C5
N° RG 20/03474
N° Portalis DBVM-V-B7E-KTMF
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
M. [L] [W]
la SELARL [12]
la CPAM DE L'ISÈRE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU VENDREDI 06 JANVIER 2023
Appel d'une décision (N° RG 18/00142)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Vienne
en date du 21 octobre 2020
suivant déclaration d'appel du 05 novembre 2020
APPELANT :
Monsieur [A] [M]
né le 29 Juin 1959 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
comparant en personne, assisté de M. [L] [W] (de la FNATH) régulièrement muni d'un pouvoir
INTIMEES :
Association FOYER [14] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 9]
représentée par Me Stéphane BOURQUELOT de la SELARL CPASTAN RHONE ALPES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Jean-Charles METZ, avocat au barreau de LYON
Caisse CPAM DE L'ISERE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Service Contentieux Général
[Adresse 1]
[Localité 6]
comparante en la personne de M. [C] [T] régulièrement muni d'un pouvoir
Compagnie d'assurance [15] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 10]
non comparante, ni représentée
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 octobre 2022,
M. Pascal VERGUCHT, chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries.
Et l'affaire a été mise en délibéré au 15 décembre 2022, prorogé à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon une déclaration d'accident du travail du 10 octobre 2016, M. [A] [M], éducateur au sein de l'association [14], a chuté sur un sol humide et glissant en voulant éteindre les lumières dans des douches du Centre [11] ([11]) le 7 octobre 2016, ce qui lui a occasionné une torsion de la cheville droite. Un certificat médical initial du 8 octobre 2016 a constaté, à compter de la veille, une contusion de D2 au pied droit.
La caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a pris en charge l'accident par courrier du 18 octobre 2016, une date de consolidation a été fixée au 19 janvier 2018 avec attribution d'un taux d'incapacité permanente de 12 % par courrier du 9 février 2018 qui mentionne des séquelles sur une entorse de la cheville droite compliquée d'algoneurodystrophie, à type de douleurs à l'appui de l'avant pied, une raideur des orteils et une très discrète limitation des amplitudes de la cheville droite.
La caisse a dressé un procès-verbal de carence le 13 avril 2018 à l'occasion d'une demande de reconnaissance amiable de faute inexcusable de l'employeur.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Vienne a, par jugement en date du 21 octobre 2020, statué sur le recours engagé par M. [M] contre son employeur et en présence de la CPAM de l'Isère et de la [15] en décidant de :
- débouter le requérant de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable,
- dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'employeur,
- rappeler l'exemption de dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- déclarer la décision commune et opposable à la caisse et à l'assureur.
Par déclaration du 5 novembre 2020, M. [M] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 12 octobre 2022, reprises oralement à l'audience devant la cour, M. [M] demande :
- la réformation du jugement en toutes ses dispositions,
- la reconnaissance d'une faute inexcusable à l'origine de son accident du travail,
- la fixation au maximum de la majoration de sa rente,
- une expertise médicale,
- une provision de 3.000 euros,
- le versement des sommes dues au titre de la majoration de la rente et de la provision par la CPAM de l'Isère, à charge pour celle-ci de les recouvrer auprès de l'employeur,
- la condamnation de l'employeur à lui payer 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- la condamnation de la partie adverse aux dépens,
- le renvoi devant l'organisme compétent pour la liquidation de ses droits.
Par conclusions du 30 septembre 2022, reprises oralement à l'audience devant la cour, l'association [14] demande :
- la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté le requérant de sa demande de reconnaissance de faute inexcusable,
- la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas fait application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- le débouté des demandes de M. [M],
- la condamnation de l'appelant à lui verser 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la première instance et de l'appel,
- subsidiairement qu'il soit dit que la caisse fera l'avance des sommes accordées et des frais d'expertise, la limitation de la mission de l'expert et le rejet de la demande de provision.
Par conclusions du 14 juin 2022, reprises oralement à l'audience devant la cour, la CPAM de l'Isère demande en cas de reconnaissance d'une faute inexcusable :
- la fixation de la majoration de la rente,
- la fixation de l'indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux,
- la condamnation de l'employeur à rembourser à la CPAM les sommes dont elle sera amenée à faire l'avance, y compris les frais d'expertise.
La compagnie d'assurance [15] n'a pas conclu et ne s'est pas présentée à l'audience bien qu'elle ait accusé réception de sa convocation le 29 mars 2022.
En application de l'article 455 du Code de procédure civile, il est donc expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIVATION
L'article L.452-1 du code de la sécurité sociale prévoit que lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire. Sur ce fondement, l'employeur est tenu envers son salarié d'une obligation de sécurité et le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Sur la conscience du danger, M. [M] soutient que son employeur devait ou aurait dû avoir conscience du risque de glissade en présence d'inondations dans les douches collectives du foyer de sans-abris dans lequel il travaillait : il fait valoir que les attestations de quatre salariés démontrent que l'employeur connaissait le délabrement des locaux et les fuites dans les douches, et qu'un procès-verbal du CHSCT du 12 mai 2016 soulignait la vétusté des installations sanitaires du rez-de-chaussée, ce qui renvoyait forcément à l'état de délabrement dénoncé, et nécessairement à des fuites d'eau. Il ajoute que les factures d'intervention versées au débat par l'employeur démontrent un entretien discutable, et que des revendications des salariés portaient sur la rénovation des douches comme le prouveraient un mouvement de grève et un tract, intervenus après l'accident en octobre 2016, mais après un précédent mouvement en septembre. L'appelant se prévaut également de photographies parues sur le site internet d'un média d'information à l'occasion de la couverture de ce mouvement social. Il souligne que l'employeur ne saurait se dédouaner de ses responsabilités au prétexte que l'accueil concernerait des sans-abris, qu'il y aurait un interrupteur pour allumer la lumière dans les douches ou que M. [M] souffrirait d'algoneurodystrophie avant l'accident, ce qu'il nie et que l'employeur ne démontrerait pas, ou enfin qu'il n'y aurait pas eu d'autres chutes, ce qui ne serait pas prouvé.
Sur l'absence de mesures adaptées pour prévenir la réalisation du risque, M. [M] fait valoir qu'aucun dispositif n'avait été mis en place pour éviter le risque de chute par glissade, qu'au contraire il y avait une carence ou un défaut d'entretien qui a été à l'origine de son accident, et que le CHSCT avait relevé ces carences et défaut lors de sa réunion de mai 2016.
Pour sa part, l'employeur fait valoir, en premier lieu, que M. [M] n'établit pas une faute inexcusable de droit sur le fondement de l'article L.4131-4 du Code du travail, car ni le cahier des délégués du personnel ni les procès-verbaux du CHSCT ne font état d'un risque de chute dans les douches, et la vétusté des sanitaires mentionnée dans le procès-verbal de mai 2016 ne permet pas de considérer que l'employeur a été alerté d'un risque de chute en raison de fuites d'eau. Par ailleurs, les attestations des anciens collègues de travail de M. [M] ne peuvent pas remplacer le fait que l'alerte est censée être émise par le salarié ou un membre du CHSCT. L'association ajoute qu'aucun autre salarié n'a chuté dans ces douches collectives.
L'association fait valoir, en second lieu, qu'une faute inexcusable n'est pas prouvée, car elle a eu recours aux services de l'APAVE pour établir un document unique d'évaluation des risques (DUER) qui ne mentionne un risque de glissade qu'en cas d'activité de nettoyage des sols, ce qui n'était pas la situation de M. [M], et que ce document mentionne une vétusté des sanitaires et l'absence de distinction hommes/femmes, mais pas une plomberie défectueuse, les risques identifiés étant l'inconfort et le manque d'hygiène. L'association émet la même remarque au sujet du procès-verbal du CHSCT de mai 2016, dans lequel, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il n'est pas question de fuites récurrentes ou occasionnelles. Elle justifie des procès-verbaux des réunions du comité qui font état des chantiers engagés, d'un cahier des demandes d'interventions et des factures de sociétés de plomberie, qui démontrent ses diligences. Elle relève que le tract du mouvement de grève est postérieur aux faits, tout comme l'article publié le 25 octobre 2016. L'association remet également en cause la sincérité des attestations versées par M. [M] : celles de M. [J] et Mme [X] proviendraient de salariés qui ne faisaient plus partie de ses effectifs au moment de l'accident et qui sont en conflit prud'homal avec elle, et ne témoigneraient que de ressentiments à son égard, et elle souligne qu'aucune preuve n'est apportée pour objectiver les dires des témoins selon lesquels la direction aurait été informée par mail de la dangerosité des douches ; elle estime que les deux autres témoignages sont imprécis et contraires à la réalité, là aussi sans preuve d'une alerte de la direction et alors que tant le service de maintenance que les intervenants extérieurs, qualifiés et professionnels, ne se sont pas contentés de procéder à des rafistolages ou des bricolages. L'intimée souligne encore que le foyer accueille 200 personnes sans domicile fixe et est fréquemment victime de dégradations et de vols sur les tuyauteries, pommeaux de douche, bondes d'évacuation, etc., et que les douches sont fréquemment réparées, le matériel dégradé ou volé étant systématiquement remplacé. Elle ajoute que la dernière fuite intervenue en août 2016 a ainsi été réparée et aucune autre fuite n'a été rapportée avant l'accident de M. [M]. L'association dénie enfin toute fuite persistante, qui ne serait d'ailleurs pas prouvée, toute carence dans le traitement des demandes d'intervention et toute fuite à une époque contemporaine de l'accident, en précisant que l'humidité des douches ne peut être une anomalie.
Il convient de constater que M. [M] justifie :
- d'un courriel du 1er février 2016 adressé par les éducateurs, sous la signature de Mme [B] [G], à la liste maintenance, signalant une fuite d'eau venant du plafond dans les douches du rez-de-chaussée, et d'une fermeture pour éviter tout risque, et d'une demande de réparation dès que possible ;
- d'un courriel du 19 juillet 2016 du responsable maintenance et travaux, M. [I] [Z], aux éducateurs, notant une série de fuites dans les douches dont le service va s'occuper ;
- un courriel du 10 aout 2016 d'une assistante du service maintenance et travaux, Mme [U] [D], adressé aux éducateurs, qui transmet qu'il y a de nouveau une fuite d'eau dans les douches et que l'intervention est prise en charge ;
- d'une attestation de Mme [K] [X] du 3 avril 2019, mandataire judiciaire à la protection des majeurs, responsable de 2009 à 2015 du [11] où se trouvaient les douches, qui mentionne que les douches étaient dans un état de délabrement inacceptable depuis 2011, qu'elles fuyaient et rendaient le sol glissant, que la direction du foyer avait été alertée verbalement et par mail à maintes reprises sur l'état de vétusté des douches et du danger potentiel d'accident, elle-même ayant accompagné trois directeurs successifs sur les lieux, le service maintenance intervenant par à-coups pour raccorder les tuyaux fuyants sans faire de réelles réparations puisque quelques jours plus tard les douches fuyaient et les sols étaient à nouveau glissants ;
- d'une attestation de M. [N] [J] du 17 février 2019, éducateur spécialisé ayant travaillé dans le [11] de mai 2015 à septembre 2016, témoignant que l'allée centrale des douches était souvent glissante, cela était dû à des fuites d'eau récurrentes qu'il avait d'ailleurs signalées de nombreuses fois à la direction par mail, les réponses apportées n'étant pas à la hauteur car il aurait fallu procéder au remplacement complet et non à du rafistolage et du bricolage de la tuyauterie et autres matériaux devenus obsolètes avec le temps ;
- de deux attestations de M. [O] [F] des 9 janvier et 11 février 2020, travailleur social depuis 2012 dans l'association, qui certifie avoir constaté dans la période précédant l'accident un délabrement du bâtiment plus particulièrement au niveau des sanitaires et douches collectives où de nombreuses inondations ont été constatées et signalées au service qui gère ce genre de problème sans que rien ne soit fait dans l'immédiat pour corriger ces soucis, le problème perdurant pendant plusieurs semaines, laissant de grandes flaques d'eau ;
- de deux attestations de M. [E] [Y] des 7 janvier et 11 février 2020, éducateur dans la structure depuis 12 ans, mentionnant qu'il a pu constater que les douches du rez-de-chaussée étaient régulièrement inondées d'eau du fait des canalisations régulièrement en fuite, les responsables étant régulièrement alertés sur les risques de chute ;
- du procès-verbal du CHSCT du 12 mai 2016 mentionnant, à l'issue d'une visite des installations du rez-de-chaussée, un certain nombre de dysfonctionnements et notamment la vétusté des sanitaires, l'absence de distinction sanitaires homme/femme, la réfection des sanitaires demandée (changement des cadres de portes et des boiseries rongées par l'humidité et les rongeurs, absence de dalles au plafond ' remplacement de dalles absentes et défectueuses-, mise en sécurité des câbles électriques, changer les matériels existants par du matériel neuf et adapté : lavabos fissurés, bacs de douche à réhabiliter...) ;
- d' une attestation de M. [R] [S], moniteur et éducateur, qui témoigne le 11 février 2020 que le soir du 7 octobre 2016, il s'était dirigé vers les douches collectives du [11] avec M. [M] pour vérifier la présence de personnes, éteindre les lumières et fermer les portes ; son collègue étant rentré jusqu'au fond du local des douches pour s'assurer qu'il n'y avait personne, il l'a entendu crier après avoir violemment chuté sur le sol glissant de la douche et l'a aidé à marcher ensuite avant qu'il ne soit emmené à l'hôpital.
Il découle donc de l'ensemble de ces courriels et attestations, conformes aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile, et du procès-verbal du CHSCT, qu'un problème de fuite d'eau créant des inondations dans les douches collectives du rez-de-chaussée du Centre [11] existait de manière répétée, et cela bien avant l'accident dont M. [M] a été victime le 7 octobre 2016. Sans qu'il soit utile de justifier les courriels évoqués par les témoins, dès lors que leurs déclarations sont confortées par les autres éléments versés au débat, il convient de considérer que la direction de l'association était au courant de ces dysfonctionnements.
Même s'il n'y a pas lieu de retenir une présomption de faute inexcusable en application de l'article L.4131-4 du Code du travail, faute de signalement à l'employeur du risque par M. [M] lui-même ou spécialement par un représentant du personnel au CHSCT, l'employeur devait être conscient du danger de glissade ou de chute qu'entraînaient les fuites d'eau répétées dans les douches collectives.
L'employeur se prévaut lui-même d'éléments qui vont en ce sens :
- le DUER mentionne un risque de chute de plain-pied lors du nettoyage des sols en raison de l'encombrement et de l'état du sol, nécessitant de mettre en place un balisage ou de baliser et interdire temporairement l'accès à la zone : si elles sont citées pour une autre situation qu'une ronde de vérification, la nature du risque et les mesures préconisées étaient bien connues de l'employeur ;
- le DUER mentionne aussi un risque d'inconfort et de manque d'hygiène en lien avec la vétusté des sanitaires et l'absence de distinction sanitaires homme/femme nécessitant des aménagements, un nettoyage quotidien et une aération : la vétusté de sanitaires, donc d'installations destinées à la distribution et l'évacuation de l'eau, implique par nature un risque de fuite et d'inondation ;
- la répétitivité des incidents et l'insuffisance des solutions adoptées, voire l'absence de célérité dans le traitement, sont également prouvées par :
- une fiche d'intervention du 5 janvier 2016 pour une fuite au rez-de-chaussée au niveau des douches collectives avec reprise de soudure sur tuyau cuivre diamètre 22 et 16,
- une facture du 28 juillet 2016 après un devis du 25 mentionnant qu'il n'y a pas d'extrême urgence mais plusieurs fuites sur un cuivre en 28 dans les douches collectives,
- une facture du 10 aout 2016 mentionnant un devis pour réparer un tube cuivre en 28 car percé au niveau du coude,
- une demande d'intervention sur un cahier pour une fuite au plafond sur tuyau cuivre dans les douches communes le 12 aout 2016.
En ce qui concerne l'absence de mesures adaptées prises par l'employeur pour éviter la réalisation du risque de chute dont il a été victime, M. [M] fait valoir, en s'appuyant sur l'ensemble des éléments rapportés ci-dessus, qu'aucune mesure n'avait été prise, l'employeur n'en justifiant par ailleurs d'aucune, mis à part des interventions qui n'ont pas résolu la survenance de fuites répétées, celles-ci découlant de l'état de délabrement des locaux et des sanitaires critiqué notamment par le procès-verbal de la réunion du CHSCT de mai 2016.
L'employeur ne saurait éviter ses responsabilités en remettant en cause les témoignages sans apporter d'éléments suffisants remettant en cause les faits décrits par les témoins, ou en remettant en question les circonstances de l'accident qui sont par ailleurs décrites par un collègue de travail accompagnant M. [M], ni en mettant en avant les dégradations ou les vols commis par les personnes hébergées qui ne sont pas établis et qui impliqueraient que l'association adopte des mesures appropriées aux risques engendrés par ces actes.
L'association [14] a donc commis une faute inexcusable, à l'origine de l'accident du travail de M. [M] du 7 octobre 2016, en ayant conscience du risque de chute par glissade sur sol humide, dans des douches soumises à des fuites et inondations répétées, et en ne prenant pas de mesures adaptées pour éviter le risque qui s'est produit au détriment de son salarié. Le jugement sera donc infirmé en son intégralité.
La rente servie au salarié sera majorée à son montant maximum.
L'employeur s'oppose à une mesure d'expertise parce que M. [M] ne prouverait pas l'existence de préjudices extrapatrimoniaux résultants de ses lésions : les lésions décrites par le certificat médical initial comme les séquelles décrites lors de la fixation du taux d'IPP justifient l'existence de ces préjudices et une expertise médicale sera ordonnée pour éclairer la cour dans l'évaluation de ceux-ci. La mission de l'expert sera prévue ainsi qu'il est d'usage en la matière, dans le respect des dispositions du Code de la sécurité sociale.
Les mêmes éléments justifient l'allocation à M. [M] d'une provision à valoir sur l'indemnisation de ces préjudices, qui sera fixée à la somme demandée de 3.000 euros.
Les frais d'expertise comme la provision seront avancés par la CPAM de l'Isère, qui se retournera contre l'employeur dans les conditions prévues par le Code de la sécurité sociale.
A l'audience, l'association [14] à confirmé oralement que la société [15] couvrait bien son risque de faute inexcusable, et la présente décision sera donc déclarée commune et opposable à l'assureur qui a été régulièrement appelé en la cause.
L'équité et la situation des parties justifient que M. [M] ne conserve pas l'intégralité des frais exposés pour faire valoir ses droits et l'association [14] sera condamnée à lui payer une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant de manière réputée contradictoire et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Vienne du 21 octobre 2020,
Et statuant à nouveau,
Dit que l'association [14] a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont M. [A] [M] a été victime le 7 octobre 2016,
Fixe au maximum la majoration de la rente servie à M. [A] [M] au titre de cet accident du travail,
Ordonne avant dire droit sur la réparation de ses préjudices personnels une expertise médicale de M. [A] [M] aux frais avancés de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère qui en récupérera le coût auprès de l'association [14] dans les conditions légales,
Commet pour y procéder
Dr. [P] [V]
[Adresse 4]
[Localité 8]
avec mission de :
- aviser les parties de la date et du lieu de l'expertise et les convoquer auxdites opérations,
- se faire communiquer par tout tiers détenteur, l'ensemble des documents nécessaires à l'exécution de la présente mission, en particulier, et avec l'accord de la victime ou de ses ayants droit, le dossier médical complet (certificat médical initial descriptif certificat de consolidation, bulletin de présence à l'hôpital, compte-rendu d'intervention, résultat des examens complémentaires, etc.) et les documents relatifs à l'état antérieur (anomalies congénitales, maladies ou séquelles d'accidents) sous réserve de Nous en référer en cas de difficulté,
- relater les constatations médicales faites à l'occasion ou à la suite de ce dommage et consignées dans les documents ci-dessus visés,
- examiner M. [A] [M],
- décrire les lésions subies ou imputées par M. [A] [M] à l'événement dommageable, leur évolution, les traitements appliqués, noter, en les mentionnant comme telles, les doléances de la victime, en précisant ses conditions habituelles d'existence et son état de santé antérieur, décrire les constatations faites à l'examen (y compris état général, taille et poids) en précisant les séquelles apparentes telles qu'amputations, déformations et cicatrices,
- donner un avis sur l'importance des souffrances physiques et morales endurées en fonction d'une échelle de 7 degrés, ceci en tenant compte des douleurs postérieures à la consolidation, mais n'entraînant pas d'atteinte à l'intégrité psychophysiologique,
- qualifier selon une échelle allant de 1 à 7, le préjudice esthétique même temporaire découlant des cicatrices, déformations, attitudes ou gestes disgracieux, conséquence des blessures subies, ceci sans tenir compte de la personnalité de la victime, préciser si ces séquelles esthétiques sont susceptibles d'être améliorées ou supprimées par la mise en 'uvre d'une thérapeutique, fournir, le cas échéant, tous documents photographiques qui devront être datés et commentés,
- donner un avis détaillé sur la difficulté ou l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer les sports ou activités spécifiques de loisir auxquels il serait avéré qu'elle s'adonnât régulièrement, plus généralement, donner un avis sur le préjudice d'agrément subi,
- dire si la victime peut reprendre ou non son emploi antérieur, ou un autre emploi et si elle subit ou non un préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,
- du déficit fonctionnel temporaire, non couvert par les indemnités journalières qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire,
- des dépenses liées à la réduction de l'autonomie, y compris les frais de logement ou de véhicule adapté, à l'exception de l'assistance d'une tierce personne après consolidation,
- du préjudice sexuel, indépendamment du préjudice d'agrément,
Dit que l'expert :
- aura la faculté de s'adjoindre tout spécialiste de son choix dans une spécialité différente de la sienne, à charge de joindre leur avis au rapport,
- devra, au terme des opérations d'expertise, mettre en mesure les parties en temps utile de faire valoir leurs observations qui seront annexées au rapport et y répondre,
- tiendra le magistrat chargé du contrôle de l'expertise informé de l'avancement de ses opérations et le saisira de toute difficulté y afférente,
- dressera rapport de ses opérations pour être déposé au greffe de la cour dans un délai de SIX mois après sa saisine, en deux originaux et après en avoir adressé un exemplaire à chacune des parties en cause,
Dit qu'en cas d'empêchement, l'expert sera remplacé par simple ordonnance du magistrat chargé du contrôle des expertises,
Alloue à M. [A] [M] une provision de 3.000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices personnels, aux frais avancés de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.
Condamne l'association [14] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère les sommes dont elle aura fait l'avance y compris les frais d'expertise médicale,
Condamne l'association [14] à payer à M. [A] [M] une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Dit que la présente décision est commune et opposable à la société [15],
Dit que l'affaire reprendra à l'initiative de la partie la plus diligente après le dépôt du rapport d'expertise.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Kristina Yancheva, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président