C 9
N° RG 21/01201
N° Portalis DBVM-V-B7F-KZAH
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Pascale HAYS
la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 02 FEVRIER 2023
Appel d'une décision (N° RG 19/00579)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 16 février 2021
suivant déclaration d'appel du 09 mars 2021
APPELANTE :
S.A. LA POSTE, prise en son établissement secondaire sis [Adresse 1] et eprésentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège de la société
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Pascale HAYS, avocat postulant au barreau de GRENOBLE et par Me Céline VACHERON de la SELARL ALTICIAL, avocat plaidant au barreau de SAINT-ETIENNE,
INTIME :
Monsieur [J] [L]
de nationalité Française
Né le 08 novembre 1980 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 novembre 2022,
M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 02 février 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 02 février 2023.
EXPOSE DU LITIGE':
M. [J] [L], né le 8 novembre 1980, a été embauché le 22 octobre 2001 par la société anonyme (SA) La Poste suivant contrat de travail à durée déterminée à temps plein, en qualité de facteur.
En date du 3 mai 2004, M. [J] [L] a été embauché par la SA La Poste suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.
Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait le poste d'agent de courrier et le salaire mensuel brut était de 2'052,10 euros.
Le 28 novembre, la SA La Poste a notifié à M. [J] [L] une mise à pied à titre conservatoire au motif, selon les conclusions de l'employeur, que le responsable d'équipe de M. [J] [L] l'a vu ouvrir un colis lors du traitement des courriers et colis.
Le salarié a contesté ces faits, affirmant qu'il était déjà ouvert quand il est arrivé à lui.
Par courrier recommandé en date du 5 décembre 2018, M. [J] [L] a été convoqué par la SA La Poste à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 17 décembre 2018.
Par courrier recommandé en date du 21 décembre 2018, la SA La Poste a convoqué M. [J] [L] devant la commission consultative paritaire siégeant en matière disciplinaire.
Par lettre en date du 30 janvier 2019, la SA La Poste a notifié à M. [J] [L] son licenciement pour cause réelle et sérieuse en raison d'une tentative de vol sur le lieu de travail, survenue le 28 novembre 2018.
Le procès-verbal de la commission consultative paritaire siégeant en matière disciplinaire a été signé en date du 11 février 2019.
Contestant son licenciement, M. [J] [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble par requête en date du 2 juillet 2019 aux fins d'obtenir des dommages-intérêts découlant d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre le paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail.
La SA La Poste s'est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement en date du 16 février 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':
DIT que le licenciement de M. [J] [L] est sans cause réelle et sérieuse';
CONDAMNÉ la SA La Poste à payer à M. [J] [L] les sommes suivantes':
- 29'754,00 € (vingt-neuf mille sept cent cinquante-quatre euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';
- 5'000,00 € (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour les conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail';
- 1'200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire';
DEBOUTÉ la SA La Poste de sa demande reconventionnelle';
CONDAMNÉ la SA La Poste aux dépens.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 17 février 2022.
Par déclaration en date du 9 mars 2021, la SA La Poste a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2021, la SA La Poste sollicite de la cour de':
INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes et statuant de nouveau :
DIRE ET JUGER que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de M. [J] [L] est bien fondé,
En conséquence, débouter M. [J] [L] de l'intégralité de ses demandes y afférent.
CONSTATER que M. [J] [L] ne rapporte pas la preuve d'avoir subi un préjudice distinct de la rupture de son contrat.
En conséquence, DEBOUTER M. [J] [L] de sa demande d'indemnité au titre d'un licenciement vexatoire.
Accueillant la demande reconventionnelle de la société :
CONDAMNER M. [J] [L] à payer à la société La Poste la somme de 2'500,00'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 31 août 2021, M. [J] [L] sollicite de la cour de':
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :
Dit que le licenciement de M. [J] [L] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamné la SA La Poste à payer à M. [J] [L] les sommes suivantes':
- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour les conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail,
- 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du prononcé du jugement.
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire';
Débouté la SA La Poste de sa demande reconventionnelle';
Condamné la SA La Poste aux dépens.
Le REFORMER pour le surplus, et, statuant à nouveau,
CONDAMNER la société La Poste à verser à M. [J] [L] les sommes suivantes':
- 41 000,00 € nets de CSG CRDS (20 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 3 000,00 € au titre l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNER la société La Poste aux dépens.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 octobre 2022. L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 23 novembre 2022, a été mise en délibérée au'02 février 2023.
EXPOSE DES MOTIFS':
Sur la demande au titre du non-respect des conditions régissant la consultation de la commission consultative paritaire':
L'article 68 de la convention collective commune de La Poste et France Telecom prévoit que lorsque le licenciement est envisagé pour insuffisance professionnelle après la période d'essai, pour inaptitude physique constatée par le service médical compétent ou pour toute sanction disciplinaire autre que l'avertissement ou le blâme, la commission consultative compétence est obligatoirement consultée.
L'article 74 de la même convention prévoit que':
Pour des sanctions autres que l'avertissement ou le blâme, la procédure suivante doit être respectée :
- Le délégataire de pouvoir doit adresser à l'agent contractuel une convocation écrite à un entretien préalable.
Celle-ci doit :
- Préciser l'objet, la date, l'heure, le lieu de l'entretien. Par ailleurs, si un licenciement est envisagé, la lettre de convocation doit en faire état,
- Rappeler que l'intéressé peut se faire assister par une personne de son choix,
- Être soit adressée par lettre recommandée avec avis de réception, dans un délai maximal de 2 mois, soit remise en main propre contre décharge, dans le même délai.
A l'issue de l'entretien, si le délégataire de pouvoir estime devoir maintenir sa proposition de sanction à l'encontre de l'agent contractuel, il doit saisir la commission consultative paritaire compétente.
Dans cette hypothèse, l'agent contractuel doit être convoqué dans les mêmes conditions que précédemment, au moins huit jours à l'avance. Ce dernier a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et peut se faire assister d'une personne de son choix.
La commission consultative paritaire émet un avis motivé sur la sanction qu'elle propose, sanction qui peut être différente de celle envisagée par le délégataire de pouvoir.
L'article 3 du décret n°2014-1426 du 28 novembre 2014 relatif à la représentation des agents contractuels et à la protection des agents contractuels de droit privé de La Poste exerçant un mandat de représentation prévoit que':
I. - La commission consultative paritaire est consultée sur les décisions individuelles relatives aux licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai et aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme, dans les conditions prévues au II.
Elle peut en outre être consultée sur toute question d'ordre individuel relative à la situation professionnelle des agents contractuels, dans les conditions prévues au III.
II. - La consultation de la commission consultative paritaire compétente est préalable à la décision lorsqu'est envisagée l'une des mesures suivantes : [...]
3° Le licenciement pour faute ; [...]
V. - Lorsque la commission consultative paritaire doit se prononcer en matière disciplinaire, seuls les représentants du personnel occupant un emploi de la même classe que celle de l'agent dont le dossier est examiné, ainsi qu'un nombre égal de représentants de La Poste, sont appelés à délibérer.
L'agent, à l'encontre duquel est envisagée une sanction est convoqué devant la commission consultative paritaire compétente, après avoir été mis à même de consulter son dossier, et peut être assisté, lors de la séance, par un défenseur de son choix.
En l'espèce, M. [J] [L] soulève plusieurs moyens relatifs au non-respect des conditions régissant la consultation de la commission consultative paritaire':
- L'absence de signature des courriers de convocation,
- L'absence de précision des emplois des représentants du personnel,
- L'absence de motivation de l'avis de la commission,
- La date du procès-verbal ultérieur au licenciement.
D'une première part, il ressort des deux courriers de convocation devant la commission consultative paritaire siégeant en matière disciplinaire en date des 21 décembre 2018 et 9 janvier 2019 (pièces 5 et 6) qu'ils ne comportent pas une signature manuscrite.
Cependant, ni la convention collective ni le décret, tous deux précités, n'impose l'existence d'une signature manuscrite sur les courriers de convocation, d'autant que les deux courriers précisent en bas de page la mention «'P/La Directrice des Ressources humaines'» et le nom de l'auteur du courrier, de sorte qu'il convient de considérer qu'il n'existe aucun doute sérieux sur l'émetteur des deux courriers.
D'une deuxième part, il ressort du procès-verbal de la commission consultative paritaire, produit par l'employeur, que l'emploi des deux représentants du personnel n'est pas précisé.
Cependant, la SA La Poste justifie du grade des deux représentants du personnel ayant siégé à la commission consultative paritaire, par la production de deux documents relatifs à ces deux salariés (pièce 12), qui indiquent comme grade': «'ACC12 à compter du 01/02/2002': Motif Embauche. ACC13 à compter du 30/04/2021 Motif': Promo RAP PEPS'» pour l'un, et «'ACC12 à compter du 01/06/2002': Motif Embauche. ACC13 à compter du 11/01/2013 Motif': Promo RAP'» pour l'autre.
Or, il ressort des bulletins de paie du M. [J] [L] qu'au moment de la procédure de licenciement, il avait pour fonction «'Agent courrier'» et avait comme grade «'ACC13'».
Dès lors, les deux représentants du personnel ayant siégé à la commission consultative paritaire le 17 janvier 2019 concernant l'affaire disciplinaire de M. [L] occupent un emploi de la même classe que celle de l'agent.
L'irrégularité n'a dès lors pas causé de grief au salarié.
D'une troisième part, M. [J] [L] se contente d'affirmer que «'l'avis rendu par la commission paritaire n'est absolument pas motivé'» et que «'les faits reprochés à Monsieur [L] ne sont pas précisément repris dans l'avis lequel se contente de viser l'absence du salarié et l'absence de questionnement contradictoire'».
Or, il ressort du procès-verbal de la commission consultative paritaire que M. [L] n'était pas présent lors de la séance du 17 janvier 2019 et que Mme [H], représentant le salarié, a indiqué qu'il niait les faits qui lui sont reprochés mais souhaitait quitter l'entreprise.
Dès lors, le procès-verbal rend compte des débats survenus devant la commission et s'avère suffisamment motivé quant à la sanction votée, à savoir le licenciement pour cause réelle et sérieuse.
D'une quatrième part, le procès-verbal de la commission consultative paritaire indique que la séance a eu lieu le 17 janvier 2019 à 10h30, alors qu'il a été signé le 11 février 2019'; la cour constatant une rature au niveau du 02 pour le mois de février.
Cependant, aucun texte n'impose que le procès-verbal soit signé le jour de la séance, dès lors qu'il a pour objet de retranscrire les débats et le vote survenus devant la commission consultative paritaire, de sorte que le fait que la date de signature du procès-verbal soit postérieure au licenciement ne constitue pas un non-respect des conditions régissant la commission consultative paritaire, d'autant que le salarié a, en tout état de cause, pu assurer utilement sa défense devant ladite commission.
Il résulte des énonciations précédentes que l'employeur a respecté les conditions de saisine de la commission consultative paritaire, de sorte que le moyen soulevé par M. [L] quant à la rupture de son contrat de travail doit être écarté.
Sur la demande au titre du défaut de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement':
Au visa de l'article L.'1232-6 du code du travail, aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit'; elle peut être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement en date du 30 janvier 2019 notifiée à M. [J] [L] est signée de manière manuscrite par Mme [U] [O], Directrice du Courrier Isère Pays de Savoie.
L'employeur produit la décision n°201-14 du 20 juillet 2018 par laquelle la directrice des cadres dirigeants, des cadres stratégiques et des talents a décidé, qu'«'à compter du 14 juillet 2018, Mme [U] [O] (ICS3B) est nommée en qualité de Directeur opérationnel à la Direction exécutive Auvergne Rhône Alpes, de la Branche Services Courrier Colis'».
Ainsi, il découle des fonctions de directeur opérationnel, occupées par Mme [O], que celle-ci avait, tacitement, délégation pour conduire la procédure de licenciement.
En outre, étant donné que la faculté de représenter l'employeur à l'entretien préalable n'est pas réservée au seul délégataire du pouvoir de prononcer le licenciement, ni de la signature de la mise à pied disciplinaire et du courrier de convocation à entretien préalable ou des courriers de convocation devant la commission consultative préalable, il importe peu que plusieurs responsables soient intervenus au cours de la procédure de licenciement, dès lors que la signataire de la lettre de licenciement en avait le pouvoir.
Dès lors, le moyen soulevé par M. [J] [L] doit être écarté.
Sur la demande au titre l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement':
Aux termes de l'article L.'1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Selon l'article L.'1325-1 du code du travail, en cas de litige relativement au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures instructions qu'il estime utiles'; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Enfin, une faute disciplinaire ne peut être retenue à l'égard du salarié que s'il est établi la matérialité des faits, son imputabilité et une volonté intentionnelle dans leur commission.
En l'espèce, la lettre de licenciement en date du 30 janvier 2019, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée':
«'Monsieur,
Nous avons eu à déplorer de votre part un comportement professionnel fautif.
Le 28 novembre 2018, vous avez été surpris en flagrant délit de tentative de vol d'un colis sur votre lieu de travail. Un encadrant du site, s'apercevant que vous effectuiez une manipulation contraire au process prévu dans l'organisation de votre travail, a observé et constaté que vous aviez procédé à l'ouverture d'un colis afin d'en examiner le contenu. Interrogé sur les raisons de ce geste, vous avez répondu que vous ne pouviez donner une explication.
Le jour même, vous avez été placé en position administrative de mise à pied conservatoire, puis vous avez été convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement le 17 décembre 2018, auquel vous vous êtes présenté.
Conformément aux dispositions de la Convention commune, nous avons ensuite recueilli l'avis de la Commission Consultative paritaire le 17 janvier 2019. Vous étiez absent bien que convoqué, mais représenté par une personne que vous aviez désignée.
L'examen de votre dossier avec les représentants du personnel ne nous a pas permis de modifier notre appréciation. Il est apparu que vous aviez contrevenu à l'article 16 du Règlement intérieur de La Poste, qui stipule que': «'par la prestation du serment professionnel, le personnel s'engage à exécuter avec probité les opérations confiées à La Poste et à respecter': l'intégralité des objets déposés par les clients, le secret professionnel, le secret dû aux correspondances.'».
Constatant sans équivoque le manquement à vos obligations professionnelles, la commission a émis un avis unanime à l'issue des délibérations, en faveur d'un licenciement.
En conséquence, considérant aujourd'hui que ce manquement ne permet plus la bonne exécution de votre contrat de travail au regard des éléments évoqués, nous vous informons que nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.'».
Il en ressort que la SA La Poste reproche à M. [J] [L] d'avoir ouvert un colis en dehors du process habituel dans l'intention d'en dérober le contenu.
L'employeur produit le décret n°93-1229 du 10 novembre 1993 relatif au serment professionnel prêté par les personnels de La Poste, cité dans la lettre de licenciement, ainsi que le règlement intérieur qui rappelle le serment professionnel en son article 16.
L'employeur verse également aux débats l'attestation de M. [M] [G], responsable d'équipe La Poste, qui indique qu'après avoir été informé par d'autres salariés du «'comportement suspect'» du salarié':
«'Le mercredi 28/11/018, vers 06h30, j'étais présent sur le chantier CEDEX et échangeais avec les agents. M. [L] s'affairait comme d'habitude et a emmené un paquet sur sa position de travail. Je me suis décalé afin de pouvoir observer ce qu'il manipulait et j'ai vu M. [L] ouvrir le parquet et regarder son contenu. Je me suis alors approché et l'ai interpellé en lui demandant ce qu'il faisait. Surpris de ma présence, il m'a d'abord dit qu'il triait. Comme je lui ai dit que je venais de le voir ouvrir le paquet, il m'a avoué l'avoir ouvert «'comme ca, par erreur'» et n'a pas pu me donner une justification autre à son acte. Je l'ai alors convoqué dans mon bureau et en présence de M. [N] [I], il m'a confirmé qu'il avait ouvert mais que c'était la première fois et qu'il reconnaissait avoir fait une erreur.'».
Il produit, finalement, l'attestation de M. [R] [K], président de la commission consultative paritaire, qui précise que lors de la séance devant la commission, en l'absence de M. [L], sa défenseuse, Mme [H] a indiqué que M. [L] avait ouvert le colis et qu'il souhaitait quitter l'entreprise.
En réponse, le salarié ne produit aucune pièce si ce n'est le compte-rendu de l'entretien préalable aux termes duquel il nie toute intention de vol, affirmant que le colis était déjà ouvert.
Il développe pour autant un moyen particulièrement opérant tenant au fait que le témoignage de M. [K] selon lequel «'M. [L] pourtant convoqué n'était pas présent. Il était représenté par un défenseur syndical, Mme [T] [H] (représentante du personnel à l'époque) cette dernière a confirmé que M. [L] est bien à l'origine de la spoliation qui lui était reproché mais qu'il ne se sentait pas en capacité de répondre de ses actes face à la commission'» est parfaitement contradictoire avec le procès-verbal des débats devant cette commission signé par M. [K] puisqu'il est indiqué': «'Mme [H] explique que M. [L] n'est pas présent aujourd'hui car il ne se sentait pas en capacité de s'expliquer face à la commission. Mme [H] précise que de toute façon, son souhait est de ne plus travailler à La Poste. Il ne voudrait pas être licencié pour faute grave mais pour faute réelle et sérieuse afin de percevoir les indemnités de licenciement légales. Le président prend acte de ces déclarations mais déplore que l'agent n'ait pas fait l'effort de répondre à des questions qui restent en suspens et qui n'obtiendront pas de réponse. Compte tenu du positionnement de l'agent, exprimé par son défenseur, il demande une interruption de séance afin qu'on s'assure par téléphone que M. [L] confirme bien cette orientation. Suspension de séance à 10h45. Mme [H] prend contact avec M. [L]. Reprise de la séance à 11h. Mme [H] confirme la volonté de M. [L] de quitter l'entreprise, bien qu'il nie les faits qui lui sont reprochés. Le président regrette qu'un échange n'ait pu intervenir avec l'agent sur les faits de vol qui lui sont reprochés. Il propose à la commission de délibérer puisqu'aucun questionnement contradictoire n'est possible.'».
Ainsi, en l'absence d'attestations des autres salariés qui auraient informé M. [G] du comportement suspect du salarié mais encore constaté que celui-ci avait lui-même ouvert le colis au préalable et eu égard à l'attestation parfaitement contradictoire de M. [K] par rapport au procès-verbal qu'il a signé dans lequel il faisait, au demeurant, part de questions demeurées en suspens, il est jugé que preuve suffisante n'est pas rapportée par la seule attestation de M. [G], son supérieur hiérarchique, de ce que M. [L] a ouvert le paquet litigieux et encore moins du fait qu'il a manifesté par un comportement objectivement suspect, l'intention de dérober son contenu.
Dès lors, en l'absence de toute faute, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [J] [L].
Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':
L'article L.'1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis'; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
M. [J] [L] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de 18 ans et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 et 14,5 mois de salaire.
Le salarié justifie de son inscription à Pôle emploi à compter du 28 avril 2019 et d'arrêts de travail à compter du 7 janvier 2019 jusqu'au 26 avril 2019.
Le moyen soulevé par le salarié tiré de l'inconventionnalité des barèmes étant inopérant dès lors qu'il a été procédé à une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au titre du préjudice subi, il convient, au regard de l'ensemble des éléments précédents, de condamner la SA La Poste à verser à Monsieur [J] [L] la somme de 29'754'€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, le jugement entrepris étant confirmé.
Sur la demande au titre des conditions vexatoires du licenciement':
Le licenciement prononcé dans des conditions vexatoires peut causer un préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi, justifiant une réparation sur le fondement de l'article 1240 du code civil, dès lors que la faute de l'employeur est démontrée.
En l'espèce, le salarié avance à juste titre avoir «'subi un préjudice moral alors qu'il travaille depuis plus de 18 ans, son licenciement remet complément en cause son professionnalisme et sa probité sans aucun élément'» (conclusions d'appel).
En effet, il apparaît qu'un des deux témoins, M. [P] avait lui-même exprimé, lors de la séance de la commission consultative paritaire, le fait qu'il demeurait des questions en suspens avant d'établir une attestation parfaitement contraire au procès-verbal qu'il a pourtant signé.
L'employeur a, dès lors, mené une procédure de licenciement disciplinaire pour des faits susceptibles d'une qualification pénale alors manifestement que les éléments pour les caractériser n'étaient pas réunis.
Cette accusation de tentative de vol non caractérisée est constitutive de circonstances vexatoires au licenciement, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi.
Sur les demandes accessoires':
La SA La Poste, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.
Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [J] [L] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA La Poste à lui payer la somme de 1'200'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser la somme de 1'500'€ au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
En conséquence, la demande indemnitaire de la société au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés est rejetée.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions';
Y ajoutant,
DÉBOUTE la SA La Poste de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE la SA La Poste à payer à M. [J] [L] la somme complémentaire de 1'500'€ (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE la SA La Poste aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président