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10/01/2023 | FRANCE | N°21/00794

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 10 janvier 2023, 21/00794


C4



N° RG 21/00794



N° Portalis DBVM-V-B7F-KX6H



N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET



Me Claudie CABROL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 10 JANVIER 2023





Appel d'une décision (N° RG 19/00091)

rendue par le conseil de prud'hommes - formation de départage de Valence

en date du 11 janvier 2021

suivant déclaration d'appel du 11 février 2021





APPELANT :



Monsieur [W] [C]

né le 21 Décembre 1953 à [Localité 6] ([Localité 6])

de nationalit...

C4

N° RG 21/00794

N° Portalis DBVM-V-B7F-KX6H

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET

Me Claudie CABROL

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 10 JANVIER 2023

Appel d'une décision (N° RG 19/00091)

rendue par le conseil de prud'hommes - formation de départage de Valence

en date du 11 janvier 2021

suivant déclaration d'appel du 11 février 2021

APPELANT :

Monsieur [W] [C]

né le 21 Décembre 1953 à [Localité 6] ([Localité 6])

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représenté par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE,

INTIMEE :

Organisme CPAM DE LA DROME, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Claudie CABROL, avocat au barreau de VALENCE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 31 octobre 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente chargée du rapport, assistée de Mme Kristina YANCHEVA, Greffière, et en présence de Mme Rima AL-TAJAR, Greffière stagiaire, a entendu les parties en leurs conclusions et observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 10 janvier 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 10 janvier 2023.

Exposé du litige :

M. [C] a été embauché par la CPAM de la Drôme à compter du 25 mai 1977 en qualité d'agent spécialisé des prestations générales niveau 2 coefficient 108 jusqu'au 31 décembre 2017, date de son départ à la retraite.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié occupait le poste de responsable adjoint activités régulation niveau 5B coefficient 431.

Le 11 mars 2019, M. [C] a saisi le Conseil de prud'hommes de Valence aux fins d'obtenir la condamnation de la CPAM de la Drôme à lui payer des dommages et intérêts pour discrimination syndicale.

Par jugement du 11 janvier 2021, le Conseil de prud'hommes de Valence a :

Jugé que la révélation de la discrimination résulte de la lettre en date du 12 janvier 1995 du secrétaire général FO au président de l'UCANSS faisant état d'une nouvelle discrimination dont avait été victime M. [C],

Jugé que le délai de prescription applicable est de 5 ans à compter du 19 juin 2008,

Jugé que l'action engagée le 11 mars 2019 est prescrite,

En conséquence,

Déclaré irrecevable l'action de M. [C],

Condamné M. [C] aux entiers dépens,

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.

M. [C] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 11 février 2021.

A l'issue de ses conclusions du 1er septembre 2022, M. [C] demande de :

Juger son appel recevable, justifié et bien fondé,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que la révélation de la discrimination résulte de la lettre en date du 12 janvier 1995 du secrétaire général FO au Président de l'U.C.A.N.S.S. faisant état d'une nouvelle discrimination dont il avait été victime,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que le délai de prescription applicable est de 5 ans à compter du 19 juin 2008,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que l'action qu'il a engagée le 11 mars 2019 est prescrite et en conséquence, l'a déclarée irrecevable, et a condamné ce dernier aux entiers dépens de l'instance,

Et, statuant à nouveau,

Juger que l'action prud'homale qu'il a engagée n'est pas prescrite, et déclarer recevable ses demandes,

Juger qu'il a été victime d'une discrimination syndicale au sens des dispositions des articles L. 2141-5 et L. 1132-1 du code du travail,

Condamner par conséquent la CPAM de la Drôme à lui payer la somme nette de 152 863,06 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'ensemble de ses préjugés matériels et moral subis,

Rejeter l'ensemble des demandes formulées par la CPAM de la Drôme,

Condamner en outre la CPAM de la Drôme à lui payer la somme de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamner la CPAM de la Drôme à régler les entiers dépens de l'instance.

A l'issue de ses conclusions du 2 août 2022, la CPAM de la Drôme demande de :

Avant tout examen au fond de la demande, déclarer irrecevable comme prescrite la demande de M. [C] en application de l'article L. 1134-5 du code du travail issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 applicable au 19 juin 2008,

Subsidiairement, dire et juger que l'appel formé par M. [C] est mal fondé,

Dire et juger que les panels de comparaison proposés par l'organisme selon les critères retenus par la jurisprudence actuelle permettent de classer M. [C] dans la moyenne du panel de comparaison, le salarié bénéficiant d'une rémunération et d'un coefficient supérieurs aux salaires moyens et aux coefficients moyens issus des panels ainsi établis,

Dire et juger qu'il n'existe aucune disparité de traitement laissant supposer l'existence d'une discrimination au sens de l'article L. 1132-1 du code du travail et que les critères retenus par la jurisprudence actuelle ne permettent pas de retenir dans le panel de comparaison de M. [C] uniquement les 6 salariés cadres et chefs de service sélectionnés en raison de leurs performances dans la requête introductive d'instance,

Dire et juger que la demande de communication de pièces complémentaires en cause d'appel n'est pas nécessaire à la compréhension du litige et que les pièces comptables fournies par l'organisme sont suffisantes pour permettre à M. [C] de chiffrer son préjudice selon la méthode de calcul triangulaire habituelle,

Pour le surplus, dire et juger que les 18 pièces produites aux débats par M. [C] sont insuffisantes à démontrer la situation de discrimination syndicale dénoncée,

Débouter M. [C] de sa demande indemnitaire chiffrés successivement à la somme de 50 000 euros sans précision puis à la somme de 152 863.06 euros net de CSG et CRDS résultant de la comparaison avec l'évolution de carrière d'un seul salarié de l'organisme, M. [L], qui ne constitue pas à lui tout seul un panel de comparaison admissible,

Débouter M. [C] de sa demande de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

Condamner M. [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande de réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale :

Moyens des parties,

M. [C] fait valoir que le point de départ du délai de prescription quinquennale applicable pour les actions portant sur une discrimination est fixé, non au jour où le salarié a pour la première fois fait état d'une situation de discrimination, mais à la date à laquelle il est effectivement en mesure de démontrer ladite discrimination.

M. [C] soutient ainsi que le point de départ de la prescription n'est pas le 12 janvier 1995, date à laquelle le président de l'UCANSS (Union des caisses nationales de sécurité sociale) a été saisi par un courrier du syndicat FO à la suite du refus de la CPAM d'appliquer la décision de la commission nationale de le reclasser du niveau 1A au niveau 1B, car, à cette date, aucun élément précis sur cette discrimination n'était révélé. M. [C] allègue qu'à cette date, il n'était pas en possession des éléments d'appréciation écessaires pour appréhender la situation de discrimination dont il était l'objet, et qu'il ne pouvait connaître l'étendue de son préjudice, ce qui est toujours le cas aujourd'hui, en raison du refus de la CPAM de la Drôme de transmettre les éléments de comparaison nécessaires à l'établissement d'une différence de traitement salarial avec ses collègues placés dans une situation comparable.

M. [C] soutient que les éléments lui permettant de démontrer la discrimination ont été transmis partiellement par la CPAM (par le directeur, M. [Z]) aux délégués du personnel par courrier du 2 avril 2015, à la suite de la réunion du 6 mars 2015 lors de laquelle ces derniers avaient réitéré leur demande. ( à savoir communication de la situation salariale de cinq agents cadres de la CPAM (ancienneté, coefficient, expérience, compétence, coefficient développé, salaire brut mensuel et annuel), dont la situation professionnelle était comparable à la sienne).

C'est à compter de cette date que selon lui, la prescription a commencé à courir. La saisine de la juridiction prud'homale étant intervenue le 11 mars 2019, il en résulte que son action n'est pas prescrite.

En outre, M. [C] allègue que la discrimination syndicale dont il est victime s'est poursuivie tout au long de sa carrière, les faits n'ayant pas cessé de produire leurs effets jusqu'à la date de rupture de son contrat de travail, de sorte qu'aucune prescription ne peut lui être opposée.

M. [C] allègue qu'il a subi, au regard des salariés se trouvant dans des situations comparables à la sienne, une différence de traitement salariale et professionnelle manifestement motivée par ses activités syndicales. Il expose qu'il a subi un blocage de sa carrière dans la mesure où il n'a bénéficié d'aucun avancement ni mutation en interne, ainsi qu'un blocage de sa rémunération, depuis son engagement syndical en 1993. Il soutient que la CPAM n'a pas apporté d'éléments objectifs pertinents, justifiant un tel traitement à son encontre à qui le seul reproche qui puisse être fait est d'avoir exercé avec conviction et ardeur ses missions de représentant des salariés.

S'agissant des panels de comparaison produits par la CPAM, il soutient qu'ils sont illisibles, ne font l'objet d'aucune explication, sont partiels, incomplets et biaisés, la CPAM ayant notamment comparé sa situation à des agents non titulaires.

M. [C] soutient que les éléments en sa possession ne sont pas suffisants pour établir précisément l'ampleur de la discrimination et demande en conséquence à la cour de faire sommation à la CPAM de produire aux débats l'intégralité des bulletins de paie depuis l'embauche jusqu'au terme de leur contrat, de Mmes [G] et [S], MM. [N], [O], [L] et [U], afin de lui permettre de démontrer une inégalité de traitement et de reconstituer son préjudice de carrière.

M. [C] soutient qu'il présente de nombreux faits permettant de conclure à l'existence d'un traitement discriminatoire :

Stagnation flagrante dans le déroulement de sa carrière,

Absence d'Entretiens Annuels d'Evaluation et d'Appréciation depuis l'année 2009,

Retard en matière d'entretiens triennaux,

Exclusion de l'accès à la formation professionnelle,

Exclusion des réunions de cadres manager,

Inégalité de traitement dans l'exercice de son mandat pour le syndicat FO.

M. [C] fait valoir qu'il a subi en conséquence un préjudice matériel considérable du fait du traitement discriminatoire imposé par son employeur durant tout le déroulement de sa carrière, lequel a conduit, notamment, au plafonnement injustifié de sa classification et de son salaire de base, ce qui a pu avoir des conséquences financières en cas d'arrêt maladie par exemple, concernant le calcul de ses indemnités journalières, ainsi qu'une incidence notable sur le calcul de sa pension de retraite.

La CPAM de la Drôme soulève pour sa part une fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de dommages et intérêts formulée par M. [C] pour discrimination syndicale, sur le fondement de l'article L. 1134-5 du code du travail issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 applicable au 19 juin 2008, qui prévoit que l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

La CPAM de la Drôme allègue que M. [C] a prétendu qu'il était victime de discrimination syndicale durant tout le déroulé de sa carrière et ne peut avoir ignoré les effets des dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail qui sont d'application immédiate pour les situations de discrimination supposées déjà revendiquées.

S'agissant du point de départ de la prescription, la CPAM de la Drôme allègue que selon la jurisprudence de la cour de cassation, le point de départ en matière de discrimination syndicale correspond à une date où la discrimination a été rendue publique, ce qui est le cas par exemple d'un courrier adressé par l'inspecteur du travail pointant du doigt des faits discriminatoires établis au sein de l'entreprise.

Au cas d'espèce, la CPAM de la Drôme soutient que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date du 12 janvier 1995, date à laquelle le syndicat FO a écrit au Président de l'UCANSS pour dénoncer une mesure qu'il estimait discriminatoire à l'encontre du salarié au sujet de son classement au niveau 5A.

La CPAM de la Drôme soutient que les termes utilisés dans ce courrier à la demande M. [C] avec rappel de sa qualité de délégué syndical CGT FO de la CPAM de la Drôme et demande de classement au niveau 5B démontrent bien que M. [C] avait dès cette date revendiqué de façon officielle et publique un reclassement professionnel en lien avec ce qu'il appelait déjà une discrimination syndicale.

Il en résulte que le délai pour agir a expiré le 19 juin 2013.

La CPAM de la Drôme ajoute que les dernières explications de M. [C] dans ses conclusions complémentaires dans lesquelles il prétend qu'il ne connaissait pas les éléments précis lui permettant d'engager plus tôt une procédure en discrimination syndicale ajoute des conditions qui n'existent pas dans le texte de l'article L. 1134-5 du code du travail. En effet, l'article indique que le point de départ est la révélation de la discrimination et non la révélation des éléments précis permettant de chiffrer une demande de rappel de salaires.

La CPAM de la Drôme conteste devoir produire d'autres pièces que celles déjà ordonnées par le bureau de conciliation et d'orientation du Conseil de prud'hommes de Valence en date du 10 avril 2019. Elle expose que les pièces produites ont été déclarées satisfaisantes par le Conseil de prud'hommes qui n'a rien trouvé à redire sur le format A4 et sur les renseignements donnés conformes au jugement du BCO.

Elle ajoute que ces pièces ont été acceptées par M. [C] qui ne les a pas critiquées dans ses conclusions de première instance. Il s'agit des pièces habituellement produites et fournies dans le cadre des débats contradictoires devant les juridictions prud'homales et ces pièces comptables permettent de reconstituer et de chiffrer le préjudice de carrière s'il le souhaite selon la méthode triangulaire de la Cour de cassation.

La demande de M. [C] sera donc déclarée irrecevable, les pièces produites par l'organisme étant conformes et pertinentes.

Sur le fond, la CPAM de la Drôme conteste toute forme de discrimination relative aux rémunérations de M. [C] et conteste les comparatifs proposés par celui-ci.

Elle soutient que le panel de comparaison de références qu'elle propose pour examiner l'évolution de carrière de M. [C] par rapport à ses collègues de travail placés dans la même situation que lui, a été établi selon la jurisprudence de la Cour de cassation au 30 juin 2013 et qu'il permet de répondre aux accusations de M. [C] concernant une stagnation supposée dans le déroulement de sa carrière.

La CPAM de la Drôme allègue en outre que :

Toutes les formations internes dans l'organisme ont été ouvertes à M. [C],

M. [C] se trouve au 11e rang en termes de coefficient développé, tous niveaux de qualification confondus, avec un coefficient supérieur au panel de comparaison,

D'autres cadres sont restés au même niveau pendant des années et pendant des durées équivalentes à celles évoquées par M. [C],

Après l'obtention du niveau 5B en juillet 2001 M. [C] n'a jamais fait aucune démarche de candidature pour un poste supérieur,

En ce qui concerne le délai entre l'obtention du cours de cadre et l'accès à un poste de cadre qui a été de 3 ans, d'autres personnes ont connu des délais comparables,

Sur le reproche d'absence d'entretien annuel d'évaluation et d'appréciation depuis 2009, à partir du 1er octobre 2008, M. [C] a bénéficié, en plus de ses mandats habituels, d'un temps de délégation nationale, le dispensant d'être présent dans les locaux de la CPAM de la Drôme  ; il est donc tout à fait normal que M. [C] n'ait pas eu d'EAEA à partir de 2009,

Sur les retards en matière d'entretiens triennaux d'évaluation depuis 2009, l'entretien de carrière de 2013 s'est déroulé avec un an de retard en raison du changement de DRH en 2012,

Toutes les formations syndicales demandées par M. [C] de manière régulière depuis 2009 ont été acceptées avec maintien de la rémunération,

Il n'existe plus de réunions cadres, mais seulement des réunions de managers pour lesquelles M. [C] n'a pas été invité à participer et la situation est comparable à beaucoup d'autres cadres n'exerçant pas effectivement de fonctions managériales.

Réponse de la cour,

Selon les dispositions de l'article L. 1134-5 du code du travail, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

Ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel.

Les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales.

En outre, l'article L. 2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Enfin, l'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application des dispositions susvisées de l'article L. 1132-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il ressort d'un courrier du 12 janvier 1995 du syndicat FO Section fédérale des organismes sociaux adressé à M. [E], président de l'UCANSS, que le secrétaire général de ce syndicat, M. [H], se prévalant du refus de la CPAM de [Localité 6] d'appliquer une décision prise par la commission de règlement des litiges, a dénoncé une « nouvelle mesure discriminatoire » du directeur de la CPAM de [Localité 6] à l'encontre de M. [C].

Il ne peut valablement être soutenu par le salarié, qui allègue qu'il a été victime d'une discrimination en raison de l'exercice de ses fonctions syndicales depuis l'année 1983, que ce courrier n'établit pas qu'il avait connaissance, à la date du courrier, de ce qu'il subissait une situation de discrimination de la part de son employeur, et qu'ainsi cette discrimination ne peut être considérée comme révélée à cette date, au sens des dispositions susvisées de l'article L. 1134-5 du code du travail.

C'est à tort que M. [C] soutient que le terme « révélation » doit s'entendre dans le sens de la connaissance et de la détention par le salarié de l'ensemble des éléments permettant de faire la démonstration de la discrimination alléguée, et notamment des données permettant de démontrer l'étendue de son préjudice ; cette intérprétation du terme « révélation » ne pouvant s'inférer ni de l'énoncé de l'article L. 1134-5 du code du travail, ni du mécanisme probatoire propre à l'allégation de discrimination, qui ne fait pas reposer sur le salarié la charge de démontrer qu'il subit une discrimination, mais seulement de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination.

Dès lors, il y a lieu de retenir, eu égard au courrier susvisé du 12 janvier 1995, que la discrimination subie par le salarié était révélée à cette date, et qu délai de prescription a commencé à courir à cette date, qui a pris fin, comme l'ont justement jugé les premiers juges, le 19 juin 2013, conformément aux dispositions de la loi du 17 juin 2008, qui a réduit le délai de prescription de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination de 30 ans à 5 ans, soit à une date antérieure à la saisine du Conseil de prud'hommes de Valence qui est intervenue le 11 mars 2019.

Toutefois, M. [C] allègue que la discrimination dont il fait l'objet, et dont la révélation remonte au courrier susvisé du 12 janvier 1995, s'est poursuivie jusqu'à la fin de la relation de travail lors de son départ à la retraite le 31 décembre 2017, l'employeur n'ayant pris aucune mesure visant à faire cesser les effets des mesures discriminatoires dont il a fait l'objet après sa dénonciation en 1995. M. [C] se prévalant notamment d'un courrier du 2 février 2015 adressé par les délégués du personnel FO au directeur de la CPAM de la Drôme, dans lequel ceux-ci informent ce dernier de la mise en 'uvre du droit d'alerte au motif que M. [C] les a informés être victime d'une discrimination syndicale.

Il résulte de ces constatations que le salarié, dès lors qu'il soutient que la discrimination révélée en 1995 s'est poursuivie jusque dans la période non prescrite, peut, dans le cadre du mécanisme probatoire, présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence de cette discrimination dans la période non prescrite, soit des faits postérieurs au 11 mars 2014.

La cour d'appel rappelle que la recevabilité de l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination n'a pas d'incidence sur la réparation du préjudice résultant de la discrimination alléguée, celle-ci portant sur le préjudice subi pendant toute la durée de la discrimination, y compris durant la période couverte par la prescription, conformément au dernier alinéa de l'article L. 1134-5 du code du travail.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en réparation soulevée par la CPAM de la Drôme doit dès lors être rejetée.

En l'espèce, M. [C] invoque les faits postérieurs au 11 mars 2014 suivants :

Il n'a bénéficié d'aucune évolution de carrière, demeurant au niveau 5, alors que d'autres salariés titulaires comme lui du cours de cadre depuis les années 1980 ont bénéficié d'évolution vers un niveau supérieur au niveau 5,

Il n'a pas eu de d'entretien d'évaluation postérieurement à l'année 2008 jusqu'à la fin de la relation contractuelle,

Il n'a pas bénéficié de l'entretien triennal d'évolution de carrière entre 2014 et 2017 prévu par le protocole d'accord du 1er février 2008 relatif à l'exercice du droit syndical qui s'impose à l'employeur,

Il n'a pas eu accès à la formation professionnelle,

Il n'a pas été convié aux réunions de managers à partir de leur mise en place en 2011,

Il a été défavorisé par rapport à des délégués syndicaux d'autres syndicats.

S'agissant de l'exclusion des réunions des managers lors de leur mise en place en 2011 et jusqu'à son départ à la retraite, soit pour une partie dans la période non prescrite, M. [C] produit un compte-rendu de la réunion du 19 février 2015 qui s'est tenue en sa présence, de deux délégués du personnel et du directeur des ressources humaines, à la suite du droit d'alerte, dans lequel il a exposé qu'il n'avait pas été invité aux réunions de managers lors de leur mise en place en 2011, sans que l'employeur ne justifie sa décision à cette époque.

La CPAM de la Drôme ne conteste pas que le salarié n'a pas été invité à participer à ces réunions. Le fait est établi.

S'agissant de l'absence d'entretien triennal durant la période non prescrite, le salarié produit un protocole d'accord du 1er février 2008 relatif à l'exercice du droit syndical qui prévoit à l'article 14.3 que « le salarié mandaté dont le temps de travail est inférieur à un mi-temps, bénéficie tous les 3 ans, au cours d'un entretien, d'un examen approfondi de son évolution de carrière, notamment en termes de niveau de qualification. Un premier entretien a lieu dans le courant de l'année d'entrée en vigueur du présent accord pour les mandatés répondant aux conditions posées par l'alinéa précédent ». La CPAM de la Drôme ne produit aucun élément permettant de démontrer que le salarié, qui a fait l'objet d'un entretien au titre de cette disposition en 2013, a bénéficié d'un entretien trois ans plus tard, soit en 2016. Ce fait est établi.

S'agissant de l'absence d'entretien annuel d'évaluation et d'appréciation (EAEA) durant la période non prescrite, il ressort du compte-rendu de la réunion du 19 février 2015 susvisé que le salarié a indiqué qu'il avait passé son dernier EAEA en 2008. La CPAM de la Drôme ne produit aucun compte-rendu d'EAEA postérieur à cette date. Ce fait est établi.

S'agissant de l'absence d'accès à la formation professionnelle, il ressort de l'article 14.4 du protocole d'accord du 1er février 2008 relatif à l'exercice du droit syndical que les salariés mandatés ont accès, pendant la durée de leur mandat, aux actions de formation professionnelle prévues au plan de formation, au même titre et dans les mêmes conditions que les autres salariés. En outre, en cours de mandat, pour maintenir ou renforcer leur niveau de compétence professionnelle, et/ou acquérir de nouvelles connaissances, notamment en lien avec leur mandat, ou en vue d'une éventuelle réorientation, ils peuvent demander à bénéficier d'une formation adaptée à leurs besoins.

La CPAM de la Drôme ne démontre pas que le salarié aurait bénéficié d'une formation en lien avec les fonctions qu'il exerçait à son poste de « Manager au recours contre tiers » au cours de la période non prescrite. Ce fait est établi.

S'agissant de la stagnation alléguée dans le déroulement de sa carrière, M. [C] demande, dans le corps de ses conclusions, à la cour d'ordonner à son employeur de produire aux débats l'intégralité des bulletins de paie depuis l'embauche jusqu'au terme de leur contrat d'un certain nombre de salariés, dont il produit les noms, afin de lui permettre de démontrer une inégalité de traitement et de reconstituer son préjudice de carrière.

Cette prétention n'étant pas reprise au dispositif des conclusions de M. [C], conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour n'en ai pas saisie.

Toutefois, le salarié, qui soutient qu'il est le seul titulaire du cours de cadres nommés depuis les années 1980 (1983) à être resté positionné au niveau 5 jusqu'à la fin de sa carrière, expose que quatre autres salariés de l'entreprise (Mme [S], M. [L], M. [O], M. [G]) entrés à la CPAM à la même époque que lui, avec des diplômes d'un niveau équivalent ou inférieur, étaient placés au moment de son départ à la retraite au niveau 7 ou au niveau 8, ce qui ressort d'un tableau, produit par l'employeur, de 74 personnes entrées dans l'institution en 1976, 1977 et 1978, et qui sont restés à la CPAM jusqu'à leur retraite ou qui y travaillaient au 31 décembre 2017. Ce fait est établi.

S'agissant de la différence de traitement alléguée avec d'autres délégués syndicaux, M. [C] allègue que le délégué syndical CGT, M. [T], a obtenu 7 points de compétences pour sa bonne gestion des 'uvres sociales du CE, alors qu'il n'en a bénéficié d'aucune, ce que ne conteste pas l'employeur. Ce fait est établi.

Pris ensemble, ces éléments, qui ont tous eu lieu ou ont perduré durant la période non prescrite, sont suffisamment concordants pour laisser supposer l'existence d'une situation de discrimination durable et ayant produit des effets jusqu'à son départ à la retraite à l'encontre de M. [C] en raison de ses activités syndicales.

Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les différents faits établis par le salarié étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

S'agissant de l'exclusion des réunions des managers lors de leur mise en place en 2011, la CPAM de la Drôme justifie, par la production d'un document intitulé « L'essentiel de la réunion d'encadrement du 18 janvier 2011 », qu'elle a mis en place une « nouvelle formule des réunions d'encadrement spécifiques au managers ». Elle produit un compte-rendu d'entretien de carrière du 25 mars 2013 du salarié dans lequel le directeur des ressources humaines, M. [B], a indiqué au salarié qu'il était, avant 2011, convoqué à toutes les réunions réunissant les cadres, aussi bien fonctionnels que managers, mais que depuis la mise en place de deux types de réunions, des réunions mensuelles propres aux managers et des réunions de cadres, M. [C] est seulement convié aux réunions cadres.

Le salarié, qui ne conteste pas qu'il était bien convié aux réunions cadres à partir de 2011, ne soutient pas explicitement qu'il exerçait des fonctions managériales et ne produit aucun élément permettant à la cour d'appel de se convaincre que tel était bien le cas dans les faits.

La CPAM de la Drôme justifie ainsi par des raisons objectives étrangères à toute discrimination salariale, de l'absence de convocation du salarié aux réunions managériales mises en place à partir de 2011 durant la période non prescrite.

S'agissant de l'absence d'entretien triennal durant la période non prescrite, la CPAM de la Drôme soutient, ce que ne conteste pas le salarié, qu'elle a dispensé, sur demande du syndicat FO, de présence le salarié dans les locaux de la CPAM de la Drôme à compter du mois de juillet 2016 afin de lui permettre d'être affecté à d'autres activités syndicales que celles tenant au fonctionnement de l'organisme jusqu'à son départ effectif en retraite en 2017.

Le fait que le salarié ne soit plus présent au sein des locaux de l'établissement ne constitue toutefois pas une raison objective étrangère à toute discrimination syndicale justifiant que le salarié n'ait pas bénéficié de l'entretien triennal prévu par les dispositions de l'article 14. 3 du protocole d'accord du 1er février 2008 relatif à l'exercice du droit syndical.

S'agissant de l'absence d'entretien annuel d'évaluation et d'appréciation (EAEA) durant la période non prescrite, la CPAM de la Drôme produit un courrier du 6 février 2009 adressé par la directrice des ressources humaines de la CPAM de la Drôme à M. [C], par lequel celui-ci a été informé qu'en raison de son contrat à temps partiel depuis le 1er janvier 2009, et du temps de délégation nationale dont il bénéficie depuis le 1er octobre 2008, il n'est plus tenu d'être présent à son poste de travail, le temps de délégation de M. [C] étant égal au temps de travail.

Toutefois, l'absence de M. [C] à son poste de travail à compter de cette date jusqu'à son départ à la retraite ne justifiait pas que le salarié, qui continuait d'être soumis hiérarchiquement à son employeur, le contrat de travail n'étant suspendu, n'ait plus bénéficié à compter de cette date, d'EAEA.

La cour d'appel relève au surplus que dans le courrier susvisé du 6 février 2009, la directrice des ressources humaines a indiqué au salarié qu'il demeurait « rattaché hiérarchiquement au responsable du service juridique avec tout ce que cela comporte de contractuel : demande de congés, EAEA, etc. »

La CPAM de la Drôme échoue ainsi à justifier par des raisons objectives étrangères à toute discrimination l'absence d'EAEA du salarié durant la période non prescrite.

S'agissant de l'absence d'accès à la formation professionnelle durant la période non prescrite, la CPAM de la Drôme justifie qu'elle a accédé à des demandes de congés de formation économique, sociale et syndicale faites par le salarié par la production de courriers des 22 février et 23 mai 2016, et 27 janvier, 7 septembre 18 septembre 2017. Toutefois, ces demandes de congés, qui concernent exclusivement l'exercice par le salarié de ses fonctions de représentants du personnel et de délégué syndical, ne relèvent pas des dispositions de l'article L. 6111-1 et suivants du code du travail.

S'agissant des formations en lien avec ses fonctions professionnelles, il ressort du compte-rendu de l'entretien de carrière en date du 25 mars 2013 que le directeur des ressources, M. [B], répondant à la remarque du salarié selon laquelle sa demande de formation en bureautique formulée lors de son entretien de seconde partie de carrière n'avait pas été suivie d'effet, a indiqué au salarié que les formations bureautiques n'étaient jamais retenues au titre du plan de formation au sein de la CPAM, le salarié devant faire une demande au titre de son droit individuel à la formation.

M. [C] ne soutient ni ne démontre que d'autres salariés de la CPAM de la Drôme auraient bénéficié de formations en bureautique dans le cadre de la formation professionnelle continue. En outre,

lors de cet entretien, M. [B], a invité le salarié à lui transmettre ses autres besoins en formation de manière précise.

M. [C] ne produit aucun document permettant à la cour d'appel de constater qu'il aurait formulé des besoins précis en formation, notamment dans le domaine juridique, à la suite de cet entretien, auxquels la CPAM de la Drôme n'aurait pas accédé durant la période prescrite.

Il ne peut valablement être soutenu par M. [C], compte tenu de son niveau et de son ancienneté au sein de la CPAM de la Drôme, qu'il n'était pas à même de déterminer lui-même ses besoins en formation, et que son employeur aurait manqué à son obligation de formation en omettant de lui faire suivre de sa propre initiative des formations dans le but de mettre à jour ses connaissances techniques et juridiques en lien avec son emploi.

La CPAM de la Drôme justifie ainsi par des raisons objectives étrangères à toute discrimination syndicale l'absence de formation professionnelle suivie par le salarié durant la période non prescrite.

S'agissant de la stagnation dans le déroulement de sa carrière, qui se serait poursuivie jusqu'à son départ à la retraite, la CPAM de la Drôme produit un panel de 74 salariés entrés dans l'organisme de sécurité sociale à la même époque que M. [C] sur un type d'emploi similaire (technicien ou équivalent) et encore présents au moment du départ à la retraite du salarié ou partis quelques années auparavant.

La CPAM de la Drôme établit ainsi que le salarié, au moment de son départ à la retraite, bénéficiait d'un coefficient supérieur à la moyenne du coefficient de ce panel, soit 431 points pour un coefficient moyen de 358 points. Il ressort par ailleurs de ce panel de comparaison que M. [C] fait partie des 14 % des salariés entrés à la même époque que lui sur un emploi similaire à avoir atteint le niveau 5,9 % ayant atteint le niveau 6 ou un niveau supérieur.

La CPAM de la Drôme établit également que :

le coefficient du salarié est supérieur au coefficient moyen des 10 salariés entrés dans l'organisme à la même époque que lui sur un emploi similaire et ayant terminé leur carrière au niveau 5 (coefficient moyen de 401),

parmi les salariés entrés dans l'organisme à la même époque que lui sur un emploi similaire et avec un niveau d'étude équivalent (bac + 2), le coefficient du salarié est supérieur au coefficient moyen de ces salariés (330), deux salariés ayant atteint le niveau de cadre, dont M. [C],

le coefficient de M. [C] est supérieur au coefficient moyen de l'ensemble des salariés du panel occupant à leur départ à la retraite un niveau 5 ou 5 (415).

Il ne résulte pas de ces différentes comparaisons que l'évolution professionnelle du salarié aurait stagné tout au long de sa carrière par rapport aux autres salariés dans la même situation.

Pour justifier que le salarié n'ait pas atteint un niveau supérieur au niveau 5, alors que d'autres salariés ayant obtenu le statut de cadre à une époque identique à celle de M. [C] (courant des années 1980), la CPAM de la Drôme soutient que le salarié n'a fait aucune démarche de candidature à un poste supérieur après l'obtention du niveau 5B en juillet 2001, ce que le salarié ne conteste pas, et qu'il n'a, dans tous les cas, pas suivi les formations juridiques qui lui auraient permis de prétendre, après l'obtention de son statut de cadre, à des emplois d'un niveau supérieur et à des fonctions d'encadrement.

Le salarié ne démontre ni qu'il aurait sollicité son employeur pour qu'il l'autorise ou lui permette de suivre ces formations juridiques, ni qu'il aurait, dans les faits, encadré des salariés d'un niveau supérieur au sien, ce que conteste l'employeur.

La CPAM de la Drôme établit également que le salarié n'est pas le seul à avoir dû attendre trois ans pour obtenir un poste de cadre après l'obtention du cours de cadre, et qu'un autre salarié, M. [U], a également attendu 15 ans avant de passer au niveau 5B, le salarié ne soutenant ni ne démontrant que ce salarié aurait également fait l'objet d'une discrimination.

Il ne peut valablement être exigé de l'employeur qu'il s'explique précisément sur le fait que certains salariés embauchés à la même époque que M. [C], avec un niveau de diplôme équivalent ou inférieur au sien, et ayant obtenu le cours de cadre à la même époque que lui, aient atteint le niveau 6 ou le niveau 7, cette exigence revenant à remettre en cause la possibilité de progression de carrière différente au sein d'une même entreprise, en fonction des compétences, mérites et motivations personnels de chacun.

Or, la cour relève que le salarié n'a versé aux débats aucun élément démontrant ou bien que l'employeur aurait apprécié, tout au long de sa carrière, de manière injustement négative la qualité de son travail, ce qui aurait laissé présumer une discrimination en raison de ses activités syndicales, ou bien que, malgré une appréciation positive de son travail, et de l'accroissement de ses compétences, et de l'expression réitérée de sa volonté de progresser et d'évoluer hiérarchiquement, il n'ait pas atteint un niveau supérieur au niveau 5, contrairement aux collègues visés par le salarié dans ses écritures, soit les salariés ayant atteint des postes de niveaux hiérarchiquement supérieurs aux siens, ce qui aurait également laissé présumer une discrimination en raison de ses engagements syndicaux.

Eu égard à l'ensemble de ces constatations, il y a lieu de retenir que l'employeur justifie par des raisons objectives étrangères à toute discrimination syndicale, du niveau hiérarchique atteint par le salarié au cours de la période non prescrite jusqu'à son départ à la retraite.

S'agissant de la différence de traitement alléguée avec le délégué syndical de la CGT, il ressort d'un courrier du 26 avril 2017 adressé à M. [T], produit par l'employeur, que celui-ci s'est bien vu attribuer 7 points supplémentaires à compter du 1er mai 2013 en raison de l'investissement dont il a fait preuve dans le cadre de son activité au service des 'uvres sociales de l'entreprise.

M. [C], qui soutient qu'il remplissait également ces missions, ce que conteste la CPAM de la Drôme, et qu'il aurait dû tout autant que M. [T] bénéficier de l'attribution de ces points supplémentaires, ne produit aucun élément permettant de faire la démonstration de son allégation.

Au surplus, M. [C] ne soutient pas que la CPAM de la Drôme n'était pas autorisée, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de direction, à attribuer des points supplémentaires à certains salariés sur la base de critères objectifs relatifs notamment à l'investissement du salarié dans l'accomplissement de ses missions.

La CPAM de la Drôme justifie ainsi par des raisons objectives étrangères à toute discrimination syndicale de l'attribution de points supplémentaires à un autre délégué syndical.

Au vu des éléments susvisés, il en résulte que l'employeur échoue à justifier par des raisons objectives étrangères à toute discrimination syndicale l'absence d'entretiens annuels d'évaluation et l'absence d'entretien triennal durant la période non prescrite.

Le préjudice subi par le salarié sera justement réparé par la condamnation de la CPAM de la Drôme à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement de première instance est infirmé sur les dépens.

La CPAM de la Drôme, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et condamnée à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la CPAM de la Drôme,

DIT que l'action en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale alléguée par le salarié n'est pas prescrite,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la CPAM de la Drôme à payer à M. [C] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale,

CONDAMNE la CPAM de la Drôme à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la CPAM de la Drôme aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 21/00794
Date de la décision : 10/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-10;21.00794 ?
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