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02/02/2023 | FRANCE | N°18/04200

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 02 février 2023, 18/04200


C 2



N° RG 18/04200



N° Portalis DBVM-V-B7C-JWZO



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET



la SELEURL VALERIE BLOCH - AVOCAT
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COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 02 FEVRIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 16/01276)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 11 septembre 2018

suivant déclaration d'appel du 10 octobre 2018





APPELANTE :



Madame [O] [M]

née le 05 Décembre 1965 à [Localité 5]

de na...

C 2

N° RG 18/04200

N° Portalis DBVM-V-B7C-JWZO

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

la SELEURL VALERIE BLOCH - AVOCAT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 02 FEVRIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 16/01276)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 11 septembre 2018

suivant déclaration d'appel du 10 octobre 2018

APPELANTE :

Madame [O] [M]

née le 05 Décembre 1965 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEES :

SAS SODEXO SANTE MEDICO SOCIAL, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Valérie BLOCH de la SELEURL VALERIE BLOCH - AVOCAT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 novembre 2022,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 02 février 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 02 février 2023.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [O] [M], née le 5 décembre 1965, a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée signé le 5 novembre 1992 par la société Sodexo Santé Médico Social en qualité d'employée de service à temps partiel à raison de 28,37 heures par semaine.

Au dernier état des relations contractuelles, Mme [O] [M] percevait un salaire brut mensuel de 1'779,01 euros en qualité de chef de groupe, niveau 4.

Elle était affectée à l'établissement « Les Vergers » à [Localité 6].

Le 8 septembre 2016, une violente altercation a opposé Mme [O] [M] à M. [A], chef de cuisine. Mme [O] [M] a fait valoir un droit au retrait, accepté par M.'[G], responsable régional.

Le 17 octobre 2016, Mme [O] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble d'une requête dirigée contre la société Sodexo Santé Médico Social, tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et de demandes indemnitaires et salariales afférentes à l'exécution et à la rupture de son contrat.

Le 23 février 2017, Mme [O] [M] a été placée en arrêt de travail pour maladie suite à un accident déclaré le même jour.

Les arrêts de travail successifs de la salariée ont été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, selon décision de la caisse primaire d'assurance maladie en date du'16'mai 2017.

Par courriers en date du 20 septembre, puis du 22 novembre 2019, la société Sodexo Santé Médico Social a informé Mme [M] du transfert de son contrat de travail à la société Restalliance, à compter du 1er octobre 2019, suite à la reprise par cette dernière de la gestion du service de restauration de l'établissement «'Les Vergers'».

Par courrier du 5 mars 2020, la société Restalliance a notifié à Mme [O] [M] son licenciement pour inaptitude.

Par jugement du 11 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- Dit n'y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [O] [M],

- Débouté Mme [O] [M] de l'ensemble de ses demandes,

- Débouté la SAS Sodexo Santé Médico Social de sa demande reconventionnelle,

- Condamné Mme [O] [M] aux dépens.

Par déclaration en date du 10 février 2018, Mme [O] [M] a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Suivant assignation du 10 novembre 2020, Mme [O] [M] a appelé la société Restalliance à la cause.

Par ordonnance juridictionnelle du 1er juillet 2021 le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de Mme [O] [M] de l'instance qu'elle avait introduite le 20 novembre 2020 à l'encontre de la SASU Restalliance, rappelé que ce désistement emporte extinction de l'instance et condamné Mme [O] [M] au paiement des frais de l'instance éteinte et au paiement à la SASU Restalliance de la somme de 300 euros par application des dispositions de l'article'700'du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [O] [M] demande à la cour d'appel de':

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [O] [M],

- débouté Mme [O] [M] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [O] [M] aux dépens.

Statuant à nouveau,

- Juger que la société Sodexo a méconnu son obligation de sécurité à l'égard de Mme [M],

- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,

- Condamner la société Sodexo à verser à Mm [M] les sommes suivantes :

- 15 000 € nets en réparation du préjudice subi au titre de la violation de l'obligation de sécurité,

- 15 269,83 € à titre d'indemnité de licenciement, sauf à parfaire,

- 3 558,02 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 355,80 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 43 000 € nets de CSG-CRDS à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 779,01 € bruts au titre de la prime de treizième mois qu'elle aurait dû percevoir en'2019.

- Condamner la société Sodexo à verser chacune à Mme [M] la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.

Par conclusions enregistrées le 8 avril 2019 et retransmises avec le dossier de plaidoirie reçu au greffe le 14 novembre 2020, la société Sodexo Santé Médico Social demande «'au conseil de prud'hommes de Grenoble'» de':

«'Débouter Mme [O] [M] de l'ensemble de ses demandes,

Condamner Mme [O] [M] au paiement de la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.'»

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2022 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 23 novembre 2022.

A cette date, la décision a été mise en délibéré au 2 février 2023.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, la cour relève d'une première part que la recevabilité des écritures produites par la partie intimée n'est pas contestée et d'une seconde part que la société Sodexo Santé Medico Social développe des moyens tendant à contester tout harcèlement moral subi par la salariée alors que celle-ci ne présente aucune prétention ni ne soutient aucun moyen de droit ou de fait à ce titre.

1 ' Sur les prétentions relatives à l'obligation de sécurité

L'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

L'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1389 du'22 septembre 2017 prévoit que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

A compter du 1er octobre 2017, la référence à la pénibilité a été remplacée par un renvoi à l'article L. 4161-1 du code du travail.

L'article L. 4121-2 du code du travail prévoit que :

L'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'article L. 4121-3 du même code dispose que :

L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le ré-aménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

Au cas d'espèce, Mme [O] [M] avance que, dans un contexte de surcharge de travail et d'absence de moyens adaptés, elle a été victime de violences verbales de la part de ses collègues de travail et supérieurs hiérarchiques, face auxquelles l'employeur n'a pas réagi en dépit des alertes émises.

Il est établi que Mme [O] [M] a été autorisée à exercer son droit de retrait à la suite de l'altercation survenue le 8 septembre 2016 avec son supérieur hiérarchique, M. [A].

Il résulte des attestations rédigées par Mme [S] [N], agent de restauration et par M.'[L] [E], responsable du site, que Mme [M] a été insultée sur son lieu de travail par son collègue M. [H] [F], cuisinier intérimaire, le'23'septembre'2016 . La seconde attestation rédigée par M. [L] [E] le 8 novembre 2016, produite par l'employeur, ne remet d'ailleurs pas en cause la première attestation rédigée par ce même témoin le 14 octobre 2016, produite par la salariée.

Il ressort, par ailleurs, du questionnaire de la caisse primaire d'assurance maladie renseigné par Mme [O] [M], qu'elle a déclaré avoir été insultée le 23 février 2017 par un collègue de travail.

Par courriel en date du 28 février 2017, la salariée a écrit au secrétaire du CHSCT pour lui signaler les faits du 23 février 2017 en indiquant «'j'ai été agressé verbalement, insulté, et as deux doigts de me faire frapper par monsieur [B] [U] intérimaire pour la société Adecco. Il m'a insulté par les mots «'salire pute'» et «'aller tous vous faire enculer'».

Et Mme [V] [C] confirme ces faits du 23 février 2017 dans son attestation rédigée le'28'mars'2017': «'Il a insulté Mme [M] et moi-même de «'sale pute'» ['] Monsieur [B] [U] s'est énervé violemment en disant plusieurs fois «'tu me cherches'» et ensuite «'tu es toujours derrière mon cul'» et il est venu très près de Madame [M] as crier «'je n'ai pas peur de toi'» Il était à deux doit de la frapper. Il es parti et quitté son poste de travail. Il a claqué très fort la porte. ». La seconde attestation rédigée par Mme [V] [C] le 7 août 2017, produite par l'employeur, ne remet d'ailleurs pas en cause les termes de cette première attestation produite par la salariée.

Mme [O] [M] justifie avoir été placée en arrêt de travail le jour même avec le motif d'un «'choc émotionnel après agression verbale violente'», le caractère professionnel étant reconnu par la CPAM par décision du 16 mai 2017.

D'une première part, la société Sodexo ne justifie pas des mesures prises à la suite des constats dressés le 17 octobre 2016, lors de l'inspection du restaurant de la résidence Les Vergers organisée par le CHSCT. Il ressort pourtant de la synthèse que les membres du CHSCT ayant effectué la visite ont relevé « Beaucoup de manipulations et manutention au niveau des plats mixés, filmés individuellement donc manque de temps et manque de bras (MANQUE DE PERSONNEL). (Beaucoup de stress concernant le personnel qui travaille sur le site). SURTOUT LE WEEK-END, grosse surcharge pour la personne qui assure la permanence'» et que le CHSCT recommandait «'Depuis la signature du nouveau contrat en juillet 2015, gros stress, manque de temps pour déjeuner, manque de bras, etc' une contre-visite sera faite début décembre 2016'».

D'une seconde part, la société Sodexo, qui avait connaissance des difficultés relationnelles entre les salariés de la résidence Les Vergers, ne justifie pas des mesures prises pour apaiser les relations et prévenir les risques de conflits.

Ainsi, M. [G], responsable régional, atteste que lors d'une visite du 5 août 2016 dans le cadre de sa prise de poste, il a constaté que « l'ambiance et l'esprit d'équipe n'étaient pas au rendez-vous sur le site des Vergers ».

D'une troisième part, informée de l'altercation survenue le 8 septembre 2016 entre Mme [M] et M. [A], chef de cuisine, la société Sodexo expose avoir autorisé l'exercice du droit de retrait de Mme'[M].

La société Sodexo justifie avoir proposé à la salariée , par courrier du 9 septembre 2016, un rendez-vous en indiquant «'nous avons bien noté les difficultés que vous seriez amenée à rencontrer sur votre site d'affectation'», sans toutefois démontrer qu'elle a effectivement organisé un tel entretien, et rencontré la salariée.

D'une quatrième part, la société Sodexo ne justifie d'aucune mesure engagée à la suite de l'agression du 23 février 2017.

D'une cinquième part, la société Sodexo verse aux débats les documents d'information sur l'association Ecoute et Vigilance sans établir que ceux-ci auraient été portés à la connaissance de la salariée.

Et l'attestation rédigée par Mme [K] se révèle dénuée de valeur probante s'agissant d'une salariée de l'entreprise qui énonce en des termes très généraux que l'employeur «'met en 'uvre des actions de prévention pour éviter tout risque de situation de harcèlement'», «'procède à l'affichage sur site des dispositions légales relatives au harcèlement moral'», et «'fait également afficher les coordonnées des interlocuteurs pouvant être contactés':'membres du CHSCT, assistante sociale, médecine du travail, les responsables des ressources humaines'», sans autre précision.

L'employeur échoue donc à démontrer avoir mis en oeuvre des mesures de prévention des risques psychosociaux dans l'entreprise.

D'une sixième part, la société Sodexo ne justifie pas de la remise d'équipement de protection individuelle, en violation des dispositions de l'article R. 4321-1 du code du travail, alors qu'un courriel de la direction générale rappelait la nécessité pour l'employeur de s'assurer du port et de l'utilisation effective des équipements de protection.

Enfin, c'est par un moyen inopérant que l'employeur développe des éléments tendant à mettre en cause le comportement de Mme [M] en ce qu'elle serait à l'origine des relations conflictuelles avec ses collègues, alors qu'il n'allègue d'aucune mesure disciplinaire prise à son encontre à ce titre, et qu'il manque de justifier des mesures prises pour prévenir et régler les conflits.

Les manquements de l'employeur à ses obligations de sécurité et de prévention des risques sont donc établis.

Par ailleurs, Mme [O] [M] justifie d'une dégradation de son état de santé liée à ces manquements.

En effet elle produit le dossier médical du service de la santé au travail dont il ressort que':

- le 26 septembre 2016 le médecin du travail indiquait «'Signale être fatiguée +++ car pression au travail impression d'être dans un engrenage. ['] conditions de travail très difficile car démission du nouveau chef. Ambiance très délétère selon ses dires. Signale une dégradation de ses conditions de travail plus importante'»

- le 10 mai 2017 le médecin du travail indiquait': «'dit être encore bien angoissée suite à l'agression. Sommeil perturbé. Sous nordaz et déroxat. A souhaité reprendre mais en situation d'angoisse +++ Pleure +++ durant la visite.'».

Elle produit également les arrêts de travail délivrés à compter du 23 février 2017 qui mentionnent, pour motif : «'choc émotionnel après agression verbale violente'».

Enfin, aux termes d'une attestation du 8 avril 2019' le docteur [T], psychiatre, décrit un syndrome dépressif persistant en indiquant : «'elle a été prise en charge au décours d'un accident du travail (agression par un collègue) opur séquelles psychiques': syndrome de stress post-traumatique sévère avec syndrome dépressif associé. L'évolution est très lente car il persiste encore des symptômes anxiodépressif à ce jour et son état de santé ne permet pas d'envisager de reprise de travail actuellement'».

Au regard de l'ensemble de ces circonstances et de l'inaction de l'employeur en dépit de sa connaissance des risques, la salariée démontre avoir subi des angoisses anormales et un préjudice moral dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail.

Dans ces conditions, infirmant le jugement entrepris, il y a lieu d'allouer à Mme [O] [M] la somme de 5 000 euros nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et prévention, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

2 ' Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Conformément aux dispositions de l'article 1184 du code civil, devenu l'article 1224 du code civil, la condition résolutoire étant toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut demander au juge la résolution du contrat.

Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail et pour répondre à cette définition, les manquements invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais ils doivent de surcroît être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, ou au service d'un nouvel employeur dans le cas d'un transfert de son contrat de travail, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée, si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

En l'espèce, il est établi que le contrat de travail de Mme [O] [M] a été transféré à la société Restalliance dans le cadre d'un transfert du marché de restauration, sans qu'il soit justifié d'un avenant ni de l'accord exprès de la salariée pour ce transfert conventionnel.

Aussi, la société cessionnaire qui a notifié à Mme [O] [M] son licenciement pour inaptitude par courrier du 5 mars 2020, est à l'origine de la rupture du contrat.

Il en résulte que le juge doit d'abord statuer sur la demande de résiliation judiciaire.

En l'espèce, les manquements de l'employeur présentent un degré de gravité ayant empêché la poursuite du contrat de travail dès lors que l'employeur a manqué de prévenir les risques d'atteinte à la santé et à la sécurité de la salariée et que ce risque s'est réalisé avec la survenance de deux altercations verbales violentes entre salariés.

Il s'ensuit que les manquements de la société Sodexo apparaissent suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail au regard de leurs répercussions avérées sur l'état de santé de la salariée.

Etant constaté que les effets du transfert du contrat ne sont pas discutés entre les parties et que l'exécution du contrat s'est poursuivie jusqu'au licenciement, notifié le 5 mars 2020 par la société cessionnaire, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat en fixant sa prise d'effet à la date de sa rupture le 5 mars 2020 et non pas à la date du transfert du contrat, le'1er octobre 2019.

Infirmant le jugement entrepris, la cour prononce donc la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Sodexo avec effet au 5 mars 2020, ladite rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, la société Sodexo, est condamnée à verser à la salariée une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents pour les montants suivants, l'employeur ne présentant aucune critique utile des montants sollicités':

- 15 269,83 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 3 558,02 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis équivalent à deux mois de salaire,

- 355,80 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Par ailleurs, l'article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

Mme [O] [M] justifie d'un premier bulletin de salaire correspondant au mois de'décembre'1991, de sorte qu'elle disposait, à la date de la résiliation, d'une ancienneté, au service du même employeur, de vingt-sept années entières et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre trois et dix-neuf'mois de salaire.

Âgée de 55 ans à la date de la résiliation, elle percevait, au dernier état de la relation, un rémunération mensuelle brute moyenne de 1 779,01 euros. Elle justifie avoir été admise au bénéfice d'une pension d'invalidité de deuxième catégorie depuis le 16 novembre 2019.

Il convient, par conséquent, par infirmation du jugement déféré, de condamner la société Sodexo à lui verser la somme de 33 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement injustifié, la salariée étant déboutée du surplus de sa demande.

3 ' Sur la prime de treizième mois

L'avenant du 2 décembre 2002 définit la rémunération de la salariée sans prévoir l'octroi d'une prime de treizième mois.

La convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités prévoit, dans son avenant n°1 en date du 11 mars 2016 étendu par arrêt du 24 novembre 2016, que':

«' Article 16.3':

A compter du 1er janvier 2017, les parties signataires conviennent d'instituer pour tous les salariés, quel que soit leur statut, un 13e mois qui supprime et remplace l'actuelle prime de fin d'année (PFA).

Les salariés déjà bénéficiaires d'un 13e mois, ou d'une prime assimilée à un 13e mois, calculé selon des modalités plus avantageuses, à la date d'application du présent avenant, conservent les avantages de ces dispositions qui ne peuvent, en aucun cas, se cumuler avec les dispositions suivantes.

[']

Article 16.3.2':

Le 13e mois sera acquis au bout de 1 an d'ancienneté continue et révolue, au prorata du nombre de mois travaillés dans l'année civile au-delà de cette période de 12 mois.'

Article 16.3.3

Le 13e mois est acquis pro rata temporis du temps de travail effectif au cours de l'année civile de référence. La première année de référence sera l'année 2017.

Est considéré comme travail effectif toute période ouvrant droit à congés payés conformément aux dispositions légales et conventionnelles.

Les absences autres que celles assimilées à du temps de travail effectif entraîneront une réduction proportionnelle du 13e mois ou de l'avance correspondante.

En cas d'année incomplète de travail, de rupture ou de transfert du contrat de travail en cours d'année, le 13e mois sera dû et calculé au prorata du temps de travail effectif dans l'entreprise, sous réserve d'avoir rempli les conditions d'ancienneté.».

Or, la salariée, qui ne justifie pas du bénéfice de modalités antérieures plus avantageuses, se limite à produire ses bulletins de salaire sur la période de janvier 2016 à avril 2017, lesquels ne font apparaître l'octroi d'une prime de 13ème mois qu'en janvier 2016 et décembre 2016 (113,12 € et 1'165,92 €).

Surtout, la salariée n'explicite ni le fondement de sa demande au paiement de prime de treizième mois, ni les modalités de calcul de la somme revendiquée au titre de cette prime.

En conséquence, confirmant le jugement déféré, elle est déboutée de ce chef de prétention.

4 ' Sur les demandes accessoires

La société Sodexo, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance par infirmation du jugement entrepris y ajoutant les dépens d'appel.

Elle est donc déboutée de sa demande d'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article'700'du code de procédure civile en première instance et en appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [O] [M] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société Sodexo à lui verser la somme de'2 500'euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement en ce qu'il a':

- débouté Mme [O] [M] de sa demande en paiement de la prime de 13ème mois,

- débouté la SAS Sodexo Santé Médico Social de sa demande reconventionnelle,

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Sodexo Santé Médico Social SAS à payer à Mme [O] [M] la somme de 5'000 euros nets (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait des manquements de l'employeur à ses obligations de sécurité et de prévention,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Sodexo Santé Médico Social SAS avec effet au 5 mars 2020 ;

CONDAMNE la société Sodexo Santé Médico Social SAS à payer à Mme [O] [M] les sommes suivantes':

- 15 269,83 euros (quinze mille deux cent soixante-neuf euros et quatre-vingt-trois centimes) à titre d'indemnité de licenciement,

- 3 558,02 euros bruts (trois mille cinq cent cinquante-huit euros et deux centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 355,80 euros bruts (trois cent cinquante-cinq euros et quatre-vingts centimes) au titre des congés payés afférents,

- 33'000 euros bruts (trente-trois mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE Mme [O] [M] du surplus de ses demandes indemnitaires,

CONDAMNE la société Sodexo Santé Médico Social SAS à payer à Mme [O] [M] une indemnité de 2'500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel';

REJETTE la demande d'indemnisation complémentaire des frais irrépétibles de la société Sodexo Santé Médico Social SAS';

CONDAMNE la société Sodexo Santé Médico Social SAS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 18/04200
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;18.04200 ?
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