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31/01/2023 | FRANCE | N°21/00458

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 31 janvier 2023, 21/00458


N° RG 21/00458 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KW67



N° Minute :





C1

























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



la SELARL ARMAJURIS



la SELARL CABINET BARD AVOCATS ET ASSOCIES















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPE

L DE GRENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 31 JANVIER 2023



Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/00841) rendu par le tribunal judiciaire de VALENCE en date du 26 novembre 2020, suivant déclaration d'appel du 21 Janvier 2021





APPELANTE :



Mme [X] [R]

née le 8 octobre 1942 à [Localité 3] (Algérie)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localit...

N° RG 21/00458 - N° Portalis DBVM-V-B7F-KW67

N° Minute :

C1

Copie exécutoire délivrée

le :

à

la SELARL ARMAJURIS

la SELARL CABINET BARD AVOCATS ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 31 JANVIER 2023

Appel d'un Jugement (N° R.G. 19/00841) rendu par le tribunal judiciaire de VALENCE en date du 26 novembre 2020, suivant déclaration d'appel du 21 Janvier 2021

APPELANTE :

Mme [X] [R]

née le 8 octobre 1942 à [Localité 3] (Algérie)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Yves DUPRIEZ de la SELARL ARMAJURIS, avocat au barreau de VALENCE

INTIMÉE :

EURL Atelier NK prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Vincent BARD de la SELARL CABINET BARD AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de VALENCE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Emmanuèle Cardona, présidente,

M. Laurent Grava, conseiller,

Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 novembre 2022, Laurent Grava, conseiller, qui a fait son rapport, assisté de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seul les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [X] [R] a obtenu du maire de la commune de [Localité 2] (26), en date du 5 septembre 2017, un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison d'habitation sur un terrain situé [Adresse 5].

L'EURL Atelier NK, dont la gérante est Mme [Y] [E], a réclamé, suivant une facture du 27 septembre 2017, le paiement d'honoraires à hauteur d'une somme de 5 640 euros TTC pour la constitution et le dépôt du dossier de permis de construire.

En l'absence de suite, et malgré une mise en demeuré du 17 janvier 2019, une assignation du 26 mars 2019 a été délivrée par l'EURL Atelier NK à Mme [X] [R].

Par jugement contradictoire en date du 26 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Valence a :

- condamné Mme [X] [R] à payer à l'EURL Atelier NK la somme de 5 140 euros TTC au titre du solde de ses honoraires ;

- l'a condamnée en outre à payer à l'EURL Atelier NK la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- débouté Mme [X] [R] de ses demandes, fins et prétentions ;

- l'a condamnée à payer à l'EURL Atelier NK la somme de 2 000 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné Mme [X] [R] aux dépens.

Par déclaration en date du 21 janvier 2021, Mme [X] [R] a interjeté appel de la décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 21 avril 2021, Mme [X] [R] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

- débouter l'EURL Atelier NK de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner l'EURL Atelier NK à lui verser la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts ;

- condamner l'EURL Atelier NK à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :

- elle rappelle les faits et la procédure ;

- elle est âgée de 77 ans et ne sait ni parler, ni lire, ni écrire le français ;

- en l'espèce, il n'existe aucun écrit qui lie l'EURL Atelier NK et Mme [R] ;

- pour autant, l'EURL Atelier NK estime être lié par un mandat de maîtrise d''uvre et fournit plusieurs « commencements de preuves par écrit » censés établir l'existence de l'acte juridique ;

- ces éléments, s'ils peuvent être de nature à établir que Mme [E] a fait les plans qui ont servi de base à la demande de permis de construire, n'établissent aucun contrat de maîtrise d''uvre ;

- aucune relation de commerce ou de consommation n'est établie ;

- au contraire, il ressort de tous ces éléments que Mme [E] et Mme [R] n'ont pas souhaité établir de contrat de maîtrise d''uvre, mais que les plans ont été établis dans le cadre d'une relation amicale classique d'entraide et de service ;

- subsidiairement, ce contrat est nul pour cause de dol ;

- Mme [E] n'a pas respecté ses obligations en s'abstenant de livrer les informations pré-contractuelles indispensables relatives à l'étendue de sa mission et au prix de sa prestation ;

- elle n'a jamais délivré de barème de rémunération, de devis, de budget prévisionnel ni de cadre d'intervention ;

- Mme [R], qui ne parle, ne lit ni n'écrit le français, n'aurait conclu ce contrat que par l'intermédiaire de son fils, qui pensait avoir affaire à une relation amicale ;

- il est clair que les parties ne se sont pas mises d'accord sur le prix de la prestation, ni sur son étendue ;

- le défaut d'information avait pour simple but de tromper le contractant et de le déterminer à conclure le contrat, raison pour laquelle la facture n'a été adressée qu'une fois la prestation réalisée ;

- très subsidiairement, le prix de la prestation est disproportionné.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 3 mai 2021, l'EURL Atelier NK demande à la cour de :

A titre principal,

- dire et juger que la déclaration d'appel interjetée par Mme [R] ne défère à la cour aucun chef critiqué du jugement attaqué ;

- dire et juger que la cour n'est saisie d'aucune demande ;

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

En toutes hypothèses,

- condamner Mme [R] à verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [R] aux entiers dépens

Elle expose les éléments principaux suivants au soutien de ses écritures :

- elle rappelle les faits et la procédure ;

- dans sa déclaration d'appel, Mme [R] a fixé comme objet de l'appel « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués » ;

- ce faisant, elle n'a pas mentionné les chefs de jugement qui sont critiqués ;

- l'effet dévolutif de l'appel interjeté par Mme [R] n'a pas joué ;

- l'appelante avait jusqu'au 21 avril 2021 pour déposer une nouvelle déclaration d'appel, elle ne l'a pas fait ;

- subsidiairement, un contrat écrit n'est pas nécessaire ;

- tout démontre l'existence de relations contractuelles ;

- le permis, qui a été affiché sur le terrain de Mme [R], correspond bien à celui déposé par la requérante et accordée par le maire ;

- le solde est dû.

La clôture de l'instruction est intervenue le 12 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la recevabilité de l'appel :

L'article 901 du code de procédure civile précise que « La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le troisième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité : [...]

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».

L'article 562 du même code ajoute « L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».

En l'espèce, la déclaration d'appel de Mme [R] du 21 janvier 2021, telle que formalisée par le greffe, précise, à la rubrique « Objet/Portée de l'appel », qu'il s'agit d'un « Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués » (sic).

Néanmoins, la déclaration d'appel du cabinet Armajuris, figurant dans les pièces jointes transmises au greffe par RPVA, reprend quant à elle l'ensemble du dispositif du jugement critiqué.

Ainsi, l'appel de Mme [R] est recevable.

Sur l'existence d'un contrat :

Le contrat d'architecte (en l'espèce de maîtrise d'oeuvre) est un contrat consensuel.

L'établissement d'un écrit ne constitue pas, pour ce qui est de sa validité, une exigence légale, quand bien même les règles de déontologie figurant dans le code des devoirs professionnels des architectes recommandent un contrat écrit.

La preuve du contrat peut être rapportée dans les termes du droit commun, c'est-à-dire par un écrit si la prestation excède 1 500 euros, mais avec une dérogation relative à l'existence d'un commencement de preuve par écrit.

Il s'agit de tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué.

En l'espèce, le contrat de maîtrise d'oeuvre en cause n'a fait l'objet d'aucun écrit entre les parties.

Cependant, Mme [R] a signé en date du 2 juin 2017 la demande de permis de construire reçue en mairie d'[Localité 2] le 14 juin 2017.

Cette demande désigne expressément I'EURL Atelier NK comme destinataire des courriers, autres que les décisions, susceptibles d'être adressés par l'administration lors de l'instruction de la demande de permis.

Une telle demande constitue indéniablement un commencement de preuve par écrit au sens de l'article 1362 du code civil.

De plus, ce commencement de preuve par écrit est corroboré par d'autres pièces telles que notamment le courriel du fils de Mme [R] produit aux débats interrogeant la gérante de I'EURL Atelier NK sur l''avancée du dossier de sa mère, les échanges de courriels entre la société ECODIRE Mme [Y] [E] du mois de juin 2017 portant sur la réalisation d'une étude thermique et le chèque de 540 euros établi le 15 juin 2017 par Mme [R] au profit de la société ECODIRE en paiement de sa prestation.

Mme [R] soutient que ces documents démontrent tout au plus que Mme [Y] [E] a établi des plans au bénéfice de son fils et pour elle, dans le cadre d'une relation amicale classique d'entraide et de service, en dehors de tout contrat de maîtrise d'oeuvre.

Elle ne démontre cependant aucunement le caractère gratuit de la prestation fournie par I'EURL Atelier NK, étant rappelé que, par nature, le contrat de louage est un contrat onéreux aux termes de l'article 1710 du code civil.

Enfin, la réalisation de plans et la réunion de l'ensemble des piéces nécessaires à la constitution du dossier de permis de construire caractérisent l'existence même d'un contrat de maîtrise d'oeuvre et comme en atteste le délivrance le 5 septembre 2017 du permis de construire.

L'EURL Atelier NK a donc pleinement satisfait à sa mission de maîtrise d'oeuvre et l'existence d'un contrat doit être reconnue.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la validité du contrat et sur la somme due :

A titre subsidiaire, uniquement dans les motifs de ses dernières conclusions, Mme [R] reproche à l'EURL Atelier NK un défaut d'information général qui peut se décomposer en deux types de critiques.

1) La demande la nullité du contrat d'architecte pour cause de dol :

Mme [R] soutient avoir été victime d'un dol en ce qu'elle n'aurait pas été mise en capacité d'apprécier le prix et l'étendue de la prestation.

Force est de constater que, dans le dispositif de ses dernières conclusions, Mme [R] ne sollicite pas la nullité du contrat de maîtrise d'oeuvre dans l'hypothèse où sa réalité serait au préalable établie.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce moyen uniquement développé dans les motifs.

2) La demande de résiliation du contrat pour cause d'abus de fixation du prix :

L'article 1165 du code civil dispose « Dans les contrats de prestation de service, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation.

En cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d'une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et, le cas échéant, la résolution du contrat ».

La facture du 27 septembre 2017 établie par l'EURL Atelier NK s'élève à la somme de 4 700 euros HT, soit 5 640 euros TTC.

Mme [R] soutient que ce prix n'est aucunement justifié au regard de la qualité de la prestation effectuée (esquisses portant sur une maison de plain pied très simple) et de l'étendue de la mission (conception uniquement).

Elle ajoute que, pour ce type d'intervention, il est habituellement facturé une somme moyenne de 1 000 euros.

Force est de constater de nouveau que, dans le dispositif de ses dernières conclusions, Mme [R] ne sollicite par la résolution du contrat de maîtrise d'oeuvre pour cause d'abus de fixation du prix, dans l'hypothèse où sa réalité serait au préalable établie.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce moyen uniquement développé dans les motifs.

En conséquence, Mme [R] sera condamnée à payer à l'EURL Atelier NK, au titre de sa prestation, la somme de 5 140 euros TTC, après déduction de l'acompte de 500 euros.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts :

Agir en justice est un droit qui peut néanmoins dégénérer en abus lorsque l'action en justice est exercée de mauvaise foi ou, à tout le moins, sans aucun fondement sérieux.

1) Les dommages-intérêts demandés par l'EURL Atelier NK :

La contestation injustifiée de Mme [R] a indéniablement causé à l'EURL Atelier NK un préjudice moral dont celle-ci est fondée à demander réparation.

C'est à juste titre que le premier juge lui a alloué la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts.

2) Les dommages-intérêts demandés par Mme [R] :

L'action engagée par l'EURL Atelier NK ne présente aucun caractère abusif au vu des éléments qui précèdent.

En conséquence, Mme [R] sera déboutée de sa propre demande en dommages-intérêt.

Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Mme [X] [R], dont l'appel est rejeté, supportera les dépens d'appel, ceux de première instance étant confirmés.

Pour la même raison, il ne sera pas fait droit à sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'EURL Atelier NK les frais engagés pour la défense de ses intérêts en cause d'appel. Mme [X] [R] sera condamnée à lui payer la somme complémentaire de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Déclare recevable l'appel de Mme [X] [R] ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de Mme [X] [R] non reprises dans le dispositif de ses dernières conclusions ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [X] [R] à payer à l'EURL Atelier NK la somme complémentaire de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne Mme [X] [R] aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Laurent Grava, conseiller, pour le président empêché de la deuxième chambre civile et par la greffière Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

la greffière, le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21/00458
Date de la décision : 31/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-31;21.00458 ?
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