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26/01/2023 | FRANCE | N°21/01134

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 26 janvier 2023, 21/01134


C 2



N° RG 21/01134



N° Portalis DBVM-V-B7F-KY4E



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET



la SCP MBC AVOCATS

AU NOM DU PE

UPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 26 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 19/00829)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 04 février 2021

suivant déclaration d'appel du 03 mars 2021





APPELANTE :



Madame [U] [K]

née le 05 Novembre 1966 à [Localité 4]

de nationalité Française
...

C 2

N° RG 21/01134

N° Portalis DBVM-V-B7F-KY4E

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

la SCP MBC AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 26 JANVIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 19/00829)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 04 février 2021

suivant déclaration d'appel du 03 mars 2021

APPELANTE :

Madame [U] [K]

née le 05 Novembre 1966 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S. I.B.S.E., prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Isabelle KESTENES-PSILA de la SCP MBC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Christelle CERUTTI de la SCP MAZZIERI BELLON CABANNE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 novembre 2022,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de président, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 26 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 26 janvier 2023.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [U] [K], née le 5 novembre 1966, a été embauchée par la société IBSE le'1er'octobre 2002 en qualité de 'projeteur calculateur', statut cadre, dans le cadre d'une lettre d'intention d'embauche en date du 13 mai 2002 définissant un temps partiel de 31 heures hebdomadaires.

La société par actions simplifiée IBSE est une société spécialiste d'études techniques et d'ingénierie du bâtiment.

Affectée au service structure, Mme [U] [K] a connu plusieurs évolutions de poste accompagnées d'évolutions salariales, avant d'être nommée chef de projet en 2004, puis de prendre la direction du service exécution en 2007 dans le cadre d'un emploi à temps complet.

Au dernier état de la relation contractuelle, elle percevait un salaire mensuel brut de 4'450 euros pour un travail à temps complet en qualité de chef de service, classification niveau B, 2ème échelon, catégorie I de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres du bâtiment.

Du 7 avril 2010 au 12 novembre 2010, Mme [U] [K] a été placée en arrêt de travail pour maladie d'origine non-professionnelle.

Elle a repris son poste le 23 novembre 2010 dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique.

Le 22 avril 2011, elle s'est vu délivrer un arrêt de travail définissant une reprise à temps partiel à compter du'23'avril 2011.

Un nouvel arrêt de travail lui était délivré du'10'mai'2011 jusqu'au'6'septembre 2011.

En septembre 2011, elle a repris ses fonctions à temps partiel thérapeutique.

A compter d'octobre 2012, elle a repris son travail à temps complet.

En janvier 2013, le médecin du travail a recommandé un aménagement de son temps de travail permettant une demi-journée de repos en milieu de semaine.

Aux termes d'un avis en date du 29 octobre 2015, le médecin du travail l'a déclarée «'apte': sans heures supplémentaires'».

Le 24 octobre 2016, Mme [U] [K] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

A l'issue de la visite médicale de reprise en date du 7 février 2017, le médecin du travail a déclaré que Mme [U] [K] était «'Inapte à tous les postes dans l'entreprise. Tout maintien de la salariée dans un emploi dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. Serait apte au même emploi dans une autre entreprise.'».

Par courrier en date du 17 février 2017, Mme [U] [K] a été convoquée par la société'IBSE à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 1er mars 2017.

Par lettre en date du 6 mars 2017, la société IBSE a notifié à Mme [U] [K] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête en date du 12 avril 2017, Mme [U] [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de voir déclarer son licenciement injustifié, constater la discrimination à son égard ainsi que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et obtenir le paiement de sommes salariales et indemnitaires afférentes à ces demandes.

La société IBSE s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 4 février 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- jugé que la SAS IBSE n'a pas manqué à son obligation de sécurité résultat, ni à son obligation de loyauté,

- jugé le licenciement pour inaptitude de Mme [U] [K] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [U] [K] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la SAS IBSE de sa demande reconventionnelle,

- condamné Mme [U] [K] aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 13 mai 2020 pour la société IBSE et le 14 mai 2020 pour Mme [U] [K].

Par déclaration en date du 3 mars 2021, Mme [U] [K] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2021, Mme'[U] [K] sollicite de la cour de':

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- Juger que la société IBSE a manqué à son obligation de sécurité de résultat et condamner la société IBSE à verser à Mme [U] [K] la somme de 20 000 € nets de CSG et de CRDS au titre du préjudice moral en résultant,

- Juger que Mme [U] [K] a été victime de discrimination liée à son état de santé et condamner en conséquence la société IBSE à verser à Mme [U] [K] la somme de'20'000'€ nets de CSG et de CRDS en réparation du préjudice subi ensuite de la discrimination dont elle a été victime,

- Juger à titre principal que le licenciement de Mme [U] [K] est nul, et qu'il est subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- Condamner la société IBSE à verser à Mme [U] [K] la somme de 80 000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul à titre principal, et sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire,

- Condamner la société IBSE à verser à Mme [U] [K] la somme de 13 350 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 335 € bruts au titre des congés payés afférents,

- Condamner la société IBSE à verser à Mme [U] [K] la somme de 16 012,31 € bruts outre 1 601,23 € bruts de congés payés afférents au titre des rappels de salaires correspondant aux heures supplémentaires effectuées du mois de juillet 2014 au mois de juin 2016,

- Condamner la société IBSE à verser à Mme [U] [K] la somme de 26 700 € nets d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- Ordonner de procéder au complément de salaire du mois de janvier 2017 et à la régularisation du bulletin de paie sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

- Condamner la société IBSE à verser à Mme [U] [K] la somme de 1'649,20 € au titre de l'indemnité de congés payés,

- Débouter la société IBSE de l'intégralité de ses demandes.

- Condamner la société IBSE à verser à Mme [U] [K] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 juillet 2021, la société'IBSE sollicite de la cour de':

- Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble (RG F 19/00829) en date du 4 février 2021,

- Condamner Mme [U] [K] à payer à la société IBSE la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 octobre 2022.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 16 novembre 2022, a été mise en délibéré au'26 janvier 2023.

EXPOSE DES MOTIFS':

1 ' Sur les heures supplémentaires

L'article L.'3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effective des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

Selon l'article L.'3121-28 du même code, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.

Aux termes combinés des articles L.'3121-29 et L.'3121-35 du code du travail, les heures supplémentaires se décomptent par semaine, celle-ci débutant le lundi à 0 heure et se terminant le dimanche à 24 heures.

L'article L. 3171-1 du code du travail prévoit que :

L'employeur affiche les heures auxquelles commence et finit le travail ainsi que les heures et la durée des repos.

Lorsque la durée du travail est organisée dans les conditions fixées par l'article L. 3121-44, l'affichage comprend la répartition de la durée du travail dans le cadre de cette organisation.

La programmation individuelle des périodes d'astreinte est portée à la connaissance de chaque salarié dans des conditions déterminées par voie réglementaire.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire et en particulier, par les articles D. 3171-8 et suivants du code du travail.

L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur. Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.

Au cas d'espèce, Mme [U] [K] produit un relevé des heures supplémentaires revendiquées globalisées pour chaque mois de la période de juillet 2014 et juin 2015 ainsi qu'une copie de pages d'agenda de la période de juin 2014 à juillet 2015 mentionnant uniquement des dates et heures de rendez-vous. En l'absence d'autre élément, ce relevé menseul ne se révèle pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

En revanche, pour la période d'août 2015 et juin 2016, elle produit un second décompte ainsi qu'une copie de ses courriels du 19 octobre 2015, du 5 janvier 2016, du 2 mai 2016 et du'6'octobre 2016, qui détaillent les heures supplémentaires effectuées du'14 août 2015 au 12 juin 2016 et précisent l'activité et les tâches quotidiennes correspondant aux heures chiffrées.

Ces éléments sont donc suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que la salariée prétend avoir accomplies entre août 2015 et juin 2016 pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse la société IBSE, qui soutient que la salariée a été remplie de ses droits, ne produit aucun élément quant aux horaires de travail effectivement réalisés par Mme [U] [K].

En conséquence, le principe des heures supplémentaires est acquis pour la période d'août 2015 à juin 2016.

En premier lieu, la société IBSE soutient que les décomptes produits ne présentent que peu de crédit faute de mentionner l'heure de prise de poste. Toutefois, elle ne précise pas les incohérences alléguées, ni ne s'explique sur l'activité mentionnée par la salariée en correspondance avec les heures revendiquées.

En second lieu, l'employeur conteste avoir demandé à la salariée de travailler les samedis et dimanches sans justifier, pour autant, des réponses données aux courriels de la salariée, qui détaillaient les heures supplémentaires revendiquées dont des heures effectuées les samedis et dimanches, ni s'expliquer sur les tâches effectuées par la salariée.

En troisième lieu, la seule présence de dossiers personnels dans les archives informatiques de la salariée ne permet pas d'en déduire qu'ils auraient été établis pendant le temps comptabilisé par la salariée en temps de travail effectif.

En quatrième lieu, la cour relève que les agendas de la salariée, qui mentionnent des rendez-vous médicaux, ne concernent que la période antérieure à août 2015.

En cinquième lieu, aucun élément ne tend à démontrer que les heures revendiquées par la salariée pourraient correspondre à des temps de trajet tel qu'allégué par l'employeur.

En considération de l'ensemble de ces éléments, la cour évalue le nombre des heures supplémentaires non rémunérées effectuées par Mme [U] [K] entre août 2015 et juin'2016 à'320,75 heures, soit une créance de 9 410,80 euros bruts.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, il convient de condamner la société'IBSE à verser à Mme [U] [K] la somme de 9 410,80 euros bruts au titre du rappel de salaire des heures supplémentaires effectuées entre août 2015 et juin 2016, outre la somme de 941,08'euros bruts au titre des congés payés afférents, la salariée étant déboutée du surplus de sa demande.

2 ' Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L.'8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.'8221-3 ou en commettant les faits relatifs au travail dissimulé prévus à l'article L.8221-5 du même code a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L.'8221-5 du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

La charge de la preuve du travail dissimulé repose sur le salarié, qui doit démontrer l'existence, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut d'accomplissement d'une formalité obligatoire et, d'autre part, d'un élément intentionnel, constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité.

En l'espèce, l'élément matériel du travail dissimulé a consisté à ne pas indiquer sur les bulletins de paie le nombre d'heures supplémentaires effectivement réalisées est établi.

Et Mme [U] [K] démontre de manière suffisante l'élément intentionnel du travail dissimulé.

En effet, d'une première part, il ressort d'un courriel du 1er juin 2016 que M. [N], directeur général adjoint, admet que les heures supplémentaires effectuées par les salariés de son équipe ne sont pas comptabilisées puisqu'il indique': « Etant donné qu'ils en ont fait pas mal non comptabilisées, on pourrait voir leur en payer un peu plus, notamment [W] ».

D'une seconde part, il résulte d'un courriel du 6 janvier 2017 que M. [N] valide une proposition qui prévoit de régler par note de frais des heures de formation de deux salariés.

D'une troisième part, M. [R] et Mme [C], salariés, attestent de la pratique mise en 'uvre dans l'entreprise consistant à régler des notes de frais kilométriques fictifs pour le paiement d'heures supplémentaires effectuées.

Ces éléments, conjugués à la connaissance par l'employeur des courriels de réclamation de Mme [U] [K] détaillant les heures supplémentaires effectuées, révèlent que la société IBSE a délibérément dissimulé une partie du temps de travail de la salariée en ne lui payant pas des heures supplémentaires effectuées.

En conséquence, infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société IBSE à verser à Mme [U] [K] une indemnité pour travail dissimulé d'un montant de 26'700'euros nets, équivalente à six mois de salaire, au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

3 ' Sur les prétentions au titre de l'obligation de sécurité

L'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit qu'il a pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou encore de force majeure.

L'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1389 du'22 septembre 2017 prévoit que :

L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

A compter du 1er octobre 2017, la référence à la pénibilité a été remplacée par un renvoi à l'article L. 4161-1 du code du travail.

L'article L. 4121-2 du code du travail prévoit que :

L'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'article L. 4121-3 du même code dispose que :

L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le ré-aménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

L'article R. 4121-1 du code du travail dispose que':

L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article'L. 4121-3.

Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement, y compris ceux liés aux ambiances thermiques.

L'article R 4141-2 du même code prévoit que':

L'employeur informe les travailleurs sur les risques pour leur santé et leur sécurité d'une manière compréhensible pour chacun. Cette information ainsi que la formation à la sécurité sont dispensées lors de l'embauche et chaque fois que nécessaire.

En premier lieu, la société IBSE, qui justifie être à jour de ses obligations à l'égard du service de santé au travail, ne démontre pas avoir sollicité les visites médicales nécessaires lors des reprises de poste de la salariée à l'issue des périodes d'arrêts de travail pour maladie.

Ainsi le 23 novembre 2010, à l'issue d'un arrêt de travail de plus de sept mois, le médecin a déclaré la salariée apte à la reprise dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique avec la mention «'à revoir dans 6 mois'» sans que l'employeur ne justifie avoir organisé une visite auprès du service de santé au travail avant le 8 janvier 2013.

Encore, lors de sa reprise à temps partiel thérapeutique le 7 septembre 2011 après un arrêt de plus de cinq mois, la société IBSE ne justifie aucunement avoir organisé une visite médicale auprès du service de santé au travail, en violation des dispositions de l'article R. 4624-21 du code du travail.

En deuxième lieu, la société IBSE ne justifie pas des mesures prises pour adapter la charge de travail de la salariée pendant les périodes d'emploi à temps partiel thérapeutique ni en novembre'2010, ni en septembre 2011.

Pourtant il s'évince de la réponse donnée à la demande d'aide de Mme [U] [K] que son supérieur reconnaissait la situation de surcharge de travail de la salariée puisqu'il indiquait, dans un courriel du 28 avril 2011,': «'Je n'ai pas de solution miracle ['] Il y a le feu dans la maison'!'». Pour autant, dès le lendemain, il lui rappelait la liste des dossiers restant à traiter par courriel envoyé à 21h45, et ce alors même que Mme [U] [K] avait fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie le 22 avril 2011 avec reprise à temps partiel à compter du'23'avril 2011. Et la cour relève qu'elle était placée en arrêt de travail pour maladie à compter du'10'mai'2011 jusqu'au'6'septembre 2011, son médecin attestant d'une situation de surmenage.

Encore, il ressort d'un courriel du 16 décembre 2011 que le service paye interrogeait la salariée sur les informations résultant de son agenda outlook comptabilisant un temps de présence de 76,26 % pour le mois de décembre 2011.

En troisième lieu, la société'IBSE a certes accepté un aménagement des horaires comprenant un temps de pause en milieu de semaine à partir d'octobre 2012 conformément aux recommandations du médecin rhumatologue. Cependant, elle ne justifie pas avoir maintenu un tel aménagement des horaires expressément recommandé par le médecin du travail dans ses avis du 8 janvier 2013, du 26 mars 2013 et du'14 septembre 2014.

La copie de ses agendas sur la période de juin 2014 à juillet 2015 fait régulièrement apparaître des rendez-vous les mercredis après-midi.

Et aux termes de la note rédigée le 22 octobre 2015 par Mme [U] [K] en réponse au compte-rendu d'entretien des directeurs de service du même jour, elle signalait l'absence de mesure relative à son état de santé'dans les termes suivants : «'Mes conditions de reprise ont été difficiles et mon état de santé n'a fait l'objet d'aucune prise en compte par mes managers. La direction ne m'a jamais proposé de solution pour mettre en 'uvre de façon efficace le mi-temps thérapeutique et l'horaire aménagé demandés par le médecin. J'ai dû, à chaque fois, proposer les aménagements à mettre en 'uvre alliant intérêts de l'entreprise, conscience professionnelle et état de santé. J'ai toujours été transparente sur les conséquences de mon traitement et sur mon état de fatigue. Il ne s'agit donc pas d'un tempérament «'variable'» mais les conséquences d'un traitement et d'un état de fatigue jamais pris en compte par mes managers. Vous n'avez d'ailleurs jamais pris le temps de vous entretenir avec le médecin du travail sur ce point avec les conséquences du traitement'».

Finalement, il est établi que la salariée ne disposait plus de l'aménagement des horaires recommandés à compter de juillet 2015 sans qu'il soit justifié d'une consultation préalable du médecin du travail. Ainsi, par courriel du 23 juillet 2015 son responsable admettait qu'elle ne bénéficiait plus d'une pause hebdomadaire les mercredis après-midi et concluait «'j'aimerais avec ton accord mettre un terme à tes horaires aménagés et revenir sur les horaires de la société'».

En quatrième lieu, il résulte des éléments précédemment retenus au titre des heures supplémentaires effectuées par Mme [U] [K] entre août 2015 et juin 2016 qu'elle a assumé une charge de travail lui imposant de travailler au-delà de 35 heures par semaine en violation des recommandations médicales précédemment exposées ainsi que de celles de la visite périodique du 29 octobre 2015, le médecin du travail la déclarant «'apte': sans heures supplémentaires'».

En cinquième lieu, l'employeur qui reconnaît que les relations entre Mme [U] [K] et son supérieur hiérarchique étaient difficiles, soutient que les entretiens menés avec chacun des deux salariés, l'information du délégué du personnel, et la proposition de mise en place d'une médiation conventionnelle confiée à un organisme extérieur ont constitué des mesures adaptées et suffisantes.

Pour autant, il ne justifie d'aucune mesure prise pour prévenir les risques sur la santé de la salariée alors que les difficultés relationnelles entre M. [N] et Mme [K] étaient connues.

Ainsi, il ressort d'un courrier du 15 novembre 2016 que M. [O] [C] connaissait la préexistence de ces tensions puisqu'il indiquait avoir été informé, à la suite de la réunion du'17'octobre'2016'fixée par M. [N] que': «'la réunion serait alors encore une fois «'montée en ton'» mais aurait aussi rapidement dérivé'».

C'est par un moyen inopérant que la société IBSE soutient que la salariée aurait développé un ressenti lié au fait qu'elle n'a pas obtenu le poste de directeur général adjoint confié à M.'[N] et se traduisant par une attitude dénigrante à l'égard de sa hiérarchie et de ses collègues.

A ce titre, l'employeur produit des attestations de salariés attribuant à Mme [U] [K] un caractère lunatique et agressif, sans que ces allégations, à les supposer établies, ne puissent justifier l'absence de mesures de prises par l'employeur pour prévenir les risques professionnels sur la santé.

Enfin, aux termes du courrier du 15 novembre 2016, M. [O] [C] a expressément pris parti pour M. [N] et mis en cause le comportement de la salariée sans que ne soit mise en 'uvre, ni la mesure de médiation envisagée, ni aucune solution tendant à éloigner les salariés en conflit.

En effet, précisant que «'M. [J] [N] ['] reconnaît avoir été porté à bout et s'être laissé entraîner tout comme vous dans un échange au-delà du convenable'», M. [C] indiquait notamment': «'Ayez donc la franchise de voir les dérives de vos agissements, cessez de détourner systématiquement les situations en votre faveur en transformant cet incident ponctuel dont vous portez une part de responsabilité en une généralité. ['] Du fait de la perte de confiance qui résulte des éléments visés ci-dessus, il me semble que nous devons envisager une rencontre afin de décider de la suite à donner à notre collaboration. Je vous propose également de réfléchir à la possibilité de mettre en 'uvre une procédure de médiation conventionnelle qui permettrait d'assurer la neutralité de nos échanges'».

En sixième lieu, l'employeur verse aux débats le document unique d'évaluation des risques professionnels en date du 20 décembre 2011 qui ne prévoit aucune mesure relative à la prévention des risques psychosociaux, et il s'abstient de justifier de l'actualisation annuelle de ce document.

La société IBSE échoue donc à établir avoir procédé à une évaluation des risques psychosociaux.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur ne justifie pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et psychique de la salariée au travers de conditions de travail adaptées.

Il ne justifie pas davantage de la mise en 'uvre des actions de prévention des risques psychosociaux au sein de l'entreprise.

Ces manquements ont causé un préjudice à la salariée, dès lors qu'elle n'a pas bénéficié des visites médicales à l'issue des arrêts de travail prolongés.

Le fait que les pathologies développées par la salariée résultaient notamment des traitements mis en 'uvre pour soigner un cancer du sein ne dispensait pas l'employeur de ses obligations de protection de la santé de la salariée atteinte par cette affection.

Le docteur [P] [Z] précise qu'en 2011, Mme [U] [K] «'était fragilisée par son état de santé et un traitement hormonal lourd avec des effets secondaires reconnus'» et que «'Tout cela a nécessité la mise en place d'un temps de travail quotidien très limité (temps partiel thérapeutique) et un temps de repos impératif'». Finalement, elle certifie : «'J'ai constaté à ce moment-là qu'elle était épuisée, en état de surmenage'».

Et, le 24 octobre 2016, ce même médecin a diagnostiqué «'un syndrome anxio-dépressif suite à burn out'» avec, pour facteur déclenchant, «'surmenage'», la salariée étant ensuite placée en arrêt de travail prolongé pendant plus d'une année, d'octobre'2016 à février 2017.

Tenant compte de l'ensemble de ces circonstances et notamment de la persistance des manquements de l'employeur pendant plusieurs années en dépit de la fragilité de l'état de santé de la salariée, la cour évalue que le préjudice subi par celle-ci nécessite une réparation financière d'un montant de 10'000 euros, par infirmation du jugement déféré, le surplus de la demande étant rejeté.

4 ' Sur la discrimination

L'article L. 1132-1 du code du travail pose en principe qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de sa situation de famille ou de sa grossesse, de son sexe ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations :

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

En application de l'article L.1132-4 du code du travail, sont nuls de plein droit toute disposition ou tout acte contraire au principe de non-discrimination.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n°2008-496 du'27'mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme [U] [K] invoque le fait que l'employeur a refusé de tenir compte de son état de santé et d'aménager son poste conformément aux prescriptions du médecin du travail et d'adapter sa charge de travail à son état de santé et à son temps partiel thérapeutique.

Il résulte de ce qui précède que ces éléments de faits sont établis.

Ainsi, il est jugé que la société IBSE n'a pas justifié des mesures prises pour adapter la charge de travail de la salariée pendant les périodes d'emploi à temps partiel thérapeutique de Mme'[U] [K], et qu'elle n'a pas respecté les recommandations du médecin du travail quant à l'aménagement des horaires de travail, outre l'interdiction de dépassement des horaires légaux ou de réalisation d'heures supplémentaires.

L'employeur, qui conteste tout agissement discriminatoire de sa part à l'encontre de sa salariée, ne parvient pas à établir que les horaires et la charge de travail imposés à Mme [U] [K] étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il se limite à faire valoir que la salariée a retrouvé son poste à chaque retour d'arrêt maladie et a conservé l'ensemble des avantages dont elle bénéficiait sans présenter d'élément susceptible de justifier les faits établis concernant l'adaptation du temps de travail.

Il conteste tout préjudice subi par la salariée en objectant, sans le démontrer, que la salariée aurait détourné plusieurs salariés et clients historiques de son ancien employeur.

Finalement, la société IBSE échoue à démontrer que les faits matériellement établis par Mme'[U] [K] sont justifiés par des éléments étrangers à toute discrimination.

La discrimination à raison de son état de santé est dès lors établie.

Infirmant le jugement déféré, la société IBSE est condamnée à verser à Mme [U] [K] une indemnité de 5'000 euros en réparation du préjudice distinct résultant de cette discrimination prohibée, la salariée étant déboutée du surplus de ses prétentions de ce chef.

Le jugement entrepris est donc infirmé en ce sens.

5 ' Sur la rupture du contrat

En application de l'article L.1132-4 du code du travail, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions relatives à la non-discrimination est nul.

Au cas d'espèce, Mme [U] [K] a été licenciée le 6 mars 2017 pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

Or, l'inaptitude se révèle liée à la discrimination subie par la salariée en raison de son état de santé, la charge de travail et l'organisation du temps de travail de la salariée n'étant pas adaptées à son état de santé ni ne respectant les préconisations du médecin du travail.

Ainsi, aux termes de l'avis d'inaptitude du 7 février 2017, le médecin du travail précise que «'tout maintien de la salariée dans un emploi dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. Serait apte au même emploi dans une autre entreprise'».

La nullité du licenciement pour inaptitude doit donc être prononcée par infirmation du jugement déféré.

Partant, Mme [U] [K] est fondée à solliciter une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de trois mois de salaire. Le jugement dont appel est donc infirmé de ce chef et la société IBSE est condamnée à lui verser la somme de 13'350 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 335 euros bruts au titre des congés payés afférents.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail les barèmes d'indemnisation définis par l'article L. 1235-3 ne sont pas applicables lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une nullité afférente à un licenciement discriminatoire, que le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail et que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, Mme [U] [K], âgée de 50 ans à la date de rupture, justifie de plus de'14'années d'emploi dans l'entreprise et d'une rémunération mensuelle brute moyenne de'4'450'euros.

Elle établit n'avoir reçu aucune rémunération au titre de ses fonctions de présidente de la société Ic3D, créée dès le 26 avril 2017.

En revanche, elle s'abstient de produire tout élément quant à ses conditions de ressources depuis son licenciement, le courrier de Pôle Emploi en date du 13 juillet 2020 l'avertissant de la fin son indemnisation le 11 août 2020, sans préciser la nature des prestations versées consécutivement à son licenciement.

Tenant compte de l'ensemble ces éléments, infirmant le jugement déféré, la cour condamne la société'IBSE à payer à Mme [U] [K] une indemnité de'26'700'euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat, la salariée étant déboutée du surplus de ses prétentions.

6 ' Sur les prétentions relatives au bulletin de paie de janvier 2017 et l'attestation Pôle Emploi

Aux termes des dispositions de la convention collective nationale des cadres du bâtiment :

Article 4.1 Congés payés :

Les cadres ont droit à un congé payé dont la durée est de 2,5 jours ouvrables par mois de travail ou par périodes assimilées à un mois de travail par l'article L. 223-4 du code du travail, sans que la durée totale du congé puisse excéder 30 jours ouvrables, hors jours de congés accordés par le présent titre ou par la législation au titre du fractionnement.

La période de référence pour l'acquisition des droits à congés payés est fixée du 1er avril au 31 mars. La période de prise des congés payés est fixée du 1er mai au 30 avril.

A défaut d'accord, la cinquième semaine de congés est prise en une seule fois pendant la période du 1er novembre au 30 avril.

Les jours de congés payés dont bénéficient les cadres sont versés par la caisse des congés payés à laquelle l'entreprise adhère.

Pour calculer les droits aux congés et l'indemnité correspondante, lorsque les congés de l'année précédente ont été versés par une caisse de congés payés du bâtiment ou des travaux publics, ceux-ci sont forfaitairement assimilés à 1,20 mois.

Les jours de congés dus en sus des 24 jours ouvrables, même s'ils sont pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre, n'ouvrent pas droit aux jours de fractionnement prévus par l'article L. 223-8 du code du travail.

Lorsque la cinquième semaine de congés payés, en accord avec l'entreprise, est prise en jours séparés en cours d'année, une semaine équivaut à 5 jours ouvrés et l'indemnité correspondante doit être équivalente à 6 jours ouvrables de congé.

Article 4.1.1.': Congés payés d'ancienneté

Au-delà des jours de congé légaux et de fractionnement, les cadres bénéficient de jours de congés payés d'ancienneté, aux conditions suivantes :

- 2 jours ouvrables pour les cadres ayant, à la fin de la période de référence, plus de 5 et moins de 10 ans de présence dans l'entreprise ou ayant plus de 10 ans mais moins de 20 ans de présence dans une ou plusieurs entreprises relevant d'une caisse de congés payés du bâtiment ou des travaux publics ;

- 3 jours ouvrables pour les cadres ayant, à la fin de la période de référence, plus de 10 ans de présence dans l'entreprise ou plus de 20 ans de présence dans une ou plusieurs entreprises relevant d'une caisse de congés payés du bâtiment ou des travaux publics.

Ces jours de congé supplémentaires, sauf accord exprès de l'entreprise, seront pris en dehors du congé principal et selon les nécessités de l'entreprise.

Article 4.1.4.': Absences pour maladie, accident ou congé de maternité

Les jours d'absence pour maladie ou accident, sauf ceux visés à l'article 5.3, dernier alinéa, de la présente convention, constatés par certificat médical ou les jours d'absence pour congé de maternité n'entraînent pas une réduction des congés annuels si le cadre justifie, au cours de la période de référence, d'au moins 120 jours, ouvrables ou non, continus ou non, d'exécution effective du contrat de travail ou de périodes qui y sont assimilées par l'article L. 223-4 du code du travail.

En premier lieu, Mme [U] [K] sollicite le paiement d'une indemnité correspondant à'8,03 jours de congés payés en faisant valoir qu'elle n'a reçu une indemnisation que de 1,25 jours de congés d'ancienneté au lieu de 3 jours d'ancienneté et de 18,72 jours de congés payés au lieu de 25'jours de congés payés, sur la dernière année de référence.

La société IBSE justifie des rectifications apportées dans les conditions expliquées par courriers des 5 avril et 24 avril 2017 pour établir un bulletin de salaire modificatif attribuant une indemnisation équivalent à 8,32 jours au titre des congés payés acquis pendant la période d'arrêt maladie de la salariée, en sus des'10,4'jours d'ores et déjà réglés.

Toutefois la société IBSE s'abstient de s'expliquer sur la persistance du solde de 6,28 jours non indemnisés.

S'agissant des congés supplémentaires d'ancienneté, la société IBSE indique avoir rectifié le décompte en intégrant les jours d'ancienneté acquis dont 1,25 jours au lieu de 3 jours pour la période de référence du 1er mai 2017 au 30 avril 2017, au prorata du temps de présence de la salariée dans l'entreprise.

Toutefois, par application des dispositions conventionnelles de l'article 4.1.4, la période d'absence pour maladie n'a pas eu d'effet sur l'acquisition de ses congés annuels, de sorte qu'elle est fondée à obtenir l'indemnisation de 3 jours de congés supplémentaires d'ancienneté au lieu de 1,25 indemnisés par l'employeur.

Infirmant le jugement dont appel, la société IBSE est donc condamnée à verser à Mme [U] [K] la somme de 1'649,20 euros bruts à titre d'indemnisation du solde des congés payés acquis.

En second lieu la salariée sollicite la régularisation du bulletin de salaire du mois de janvier'2017 afin d'y voir intégrer le complément pour maintien de salaire sur la période du'1er au'3'janvier tout en justifiant avoir transmis à l'employeur le relevé des indemnités journalières directement versées par la caisse primaire d'assurance maladie sur cette période.

En application des dispositions des articles D. 1226-1 et suivants du code du travail, l'employeur est tenu de mentionner, sur le bulletin de paie, le complément de salaire versé avec la déduction faite des indemnités journalières directement perçues par la salariée.

La société IBSE, qui se limite à soutenir qu'elle a déduit ces trois journées du bulletin de salaire au motif que la caisse avait réglé les indemnités journalières directement à la salariée, ne justifie pas avoir assuré le maintien du salaire pour la période du 1er au'3 janvier 2017, avec la déduction des indemnités journalières versées ni avoir établi un bulletin de salaire conforme faisant apparaître le maintien du salaire.

La société IBSE est donc condamnée à établir un bulletin de salaire rectifié, sans qu'il y ait lieu de fixer d'ores et déjà une astreinte.

7 ' Sur les demandes accessoires

La société IBSE, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance par infirmation du jugement entrepris y ajoutant les dépens d'appel.

Elle est donc déboutée de sa demande d'indemnisation fondée sur les dispositions de l'article'700'du code de procédure civile en première instance et en appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [U] [K] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société IBSE à lui verser la somme de'3 000'euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris SAUF en ce qu'il a'débouté la société IBSE SAS de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société'IBSE SAS à verser à Mme [U] [K]'les sommes suivantes :

- 9 410,80 euros bruts (neuf mille quatre cent dix euros et quatre-vingt centimes) au titre du rappel de salaire des heures supplémentaires effectuées entre août 2015 et juin 2016,

- 941,08'euros bruts (neuf cent quarante-et-un euros et huit centimes) au titre des congés payés afférents,

- 26'700'euros nets (vingt-six mille sept cents euros) à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 10'000 euros nets (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de prévention,

- 5'000 euros nets (cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour discrimination à raison de l'état de santé,

- 1'649,20 euros bruts (mille six cent quarante-neuf euros et vingt centimes) à titre d'indemnité de congés payés,

PRONONCE la nullité du licenciement notifié par la société IBSE SAS à Mme [U] [K] le'6'mars'2017';

CONDAMNE la société'IBSE SAS à verser à Mme [U] [K]'les sommes suivantes :

- 13'350 euros bruts (treize mille trois cent cinquante euros) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1'335 euros bruts (mille trois cent trente-cinq euros) au titre des congés payés afférents

- 26'700 euros bruts (vingt-six mille sept cents euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société IBSE SAS à régulariser le bulletin de paie de janvier 2017 avec maintien du salaire pour la période du 1er au'3 janvier 2017 et déduction des indemnités journalières conformément à la présente décision';

DIT n'y avoir lieu à fixation d'une astreinte';

DÉBOUTE Mme [U] [K] du surplus de ses demandes financières';

CONDAMNE la société IBSE SAS à payer à Mme [U] [K]'une indemnité de 3'000 euros (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel';

DÉBOUTE la société IBSE SAS de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel';

CONDAMNE la société IBSE SAS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/01134
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;21.01134 ?
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