C5
N° RG 22/01845
N° Portalis DBVM-V-B7G-LLMZ
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU VENDREDI 27 JANVIER 2023
Appel d'une décision (N° RG 21/01040)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 26 avril 2022
suivant déclaration d'appel du 06 mai 2022
APPELANTE :
Madame [L] [P]
née le 14 septembre 1968 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Aurélie LEGEAY, avocat au barreau de GRENOBLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/005277 du 11/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)
INTIMEE :
La MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES, n° siret : 130 001 027 00015, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante en la personne de Mme [X] [Y], régulièrement munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 1er décembre 2022,
M. Pascal VERGUCHT, chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs observations,
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE
La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de l'Isère a décidé le 5 octobre 2021 de refuser à Mme [L] [P] le bénéfice de l'allocation adulte handicapée (AAH) qu'elle avait demandé le 27 octobre 2020, au motif que ses difficultés pouvaient entraîner des limitations d'activité correspondant à un taux d'incapacité inférieur à 50'%. A la suite d'un recours de l'intéressée, la commission a maintenu son refus le 7 décembre 2021 pour le même motif.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble saisi par Mme [P] d'un recours contre la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de [Localité 3] a décidé, par jugement du 26 avril 2022, après une consultation clinique du docteur [S], de':
- rejeter le recours,
- confirmer les décisions de la CDAPH des 5 octobre et 7 décembre 2021,
- débouter la requérante de ses demandes,
- condamner la même aux dépens.
Par déclaration du 6 mai 2022, Mme [P] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions communiquées le 28 novembre 2022 et reprises oralement à l'audience devant la cour, Mme [P] demande':
- la réformation du jugement,
- le bénéfice de l'AAH à compter du 1er novembre 2020,
- la condamnation de la MDPH à lui payer 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamnation de la même aux dépens.
Par conclusions du 7 novembre 2022 reprises oralement à l'audience devant la cour, la MDPH de [Localité 3] demande':
- la confirmation du jugement,
- le débouté des demandes de l'appelante.
En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est donc expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIVATION
Selon l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 1er juillet 2020 au 1er mai 2021, toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les collectivités mentionnées à l'article L. 751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés.
L'article L. 821-2 du même code dans sa version en vigueur depuis le 29 décembre 2008 ajoute que l'allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne qui remplit l'ensemble des conditions suivantes : 1° Son incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au premier alinéa de l'article L. 821-1, est supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret ; 2° La commission mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles lui reconnaît, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, précisée par décret.
L'article D. 821-1 du même code dans sa version en vigueur depuis le 17 novembre 2010 précise que pour l'application de l'article L. 821-1, le taux d'incapacité permanente exigé pour l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés est d'au moins 80 %. Pour l'application de l'article L. 821-2 ce taux est de 50 %. Le pourcentage d'incapacité est apprécié d'après le guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles.
L'appelante fait valoir que le débat en première instance avait porté sur des refus motivés par un taux d'incapacité inférieur à 50'%, et non sur l'absence de restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, alors que le jugement est fondé sur cette absence à la suite des conclusions du médecin consultant, le docteur [S], à l'audience du 3 mars 2022. Elle dit subir une telle restriction en raison de son état de santé, car elle souffre de troubles vestibulaires entraînant des vertiges, la peur de perdre l'équilibre et la nécessité d'être accompagnée (comme en attestent sa fille, une amie et une voisine), ainsi que de cervicalgies sur arthrose, de tendinites calcifiantes des deux épaules, d'un syndrome du canal carpien bilatéral et d'un strabisme. Elle se prévaut de deux certificats de son médecin généraliste, le docteur [C], qui estime son état de santé incompatible avec un travail. Elle affirme ne pas être en mesure de travailler et avoir une vie quotidienne bouleversée.
Pour sa part, la MDPH estime que l'appelante souffre d'une pathologie intermittente et améliorable, en présence d'une IRM normale, d'une kinésithérapie efficace prescrite en 2019 et reprise en 2022 après une interruption, d'un traitement médical, d'une absence de chute évoquée, enfin d'une absence de changement de son état de santé et de son retentissement selon le docteur [D] dont les certificats du 16 novembre 2019 et 21 octobre 2020 étaient joints à la demande d'AAH. Elle estime que l'autonomie individuelle était préservée pour les actes de la vie quotidienne compte tenu de difficultés sans besoin d'aide humaine pour les déplacements, les courses, les tâches ménagères et les repas. Elle retient les conclusions du docteur [S] devant le tribunal, malgré les témoignages attestant d'un besoin d'accompagnement pour les déplacements à l'extérieur et les certificats du docteur [C], d'autant qu'il n'était pas noté de difficulté, dans la demande d'AAH, pour communiquer, s'orienter et avoir des relations avec autrui, seul un travail physique ou debout paraissant incompatible avec le handicap. La MDPH ajoute que ce handicap a été pris en compte dans la reconnaissance du statut de travailleuse handicapée avec un droit pour une orientation professionnelle vers le marché du travail, que l'appelante pourrait suivre une formation professionnelle et bénéficier d'aménagements de poste, la restriction pour l'accès à l'emploi n'apparaissant pas substantielle.
En l'espèce, il convient de retenir que le docteur [S], après analyse du dossier de Mme [P] et un examen clinique, a estimé que celle-ci présentait un état justifiant un taux d'incapacité de 50 à 79'% sans restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, avec la nécessité de travailler en position assise': contrôle ou manutention légère. Aucun élément n'est apporté pour justifier que le jugement aurait été pris en l'absence d'un débat contradictoire sur les éléments de la cause et notamment la consultation du docteur [S].
Pour ce qui est des pièces versées au soutien des arguments de l'appelante, les certificats du docteur [U] [C] des 25 janvier et 21 novembre 2022 mentionnent, pour le premier, un état de santé depuis 2019 incompatible avec un travail physique et en position debout, et pour le second, une incapacité de rechercher un travail et cela de façon permanente': la cour constate qu'il n'est pas constaté d'aggravation de l'état de santé justifiant l'aggravation de l'incompatibilité, et qu'il n'est pas davantage précisé si l'incapacité de recherche de travail permanente est située à la date de la demande d'allocation, soit en fin 2021, ou au moment de la rédaction du certificat en fin 2022. Par ailleurs, les trois témoignages ne sont pas effectués conformément aux dispositions des articles 202 et suivants du code civil à défaut des mentions manuscrites obligatoires et de copie de pièces d'identité, et elles portent de toute façon sur l'accompagnement et l'état de santé, mais pas sur les difficultés professionnelles ou possibilités de travail. Mme [P], qui a la charge de prouver l'existence d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, n'apporte donc pas d'éléments suffisants pour avérer le caractère substantiel et durable des restrictions induites par son handicap.
Le jugement doit donc être confirmé, et l'appelante conservera la charge des dépens de l'instance en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi':
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble du 26 avril 2022,
Y ajoutant,
Condamne Mme [L] [P] aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président