C4
N° RG 21/00826
N° Portalis DBVM-V-B7F-KYBA
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL BALESTAS-GRANDGONNET-MURIDI & ASSOCIES
la SELARL AUMONT FARABET ROUVIER AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 10 JANVIER 2023
Appel d'une décision (N° RG F20/00019)
rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Gap
en date du 25 janvier 2021
suivant déclaration d'appel du 12 février 2021
APPELANTE :
Madame [C] [U]
née le 22 Novembre 1981 à [Localité 5]
de nationalité Française
Chez M. [W] [B]
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentée par Me Audrey GRANDGONNET de la SELARL BALESTAS-GRANDGONNET-MURIDI & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
S.A.S. MANPOWER FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Florence FARABET ROUVIER de la SELARL AUMONT FARABET ROUVIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 31 octobre 2022,
Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, assistée de Mme Kristina YANCHEVA, Greffière, et en présence de Mme Rima AL-TAJAR, Greffière stagiaire, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 10 janvier 2023.
Exposé du litige :
Mme [U] a été engagée en qualité de chargée de clientèle banque, employée administrative et assistante dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée intérimaire à compter du 13 juin 2017 par la SAS MANPOWER France.
Mme [U] a fait l'objet d'un arrêt maladie à compter du 14 novembre 2017 jusqu'au 30 septembre 2018.
Le 20 mars 2019, par courrier, la salariée sollicite auprès de son employeur une rupture conventionnelle que la SAS MANPOWER France refuse.
Le 12 juillet 2019, le médecin du travail déclare la salariée inapte à tout reclassement dans un emploi.
Le 2 septembre 2019, elle est licenciée pour inaptitude après avoir été convoquée à un entretien préalable auquel elle ne s'est pas rendue.
Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Gap, en date du 16 mars 2020, aux fins de faire constater l'origine professionnelle de son inaptitude et obtenir les indemnités afférentes.
Par jugement du 25 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Gap a :
Dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [U] est d'origine non professionnelle ;
Constaté que la SAS MANPOWER France n'a commis aucune faute ;
Dit que Mme [U] ne rapporte pas la preuve des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
Débouté Mme [U] de toutes ses demandes indemnitaires.
Débouté Mme [U] de ses autres demandes.
Débouté la SAS MANPOWER France du surplus de ses demandes reconventionnelles.
Dit que chacune des parties prendra à sa charge ses propres dépens.
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La décision a été notifiée aux parties et Mme [U] en a interjeté appel.
Par conclusions du 22 avril 2021, Mme [U] demande à la cour d'appel de :
Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de GAP le 25 janvier 2021 en ce qu'il a débouté Mme [U] de l'ensemble de ses demandes ;
Voir dire et juger que l'inaptitude de Mme [U] a une origine professionnelle ;
Voir dire et juger que l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'inaptitude de Mme [U] avant la date de son licenciement ;
Condamner la société MANPOWER [au] versement des sommes suivantes:
945.81 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement ;
3 042.44 euros au titre de l'indemnité de préavis outre 304.24 euros de congés payés y afférent ;
10 000 euros de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;
2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Réserver la liquidation de l'astreinte ;
Condamner la société MANPOWER aux entiers dépens
Par conclusions en réponse du 23 décembre 2021, la SAS MANPOWER FRANCE demande à la cour d'appel de :
Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Gap le 25 janvier 2021 dans toutes ses dispositions,
Constater que la SAS MANPOWER France n'a jamais eu connaissance d'un quelconque accident du travail survenu le 2 août 2017 ;
Dire et juger que le licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle de Mme [U] est bien fondé ;
Dire et juger que la SAS MANPOWER FRANCE n'a commis aucune faute ;
Dire et juger que Mme [U] échoue à rapporter la preuve des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
Débouter Mme [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont non fondées et injustifiées et y faisant droit ;
Condamner Mme [U] à payer à la SAS MANPOWER France la somme de 1.500,00 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de la présente instance ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude :
Moyens des parties :
Mme [U] soutient que son inaptitude est d'origine professionnelle. Elle expose qu'elle a fait l'objet d'une agression par un client le 2 août 2017 et qu'à la suite cette agression, elle a fait une dépression et un traitement antidépresseur lui a été prescrit. L'ensemble des professionnels de santé qui l'ont accompagnée attestent de l'origine professionnelle de son inaptitude. La CPAM a reconnu le caractère professionnel de son accident et l'employeur avait connaissance de l'origine professionnelle de l'accident ayant entraîné son inaptitude (transmission arrêt de travail et demande de rupture conventionnelle ).
La SAS MANPOWER France soutient pour sa part que l'inaptitude de Mme [U] n'est pas d'origine professionnelle. Elle fait valoir qu'elle n'a jamais été informée d'un fait accidentel qui se serait produit le 2 août 2017 lors du détachement de Mme [U], que la salariée ne l'a pas informée de la survenance d'un accident du travail et ne rapporte pas la preuve qu'elle a subi un accident du travail. L'entreprise de travail d'intérim soutient par ailleurs que ce n'est pas Mme [U] qui a été victime de ladite agression mais une collègue et que les certificats médicaux produits par Mme [U] au soutien de ses demandes ont été établis deux ans après ladite agression.
Sur ce,
Il est de principe que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.
Il n'est pas contesté que la salariée a fait l'objet d'un arrêt de travail ( législation professionnelle) à compter du 14 novembre 2017 jusqu'au 24 novembre 2017 pour lequel le médecin précise dans les constations détaillées que Mme [U] présente « un état dépressif suite à un stress post-traumatique sur le lieu de travail nécessitant un traitement antidépresseur ».
Mme [N], Directrice rémunération et affaires sociales de la Direction des Ressources humaines de la CAISSE D'EPARGNE, entreprise utilisatrice, qui atteste le 30 avril 2019 que « notre collaboratrice, Madame [R] [G], a fait l'objet d'une agression verbale par un client mécontent le 2 août 2017 à l'ancienne agence Caisse d'épargne de [Adresse 4] »., ne fait cependant aucune référence à Mme [U] .
Par ailleurs, la date du 2 août 2017 ne correspond pas à la date de l'arrêt de travail de la salariée à compter du 14 novembre 2017 et la mention « du stress post-traumatique sur le lieu de travail » correspond aux déclarations de Mme [U] à son médecin.
En outre, le suivi de Mme [U] par un médecin psychiatre n'est attesté que dans le cadre d'un arrêt de travail en 2019 soit 2 ans après le prétendu accident du travail.
Enfin, Mme [U] ne démontre pas avoir informé, son employeur, la SAS MANPOWER France, de la survenance d'un accident du travail, ni que celle-ci aurait été informée de cet accident par l'entreprise utilisatrice.
Par conséquent, Mme [U] qui ne verse aucun élément au débat démontrant qu'elle a été effectivement victime d'une agression par un client sur son lieu de travail le 2 août 2017, qu'elle en aurait informé son employeur et que l'arrêt de travail de novembre 2017 serait la conséquence de cet accident du travail, ne démontre pas le lien entre son inaptitude et ce prétendu accident de travail et donc l'origine professionnelle de son inaptitude par voie de confirmation du jugement déféré.
Sur l'exécution fautive du contrat de travail :
Moyens des parties :
Mme [U] soutient que l'employeur n'a pas rempli ses obligations contractuelles de bonne foi conformément aux dispositions de l'article 1134 du code civil et que ces manquements lui ont causé un préjudice. Elle expose que l'employeur s'est contenté de nier l'existence de son accident de travail qu'aucun suivi particulier n'a été mis en place pour l'accompagner à la suite de l'agression survenue le 2 août 2017, qu'il n'a pas réagi aux alertes des représentants du personnel ni effectué de déclaration d'accident du travail. L'employeur ne lui a pas permis de régulariser sa situation auprès de la sécurité sociale et la mauvaise foi de la société a eu un véritable impact sur son état de santé puisqu'elle s'est retrouvée totalement seule et désorientée face à cette situation.
L'employeur soutient pour sa part qu'il n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat de travail. Il fait valoir que Mme [U] ne rapporte pas la preuve de l'exécution fautive alléguée du contrat de travail et qu'elle ne justifie pas plus de l'existence d'un préjudice. Il note que l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail s'impose aussi à la salariée.
Sur ce,
Il est à noter que l'article 1134 code civil visé par Mme [U], dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, ne concerne plus l'exécution de bonne foi des conventions contractuelles.
En application des dispositions de l'article 1104 code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.
En l'espèce, les échanges de mails entre la délégation CGT et la SAS MANPOWER France en 2019 (soit deux années après le fait allégué) ne démontrent pas que l'employeur avait connaissance de la situation de Mme [U] mais que la SAS MANPOWER France a été saisie de cette situation par la délégation CGT et qu'elle lui a répondu que s'agissant de la situation évoquée, ce n'était pas Mme [U] qui avait subi l'agression alléguée mais une autre collègue et que l'arrêt maladie était postérieur de plus d'un mois.
Il est par ailleurs établi que Mme [U] ne justifie pas de l'existence d'un accident de travail en août 2017 ni d'en avoir informé son employeur. Mme [U] ne démontre pas non plus que la dégradation de son état de santé soit la conséquence de l'exécution de mauvaise foi ou déloyale de son contrat de travail. Elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.
Sur les demandes accessoires :
Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
Mme [U], partie perdante sera condamnée aux dépens en cause d'appel.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE Mme [U] recevable en son appel,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE Mme [U] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,