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26/01/2023 | FRANCE | N°21/01237

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 26 janvier 2023, 21/01237


C 2



N° RG 21/01237



N° Portalis DBVM-V-B7F-KZCV



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Ladjel GUEBBABI



la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES

AU N

OM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 26 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 20/00246)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 15 février 2021

suivant déclaration d'appel du 11 mars 2021





APPELANT :



Monsieur [T] [Y]

Né le 08 avril 1982 à [Localité 8] (Algérie)

[Adresse 4...

C 2

N° RG 21/01237

N° Portalis DBVM-V-B7F-KZCV

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Ladjel GUEBBABI

la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 26 JANVIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 20/00246)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 15 février 2021

suivant déclaration d'appel du 11 mars 2021

APPELANT :

Monsieur [T] [Y]

Né le 08 avril 1982 à [Localité 8] (Algérie)

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté par Me Ladjel GUEBBABI, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S. ATM GROUP SECURITE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Sébastien CELLIER de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Paul BURDEL, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 novembre 2022,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de président, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 26 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 26 janvier 2023.

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [Y], né le 8 avril 1982, a été embauché le 14 décembre 2016 par la société'ATM Group Sécurité suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en qualité d'agent d'exploitation, indice 2, niveau 3, coefficient 140 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

M. [T] [Y] a déclaré avoir été victime d'un accident survenu le 28 septembre 2018 au cours d'un trajet effectué avec son véhicule personnel à l'occasion d'une intervention sur le site de la société Blanchon Syntilor situé [Localité 5].

Le 8 octobre 2018, la société ATM Group Sécurité a procédé à la déclaration d'accident du travail du salarié en émettant des réserves.

Par courrier recommandé en date du 11 octobre 2018 adressé à son employeur et à l'inspecteur du travail, M.'[T] [Y] a demandé à la société ATM Group Sécurité de procéder à la déclaration de l'accident et de lui régler ses frais de déplacement depuis le mois de février'2017, outre la majoration de ses heures supplémentaires.

Par courrier en date du 22 octobre 2018, la société ATM Group Sécurité a répondu à l'inspection du travail qu'elle avait respecté toutes ses obligations.

Par décision du 31 janvier 2019, la caisse d'assurance maladie de l'Isère a refusé la prise en charge de l'accident de M. [T] [Y] au titre de la législation professionnelle.

Par courrier avocat du 6 février 2019, M. [T] [Y] a réitéré auprès de la société ATM Group Sécurité sa demande de régularisation de ses conditions de travail.

Par courrier en date du 18 février 2019, la société ATM Group Sécurité lui a répondu qu'il avait été intégralement rempli de ses droits.

Placé en arrêt de travail sans discontinuité depuis le 30 septembre 2018, M. [T] [Y] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur par courrier du 29 mars 2019, en renouvelant ses réclamations au titre de la prise en charge de ses frais de déplacement, de primes d'habillement, et de la majoration d'heures supplémentaires.

Par lettre en date du 16 avril 2019, la SAS ATM Group Sécurité a contesté les reproches du salarié et lui a adressé les documents de fin de contrat.

Par requête en date du 16 mars 2020, M. [T] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble d'une demande de requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d'une demande de remboursement de frais de déplacements et de péages.

La société ATM Group Sécurité s'est opposée aux prétentions adverses et a sollicité à titre reconventionnel que la rupture du contrat de travail produise les effets d'une démission.

Par jugement en date du 15 février 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a :

Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [T] [Y] est injustifiée et s'analyse en une démission,

Condamné la SAS ATM Group Sécurité à payer à M. [T] [Y] les sommes suivantes

- 1 438,40 € brut au titre de remboursement de frais de péage,

- 1 200 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit nonobstant appel et sans caution, en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, étant précisé que ces sommes sont assorties des intérêts de droit à compter du jour de la demande, la moyenne des trois derniers mois étant de 1 565,55 €,

Débouté M. [T] [Y] du surplus de ses demandes,

Débouté la SAS ATM Group Sécurité de sa demande reconventionnelle,

Condamné la SAS ATM Group Sécurité aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés les 18 et 19 février 2021.

Par déclaration en date du 11 mars 2021, M. [T] [Y] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 20 octobre 2022, M.'[T] [Y] sollicite de la cour de':

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [T] [Y] de ses demandes visant à':

- Constater que M. [T] [Y] fait la preuve de la persistance de manquements contractuels graves de la société ATM Group Sécurité à son encontre,

- Constater que la société ATM Group Sécurité a eu recours à une clause abusive dans le cadre de la régularisation du contrat à durée indéterminée de M. [T] [Y],

- Constater l'exécution déloyale du contrat de travail imputable à la société ATM Groupe Société,

- Dire et juger que les dispositions contractuelles de l'article V du contrat de travail de M.'[T] [Y] constituent une clause abusive inopposable au salarié,

- Dire et juger que la prise d'acte notifiée par M. [T] [Y] le 29 mars 2019 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société ATM Group Sécurité à régler à M. [T] [Y] les indemnités suivantes:

- 10'262,50 euros à titre de remboursement des frais de déplacement en 2017 et 2018 en application du barème des frais kilométriques

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- 3 176,80 euros bruts au titre du préavis

- 317,68 euros au titre des congés payés afférents

- 992,50 euros au titre de l'indemnité de licenciement

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamner la société ATM Group Sécurité à régler 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 octobre 2022, la société ATM Group Sécurité sollicite de la cour de':

1. Sur l'exécution du contrat de travail

A titre principal,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 15 février 2021 en ce qu'il a débouté M. [T] [Y] de sa demande à hauteur de 19 277,21 € au titre des remboursements des frais de déplacement, demande aujourd'hui ramenée à 10 262,50 € par M.'[T] [Y]';

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 15 février 2021 en ce qu'il a débouté M. [T] [Y] de sa demande à hauteur de 5 000 € au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail';

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 15 février 2021 en ce qu'il a condamné la société au paiement de la somme de 1 438,40 € bruts au titre de remboursement des frais de péage';

Et statuant à nouveau,

- Débouter M. [T] [Y] de sa demande de remboursement des frais de péage à hauteur de 1 438,40 € bruts';

A titre subsidiaire,

- Limiter toute impossible condamnation à hauteur des seuls préjudices et frais dont la Cour retiendrait que M. [T] [Y] en rapporte la preuve';

2. Sur la rupture du contrat de travail

A titre principal,

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 15 février 2021 en ce qu'il a':

- Jugé que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [T] [Y] est injustifiée et s'analyse en une démission.

- Débouté en conséquence M. [T] [Y] de l'intégralité de ses demandes à ce titre (3 176,80 € bruts au titre du préavis, 317,68 € au titre des congés payés afférents, 992,50 € au titre de l'indemnité de licenciement et 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse),

Et y ajoutant,

- Condamner M. [T] [Y] à payer à la société ATM Group Sécurité la somme de'3'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure de procédure pour les frais engagés par elle au titre de la procédure d'appel.

- Le condamner aux entiers dépens d'appel.

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 15 février 2021 en ce qu'il a débouté la société ATM Group Sécurité de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis';

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société ATM Group Sécurité au paiement de la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

Et statuant à nouveau,

- Condamner M. [T] [Y] à payer à la société ATM Group Sécurité la somme de'3'131,10 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis';

- Condamner M. [T] [Y] à payer à la société ATM Group Sécurité la somme de 1'500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance.

A titre subsidiaire et à supposer que la Cour vienne par extraordinaire infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que la prise d'acte produisait les effets d'une démission,

- Limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 4 696,65 € (3 mois de salaire) en application du barème de l'article L. 1235-3 du code du travail, et en tout état de cause à un plafond de 5 479,42 € bruts (3,5 mois de salaire).

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 octobre 2022. L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 16 novembre 2022, a été mise en délibérée au 26 janvier 2023.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1 - Sur les prétentions au titre des frais de déplacement

L'article L.'3261-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, le salarié ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail le 29 mars 2019, dispose que':

L'employeur peut prendre en charge, dans les conditions prévues à l'article L. 3261-4, tout ou partie des frais de carburant engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail par ceux de ses salariés':

1° Dont la résidence habituelle ou le lieu de travail est situé en dehors de la région d'Ile-de-France et d'un périmètre de transports urbains défini par l'article 27 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs';

2° Ou pour lesquels l'utilisation d'un véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d'horaires de travail particuliers ne permettant pas d'emprunter un mode collectif de transport.

Dans les mêmes conditions, l'employeur peut prendre en charge les frais exposés pour l'alimentation de véhicules électriques ou hybrides rechargeables et permettre la recharge desdits véhicules sur le lieu de travail.

Le bénéfice de cette prise en charge ne peut être cumulé avec celle prévue à l'article L. 3261-2.

Il est jugé que les frais qu'un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur, doivent lui être remboursés sans qu'ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu'il n'ait été contractuellement prévu qu'il en conserverait la charge moyennant le versement d'une somme fixée à l'avance de manière forfaitaire,

Aussi les frais de déplacement du salarié exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur font partie des frais professionnels à la différence des seuls frais de trajet entre le domicile de celui-ci et son lieu de travail habituel.

L'article L.3121-4 du code du travail dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

Le temps de trajet qui dépasse le temps normal de trajet ouvre donc droit à une contrepartie financière dont, en l'absence d'accord collectif ou d'engagement unilatéral de l'employeur, il appartient au juge de fixer le montant.

L'article L.3121-7 prévoit qu'une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement, ou, à défaut, une convention ou un accord de branche prévoit des contreparties lorsque le temps de déplacement professionnel mentionné à l'article L. 3121-4 dépasse le temps normal de trajet.

La convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 ne définit pas de modalité d'indemnisation des trajets entre le domicile et le lieu de travail, sauf pour le personnel de sûreté aérienne et aéroportuaire.

Le contrat de travail de M. [T] [Y] stipule, en son article V, intitulé «'Affectation'», que':

«'En raison de la spécificité de la profession, les agents d'exploitation ne font pas l'objet d'une affectation particulière à un poste déterminé.

Mr [Y] [T] est informé(e) que le périmètre de son lieu de travail s'étend à l'Isère et ses départements limitrophes.

La société ATM Group Sécurité se réserve la possibilité de modifier le lieu d'exercice de Mr'[Y] [T] compte tenu des nécessités du service, qui accepte d'ores et déjà tout transfert de son lieu d'exercice sur la zone géographique couverte ci-dessus défini, sans que ces changements ne puissent s'analyser comme une modification du présent contrat.

Le refus de Mr [Y] [T] de rejoindre son nouveau lieu d'exercice s'analyserait en une inexécution de ses obligations contractuelles susceptibles d'engendre une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement.

La société ATM GROUP SECURITE ne participera en aucune manière aux frais de déplacement entre le domicile du salarié et son poste de travail, sauf obligations légales en la matière ».

D'une première part, M. [T] [Y] ne développe aucun moyen pertinent quant au caractère abusif de la clause précitée, se contentant d'affirmer dans ses écritures que «'Subsidiairement, le salarié n'est pas surpris par l'utilisation d'une clause abusive du contrat compte tenu des abus subis par lui durant la relation de travail'» (page 10 des conclusions), et de demander à voir «'Constater que la société ATM Group Sécurité a eu recours à une clause abusive dans le cadre de la régularisation du contrat à durée indéterminée de M. [T] [Y]'» (dispositif).

Dès lors, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du caractère abusif de cette clause.

D'une deuxième part, il ressort des circonstances de l'espèce que les frais en litige concernent le coût des déplacements effectués par le salarié entre le domicile du salarié et son lieu de travail avec son véhicule personnel, y compris les frais de péages des autoroutes empruntés.

Il ressort des plannings pour l'année 2018, produits par le salarié, qu'il intervenait sur le site de la société Blanchon Syntilor basée à [Localité 5], commune située en Savoie, département limitrophe de l'Isère, faisant partie du périmètre de son lieu de travail, conformément à la clause du contrat de travail.

L'employeur, qui soutient que la fixation du lieu de travail de M. [Y] à [Localité 5] est conforme à cette clause, qu'il qualifie clause de mobilité, n'allègue ni a fortiori ne démontre avoir mis en 'uvre cette clause pour affecter le salarié sur ce site, impliquant le cas échéant pour le salarié, la nécessité de changer de domicile.

Il est établi que les horaires de travail du salarié (20h ou 21h jusqu'à 6 du matin) ne permettaient pas au salarié d'emprunter un mode collectif de transport, de sorte que l'utilisation de son véhicule personnel était indispensable.

Il ressort des éléments produits par la société ATM Group Sécurité que le trajet entre le domicile du salarié, domicilié à [Localité 1] et son lieu d'affectation à [Localité 5] représente 53 kilomètres qui s'effectuent en moyenne en 55 minutes par des voies nécessitant d'emprunter une petite portion d'autoroute pour un coût moyen de 6,18 euros de carburant et'2,40 euros de frais de péage par trajet.

M. [Y] produit ses factures de péage de janvier 2017 à septembre 2018 correspondant principalement à ses déplacements de son domicile vers [Localité 5] en suivant un parcours plus coûteux pour un temps équivalent, comportant une plus grande portion d'autoroute évitant des routes départementales du massif de la Chartreuse.

Aussi, il convient de constater que cette commune du département de la Savoie, proche de la commune de [Localité 6], relève d'un autre bassin d'emploi des agents de sécurité et de prévention que le bassin de [Localité 7], sur lequel le salarié avait été recruté.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, rappelant que l'employeur ne justifie pas avoir mis en oeuvre la clause de mobilité du contrat de travail, la cour considère que le trajet entre ce lieu d'affectation et le domicile du salarié ne peut être assimilé à un trajet habituel domicile-lieu de travail.

Il s'en déduit que les frais engagés pour réaliser ces trajets s'analysent en frais professionnels distincts des frais de trajet entre le domicile de celui-ci et son lieu de travail habituel.

Ces frais de déplacement du salarié doivent donc être indemnisés au titre des frais professionnels exposés par le salarié.

Au regard des factures de péages produites par M. [Y], dont il convient de déduire les frais extérieurs au trajet litigieux, de l'analyse des plannings par l'employeur constatant que le salarié a effectué, pour l'année 2018, au maximum 87 déplacements et pour l'année 2017, un maximum de 143 déplacements (page 12 des conclusions) alors que le salarié chiffre 228 trajets sur la même période, de l'évaluation du coût des trajets calculés sur la base du barème fiscal d'un véhicule de cinq chevaux fiscaux, la cour évalue que le salarié doit être indemnisé des frais professionnels engagés en 2017 et 2018 par l'allocation d'une somme de 10'000 euros, frais de péage compris, le salarié étant débouté du surplus de ses prétentions.

Le jugement dont appel est donc infirmé de ce chef.

2 ' Sur la demande indemnitaire au titre d'une exécution déloyale du contrat

Il résulte de l'article L. 1222-1 du code du travail que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

Au cas particulier, M. [T] [Y] s'appuie sur le refus de l'employeur de prendre en charge ses frais de déplacement.

Il ressort des éléments versés aux dossiers qu'en dépit d'un courrier recommandé du'11'octobre'2018, notifié le 13 octobre 2018, et d'un courrier avocat notifié le 8 février 2019, la société'ATM'Group Sécurité n'a apporté aucune réponse à la demande d'indemnisation des frais de déplacement du salarié, l'employeur se limitant à répondre, le'18'février'2019, qu'elle avait intégralement rempli M. [Y] de ses droits, sans autre précision.

Le refus de l'employeur d'apporter une réponse aux demandes de son salarié caractérise un manquement à son obligation d'exécution loyale du contrat. Il en résulte un préjudice pour le salarié privé de toute réponse pendant plusieurs mois.

Infirmant le jugement déféré la cour évalue que la société ATM Group doit réparer ce préjudice en versant à M. [T] [Y] une indemnité de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

3 ' Sur les prétentions au titre de la rupture du contrat de travail

Le salarié qui reproche à l'employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat. La prise d'acte doit être transmise à l'employeur. Lorsque le salarié justifie de manquements suffisamment graves de la part de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas contraire, elle produit les effets d'une démission.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige'; le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

Ainsi, pour évaluer si les griefs du salarié sont fondés et justifient que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement, les juges doivent prendre en compte la totalité des reproches formulés par le salarié et ne peuvent pas en laisser de côté': l'appréciation doit être globale et non manquement par manquement.

En principe, sous la réserve de règles probatoires spécifiques à certains manquements allégués de l'employeur, il incombe au salarié, et à lui seul, d'établir les faits allégués à l'encontre de l'employeur.

En l'espèce, dans sa correspondance en date du 29 mars 2019 par laquelle il annonce à son employeur la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, M. [T] [Y] fait principalement grief à son employeur d'avoir manqué de lui rembourser ses frais de déplacement entre son domicile et son lieu de travail.

Il est jugé que ce manquement reproché à son employeur est fondé s'agissant de déplacements qui ne peuvent être assimilés à des trajets habituels domicile-lieu de travail.

Même en l'absence de preuve de réclamation antérieure à l'arrêt de travail du salarié, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres reproches du salarié, visés dans le courrier de prise d'acte pour lesquels le salarié ne développe aucun moyen dans ses écritures, l'absence de prise en charge de frais de déplacement conséquents pendant plus d'une année, se révèle suffisamment grave pour avoir empêché la poursuite du contrat de travail dès lors que ces frais s'imputent sur la rémunération perçue par le salarié et obèrent sérieusement le droit de rémunération du salarié.

Dans ces conditions, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire que la prise d'acte par M. [T] [Y] de la rupture de son contrat de travail avec la société ATM Group Sécurité par courrier du 29 mars 2019 emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande reconventionnelle de la société ATM Group Sécurité tendant à voir constater que la prise d'acte produit les effets d'une démission est donc rejetée avec la demande en paiement d'une indemnité de préavis par le salarié, le jugement dont appel qui a omis de statuer sur ces prétentions étant infirmé de ce chef.

Partant, M. [T] [Y] est fondé à obtenir paiement d'une indemnité compensatrice de préavis représentant deux mois de salaire, soit la somme de 3'131,10 euros bruts outre'313,10'euros bruts au titre des congés payés afférents, par référence à un salaire mensuel brut de 1'565,55 euros, outre le paiement d'une indemnité légale de'992,50 euros dont le montant ne fait l'objet d'aucune critique utile par l'employeur.

Le jugement dont appel est donc réformé de ces chefs.

Par ailleurs, l'article L.'1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis'; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

M. [T] [Y], qui disposait d'une ancienneté de deux années complètes au sein de l'entreprise, peut prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre trois et trois mois et demi de salaire brut.

Âgé de 36 ans à la date de la prise d'acte, il ne justifie aucunement de sa situation ultérieure au regard de l'emploi.

Tenant compte de ces éléments, par infirmation du jugement déféré, la société ATM Group Services est condamnée à lui verser une indemnité de 5'000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié étant débouté du surplus de sa demande.

4 ' Sur les demandes accessoires

La société ATM Group Services, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle doit donc être déboutée de sa demande d'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article'700 du code de procédure civile.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [T] [Y] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société ATM Group Services à lui verser une indemnité de 1'200 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, et y ajoutant de condamner société ATM Group Services à lui verser une indemnité complémentaire de 1'500'euros au titre des frais exposés en appel par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- Condamné la SAS ATM Group Sécurité à payer à M. [T] [Y] la somme de'1'200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté la SAS ATM Group Sécurité de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- Condamné la SAS ATM Group Sécurité aux dépens.

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS ATM Group Sécurité à payer à M. [T] [Y]'la somme de :

- 10'000 euros nets (dix mille euros) au titre de ses frais de déplacement, l'employeur devant régler en sus le cas échéant les cotisations sociales

- 500 euros nets (cinq cents euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

DIT que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [T] [Y] par courrier du 29 mars 2019 emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse';

CONDAMNE la SAS ATM Group Sécurité à payer à M. [T] [Y]'les sommes de :

- 3'131,10 euros bruts (trois mille cent trente-et-un euros et dix centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 313,11'euros bruts (trois cent treize euros et onze centimes) au titre des congés payés afférents,

- 992,50 euros (neuf cent quatre-vingt douze euros cinquante centimes) à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 5'000 euros bruts (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE M. [T] [Y] du surplus de ses demandes financières,

DÉBOUTE la SAS ATM Group Sécurité de sa demande reconventionnelle en paiement d'une indemnité de préavis';

DÉBOUTE la SAS ATM Group Sécurité de ses prétentions au titre des frais irrépétibles';

CONDAMNE la SAS ATM Group Sécurité à payer à M. [T] [Y] une indemnité de'1'500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles exposés en appel';

CONDAMNE la SAS ATM Group Sécurité aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/01237
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;21.01237 ?
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