La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2023 | FRANCE | N°21/00056

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 17 janvier 2023, 21/00056


C3



N° RG 21/00056



N° Portalis DBVM-V-B7F-KVXR



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







la SELARL [4]





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 17 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 18/00409)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 19 novembre 2020

suivant déclaration d'appel du 21 décembre 2020





APPELANTE :



Société SNC [14], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité aud...

C3

N° RG 21/00056

N° Portalis DBVM-V-B7F-KVXR

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL [4]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 17 JANVIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 18/00409)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 19 novembre 2020

suivant déclaration d'appel du 21 décembre 2020

APPELANTE :

Société SNC [14], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Véronique MASSOT-PELLET de la SELARL YDES, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Caisse URSSAF RHONE ALPES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 16]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre-Luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 novembre 2022,

M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société [14] a fait I'objet d'un contrôle portant sur les cotisations d'assurance maladie, d'assurance chômage et CSG/CRDS sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 à l'issue duquel lui a été notifiée une lettre d'observations du 28 juin 2017.

Sur les neuf chefs de redressement retenus, deux ont fait l'objet d'une contestation par la société [14] :

Point 8 : avantage en nature logement (concernant M. [R]) - évaluation dans le cas général ; redressement : 12 112 euros ;

Point 9 : frais professionnels non justifiés (allocations forfaitaires de repas) ;

redressement : 22 820 euros.

Après avoir obtenu un délai supplémentaire de 30 jours pour répondre aux constats de l'inspecteur du recouvrement, la société [14] a formulé ses observations, par courrier du 18 septembre 2017.

Par courrier du 21 décembre 2017, l'inspecteur du recouvrement a maintenu le redressement.

Une mise en demeure a été adressée, le 29 décembre 2017, à la société [14] pour avoir paiement de la somme totale de 39 770 euros correspondant à 34 461 euros au titre du rappel des cotisations et à 5 309 euros au titre des majorations de retard.

La société [14] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble de deux recours distincts :

- le premier, en date du 24 avril 2018, en opposition à la contrainte du 12 avril 2018, signifiée le 17 avril 2018 pour un montant de 39 770 euros,

- le second, en date du 23 juillet 2018, formé à l'encontre de la décision implicite de la commission de recours amiable de l'URSSAF Rhône-Alpes saisie le 12 avril 2018 de la contestation du redressement et de la mise en demeure du 14 février 2018.

Par jugement du 19 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- ordonné la jonction des recours,

- déclaré recevable mais mal fondé le recours formé par la société [14],

- débouté la société [14] de l'ensemble de ses demandes,

- confirmé les chefs de redressement contestés,

- condamné en conséquence la société [14] à verser à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 39 770 euros, sans préjudice des majorations de retard complémentaires,

- condamné la société [14] à verser à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamné la société [14] aux dépens nés après le 1er janvier 2019.

Le 21 décembre 2020, la société [14] a interjeté appel de cette décision notifiée le 2 décembre.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 22 novembre 2022 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 17 janvier 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

A l'audience, la SNC [14] au terme de ses conclusions récapitulatives d'appelante déposées le 1er août 2022 reprises à l'audience demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble le 19 novembre 2020 en ce qu'il a confirmé les chefs de redressement contestés et l'a condamnée à verser à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 39 770 euros outre 1 000 euros au titre de l'article 700,

En conséquence,
- juger que l'URSSAF n'a pas mis en 'uvre les bases de redressement conformes à l'article R. 242- 5 du code de la sécurité sociale,

- juger que l'URSSAF avait d'ores et déjà contrôlé les frais de logement de M.[R] ainsi que les allocations forfaitaires repas des chauffeurs dans le cadre de précédents contrôles sans opérer de redressement,

A titre subsidiaire,

- juger que les frais de logement de M.[R] doivent être qualifiés de frais professionnels,

- juger que le versement des allocations forfaitaires repas était justifié au regard des déplacements réalisés par les salariés,
En conséquence,
- annuler le redressement et la contrainte liée à ce redressement notifiée par huissier le 17 avril 2017 ou réduire, le cas échéant, à de plus justes proportions les redressements notifiés.

La société [14] soutient sur la régularité de la lettre d'observation que l'URSSAF Rhône-Alpes se contente, dans la lettre d'observations, de l'exposé de principes juridiques de base non applicable au cas d'espèce, ce qui ne lui a donc pas permis de déterminer précisément les règles de droit mises en oeuvre par l'inspecteur pour opérer le redressement.

Elle soulève l'absence de motivation de la lettre d'observations concernant aussi le point n°9.

Elle se prévaut d'autre part d'un accord tacite de l'URSSAF Rhône-Alpes indiquant que deux contrôles ont été effectués en 2002 puis en 2009 et qu'au titre du versement d'allocations forfaitaires repas aux chauffeurs, l'URSSAF avait validé sa pratique visant à octroyer mensuellement une allocation forfaitaire au titre de 22 jours de travail. En conséquence, elle considère qu'aucun redressement ne peut être opéré à ce titre.

Sur l'avantage en nature logement (concernant M. [R]), elle observe que, lors du contrôle opéré en 2009, alors même que des frais d'hébergement étaient déjà pris en charge concernant M. [R], l'URSSAF Rhône-Alpes les a qualifiés de frais professionnels et n'a retenu aucun redressement à ce titre.

Sur le fond elle explique que M. [R] est salarié du GIE [7] qui possède la société [14] et d'autres du même type dont il a été nommé gérant pour ses compétences.

Sur les frais de déplacement des chauffeurs elle fait valoir que si elle n'a pas conservé les cartes tachygraphiques des chauffeurs avant avril 2015, elle a offert de fournir à l'Urssaf les achats de carburant et frais de péage permettant de retracer les déplacements des salariés sur cette période.

Quant à M. [U] elle soutient qu'il consacrait 80 % de son activité à effectuer des livraisons pour des particuliers ou d'autres société du groupe mais avec des utilitaires de moins de 3,5 tonne non équipés de chronotachigraphes. Cependant les factures permettent d'établir la réalité de ses déplacements selon elle.

L'URSSAF Rhône-Alpes selon ses conclusions d'appel parvenues le 28 juin 2022 reprises à l'audience demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- débouter la société [14] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la société [14] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'URSSAF Rhône-Alpes répond sur la régularité de la lettre d'observations, que cette lettre rappelle, pour chacun des chefs de redressement constatés, l'ensemble des textes légaux et réglementaires sur lesquels reposent les constats faits par l'inspecteur.

Concernant les allocations forfaitaires de repas, elle fait valoir que l'inspecteur du recouvrement n'a pas opéré la reprise sur les seuls salariés personnellement nommés dans la lettre d'observations et ajoute que le détail des éléments pris en considération pour l'évaluation du redressement est joint à la lettre.

Elle conteste l'existence d'un accord tacite exposant que, pour seule preuve, la société [14] produit un extrait de la lettre d'observations du 6 février 2002 et non les lettres d'observations des précédents contrôles.

Elle relève d'ailleurs que cette lettre d'observations du 6 février 2002 portant sur un contrôle des années 1999 et 2000 a appliqué la réglementation antérieure à l'arrêté du 20 décembre 2002 ayant réformé les règles applicables en matière de frais professionnels. Elle considère ainsi qu' outre le défaut de preuve probante quant au versement de l'allocation forfaitaire dans des conditions strictement identiques, la modification de la législation applicable ne permet pas de retenir un accord tacite.

Sur l'avantage en nature logement (concernant M. [R]), elle affirme que la prise en charge des frais d'hôtel, au titre des déplacements de M. [R] pour des sociétés tierces, ne peut être considérée comme des frais professionnels de la société [14], précisant que la domiciliation de celui-ci en Loire-Atlantique résulte de son choix personnel.

Sur les allocations forfaitaires de repas, elle estime que les relevés fournis par la société [14] sont insuffisants pour conduire à l'annulation de l'entier redressement, dans la mesure où l'évaluation établie en réponse est approximative.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1. Motivation de la lettre d'observations.

L'article R. 243-59 III° du code de la sécurité sociale dispose que :

'A l'issue du contrôle, les agents chargés du contrôle communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant contrôlé une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle. Ces dernières sont motivées par chef de redressement. A ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l'indication du montant des assiettes correspondant, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l'indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définies aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 qui sont envisagés'.

En premier lieu il doit être distingué l'irrégularité formelle de la lettre d'observations susceptible d'être annulée si elle cause un grief au cotisant, du bien fondé du redressement lui-même qui peut être contesté tant en fait qu'en droit devant la juridiction compétente.

Au cas présent et s'agissant du chef de redressement n° 8 (avantage en nature logement), cette lettre vise en droit :

- les articles L. 242-1, L. 136-1 et L. 136-2 relatifs à l'assiette des cotisations sociales et de la contribution sociale généralisée (CSG) ;

- l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ayant institué cette contribution ;

- l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale ;

- les circulaires ministérielles d'application des 7 janvier 2003 et 19 août 2005.

Il est ensuite analysé le cas de [E] [R], désigné par l'Urssaf comme gérant non associé de la SNC [14], domicilié en Loire Atlantique, et dont les frais à l'hôtel [10] sont pris en charge lorsqu'il est présent au domicile de la société en Isère.

La SNC [14] a donc eu par les énonciations de la lettre d'observations parfaitement connaissance des motifs tant en droit qu'en fait fondant le redressement pour pouvoir y répondre utilement en phase de contrôle puis contentieuse.

Le fait que les dispositions relatives aux mandataires sociaux reproduites dans la lettre d'observations ne concerneraient pas, selon elle, M. [R], est une question de fond qui n'affecte pas la régularité formelle de la lettre d'observations.

Concernant le chef de redressement n° 9 (frais professionnels non justifiés), la lettre d'observations fait état des mêmes textes (L. 242-1, L. 136-1 et L. 136-2 du code de la sécurité sociale, article 14 ordonnance du 24 janvier 1996, circulaire du 7 janvier 2003), outre la référence à l'arrêté du 25 juillet 2005 ayant modifié l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations sociales.

L'inspecteur chargé du recouvrement relève ensuite que certains salariés en charge d'effectuer des livraisons, sans les citer nommément, perçoivent des allocations forfaitaires de repas mais que la SNC [14] n'a pu justifier de leurs horaires de travail détaillés et distances parcourues par les disques chronotachygraphes que pour trois d'entre eux dont les noms sont cette fois repris ([I], [J] et [N]) et seulement à compter du mois d'avril 2015, tandis qu'un autre ([U]) perçoit également ces indemnités, alors que son contrat de travail mentionne qu'il est responsable de parking et qu'il n'a pas été justifié par la SNC [14] de ses déplacements pour les années contrôlées.

Là encore par les énonciations de la lettre d'observations, la cour constate que la SNC [14] a eu parfaitement connaissance tant en droit qu'en fait des motifs du redressement pour pouvoir utilement le contester.

Le fait que M. [J] n'a été embauché qu'en janvier 2015 ou encore que le redressement porte aussi sur les allocations repas versées à M. [F] dont le nom n'a pas été cité au nombre des trois salariés pour lesquels les disques tachygraphes ont été fournis par la société contrôlée, ne porte que sur l'assiette du recouvrement que la SNC [14] est en droit de contester mais, pour autant, ne constitue pas un défaut de motivation de la lettre d'observations susceptible de causer un grief à la SNC [14] qui a pu utilement y répondre.

Dès lors le moyen tiré de la nullité de la lettre d'observations pour défaut de motivation sera écarté.

2. Existence d'un accord tacite antérieur.

L'article R. 243-59-7 du code de la sécurité sociale dispose que :

'Le redressement établi en application des dispositions de l'article L. 243-7 ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement n'ont pas donné lieu à observations de la part de l'organisme effectuant le contrôle dans les conditions prévues à l'article R. 243-59 dès lors que :

1° L'organisme a eu l'occasion, au vu de l'ensemble des documents consultés, de se prononcer en toute connaissance de cause sur ces éléments ;

2° Les circonstances de droit et de fait au regard desquelles les éléments ont été examinés sont inchangées'.

Il ressort donc de ces dispositions que le contrôle doit avoir porté sur une situation de fait et de droit identique au vu de laquelle l'organisme s'est prononcé en toute connaissance de cause pour valider la pratique de l'entreprise.

Pour les deux chefs de redressement, la SNC [14] se prévaut d'un accord tacite antérieur à raison de deux précédents contrôle en 2002 et 2009 ayant porté selon elle tant sur les indemnités repas des chauffeurs que les frais d'hébergement de M. [R]. Demanderesse à cette exception il lui incombe d'en rapporter la preuve.

S'agissant des frais de repas des chauffeurs, elle a seulement versé aux débats la copie des pages 1 et 9 d'une lettre d'observations du 6 février 2002 où il est mentionné après rappel des dispositions applicables en vigueur à l'époque, soit un arrêté du 26 mai 1975 que :

'L'arrêté du 26 mai 1975 indique que les sommes à déduire de l'assiette des cotisations s'entendent des sommes versées aux travailleurs salariés ou assimilés pour les couvrir des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi, l'indemnisation s'effectuant sous la forme de remboursement des dépenses réelles ou d'allocations forfaitaires. Dans ce dernier cas, la déduction est subordonnée à l'utilisation effective des allocations conformément à leur objet.

Il est de jurisprudence constante qu'il incombe à l'employeur de justifier de l'utilisation des indemnités conformément à leur objet.

Lors du précédent contrôle, il avait été admis que l'exonération d'une allocation forfaitaire repas arrondie mensuellement à 1 500 francs pour 22 jours de travail était justifiée pour les chauffeurs'.

En premier lieu, l'arrêté du 20 décembre 2002 a depuis ce précédent contrôle succédé à l'arrêté du 26 mai 1975 sur la base duquel le contrôle du 6 février 2002 avait été opéré de sorte que les conditions de droit ne sont pas identiques.

D'autre part la SNC [14] n'a produit que deux pages de cette lettre d'observations de 2002 et même pas toutes celles se rapportant au chef de redressement n° 11 relatif aux frais professionnels.

Ainsi il n'est pas justifié devant la cour quelles sont les pièces justificatives des frais de déplacements l'inspecteur a pu prendre en compte en 2002 pour valider cette pratique, étant rappelé que le redressement de 2017 objet du présent litige a été opéré car la SNC [14] n'a pas été en mesure de produire les disques chronotachygraphes justifiant des déplacements de ses chauffeurs percevant une allocation forfaitaire de repas.

Enfin, la lettre d'observations du 1er juillet 2009 n'apporte pas d'élément utile au soutien de la validation d'une pratique antérieure puisque, précisément, un redressement a été opéré (point n° 5 page 8) pour les allocations repas versées à deux salariés sédentaires pour lesquels la SNC [14] n'a pas été en mesure de justifier de la réalité de leur déplacement.

Aucun accord tacite antérieur ne peut donc être retenu pour le chef de redressement n° 9 (frais professionnels non justifiés) de la lettre d'observations du 28 juin 2017.

Quant au chef de redressement n° 8 relatif à la prise en charge des frais d'hébergement de M. [R] (avantage en nature logement), il ne ressort ni des deux pages de la lettre d'observations du 6 février 2002, ni de la lettre d'observations du 1er juillet 2009 remise en intégralité que le contrôle ait effectivement porté aussi sur cette question puisque cette lettre d'observations de 2009 porte uniquement sur 5 points, sans rapport avec l'objet du litige (contrat de professionnalisation / régularisation annuelle / réduction 'Fillon' calcul du coefficient / réduction 'Fillon' paramètre smic mensuel - suspension du contrat de travail / frais professionnels non justifiés).

En conséquence, aucune exception tirée des dispositions de l'article R 243-59-7 précité ne peut être accueillie.

3. Frais d'hébergement (chef de redressement n° 8).

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale prévoit que :

'Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire'.

Et l'article L. 311-2 du même code : 'Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat'.

La SNC [14] expose que M. [R] est salarié depuis le 1er mars 1995 sous contrat de travail à durée indéterminée du GIE [7] dont le siège est à [Localité 9] (Hauts de Seine) tout en étant dirigeant de la SNC [14] depuis 2001, ainsi que d'autres sociétés membres du GIE [7] ; qu'il est ainsi amené à se rendre alternativement au siège de ces diverses sociétés réparties sur le territoire français pour les encadrer, généralement de façon soutenue les premiers mois suivant leur rachat par le groupe, puis à intervalles réguliers les années suivantes.

L'Urssaf a précisé que M. [R] était gérant non associé et non rémunéré de la SNC [14], sans être contredite par cette dernière.

Au regard de la société contrôlée soit la SNC [14] et non le GIE [7], il est constant que cette société a pris en charge les dépenses de logement de M. [R] qui n'était pas en situation de déplacement pour cette entreprise mais domicilié par convenances personnelles à plus de 700 km du siège de la société qu'il dirige à concurrence de 11 323 euros, 12 868 euros et 13 918 euros pour les années 2014, 2015 et 2016 respectivement.

Il y a donc bien eu un avantage en nature au sens de l'article 2 de l'arrêté du 10 décembre 2002 par fourniture d'un logement plusieurs mois par an procuré par la SNC [14] qui n'était pas nécessité par des contraintes de service inhérentes à la société ayant supporté cette dépense.

Dans ses écritures liant la cour de ses demandes, la SNC [14] n'a pas contesté la prise en compte au réel de l'avantage en nature logement et, au demeurant, une évaluation forfaitaire ne pouvait être retenue selon les dispositions de l'article 2 de l'arrêté précité, faute pour M. [R] de percevoir une rémunération pour pouvoir faire application du barème en fonction du salaire tel que prévu à cet article et faute également de pouvoir connaître la valeur locative servant à l'établissement de la taxe d'habitation, s'agissant de nuitées d'hôtel.

Le redressement sera donc confirmé sur ce point pour son entier montant.

4. Frais de repas (chef de redressement n° 9).

Selon l'article 1 de l'arrêté du 20 décembre 2002, les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

L'indemnisation des frais s'effectue soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié sur production des justificatifs, soit sur la base d'allocations forfaitaires dont l'utilisation est réputée conforme à leur objet si elles n'excèdent pas les montants fixés par cet arrêté (cf article 2).

Que le salarié soit en situation de déplacement professionnel ou amené à prendre son repas du fait de son travail hors des locaux de l'entreprise, le critère d'exonération des cotisations sociales de l'indemnité versée est qu'il soit empêché de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour prendre son repas (cf article 3).

Au cas présent, la SNC [14] a versé des allocations forfaitaires de repas de 12,60 euros aux salariés chargés d'effectuer les livraisons de matériaux à l'aide des camions de la société.

Le redressement a été cantonné à la période du mois de janvier 2014 au mois de mars 2015 pour les chauffeurs livreurs de camions de plus de 3,5 tonnes du fait que la SNC [14] n'a été en mesure de produire leurs disques tachygraphes qu'à compter d'avril 2015 pour justifier de leurs déplacements et le redressement a porté pour la totalité de la période contrôlée (2014-2016) sur les indemnités de repas versée à un autre salarié, M. [U], désigné comme responsable de parking par son contrat de travail, et pour lequel l'Urssaf a estimé qu'il avait une activité sédentaire et qu'il n'était pas justifié de ses déplacements.

Selon les textes précités, soit l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et l'arrêté du 20 décembre 2002, le principe est la soumission à cotisations sociales de toutes sommes versées aux salariés à quelque titre que ce soit et l'exception leur exonération, fonction de leur objet précis dûment justifié par l'employeur.

Les chauffeurs de la SNC [14] effectuent des livraisons de matériaux aux clients dans un périmètre autour du dépôt du siège de l'entreprise mais ne sont pas en situation de déplacement et regagnent l'entreprise à l'issue de chaque journée de travail.

Pour considérer qu'ils étaient au sens des dispositions de l'arrêté du 20 décembre 2002 fondant l'exonération de cotisations dans l'impossibilité de regagner leur résidence ou lieu habituel de travail pour prendre leurs repas lors de leur pause méridienne, l'Urssaf a admis, par tolérance et de façon non dérogatoire, qu'il puisse en être justifié par l'entreprise par la production des disques tachygraphes enregistrant leurs déplacements établissant :

- qu'ils effectuaient un temps de conduite durant la plage horaire 12 heures - 14 heures pouvant être consacrée au déjeuner ;

- qu'ils parcouraient plus de 100 kilomètres par jour les tenant éloignés de l'entreprise ou de leur domicile.

La SNC [14] n'a pas été en mesure de justifier de ces disques pour la période antérieure à avril 2015.

À défaut, l'appelante entend se fonder sur l'exploitation des factures de carburant et péages des véhicules par son prestataire Total (sa pièce 17) qui mentionnent les lieux mais non les heures de passage aux péages ou stations service, pour reconstituer les déplacements de chacun des trois camions dont les immatriculations permettent de les rattacher à chacun de ses trois chauffeurs poids lourd (cf ses tableaux récapitulatifs pièce 18).

Cependant même ainsi et en tenant ses déductions de trajets pour acquises, la SNC [14] n'est pas parvenue à établir que pour l'ensemble des jours travaillés de la période considérée, ses chauffeurs soit 2 en 2014 et trois au 1er trimestre 2015, auraient été en situation de ne pouvoir regagner l'entreprise ou leur domicile pour prendre leurs repas (cf son tableau page 17 de ses conclusions : M. [I] 162 jours, M. [N] 130 jours pour plus de 200 jours travaillés en 2014 et M. [J] 42 jours, M. [I] 38 jours, M. [N] 41 jours pour plus de 60 jours travaillés au 1er trimestre 2015).

Elle ne justifie donc pas que les indemnités repas ont pu être utilisées conformément à leur objet.

Il en est de même pour celles versées à M. [U], responsable de parking selon son contrat de travail et livreur magasinier d'après ses bulletins de salaire.

La SNC [14] soutient qu'il effectuait des livraisons à d'autres dépôts du groupe et a fourni les factures correspondantes (cf pièce n° 21).

À supposer qu'il en était effectivement chargé puisque le nom du livreur n'apparaît pas sur ces factures, les société [13], [11] et [6] dont les sièges sont à [Localité 12], [Localité 8] et [Localité 5] respectivement, sont toutes trois situées dans le département voisin de l'Ain à 85 km au plus du siège de la SNC [14] à [Localité 15] dans l'Isère de sorte que les trajets pouvaient s'effectuer en moins d'une demi journée.

Il n'est donc pas plus justifié que M. [U] ait été dans l'impossibilité de regagner son domicile ou l'entreprise pour prendre ses repas.

Le redressement sera donc également entièrement confirmé de ce chef de même que le jugement déféré.

5. Frais du procès.

Les dépens seront supportés par la SNC [14] qui succombe.

Il parait équitable d'allouer à l'Urssaf Rhône Alpes la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel à la charge de l'appelante qui succombe aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement RG n° 18/00409 rendu le 19 novembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble.

Y ajoutant,

Condamne la SNC [14] aux dépens d'appel.

Condamne la SNC [14] à verser à l'URSSAF RHÔNE ALPES la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 21/00056
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;21.00056 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award