécaniques prévues au 2° de l'article R. 4541-5 ne peuvent pas être mises en 'uvre, un travailleur ne peut être admis à porter d'une façon habituelle des charges supérieures à 55 kilogrammes qu'à condition d'y avoir été reconnu apte par le médecin du travail, sans que ces charges puissent être supérieures à 105 kilogrammes.

Toutefois, les femmes ne sont pas autorisées à porter des charges supérieures à 25 kilogrammes ou à transporter des charges à l'aide d'une brouette supérieures à 40 kilogrammes, brouette comprise.

L'article R4541-10 du code du travail indique que':

L'expéditeur de tout colis ou objet pesant 1 000 kilogrammes ou plus de poids brut destiné à être transporté par mer ou voie navigable intérieure porte, sur le colis, l'indication de son poids marquée à l'extérieur de façon claire et durable.

Dans les cas exceptionnels où il est difficile de déterminer le poids exact, le poids marqué peut être un poids maximum établi d'après le volume et la nature du colis.

A défaut de l'expéditeur, cette obligation incombe au mandataire chargé par lui de l'expédition du colis.

D'une quatrième part, le licenciement pour inaptitude définitive causée par un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, avant l'accident du travail du 18 septembre 2013 à l'issue duquel Mme [C] a souffert d'une lésion à l'épaule lors de l'assemblage de pièces, il ressort du document unique d'évaluation des risques professionnels, actualisé à la date des 01 mars et 07 juin 2013 dans les blocs NW PF mais avec une date de mise à jour des niveaux au 22 juin 2012, que s'agissant des facteurs de risques «13.'gestuelle et déplacements au poste de travail'» et «14.'manutention manuelle'», la gravité des risques est qualifiée, en synthèse, de substantielle.

Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, il avait été identifié un risque modéré sur la gestuelle et les efforts de vissage répétés sur la journée mais un risque substantiel pour la prise de pièces sur étagères à tous les postes non ergonomiques en raison du lieu de stockage trop haut ou trop loin.

Aucune action n'a été pour autant proposée et encore moins menée par l'employeur pour limiter ces facteurs de risques.

Dans son paragraphe relatif à la critique du jugement entrepris, l'employeur ne développe aucun moyen utile remettant en cause la motivation de la décision à ce titre.

Il soutient, en page n°12 de ses conclusions d'appel, que Mme [C] n'était pas concernée à son poste par l'ensemble des risques identifiés, sans pour autant expliciter à quels risques elle aurait été soumise et sans produire la moindre pièce à l'appui de cette allégation alors même que pour l'ensemble des sous-catégories des facteurs de risques 13 et 14 est mentionné l'effectif de 9 et qu'il est indiqué à titre liminaire s'agissant de l'effectif total qu'il y a trois personnes par équipe, étant relevé qu'en pièce n°15 l'employeur produit un document «'BCI'refonte ligne pôle mobiles NW'» datant de février 2016, aux termes duquel il est indiqué que l'opération est actuellement effectuée sur 3 postes indépendants ouverts en 3X8, soit un effectif de 9.

Les propres pièces de l'employeur, qui supporte la charge de la preuve qu'il a rempli son obligation de sécurité, contredisent en conséquences ses allégations.

L'employeur minimise par ailleurs l'importance des risques en dénaturant dans ses conclusions ses propres pièces puisqu'il indique que les risques litigieux sont modérés voire négligeables alors qu'avant l'accident du travail, ils étaient en synthèse qualifiés de substantiels et que pour les items des risques n°14 et 15, l'essentiel d'entre eux sont identifiés sur les versions actualisées de mars et juin 2013 comme étant modérés.

La société Schneider Electric France n'explique pas les raisons pour lesquelles elle n'avait entrepris aucune action préalablement à la survenue de l'accident du travail pour réduire les risques et plus précisément, n'allègue et encore moins ne justifie d'aucune impossibilité technique.

Ses propres pièces, notamment les pièces n°13 et 14 en date de février 2016 et avril 2017, mettent en évidence que des remontées du CHSCT et du service de santé, ainsi d'ailleurs que cela ressort des comptes-rendus de réunions de cette instance représentative du personnel produits aux débats, avaient mis en exergue que les postes de ce service NW étaient encore en février 2016 non ergonomiques avec des risques de troubles musculo-squelettiques et de tendinites et qu'une adaptation de l'organisation était indispensable pour garantir un maintien dans l'emploi de personnes avec des restrictions médicales.

Le bilan d'avril 2017 par rapport à la précédente évaluation d'octobre 2016, a mis en évidence de nombreux progrès, notamment la suppression des contraintes articulaires pour l'épaule.

La société Schneider Electric France n'apporte aucune justification au fait que ces aménagements n'ont pas été mis en 'uvre à tout le moins dès 2012 lorsque les risques liés aux manutentions et gestes répétitifs ont été identifiés, étant observé qu'il n'est pas produit aux débats les versions antérieures du document unique d'évaluation des risques professionnels.

Le manquement de la société Schneider Electric France est dès lors établi.

Ce manquement préalable a incontestablement joué un rôle causal dans la déclaration d'inaptitude définitive au poste de Mme [C] selon avis du médecin du travail en date du 18 décembre 2018 dès lors que la salariée a certes retravaillé ensuite mais n'a, à aucun moment, pu retrouver une aptitude complète et a au contraire, au fil des avis du médecin du travail des 28 janvier 2014, 1er mars 2016 et 20 février 2018 fait l'objet de restrictions et de réserves sans cesse plus importantes, avec plusieurs épisodes d'arrêts maladie impliquant une rechute de l'accident du travail voire l'absence de guérison des lésions initiales eu égard aux conclusions du Dr [S] dans son rapport du 28 novembre 2016 et deux interventions chirurgicales.

Par ailleurs, quoique l'employeur ait justifié de la mise en 'uvre avec retard de diverses mesures d'adaptation de l'organisation du travail dans le service NW, que des améliorations ont été constatées en avril 2017, force est de constater que le CHSCT, lors de ses réunions des 19 septembre 2017 et du 24 avril 2018, a de nouveau attiré l'attention de l'employeur sur les difficultés persistantes au niveau des lignes pôle mobiles NW dans les termes suivants in fine': «'une présentation des actions en cours est faite. Malgré l'énergie passée à faire du curatif, la liste des problèmes ne diminue pas. Il y a un problème de conception de la ligne. Il est décidé de revoir en profondeur les postes. Un diagnostic sera fait fin juin 2018.'».

Il ressort également des comptes-rendus du CHSCT que le service NW est celui qui enregistre de 2013 à 2018 le plus d'accidents du travail.

Si l'employeur avance, certes à juste titre, qu'il n'avait pas accès aux échanges de correspondances entre le médecin du travail, le médecin conseil de l'organisme social et le Dr [Y], chirurgien orthopédique, il ne saurait pour autant soutenir avoir pris toutes les mesures nécessaires, dans le cadre de son obligation de sécurité, au seul motif qu'il aurait respecté les préconisations individuelles dans les différents avis rendus par le médecin du travail concernant Mme [C] lors de ses périodes de reprise d'activité après son accident du travail, alors même qu'il ne justifie pas avoir assuré la rotation des postes préconisées par le Dr [B] lors de la reprise du 1er mars 2014, qu'il a décidé de maintenir la salariée dans un service dont il connaissait les risques importants s'agissant de la manutention, son inadaptation à des personnes avec des restrictions médicales d'après le document «BCI Refonte ligne pôle mobiles NW'» de février 2016 et qu'il a largement tardé à amorcer seulement à partir de février 2016 un plan d'actions visant à une réorganisation en profondeur du service NW, dont les premiers résultats tangibles ne sont apparus qu'en avril 2017 avec pour autant la persistance de problématiques significatives signalées par le CHSCT lors de la sa réunion du 24 avril 2018 avec l'annonce d'un bilan fin juin 2018 pour lequel aucune justification n'est apportée, Mme [C] n'ayant au demeurant repris une activité à mi-temps thérapeutique que du 05 février au 1er juin 2018 dans le service NT.

Mme [C] rapporte la preuve suffisante qui lui incombe que ses reprises d'activité dans un service à l'organisation inadaptée ont directement et de manière certaine contribué à restreindre sans cesse davantage son aptitude au travail avant qu'elle ne soit définitivement déclarée inapte à son poste et à tout poste avec efforts, port de charges et gestes répétés, de sorte que son aptitude à l'emploi est désormais limitée à des postes de type administratif selon avis du 18 décembre 2018.

Ainsi, dans une correspondance du 16 janvier 2014, le Dr [B] indique au Dr [Z], médecin traitant, que «je la (Mme [C]) vois ce jour dans une visite de reprise, son épaule reste douloureuse en mobilité contre résistance, [M] + ses activités professionnelles d'assemblage/montage sont toutes sollicitantes sur l'épaule quel que soit le poste. Je préconise à l'entreprise des rotations rapides sur différents postes, dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique.'».

Dans une lettre du 3 juin 2014, le Dr [H], médecin du travail, au Dr [Z], le premier expose que « après 6 mois de mi-temps thérapeutique l'épaule n'a que peu progressée et reste sensible à la palpation de l'interligne et aux mouvements de résistance (')'», avec une préconisation d'intervention chirurgicale.

Le médecin du travail, le Dr [H], fait lui-même le constat de difficultés de Mme [C] dans son emploi dans un courrier du 8 décembre 2015 au chirurgien de cette dernière dans les termes suivants': «'Mme [C] va vous reconsulter à 6 mois de son intervention sur épaule droite dont je ne connais pas la nature. Cette dame travaille dans un atelier de construction de matériel électrique avec une gestuelle bimanuelle. Si les efforts avec l'épaule en force et en angulation sont relativement contenus la gestuelle reste répétitive. Ce jour l'amplitude est satisfaisante, le testing des tendons négatifs la douleur absente mais Mme [C] décrit une très faible tolérance à l'effort et un évitement des gestes à risque dans la vie quotidienne. Pour reprendre il faut que la guérison soit effective compte tenu des contraintes décrites.'».

Dans son courrier du 14 décembre 2015, le Dr [Y] a indiqué au Dr [H], médecin du travail, qu'il a, en substance, observé une amélioration mais qu'il était trop tôt pour une reprise qui devait être envisagée à mi-temps thérapeutique.

Or, dans un courrier du 29 juin 2016, le Dr [Y] a noté une nette dégradation de l'état de santé de Mme [C] dans les termes suivants': «'J'ai revu le 27 mai 2016 en consultation Mme [E] [C] que j'ai opérée il y a un an d'une arthroscopie d'épaule droite avec acromioplastie décompressive, cleidoplastie et ablation de calcification de type A du supra-épineux. L'évaluation était tout à fait favorable jusqu'à la fin de l'année 2015, où Mme [C] avait déjà commencé le renforcement musculaire, et où il existait une belle amélioration par rapport à la phase pré-opératoire. A partir du moment où Mme [C] a repris son travail à mi-temps thérapeutique le 01 mars 2016, des douleurs sont réapparues. D'après ses dires, le poste de travail n'est absolument pas adapté, avec des gestes répétitifs prolongés pendant plusieurs heures au-delà de 90 ° d'élévation antérieure et d'abduction. Si tel est le cas, ce ne sont effectivement pas des conditions favorables, à une reprise de du travail, et ceci ne répond donc pas à la définition d'un poste «'adapté'» suite à une pathologie de tendinopathie de la coiffe et une intervention chirurgicale. Par conséquent la priorité aujourd'hui n'est pas tant la consolidation, mais l'adaptation du poste de travail.'».

Dans un courrier du 21 juin 2016 au Dr [D], praticien conseil de la caisse de sécurité sociale, le médecin du travail a exclu toute reprise à plein temps, quoique la salariée travaille sur 2 lignes de production identifiées comme moins sollicitantes pour l'épaule, d'autres aménagements n'étant pas possibles.

Il ressort d'un échange des 16 et 20 février 2018 entre le médecin conseil de la sécurité sociale et le médecin du travail que l'état clinique de Mme [C], selon le médecin du travail, est encore précaire avec des mobilités incomplètes et une limitation des activités professionnelles et personnelles, avec un phénomène de compensation par le membre gauche.

Enfin, dans un courrier du 08 octobre 2018 du Dr [Y] au Dr [H], précédant de quelques semaines l'avis d'inaptitude définitive du 18 décembre 2018, le premier a expliqué au second': «'l'arthro-IRM de l'épaule droite du 04 juillet 2018 montre une rupture itérative et cette réinsertion du supra-épineux. Il n'existe pas d'ascension de la tête humorale associée et elle a été consolidée au 08 juin 2018 avec un IPP à 10'%. (') L'évolution à long terme se fera probablement malheureusement vers une omarthrose avec une indication de prothèse d'épaule inversée'». Il a terminé en indiquant la nécessité pour Mme [C] de penser absolument à une reconversion professionnelle.

L'ensemble de ces éléments médicaux établit ainsi la certitude d'un lien entre la déclaration d'inaptitude définitive au poste de Mme [C] et les manquements préalables de l'employeur à la fois avant l'accident du travail du 18 septembre 2013 mais encore au cours des périodes ultérieures de reprises d'activité ayant consisté à n'avoir pas pris les mesures nécessaires et adaptées d'organisation du travail pour supprimer ou à tout le moins réduire autant que possible des risques pourtant identifiés à tout le moins le 22 juin 2012.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la société Schneider Electric France avait manqué à son obligation sécurité et y ajoutant de dire que ce manquement préalable a au moins en partie joué un rôle causal certain dans la déclaration d'inaptitude définitive de Mme [C] si bien que son licenciement pour ce motif s'en trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse, les premiers juges ayant omis de statuer de ce chef.

Indépendamment de l'indemnisation des conséquences de l'accident du travail et/ou d'une éventuelle maladie professionnelle, si ce n'est au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse pour lequel il est statué ensuite, qui relève de la procédure spécifique et autonome de reconnaissance d'une éventuelle faute inexcusable, le manquement durable de la société Schneider Electric France à son obligation de prévention et de sécurité a incontestablement causé à Mme [C] un préjudice moral certain et significatif dès lors que son employeur pourtant averti de risques significatifs n'a pas pris les mesures nécessaires et a ainsi laissé travailler Mme [C] dans des conditions de travail dégradées avec nécessairement une pénibilité accrue et injustifiée.

Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi en lui allouant la somme de 5000 euros nets à titre de dommages et intérêts de ce chef de sorte que le jugement entrepris est confirmé en cette disposition.

Sur l'obligation de reclassement':

L'article L1226-10 du code du travail prévoit que':

Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

En cas de désaccord entre l'employeur et le salarié sur le périmètre du groupe de reclassement, le juge apprécie souverainement celui-ci au vu des éléments fournis par l'une et l'autre des parties.

En l'espèce, d'une première part, quoique l'employeur ait visé dans la lettre de licenciement l'article L 1226-2 du code du travail relatif à une inaptitude d'origine non professionnelle tout en indiquant que le licenciement est pour inaptitude d'origine professionnelle, les parties s'accordent néanmoins pour faire application des dispositions relatives à l'inaptitude professionnelle au vu de leurs conclusions d'appel (page n°20 de la société Schneider Electric France et page n°24 de Mme [C]).

Au demeurant, la cour a jugé que l'inaptitude de Mme [C] avait été provoquée par les manquements préalables de l'employeur à son obligation de sécurité, notamment dans les suites de son accident du travail pour lequel elle a connu plusieurs «'rechutes'» dont l'employeur avait été avisé.

D'une seconde part, par courrier en date du 18 décembre 2018, la société Schneider Electric France, rappelant l'avis du médecin du travail du même jour dans les termes suivants «'inaptitude à tout poste de montage assemblage, Serait apte à un poste sans gestuelle avec efforts, port de charges et gestes répétés de type administratif'» a informé Mme [C] qu'elle procédait à une «'recherche des postes de reclassement disponibles au sein du site de [6], des sociétés Schneider Electric France et Schneider Electric Industries, et plus largement du groupe Schneider Electric en France'», ajoutant que les recherches portent sur «'des postes qui soient compatibles avec les préconisations et restrictions apportées par le médecin du travail, adaptés à vos compétences professionnelles et aussi comparable que possible à l'emploi que vous occupiez précédemment, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations, transformations de postes existants ou aménagements du temps de travail.'».

La société Schneider Electric France, ainsi qu'elle l'a indiqué dans la lettre de licenciement du 19 février 2019, n'a identifié aucun poste de reclassement conforme aux critères sus-rappelés.

Elle justifie avoir identifié deux postes d'assistante, un poste d'assistante wiring devices nécessitant la maîtrise de l'anglais et un poste d'assistante de direction correspondant à un statut d'ingénieur, situé à [Localité 5].

Elle indique sans être contredite par un moyen utile en défense, en se prévalant du curriculum vitae, que Mme [C] n'avait pas les compétences professionnelles suffisantes pour occuper ces postes, même avec une formation d'adaptation, lesdits postes relevant au demeurant d'un statut supérieur au sien (OETAM et ingénieur).

Elle justifie, par ailleurs, par sa pièce n°2, avoir interrogé de manière précise et utile par courriels du 18 décembre 2018 les responsables d'établissements de l'entreprise et les entreprises du groupe, Mme [C] ne prétendant pas qu'une entreprise de celui-ci en France ait pu être omise, sur les postes disponibles en ayant précisé l'ancienne fonction de la salariée, son âge, les préconisations du médecin du travail et une date butoir de réponse au 10 janvier 2019, de sorte que le moyen tenant à l'absence de réponse de tous les intervenants n'est pas jugé opérant.

Pour autant, s'il ne peut être exigé de l'employeur qu'il produise les registres d'entrées et de sorties du personnel des autres entreprises du groupe, il ne justifie pas de manière suffisante de l'absence de tout emploi disponible de type administratif compatible avec les compétences professionnelles de la salariée, dans l'ensemble de ses établissements en France dans la mesure où il ne verse aux débats en pièce n°3 qu'un extrait de son registre d'entrées et de sorties du personnel de l'établissement Master Tech et non pour l'ensemble de l'entreprise alors même qu'il n'est pas justifié que Mme [C] ait pu faire valoir une restriction liée à sa mobilité géographique.

Mme [C] oppose d'ailleurs, à juste titre, que le comité social et économique a rendu le 29 janvier 2019 un avis négatif unanime au titre des recherches alléguées comme vaines de reclassement de l'employeur.

Faute pour l'employeur de fournir son registre d'entrées et de sorties du personnel pour l'ensemble de l'entreprise au niveau du territoire national, empêchant à la juridiction d'apprécier effectivement l'absence alléguée de tout emploi administratif disponible compatible avec les restrictions médicales et les aptitudes professionnelles de la salariée, le cas échéant avec une formation d'adaptation, il est jugé par infirmation du jugement entrepris que la société Schneider Electric France, ne rapporte pas la preuve suffisante qui lui incombe, d'avoir rempli sérieusement et loyalement son obligation de reclassement.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

L'article L 1226-15 du code du travail énonce que':

Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives à la réintégration du salarié, prévues à l'article L. 1226-8, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Il en va de même en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12.

En cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3-1. Elle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement, prévues à l'article L. 1226-14.

Lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 1226-12, il est fait application des dispositions prévues par l'article L. 1235-2 en cas d'inobservation de la procédure de licenciement.

L'article L 1235-3-1 du code du travail prévoit qu'en cas de licenciement nul ou en l'occurrence assimilé par renvoi de l'article L 1226-15 du même code, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, au jour de son licenciement injustifié, Mme [C] était âgée de 57 ans, avait plus de 11 ans d'ancienneté et un salaire de l'ordre de 2386 euros bruts.

Elle justifie avoir été inscrite à Pôle Emploi à compter du 22 mars 2019 et avoir perçu des indemnités de ce chef pendant 710 jours au 31 mai 2021.

Elle a déclaré une nouvelle rechute de l'accident du travail le 22 février 2022.

Elle produit aux débats deux ordonnances médicales en date des 29 août et 06 octobre 2022 avec notamment la prescription d'anti-douleurs (Izalgi) ainsi qu'un compte-rendu de radiographie et d'échographie de l'épaule droite mettant en évidence une «'bursite abondante hétorogène avec dépôts fibrineux avec présence de plusieurs fissures non transfixiantes du susépineux à partie moyenne (5 à 7 mm)'». Le préjudice lié à la perte injustifiée de l'emploi est dès caractérisée mais encore significatif.

Il lui est alloué de ce chef par réformation du jugement entrepris qui a omis de statuer à ce titre la somme de 26246 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au visa des articles 565 et suivants du code de procédure civile et L 1471-1 du code du travail, la demande de Mme [C] au titre de la perte de qualité de vie résultant de son licenciement n'est pas irrecevable dès lors, d'une première part, qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle mais d'une prétention tendant aux mêmes fins que celle indemnitaire au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, s'analysant également comme une demande additionnelle accessoire, et d'une seconde part, en ce qu'elle n'est pas prescrite puisqu'elle a engagé une action en contestation de son licenciement par requête du 21 mai 2019, interruptive de prescription, soit dans le délai d'un an à compter de la notification de la rupture du contrat de travail.

Outre que sous couvert d'une prétention au titre de la perte de qualité de vie consécutive au licenciement qui fait suite à une inaptitude professionnelle, Mme [C] est susceptible de solliciter en réalité l'indemnisation d'un des chefs de préjudice résultant de l'éventuelle reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur relevant d'une procédure spécifique et indépendante de la contestation de son licenciement devant la juridiction prud'homale, sa demande est en tout état de cause non fondée puisque son préjudice est d'ores et déjà indemnisé par l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande à ce titre est rejetée.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de confirmer l'indemnité de procédure de 1500 euros allouée par les premiers juges à Mme [C] et de lui accorder une indemnité complémentaire de procédure en cause d'appel de 1500 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, confirmant le jugement entrepris et y ajoutant, il convient de condamner la société Schneider Electric France, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Mme [E] [C] de sa demande formée au titre du non-respect de l'obligation de reclassement par la société Schneider Electric France';

L'INFIRME en ce qu'il a omis de statuer sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société Schneider Electric France tirée de l'irrecevabilité de la demande indemnitaire pour perte de qualité de vie du fait du licenciement

DIT que l'inaptitude définitive de Mme [C] à son poste a été provoquée par le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

DIT que la société Schneider Electric France n'a pas respecté son obligation de reclassement

DÉCLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par la société Schneider Electric France à Mme [C] par courrier du 19 février 2019

CONDAMNE la société Schneider Electric France à payer à Mme [C] la somme de vingt-six mille deux cent quarante-six euros (26246 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

DÉBOUTE Mme [C] de sa demande additionnelle au titre de la perte de la qualité de vie dans ses conditions d'existence résultant du licenciement

CONDAMNE la société Schneider Electric France à payer à Mme [C] une indemnité complémentaire de procédure de 1500 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Schneider Electric France aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/01558
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.01558 ?
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