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02/02/2023 | FRANCE | N°21/01192

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 02 février 2023, 21/01192


C 2



N° RG 21/01192



N° Portalis DBVM-V-B7F-KY7U



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL AP-CI SOCIAL AVOCATS



la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 02 FEVRIER 2023





Appel d'une décision (N° RG F 19/00196)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 08 février 2021

suivant déclaration d'appel du 08 mars 2021





APPELANTE :



Madame [D] [E]

Née le 01 août 1986 à [Localité 4]

de nati...

C 2

N° RG 21/01192

N° Portalis DBVM-V-B7F-KY7U

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL AP-CI SOCIAL AVOCATS

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 02 FEVRIER 2023

Appel d'une décision (N° RG F 19/00196)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 08 février 2021

suivant déclaration d'appel du 08 mars 2021

APPELANTE :

Madame [D] [E]

Née le 01 août 1986 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3])

représentée par Me Ivan CALLARI de la SELARL AP-CI SOCIAL AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.R.L. LA GRANDTERRE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Caroline MO, avocat plaidant au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 novembre 2022,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 02 février 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 02 février 2023.

EXPOSE DU LITIGE':

Le 14 novembre 2016 Mme [D] [E] a été embauchée par la société à responsabilité limitée (SARL) La Grandterre par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, en qualité de responsable d'hébergement, statut agent de maîtrise, niveau 4 de la convention collective nationale de l'immobilier, en même temps que son compagnon M. [Y]'[Z], embauché en qualité de responsable de site.

La société La Grandterre assure la gestion de deux résidences hôtelières sises à [Localité 6] (38).

Par courriel du 5 septembre 2017, Mme [D] [E] a informé son employeur de son état de grossesse.

Par courrier daté du 1er septembre 2017 expédié le 5 septembre 2017, Mme [D] [E] et M. [Y] [Z] ont été chacun convoqués à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave, prévu le 14 septembre 2017 et une mise à pied à titre conservatoire leur a été signifiée.

Mme [D] [E] a été placée en arrêt de travail du 8 septembre au 10 novembre 2017.

Par lettre du 13 octobre 2017, Mme [D] [E] s'est vu notifier un avertissement.

A la même date, M. [Y] [Z] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.

Selon avis du 13 novembre 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [D] [E] apte à son poste avec les restrictions suivantes':

« - pas de port de charges lourdes (maximum 10kg et pas de façon répétée, ni de déplacement de meubles lourds), - pas de tâches de ménages. A revoir dans six mois pour réévaluation clinique'».

Par lettre du 11 décembre 2017, la société la Grandterre a notifié à Mme [D] [E] un second avertissement visant des faits en date du 31 août 2017.

Mme [D] [E] a été placée en arrêt de travail du 18 décembre 2017 au 8 février 2018, puis en congé maternité du 8 février au 30 mai 2018, suivi d'un arrêt de travail du 31 mai au'11'septembre 2018.

A l'issue d'une visite de pré-reprise en date du 2 août 2018, le médecin du travail a rendu l'avis suivant': «'Etat de santé incompatible avec la reprise de l'activité professionnelle, nécessite la poursuite des soins. Une inaptitude sera envisagée à l'issue.'».

Lors de la visite médicale du 11 septembre 2018, le médecin du travail a reporté l'appréciation de l'aptitude de la salariée au 18'septembre'2018. A cette date, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude avec dispense de l'obligation de reclassement en indiquant «'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'(dans l'entreprise)'».

Le 26 septembre 2018, la société La Grandterre a informé Mme [D] [E] de son impossibilité de la reclasser.

Le 28 septembre 2018, Mme [D] [E] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 18 octobre 2018.

Par lettre en date du 23 octobre 2018, la société La Grandterre a notifié à Mme [D] [E] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête en date du 28 février 2019, Mme [D] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de voir constater la nullité du licenciement et solliciter paiement de créances salariales et indemnitaires au titre de la rupture du contrat, d'heures supplémentaires, de travail dissimulé, et des préjudices subis, outre l'annulation des avertissements prononcés.

La SARL La Grandterre s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 2 février 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [D] [E] est régulier et a une cause réelle et sérieuse;

- dit n'y avoir lieu à annulation des avertissements des 13 octobre 2017 et 10 décembre 2017, ceux-ci étant justifiés';

- débouté Mme [D] [E] de l'intégralité de ses demandes

- débouté la SARL Grandterre de sa demande reconventionnelle ;

- condamné Mme [D] [E] aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusé de réception signé le 9 février 2021 pour la société Grandterre et retourné avec la mention «'non réclamé'» pour Mme [D] [E].

Par déclaration en date du 8 mars 2021, Mme [D] [E] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2021, Mme'[D] [E] sollicite de la cour de':

Vus : - les articles L. 3121-28, L. 3171-4, L. 8221-5, L. 1222-1, L. 1222-1, L. 1132-1, L. 1225-1, L.'1225-3, L. 1152-3, L. 4121-1, L. 1235-3-1, L. 3121-18, L. 3121-20, L. 3121-22, L. 3132-1, L. 3132-2 du code du travail, - l'article 1240 du code civil

- la convention collective nationale de l'immobilier du 9 septembre 1988, notamment, l'annexe III relatif aux résidences de tourisme.

- l'article 202 du code de procédure civile.

Vue la jurisprudence citée,

Infirmer les chefs du jugement du conseil de prud'hommes du 2 février 2021 en ce qu'il :

- dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [D] [E] est régulier et a une cause réelle et sérieuse;

- dit n'y avoir lieu à annulation des avertissements des 13 octobre 2017 et 10 décembre 2017 ceux-ci étant justifiés ;

- débouté Mme [D] [E] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné Mme [D] [E] aux dépens.

Dire et juger que la SARL Grandterre n'a pas rémunéré les heures supplémentaires effectuées par Mme [D] [E],

En conséquence :

Condamner la SARL Grandterre à verser à Mme [D] [E] :

- 649,60 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées en 2016, plus 64,96 € à titre d'indemnité de congés payés afférente.

- 5.880,00 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées en 2017, plus 588,00 € à titre d'indemnité de congés payés afférente.

Dire et juger que la SARL Grandterre a délibérément occulté les heures supplémentaires accomplies par Mme [D] [E] durant l'exécution de son contrat de travail, caractérisant par conséquent le délit de travail dissimulé.

En conséquence':

Condamner la SARL Grandterre à verser à Mme [D] [E] :

- 11.050,00 €, correspondant à une indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire.

Dire et juger que la SARL Grandterrre n'a pas respecté la durée maximale de travail et minimale de repos durant l'exécution du contrat de travail de Mme [D] [E]

En conséquence

Condamner la SARL Grandterre à verser à Mme [D] [E] :

- 3.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi de ce fait.

Annuler les avertissements du 13 octobre 2017 et du 10 décembre 2017 émis à l'encontre de Mme [D] [E],

En conséquence

Condamner la SARL Grandterre à verser à Mme [D] [E] :

- 2.000,00 € à titre de dommages et intérêts conséquents à l'exécution déloyale du contrat de travail.

Dire et juger nul et discriminatoire le licenciement de Mme [D] [E],

En conséquence

Condamner la SARL Grandterre à payer

- 1.127,90 € à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 3.683,33 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus 368,33 € à titre d'indemnité de congé payé afférente.

- 11.050,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et discriminatoire (minimum 6 mois de salaire).

Débouter la SARL Grandterre de toute demande d'appel incident.

Condamner la SARL Grandterre à verser à Mme [D] [E] la somme de 4.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 novembre 2021, la'SARL Grandterre sollicite de la cour de':

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 2 février 2021 en ce qu'il a':

- jugé que le licenciement de Mme [D] [E], est régulier et a une cause réelle et sérieuse,

- jugé n'y avoir lieu à annulation des avertissements des 13 octobre 2017 et 10 décembre 2017'; ceux-ci étant justifiés,

- débouté Mme [D] [E], de l'intégralité de ses demandes,

Y ajoutant :

Condamner Mme [D] [E], au paiement de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 octobre 2022.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 23 novembre 2022, a été mise en délibérée au'2 février 2023.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1 ' Sur les prétentions relatives aux heures supplémentaires

L'article L.'3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effective des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Selon l'article L.'3121-28 du même code, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

L'article L. 3171-1 du code du travail prévoit que :

L'employeur affiche les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos.

Lorsque la durée du travail est organisée dans les conditions fixées par l'article L. 3121-44, l'affichage comprend la répartition de la durée du travail dans le cadre de cette organisation.

La programmation individuelle des périodes d'astreinte est portée à la connaissance de chaque salarié dans des conditions déterminées par voie réglementaire.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire et en particulier, par les articles D 3171-8 et suivants du code du travail.

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En conséquence, il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur.

Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.

Au cas d'espèce, le contrat de travail signé entre les parties le 11 octobre 2016 prévoit «'une durée moyenne annuelle de travail de 35 heures hebdomadaires'», le temps de travail étant décompté sur une base annuelle de 1 607 heures, cette durée devant «'suivre de plein droit,'le cas échéant, les variations ultérieures de l'horaire collectif ».

Cependant, la société La Grandterre ne démontre pas avoir mis en place un horaire collectif, ni avoir procédé à une annualisation du temps de travail tel qu'allégué. En effet, ni la mention sur les bulletins de salaire d'une référence à une haute et basse saison touristique, ni les courriels d'information d'une procédure d'arrivée tardive à destination des clients, ni le taux de remplissage allégué pour l'établissement ne permettent d'établir la mise en 'uvre par l'employeur d'une annualisation du temps de travail.

Mme [D] [E], par sa pièce n°6, produit un tableau présentant le volume horaire réalisé par semaine de la période de la date de son embauche le 14 novembre 2016 à sa mise à pied le'5 septembre 2016.

Elle produit également deux attestations rédigées par Mme [N] [U], engagée par la société La Grandeterre en qualité de responsable du spa, qui décrit l'activité et les horaires de travail assurés par Mme [E] au cours des semaines du 17 juin au 1er juillet 2017, avec l'accueil de'25'personnes en pension complète sur cette période. Pour les autres semaines, ce même témoin décrit des horaires concordants avec les volumes horaires revendiqués en indiquant : «'j'atteste par ailleurs que tous les matins à 9h, quand j'arrivais pour nettoyer le SPA, M.'[Z] et Mme [E] étaient déjà sur place et également quand je repartais vers'18h30'».

La cour analyse désormais ces éléments comme un préalable suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que la salariée prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse, la société La Grandterre, qui soutient que la salariée ne fournit pas un relevé suffisamment précis des heures alléguées, ne produit toutefois aucun élément quant aux horaires de travail effectivement réalisés par Mme [D] [E].

Par ailleurs, la société La Grandterre conteste la cohérence des volumes horaires revendiqués en s'appuyant d'une part sur le taux d'occupation de la résidence mentionné sur un tableau, lequel se révèle dénué de toute valeur probante à défaut d'être corroboré par des éléments précis, et d'autre part sur des factures de forfait ski insuffisantes à caractériser la charge de travail de la salariée ou les heures effectuées.

De même, l'attestation rédigée par M.'[T] [K], faisant état du désintérêt de la salariée pour son emploi, reste inefficiente.

Encore, la société La Grandterre allègue d'une organisation interne comprenant une semaine de nettoyage suivie de plusieurs semaines de repos pour tous les salariés, au printemps 2017, qui n'ont pas été déduites du décompte de la salariée, sans toutefois justifier de cette organisation et de cette période de repos.

Et, c'est par un moyen inopérant que l'employeur objecte que la salariée n'a pas revendiqué le paiement d'heures supplémentaires au cours de la relation contractuelle.

En considération de l'ensemble de ces éléments, la cour évalue que le nombre des heures supplémentaires non rémunérées effectuées par Mme [D] [E] entre le 14 novembre 2016 et le'5 septembre 2016 représente une créance de 6'207,60 euros conformément au décompte de Mme [D] [E].

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, la société'La Grandterre est condamnée à verser à Mme [D] [E] la somme de 6'207,60 euros bruts au titre du rappel de salaire des heures supplémentaires, outre la somme de 620,76'euros bruts au titre des congés payés afférents.

2 ' Sur les prétentions relatives au respect de la durée maximale de travail et minimale de repos

Il résulte de la combinaison des articles L.'3121-18 et L.'3121-19 du code du travail qu'une convention peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail effectif de'10'heures en cas d'activité accrue ou pour des motifs liés à l'organisation de l'entreprise, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures.

En application des dispositions des articles L.'3121-20 et suivants et L.'3121-35 et suivants du code du travail, la durée légale de travail effectif est fixée à 35 heures par semaine et des heures supplémentaires ne peuvent être effectuées qu'à la double condition de ne pas dépasser sur une même semaine 48 heures et la durée moyenne de travail calculée sur une période de'12'semaines consécutives ne peut excéder 44 heures. En outre, la durée maximale quotidienne de travail effectif ne peut excéder 10 heures.

Par ailleurs, la convention collective nationale de l'immobilier énonce dans son annexe III article 19.3.1':

« La durée du travail s'entend du temps de travail effectif s'écoulant entre le début et la fin de la journée de travail, quel que soit le lieu où il s'exécute, à l'exclusion de l'arrêt de travail consacré au repas, des temps de pause et plus généralement toutes interruptions entre deux séquences de travail qui ne sont pas du travail effectif dès lors que le salarié peut vaquer librement à des occupations personnelles.

Ces interruptions sont mentionnées sur l'horaire collectif affiché.

Sous réserve des dispositions sur le personnel autonome et de celles sur le calcul annuel en jours, la charge annuelle de travail correspondant à la fonction du salarié est de 1.607 heures incluant la journée de solidarité, pour une durée légale hebdomadaire moyenne de travail effectif de 35 heures, hors congés légaux annuels et hors jours fériés.

Les parties signataires, constatant la diversité des modes d'exploitation des résidences de tourisme, reconnaissent la nécessité d'une organisation de la durée du travail évolutive et différenciée fondée sur l'application des dispositions légales et réglementaires récemment actualisées permettant d'arbitrer au mieux entre les nécessités de l'exploitation et les aspirations des salariés.

Dans cet esprit, chaque entreprise pourra, après consultation de ses représentants du personnel, adopter l'organisation collective ou individuelle de l'horaire de travail répondant aux nécessités de service, en référence à l'article 19 de la convention collective nationale de l'immobilier et respectant les règles suivantes, sans préjudice de l'application des dispositions légales et réglementaires susvisées :

- la durée hebdomadaire de travail pourra être répartie d'une manière égale ou inégale sur 4, 5, 5, 5 jours ou 6 jours par semaine (incluant les dimanches ou jours fériés lorsque le type d'activité correspond à celle prévue par les dispositions légales autorisant le travail du dimanche) ;

- la durée journalière maximale de travail ne pourra excéder 10 heures de travail effectif ; l'amplitude maximale étant de 12 heures avec 2 heures de repos minimum ;

- dans les exploitations à activité saisonnière, le personnel permanent devra bénéficier d'au moins 2 jours de repos consécutifs pendant la période hors saison ».

Finalement, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée à l'article 6, sous b), de la directive 2003/88 constitue, en tant que tel, une violation de cette disposition, sans qu'il soit besoin de démontrer en outre l'existence d'un préjudice spécifique (CJUE, 14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 53). Cette directive poursuivant l'objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d'un repos suffisant, le législateur de l'Union a considéré que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire, en ce qu'il prive le travailleur d'un tel repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé (CJUE,14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 54). La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que c'est au droit national des États membres qu'il appartient, dans le respect des principes d'équivalence et d'effectivité, d'une part, de déterminer si la réparation du dommage causé à un particulier par la violation des dispositions de la directive 2003/88 doit être effectuée par l'octroi de temps libre supplémentaire ou d'une indemnité financière et, d'autre part, de définir les règles portant sur le mode de calcul de cette réparation (CJUE, 25 novembre 2010, Fuß c. Stadt Halle, C-429/09, point 94).

La preuve du respect du repos quotidien et des temps maximaux de travail incombe à l'employeur.

Au cas d'espèce, l'employeur ne justifie ni de l'application d'un horaire collectif, ni d'un horaire individualisé.

Et il résulte des volumes horaires hebdomadaires détaillés par la salariée que les durées maximales de travail hebdomadaire ont été dépassées à plusieurs reprises.

En outre, l'employeur n'apporte aucun élément justificatif du respect des temps de pause ni de la durée minimale des repos hebdomadaires et journaliers.

Ainsi, le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvrant droit à la réparation, il convient d'infirmer le jugement dont appel et de condamner la société La Grandterre à verser à Mme'[D] [E] une somme de 1'500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des dépassements des durées maximales de travail et minimales de repos.

3 ' Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.'8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.'8221-3 ou en commettant les faits relatifs au travail dissimulé prévus à l'article L.8221-5 du même code a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L.'8221-5 du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

La charge de la preuve du travail dissimulé repose sur le salarié, qui doit démontrer l'existence, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut d'accomplissement d'une formalité obligatoire et, d'autre part, d'un élément intentionnel, constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité.

En l'espèce, l'élément matériel du travail dissimulé ayant consisté à ne pas indiquer sur les bulletins de paie le nombre d'heures supplémentaires effectivement réalisées est établi.

En revanche, Mme [D] [E] ne démontre pas de manière suffisante l'élément intentionnel du travail dissimulé.

En effet, les horaires d'arrivée et de départ des clients, et les déclarations de Mme [U] quant aux horaires de travail de Mme [E] ne suffisent pas à caractériser une telle intention.

En conséquence, la demande d'indemnité pour travail dissimulé doit être rejetée, le jugement entrepris étant confirmé à ce titre.

4 ' Sur la contestation des avertissements

L'article L. 1331-1 du code du travail énonce':

Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

En application des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail, le juge peut, au vu des éléments que doit fournir l'employeur et de ceux que peut fournir le salarié, annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée, ou disproportionnée à la faute commise.

4.1 ' Sur l'avertissement daté du 13 octobre 2017

Selon le dernier alinéa de l'article L.1332-2 du code du travail, la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.

L'employeur reste tenu de respecter ce délai dès lors qu'il a choisi de convoquer la salariée selon les modalités de l'article L. 1332-2 du code du travail, quelle que soit la sanction finalement prononcée, sous peine d'annulation de la sanction.

Au cas d'espèce, la société La Grandterre a convoqué Mme [D] [E] à un entretien préalable qui s'est tenu le 14 septembre 2017, ensuite duquel elle a notifié un avertissement par courrier daté du 13 octobre 2017.

Toutefois, la mention de la date du 13 octobre 2017 sur le courrier d'avertissement ne permet pas d'établir la date d'expédition de cette lettre par l'employeur, ce dernier s'abstenant de verser aux débats les avis d'envoi et de réception de ce courrier sans s'expliquer sur le fait que la salariée soutient ne l'avoir réceptionné que le'18 octobre 2017.

Il s'en déduit que l'employeur échoue à démontrer que délai d'un mois, qui avait commencé à courir le 14 septembre 2017, n'avait pas expiré à la date d'envoi de la lettre recommandée portant notification de l'avertissement.

En conséquence, la cour annule l'avertissement daté du 13 octobre 2017, par infirmation du jugement entrepris.

4.2 ' Sur l'avertissement daté du 11 décembre 2017

L'article L.'1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de sanctions disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a eu connaissance des faits fautifs moins de deux mois avant le déclenchement de la procédure de licenciement.

Les dispositions de l'article L.'1332-4 ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

Les poursuites disciplinaires se trouvent engagées à la date à laquelle le salarié concerné est convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire.

Au cas d'espèce, le courrier d'avertissement du 11 décembre 2017 vise en premier lieu des faits survenus le 31 août 2017.

La société La Grandterre n'explicite ni ne démontre la date à laquelle les faits reprochés ont été portés à sa connaissance de sorte que les faits reprochés datant de plus de deux mois ne pouvaient plus donner lieu sanction.

En second lieu, le courrier d'avertissement reproche à Mme [D] [E] «'des erreurs fréquentes et répétées'» à l'occasion de la réalisation d'inventaires, qui ne constituent pas des fautes de nature disciplinaire.

En conséquence, l'avertissement du 11 décembre 2017 est également annulé par infirmation du jugement entrepris.

4.3 ' Sur la demande indemnitaire

La salariée se fonde sur l'obligation d'exécution loyale du contrat définie par L. 1222-1 du code du travail pour solliciter l'indemnisation du préjudice subi du fait de la notification de ces sanctions injustifiées.

Mme [D] [E] démontre avoir adressé à son employeur un courriel, le'5'septembre 2017 à 13h29, l'informant de son état de grossesse, avec, en pièce jointe, un certificat du même jour de Mme [J], sage-femme, attestant de cette grossesse.

La société La Grandterre lui a adressé un courrier daté du 1er septembre 2017 mais tamponné par les services postaux le 5 septembre 2017, de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire, avec mise à pied à titre conservatoire ayant donné lieu, après un entretien du'14'septembre 2017, à la notification du premier avertissement annulé.

Quoique l'employeur se prévale, dans le courrier d'avertissement du 13 octobre 2017, d'avoir été informé de son état de grossesse le 9 septembre 2017 pour ensuite indiquer, dans un courrier ultérieur du 6 décembre 2017, qu'il en a eu connaissance le'8'septembre 2017, il reste taisant sur ce courriel du 5 septembre 2017.

Il ne présente pas davantage d'explication sur la raison pour laquelle le courrier de convocation à l'entretien préalable de Mme [E] était daté du 1er septembre alors qu'il n'a été posté que le'5 septembre 2017, dans une enveloppe mentionnant uniquement le nom de M. [Z], destinataire d'un courrier de convocation similaire.

En tout état de cause, le courrier d'avertissement du 13 octobre 2017 précise que Mme [E] a reçu sa convocation à un entretien préalable le 6 septembre 2017, soit le lendemain de l'information donnée à l'employeur, par courriel, de son état de grossesse.

Il s'en déduit que la société La Grandterre a engagé cette procédure disciplinaire postérieurement à l'annonce de la grossesse de la salariée.

Par ailleurs, Mme [D] [E] produit la lettre d'avertissement du 13 octobre 2017 qui sanctionne une prise de quatre jours de congés sans autorisation du lundi 28 au jeudi'31'août'2017 ainsi que le fait d'avoir bénéficié de prestations personnelles aux frais de l'entreprise et qui conclut':

«'Toutefois vous nous avez informés par lettre recommandée AR reçue le 9 septembre 2017 de ce que vous étiez enceinte.

Nous pouvons donc entendre que certains de vos agissements puissent s'expliquer par votre état.

Nous avons donc décidé de faire preuve de clémence et de vous donner une autre chance.

C'est pourquoi nous avons décidé de vous notifier un avertissement qui sera versé à votre dossier personnel'».

Le fait de retenir une faute disciplinaire par la notification d'un avertissement à raison de l'état de grossesse participe directement d'une discrimination prohibée à l'égard de Mme'[E] dans la mesure où l'employeur ne peut à la fois retenir des difficultés objectives liées à l'état de santé de la salariée résultant de sa grossesse et, dans le même temps, estimer que lesdits manquements, ou du moins certains, sans préciser lesquels, dans l'exécution du contrat de travail résulteraient pour autant d'une volonté délibérée de sa part en retenant une faute disciplinaire.

Ces circonstances suffisent à caractériser l'existence d'un manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat et le préjudice en résultant pour la salariée qui n'avait fait l'objet d'aucun reproche jusqu'à la date de l'annonce de sa grossesse.

Infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société La Grandterre à verser à Mme'[D]'[E] une indemnité de 2'000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi'du fait de l'exécution déloyale du contrat résultant de la notification de sanctions injustifiées.

5 ' Sur les prétentions relatives à la nullité du licenciement

D'une première part l'article L1132-1 du code du travail prévoit que :

Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

L'article L. 1134-1 du code du travail énonce que :

Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Et l'article L 1225-1 du code du travail prohibe également toute discrimination à raison de l'état de grossesse en énonçant':

L'employeur ne doit pas prendre en considération l'état de grossesse d'une femme pour refuser de l'embaucher, pour rompre son contrat de travail au cours d'une période d'essai ou, sous réserve d'une affectation temporaire réalisée dans le cadre des dispositions des articles L. 1225-7, L. 1225-9 et L. 1225-12, pour prononcer une mutation d'emploi.

Il lui est en conséquence interdit de rechercher ou de faire rechercher toutes informations concernant l'état de grossesse de l'intéressée.

D'une seconde part, l'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L. 1152-3 du code du travail précise que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.

Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.

A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du'8'août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :

«'En cas de litige relatif à l'application des articles L 1151-1 à L 1152-3 et L 1152-3 à L 1152-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des éléments de faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'»

La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité d'éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.

Au cas particulier, la salariée avance plusieurs éléments de fait pour soutenir que l'origine de son inaptitude se trouve dans la discrimination subie en raison de son état de grossesse et du harcèlement subi.

La salariée ne démontre certes pas, par la seule production de l'attestation de Mme [G], qu'elle a fait l'objet d'une rétrogradation de son poste de responsable d'hébergement à son retour d'arrêt maladie en novembre 2017.

De même, il n'est pas matériellement établi que des jours de congés payés lui ont été imposés pendant son congé maternité, le courrier de l'employeur en date du 5 mai 2018 visant à l'informer de dates des congés payés en prenant la précaution de préciser «'sous réserve expresse des dates de congé maternité'».

En revanche, d'une première part, il est jugé que Mme [D] [E] apporte matériellement, comme élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination prohibée à raison de sa situation de famille, qu'elle a informé son employeur de son état de grossesse avant que celui-ci n'engage la procédure disciplinaire qui a donné lieu à l'avertissement du 13 octobre 2017 et que les termes de l'avertissement notifié sont discriminatoires.

D'une seconde part, il est établi que Mme [D] [E] a fait l'objet d'un second avertissement en décembre 2017, qui est annulé.

D'une troisième part, elle produit trois courriers recommandés reçus pendant son congé maternité en avril et mai 2018, emprunts d'intimidation dès lors qu'il s'agit de lui rappeler l'obligation de justifier de l'assurance locative, de procéder au ramonage du logement mis à sa disposition, et de dégradations constatées dans la cave mise à disposition.

D'une quatrième part, Mme [E] justifie de la notification à l'employeur d'un certificat médical du 10 novembre 2017, établi par le docteur [C] [O], médecin généraliste, constatant la nécessité

« d'une adaptation du poste de travail pour raisons de santé dans le cadre d'une grossesse en cours. Elle doit être dispensée de port de charges, de tâches ménagères répétés avec changement de positions itératives » et de l'avis du médecin du travail en date du'13'novembre 2017 préconisant : « - pas de port de charges lourdes (maximum 10kg et pas de façon répétée, ni de déplacement de meubles lourds), - Pas de tâches de ménages. A revoir dans six mois pour réévaluations clinique'», pour soutenir que l'employeur a manqué d'adapter son poste à son état.

Il résulte de ce qui précède que la salariée établit des éléments de fait précis et concordants qui, pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement discriminatoire à son encontre.

En réponse, la SARL La Grandterre n'apporte pas les justifications suffisantes permettant d'écarter que l'inaptitude à l'origine du licenciement ne résulte pas en réalité d'un harcèlement discriminatoire subi à raison de son état de grossesse.

En effet, il est démontré que la faute disciplinaire retenue par la notification d'un avertissement à raison de l'état de grossesse participe directement d'une discrimination prohibée à l'égard de Mme'[E].

Le fait que la société La Grandeterre justifie qu'elle a déjà eu des salariés sur les mêmes postes que les consorts [Z]-[E], dont l'une, Mme [K], a eu deux congés maternité pendant sa période d'emploi, et ensuite une salariée, Mme [G], avec une enfant en bas âge, ne permet pas d'expliquer la concomitance entre l'information donnée à l'employeur de la grossesse de Mme [E] et l'engagement dans la suite immédiate d'une procédure disciplinaire contre la salariée et son compagnon, également employé, avec de surcroît des sanctions disciplinaires différentes, plus clémente à l'égard de Mme [E] à raison justement de son état de grossesse, qui expliquerait certains de ses agissements constatés dans ses missions, soit selon un motif participant directement d'une discrimination prohibée à raison de l'état de grossesse de la salariée.

Et, la société La Grandterre manque de démontrer que la notification de l'avertissement du'11'décembre 2017 plus de deux mois après les faits allégués, est étrangère à tout agissement de harcèlement.

Elle ne s'explique pas davantage sur la nécessité de lui adresser les courriers d'avril et mai 2018 pendant son congé maternité.

Enfin, nonobstant le courrier du 6 décembre 2017 par lequel l'employeur précise veiller à «'se conformer aux préconisations du médecin du travail, ce qui a nécessairement pour effet de limiter les tâches que nous pouvons vous confier'», il ne justifie aucunement des mesures et précautions prises pour respecter ces préconisations, adapter son poste et protéger la santé de sa salariée enceinte, ni ne présente d'éléments susceptibles de démontrer que cette abstention serait étrangère à tout harcèlement.

Eu égard aux éléments de fait pris dans leur globalité matériellement établis par Mme'[D]'[E] auxquels la société La Grandterre n'a pas apporté les justifications suffisantes, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire que Mme [D] [E] a fait l'objet d'un harcèlement discriminatoire ayant eu pour objet ou effet une dégradation de ses conditions de travail, avec un impact sur la santé de la salariée.

En effet, la salariée a fait l'objet d'un premier arrêt de travail du'8'septembre'2017 au'10'novembre 2017, puis d'un second arrêt de travail à partir du'2'janvier'2018 suivi d'un congé maternité jusqu'au 14 juin 2018, puis d'un troisième arrêt maladie jusqu'au 11 septembre 2018.

Le docteur [C] [O] précise dans un certificat médical en date du 18 mai 2021 que ces arrêts de travail ont été délivrés dans un contexte d'anxiété concomitamment aux agissements de harcèlement discriminatoire subi':

«'Elle a bénéficié d'un arrêt maladie à compter du 8 septembre 2017 jusqu'au 26 octobre 2017 dans un contexte d'anxiété sévère réactionnelle, qu'elle rattache au harcèlement au travail via son employeur. Elle me rapporte ensuite une demande de mise en congés par l'employeur. Un nouvel arrêt maladie pour pathologies liées à la grossesse (asthénie, douleurs pelviennes, lombalgies) a débuté le 2 janvier 2018 jusqu'au 7 février 2018 suivi de congés maternité. Elle demeure dans une incapacité à reprendre le travail suite au harcèlement au travail rapporté avec anxiété généralisée persistante. Arrêt maladie à compter du 14 juin 2018 jusqu'au'17'septembre 2018 puis mise en incapacité par la médecine du travail à compter du'18'septembre 2018 ».

Finalement, l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail le 18 septembre 2019, avec dispense de l'obligation de reclassement, vise le motif «'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'» en ajoutant au formulaire préétabli les mots «'(dans l'entreprise)'», révélant ainsi que l'état de santé de la salariée s'est dégradé jusqu'à empêcher son reclassement au sein de cette entreprise.

Le harcèlement discriminatoire de l'employeur a donc, au moins partiellement, participé à la dégradation de son état de santé à l'origine de son inaptitude.

En conséquence, infirmant le jugement déféré, la cour prononce la nullité du licenciement notifié par la société La Grandterre à Mme [D] [E] le 28 octobre 2018.

Partant, Mme [D] [E] est fondée à obtenir paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de 3'683,33 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre'368,33'euros'bruts à titre d'indemnité de congés payés afférentes et un montant de'1'127,90 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, étant relevé que ces montants ne font l'objet d'aucune critique utile par l'employeur. Le jugement dont appel est donc infirmé de ces chefs.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail les barèmes d'indemnisation définis par l'article L. 1235-3 ne sont pas applicables lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une nullité afférente à un licenciement discriminatoire, que le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail et que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, Mme [D] [E], âgée de 32 ans à la date de rupture, bénéficiait d'un salaire moyen de 1'841,66 euros avec une ancienneté de plus d'une année complète d'emploi dans l'entreprise. Elle s'abstient de produire tout élément quant à ses conditions de ressources depuis son licenciement.

Tenant compte de l'ensemble ces éléments, infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société'La Grandterre à payer à Mme [D] [E] une indemnité de'11 050,00'euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat.

6 ' Sur les demandes accessoires

La société La Grandterre, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance par infirmation du jugement entrepris y ajoutant les dépens d'appel.

Elle est donc déboutée de sa demande d'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article'700'du code de procédure civile en première instance et en appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [D] [E] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société La Grandterre à lui verser la somme de'3 000'euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a':

- débouté Mme [D] [E] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

- débouté la société La Grandterre de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société La Grandterre SARL à payer à Mme [D] [E]'les sommes suivantes':

- 6'207,60 euros bruts (six mille deux cent sept euros et soixante centimes) au titre du rappel de salaire des heures supplémentaires,

- 620,76'euros bruts (six cent vingt euros et soixante-seize centimes) au titre des congés payés afférents,

- 1'500,00 euros nets (mille cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des dépassements des durées maximales de travail et minimales de repos,

ANNULE les avertissements en date du 13 octobre 2017 et du 11 décembre 2017';

CONDAMNE la société La Grandterre SARL à payer à Mme [D] [E]'la somme de'2'000'euros nets (deux mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi'du fait de ces avertissements';

PRONONCE la nullité du licenciement notifié par la société La Grandterre SARL à Mme [D] [E] le 28 octobre 2018';

CONDAMNE la société La Grandterre SARL à payer à Mme [D] [E] les sommes suivantes':

- 3 683,33 euros bruts (trois mille six cent quatre-vingt-trois euros et trente-trois centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 368,33 euros bruts (trois cent soixante-huit euros et trente-trois centimes) à titre d'indemnité de congés payés afférente

- 1 127,90 euros (mille cent vingt-sept euros et quatre-vingt-dix centimes) à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 11 050,00 euros bruts (onze mille cinquante euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ,

DÉBOUTE Mme [D] [E] du surplus de ses demandes financières';

DÉBOUTE la société La Grandterre SARL de sa demande d'indemnisation des frais irrépétibles exposés en cause d'appel';

CONDAMNE la société La Grandterre SARL à payer à Mme [D] [E] la somme de'3'000'euros (trois mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la société La Grandterre SARL aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/01192
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.01192 ?
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