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19/01/2023 | FRANCE | N°21/00959

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 19 janvier 2023, 21/00959


C 2



N° RG 21/00959



N° Portalis DBVM-V-B7F-KYOS



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL NICOLAU AVOCATS



la SELARL SELARL D'AVOCATS FABIENNE MARTIN<

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 19 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 18/01218)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 02 février 2021

suivant déclaration d'appel du 23 février 2021





APPELANT :



Monsieur [Y] [U]

né le 31 Mars 1962 à [Localité 6]

de nati...

C 2

N° RG 21/00959

N° Portalis DBVM-V-B7F-KYOS

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL NICOLAU AVOCATS

la SELARL SELARL D'AVOCATS FABIENNE MARTIN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 19 JANVIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 18/01218)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 02 février 2021

suivant déclaration d'appel du 23 février 2021

APPELANT :

Monsieur [Y] [U]

né le 31 Mars 1962 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Alexia NICOLAU de la SELARL NICOLAU AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S. V.F.D., prise en la personne de son président en sa qualité de représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Fabienne MARTIN de la SELARL SELARL D'AVOCATS FABIENNE MARTIN, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 novembre 2022,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 19 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 19 janvier 2023.

EXPOSE DU LITIGE':

M. [Y] [U], né le 31 mars 1962, a effectué plusieurs missions au sein de la'société'VFD dans le cadre d'un contrat de travail saisonnier, suivi d'un contrat de travail temporaire, puis de contrats à durée déterminée.

Le 2 septembre 2014, M. [Y] [U] a été embauché par la société d'économie mixte (SEM) VFD, devenue la'société par actions simplifiées (SAS) VFD, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, en qualité de conducteur receveur en périodes scolaires, statut ouvrier conducteur, groupe 9, coefficient 140 V de la convention collective nationale du transport routier.

Au dernier état de la relation contractuelle, il percevait un salaire mensuel brut de base de'904,14'euros en contrepartie de 75 heures de travail par mois, hors indemnités et heures complémentaires.

Le 5 février 2015, M. [Y] [U] s'est vu notifier un rappel de consignes.

Le 28 juillet 2016 la société VFD a notifié à M. [Y] [U] un avertissement.

Le 10 avril 2017, la société VFD a notifié à M. [Y] [U] une mise à pied disciplinaire d'une durée de 3 jours pour avoir tenu des propos choquants et inappropriés à des élèves mineurs au cours d'un service scolaire.

Par courrier du 22 juin 2018, la société VFD lui a notifié une mise à pied disciplinaire de 5 jours pour avoir tenu des propos déplacés envers un élève et une accompagnatrice de la navette sur un trajet assuré pour le service périscolaire du CCAS de la ville de [Localité 5] le 7 mai 2018.

Par courrier en date du 21 juin 2018, M. [Y] [U] a contesté cette sanction.

Selon courrier en date du 3 juillet 2018, la SAS VFD a maintenu sa décision de sanction.

Suivant courrier en date du 6 août 2018, M. [Y] [U] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 23 août 2018.

Par lettre en date du 30 août 2018, la SAS VFD a notifié à M. [Y] [U] son licenciement pour faute grave en raison du non-respect récurrent de ses obligations et de son insubordination.

Le 10 septembre 2018, M. [Y] [U] a reçu ses documents de fin de contrat.

Par requête en date du 19 novembre 2018, M. [Y] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins d'obtenir l'annulation de la mise à pied disciplinaire en date du 22 juin 2018, de contester le bien-fondé de son licenciement pour faute grave et d'obtenir le paiement de sommes salariales et indemnitaires relevant d'un licenciement et d'une mise à pied abusifs. A titre subsidiaire, le salarié demandait la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La société VFD s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 2 février 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- annulé la mise à pied disciplinaire de 5 jours notifiée à M. [Y] [U] le'20'juin'2018';

- condamné la SAS VFD à payer à M. [Y] [U] les sommes suivantes':

- 209,40 € brut (deux cent neuf euros et quarante cts) à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire du 27 juin au 6 juillet 2018';

- 20,94€ (vingt euros et quatre-vingt-quatorze cts) à titre de congés payés afférents

Lesdites sommes avec intérêts de droit à compter du 21 novembre 2018

- 500,00 € net (cinq cent euros) au titre du préjudice moral subi du fait de la mise à pied infondée

Ladite somme avec intérêts de droit à compter du prononcé du présent jugement

- 1'200,00 € (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Sous réserve de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale

- rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution en application de l'article R. 1454-28 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaire, la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire étant de'1'119,34 €,

- dit y avoir lieu à exécution provisoire au-delà de l'exécution provisoire de droit';

- dit que le licenciement de M. [Y] [U] est bien intervenu pour une faute grave';

- débouté M. [Y] [U] du surplus de ses demandes';

- débouté la SAS VFD de sa demande reconventionnelle';

- dit que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 3 février 2021 pour M. [Y] [U], le pli adressé à la société VFD étant retourné avec la mention «'destinataire inconnu à l'adresse'».

Par déclaration en date du 23 février 2021, M. [Y] [U] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 octobre 2021, M.'[Y] [U] sollicite de la cour de':

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 2 février 2021 en ce que celui-ci a annulé la mise à pied à titre disciplinaire de 5 jours notifiée à M. [Y]'[U] le 20 juin 2018.

- Confirmer en conséquence la condamnation de la société VFD à verser à M. [Y]'[U] la somme de 209,40 € brut à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire du'27'juin 2018 au 6 juillet 2018 (86,11 € brut + 123,29 € brut), outre 20,94 € brut au titre des congés payés afférents ;

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 2 février 2021 en ce que celui-ci a limité à la somme de 500 € net les dommages et intérêts liés au préjudice moral subi par M.'[Y] [U] du fait de la mise à pied infondée notifiée le 20 juin 2018 ;

Et, statuant à nouveau,

Condamner la société VFD à verser à M. [Y] [U] la somme de 3 000 € net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de cette mise à pied disciplinaire infondée.

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 2 février 2021 en ce que celui-ci a débouté M. [Y] [U] de sa demande tendant à voir reconnaitre le licenciement pour faute grave sans cause réelle et sérieuse ;

Et, statuant à nouveau,

Dire et juger que la faute grave reprochée par la société VFD à M. [Y] [U] est infondée;

Dire et juger que le licenciement notifié par la société VFD à M. [Y] [U] le'30'août 2018, est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

Dire et juger que le barème visé à l'article L. 1235-3 du code du travail est inapplicable en raison de son inconventionnalité, ou à tout le moins inadéquate pour réparer le préjudice subi par M. [Y] [U] du fait de la perte de son emploi ;

En conséquence,

Condamner la société VFD à verser à M. [Y] [U] les sommes de :

- 1 172,03 € net à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 2 349,94 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois de salaire), outre 234,99 € brut au titre des congés payés afférents ;

- 8 000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte d'emploi suite au licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Subsidiairement :

Requalifier la faute grave reprochée à M. [Y] [U] en cause réelle et sérieuse de licenciement ;

En conséquence,

Condamner la société VFD à verser à M. [Y] [U] les sommes suivantes :

- 1 172,03 € net à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 2 349,94 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois de salaire), outre 234,99 € brut au titre des congés payés afférents ;

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 2 février 2021 en ce que celui-ci a limité à la somme de 1'200'€ net la condamnation de la SAS VFD au titre de l'article 700'du code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau,

Condamner la société VFD à verser à M. [Y] [U] 2 500 € net au titre de l'article'700 du code de procédure civile ;

Condamner, s'agissant de la procédure en cause d'appel, la société VFD à verser à M. [Y] [U] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 12 septembre 2022, la société VFD SAS sollicite de la cour de':

- Infirmer le jugement rendu le 2 février 2021 par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a :

- annulé la mise à pied disciplinaire de 5 jours notifiée à M. [Y] [U] le'20'juin'2018 et condamné la société VFD à payer à M. [Y] [U] 209,40 € bruts à titre de rappel de salaire, outre 20,94 € bruts au titre des congés payés afférents,

- condamné la société VFD à verser à M. [Y] [U] la somme de 500 € nets au titre du préjudice moral subi du fait de la mise à pied infondée,

- condamné la société VFD à verser à M. [Y] [U] la somme 1 200,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société VFD de sa demande reconventionnelle présentée au titre de l'article'700 du code de procédure civile ;

- Confirmer le jugement rendu le 2 février 2021 par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [Y] [U] est bien intervenu pour une faute grave et l'a débouté de ses demandes à ce titre.

- Dire bien fondée la mise à pied disciplinaire notifiée par la société VFD à M. [Y]'[U] le 22 juin 2018, et condamner en conséquence M. [Y] [U] au remboursement des sommes de 209,40 € bruts à titre de rappel de salaire, outre 20,94 € bruts au titre des congés payés afférents qui lui ont été versées par la société VFD,

- Infirmer le jugement rendu le 2 février 2021 par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la société VFD à verser à M. [Y] [U] la somme de 500 € nets au titre du préjudice moral subi du fait de la mise à pied infondée,

- Dire bien fondé le licenciement pour faute grave notifié par la société VFD à M. [Y] [U] le 30 août 2018,

- Confirmer le jugement rendu le 2 février 2021 par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [Y] [U] est bien intervenu pour une faute grave et l'a débouté de ses demandes à ce titre.

- Débouter M. [Y] [U] de l'ensemble de ses prétentions,

- Condamner M. [Y] [U] au paiement d'une somme de 3 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [Y] [U] aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 septembre 2022.

L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 9 novembre 2022, a été mise en délibéré au'19 janvier 2023.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1 ' Sur la contestation de la mise à pied disciplinaire en date du 22 juin 2018

Aux termes des articles L.1333-1 et L.1333-2 du code du travail, le juge peut, au vu des éléments que doit fournir l'employeur et de ceux que peut fournir le salarié, annuler une sanction irrégulière en la forme, injustifiée, ou disproportionnée à la faute commise.

Aux termes du courrier du 22 juin 2018, la société VFD reproche au salarié'd'avoir tenu des «'propos déplacés envers un élève et une accompagnatrice de la navette'».

La lettre de sanction, qui se réfère à l'information transmise par le service périscolaire de la commune de [Localité 5] par courriel, ne précise pas les termes exacts des propos reprochés au salarié.

L'employeur verse aux débats le courriel visé, adressé par Mme [T], responsable du service périscolaire, qui a informé la société VFD de l'incident survenu le 7 mai 2018 avec le chauffeur du bus et rapportant que ce dernier a tenu les propos suivants adressé à un élève qui avait craché dans le bus : «'Chez toi on ne mange pas de porc'», ainsi que les propos adressés à l'accompagnatrice : «'Putain font chier, ils m'énervent ces gosses'» et «'Toi tu ne fais pas ton boulot'».

Il résulte de ce courriel que Mme [T] n'a pas été directement témoin des faits signalés dès lors qu'elle précise «'J'ai discuté avec l'animatrice qui m'a relaté les faits, et ensuite avec l'ATSEM qui a confirmé sa version'['] ». Toutefois la société VFD ne verse aux débats aucun élément complémentaire ni attestation émanant de témoins directs.

Par ailleurs la lettre de mise à pied ajoute que, lors de l'entretien préalable du 7 juin 2018, le salarié a contesté les termes des propos rapportés en admettant avoir eu des propos déplacés. Pour autant, la société VFD s'abstient de produire des éléments probants des déclarations du salarié lors de cet entretien préalable.

Il ressort au contraire du courrier de contestation de M. [Y] [U], en date du'21'juin 2018, que celui-ci a écrit «'je n'ai à aucun moment tenu des propos déplacés vis-à-vis de cet enfant ni l'encontre de l'accompagnatrice'». Il a expliqué être intervenu pour mettre fin au trouble causé par l'élève dans des circonstances très différentes de celles rapportées dans le courriel de la responsable du service périscolaire puisqu'il indiquait «'je lui ai demandé de cesser immédiatement de cracher partout comme il le faisait, lui signifiais que je n'aimais pas les cochons, qu'il ne faisait pas le cochon comme ça chez lui, alors il n'avait pas à le faire ici'».

Sa version est soutenue par un courriel adressé le 26 juin 2018 par la mère de l'enfant, indiquant notamment «'mon fils présente un trouble envahissant du développement en cours de diagnostic. Cela entraîne chez lui des difficultés de comportement et de gestion de ses émotions. J'ai pris connaissance hier de la situation du chauffeur, et avec mon mari nous sommes restés sans voix. Nous connaissons le chauffeur, [Y], depuis un moment, et il est d'ailleurs un repère pour mon fils. Il a toujours été professionnel, agréable et à l'écoute'».

L'employeur échoue donc à préciser et établir la réalité des propos tenus par le salarié le 7 mai 2018, de sorte que la matérialité des faits n'est pas démontrée et que la sanction prononcée se révèle injustifiée.

Confirmant le jugement dont appel, il convient d'annuler la mise à pied de cinq jours notifiée le'22 juin 2018.

En conséquence, M. [Y] [U] est fondé à obtenir paiement du rappel du salaire des cinq jours de mise à pied, du 27 juin au 6 juillet 2018, soit la somme de 209,40 euros bruts, outre 20,94 euros bruts au titre des congés payés afférents, par confirmation du jugement déféré.

Et, c'est par une juste analyse des circonstances de l'espèce que la cour adopte que les premiers juges ont évalué que le préjudice moral résultant de cette sanction injustifiée doit être réparé par le versement d'une somme de 500 euros. Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.

2 ' Sur la contestation du licenciement pour faute grave notifié le 30 août 2018

Conformément aux articles L.'1232-1, L.'1232-6, L.'1234-1 et L.'1235-2 du code du travail, l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave doit établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement. Il doit également démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Il ressort de l'article L.'1235-1 du code du travail qu'il appartient au juge d'apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux.

Les motifs invoqués par l'employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables.

La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.

L'employeur, bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés à un salarié, qui choisit de lui notifier une sanction disciplinaire pour certains d'entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits que postérieurement à leur date.

Aux termes la lettre de licenciement en date du 30 août 2018, qui fixe les limites du litige en application de l'article L.'1232-6 du code du travail, l'employeur reproche en premier lieu à M.'[U] un comportement d'insubordination pour avoir « [pris] contact avec la responsable des transports de la ville de [Localité 5] afin de connaitre le contenu du mail ayant donné lieu à l'entretien du 7 juin dernier [']'».

Selon l'employeur, cette démarche du salarié a été faite «'contre [ses] indications du 7 juin dernier. [Son] interlocutrice du CCAS de la ville de [Localité 5] s'est alors montré, une nouvelle fois, très agacé par votre comportement'».

Aussi, la société VFD produit une attestation rédigée par M. [J] [H], responsable hiérarchique de M. [U], indiquant avoir été contacté le 10 juillet 2018 par la responsable du service périscolaire de la ville de [Localité 5], qui l'informait de sa stupéfaction après avoir reçu un appel téléphonique de M. [U] au sujet de l'incident du 7 mai 2018.

Toutefois, l'employeur se limite à produire cette seule attestation dont le caractère probant est limité dès lors que M. [H] est signataire de la lettre de licenciement notifiée à M. [U].

Aucun autre élément versé aux débats ne tend à démontrer ni que M. [U] aurait pris l'initiative d'appeler la responsable des transports de la ville de [Localité 5] alors que sa hiérarchie le lui avait interdit, ni que la société VFD a reçu des doléances de la ville de [Localité 5] au sujet d'un appel de M. [U].

En conséquence, la société VFD échoue à faire la preuve de la matérialité du premier grief.

En second lieu, il ressort de la lettre de licenciement que l'employeur reproche à son salarié «'un non-respect récurrent de [ses] obligations'» en précisant «'ce n'est pas la première fois que nous sommes amenés à vous rappeler les obligations qui incombent à votre fonction, puisqu'au cours des 3 dernières années nous avons déjà été dans l'obligation de prononcer à 3 reprises une sanction votre égard en suite de manquements à vos obligations professionnelles, et cela, malgré une dizaine de rappels oraux et écrit en complément'».

Il est établi que le salarié s'était vu notifier un avertissement le 28 juillet 2016 et une mise à pied disciplinaire le 10 avril 2017. Et il est jugé que la mise à pied notifiée le 22 juin 2018 n'est pas justifiée.

En tout état de cause, faute de preuve de la matérialité des faits reprochés, l'employeur échoue à caractériser l'existence d'un nouveau fait fautif susceptible d'établir une réitération.

Aussi, il n'allègue ni ne justifie d'aucun fait qui n'aurait pas d'ores et déjà fait l'objet d'une sanction antérieure.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société VFD ne rapporte pas la preuve de la faute grave qu'elle invoque.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, le licenciement notifié à M. [Y] [U] par courrier en date du 30 août 2018 est sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il convient de condamner la société VFD à payer à M. [Y] [U] les sommes réclamées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents de l'indemnité légale de licenciement, dont les montants ne font l'objet d'aucune critique utile par l'employeur, le salaire de référence du salarié s'établissant à'1'174,97'euros bruts':

-'2'349,94'€ bruts à titre d'indemnité compensatrice du préavis de deux mois dès lors que le salarié avait plus de deux années d'ancienneté dans l'entreprise, conformément aux dispositions de la convention collective applicable, outre 234,99'€ bruts au titre des congés payés,

- 1'172,03 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement par application des dispositions de l'article R 1234-2 du code du travail, le salarié justifiant de 3,99 années d'ancienneté dans l'entreprise.

Le jugement déféré est donc infirmé de ces chefs.

Par ailleurs, l'article L.'1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis'; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

M. [Y] [U] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de plus de trois années complètes, et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre trois et quatre mois de salaire.

Le salarié justifie avoir bénéficié du versement de l'allocation d'aide au retour à l'emploi consécutive à la rupture de son contrat le 30 août 2018 jusqu'en février 2019 et avoir retrouvé un emploi par contrat à durée déterminée à compter du 6 mai 2019, renouvelé à plusieurs reprises.

Le moyen soulevé par le salarié tiré de l'inconventionnalité des barèmes étant inopérant dès lors qu'il a été procédé à une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au titre du préjudice subi, il convient, au regard de l'ensemble des éléments précédents, de condamner la société VFD à verser à M. [Y] [U] la somme de 4'699,00 euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, le salarié étant débouté du surplus de sa demande.

Le jugement dont appel est donc infirmé de ce chef.

Enfin, conformément aux possibilités ouvertes par les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient de condamner la société VFD à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, par infirmation du jugement déféré.

3 ' Sur les prétentions accessoires

La société VFD, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance et d'appel.

En conséquence, la demande indemnitaire de la société au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés est rejetée.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [Y] [U] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société VFD à lui payer la somme de 1'200'euros au titre des frais exposés en première instance et de lui allouer une indemnité complémentaire de 1'500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- annulé la mise à pied disciplinaire de 5 jours notifiée à M. [Y] [U] le'20'juin'2018';

- condamné la SAS VFD à payer à M. [Y] [U] les sommes suivantes':

- 209,40 euros bruts (deux cent neuf euros et quarante centimes) à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire du 27 juin au 6 juillet 2018';

- 20,94 euros bruts (vingt euros et quatre-vingt-quatorze centimes) à titre de congés payés afférents ;

- 500 euros nets (cinq cents euros) au titre du préjudice moral subi du fait de la mise à pied infondée ;

- 1'200 euros (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la société VFD de sa demande reconventionnelle';

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant des chefs du jugement infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement notifié par la société VFD SAS à M. [Y] [U] le'30'août'2018 est sans cause réelle et sérieuse';

CONDAMNE la société VFD SAS à payer à M. [Y] [U] les sommes suivantes':

- 2'349,94 euros bruts (deux mille trois cent quarante-neuf euros et quatre-vingt-quatorze centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 234,99 euros bruts (deux cent trente-quatre euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes) au titre des congés payés afférents,

- 1'172,03 euros nets (mille cent soixante-douze euros et trois centimes) à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 4'699,00 euros bruts (quatre mille six cent quatre-vingt-dix-neuf euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

DEBOUTE M. [Y] [U] du surplus de ses prétentions financières';

CONDAMNE la société VFD SAS à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à M. [Y] [U] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage';

DÉBOUTE la société VFD SAS de sa demande au titre de l'article'700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la société VFD SAS à payer à M. [Y] [U] à payer une indemnité de'1'500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais exposés en cause d'appel';

CONDAMNE la société VFD SAS aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/00959
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;21.00959 ?
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