N° RG 20/03525 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KTPW
N° Minute :
C4
Copie exécutoire délivrée
le :
à
la S.E.L.A.R.L. DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la S.E.L.A.R.L. HDPR AVOCAT HARTEMANN-DE CICCO PICHOUD
Me Eugénia MAURICI
Me Jean-Bruno PETIT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 13 DECEMBRE 2022
Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/02211) rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 09 juillet 2020, suivant déclaration d'appel du 10 Novembre 2020
APPELANTE :
Société ALLIANZ TIRIAC ASIGURARI Prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 14]
[Localité 11] (ROUMANIE)
Représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat postulant et Me Nancy LAMBERT-MICOUD, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
Mme [K] [E]
née le [Date naissance 4] 1999 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Marie-Christine HARTEMANN-DE CICCO de la SELARL HDPR AVOCAT HARTEMANN-DE CICCO PICHOUD, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat postulant et plaidant par Me Dominique ARCADIO de la SELARL ARCADIO ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substitué par Me Julien DEYRES
M. [U] [O]
Egalement appelante sous le numéro RG 20/4052 joint le 26/01/21
né le [Date naissance 5] 1987 à [Localité 12]
de nationalité Roumaine
[Adresse 13]
[Localité 11]/ROUMANIE
Représenté par Me Eugénia MAURICI, avocat au barreau de GRENOBLE
Organisme FONDS DE GARANTIE des assurances obligatoires de dommages (FGAO) Organisme de droit privé (article L. 421-2 du Code des Assurances) régi par l'article L 421-1 du même Code - dont le siège social est [Adresse 7] à [Localité 15] - représenté par son Directeur Général, sur délégation du Conseil d'administration
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-Bruno PETIT de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE
Caisse CPAM DE HAUTE-SAVOIE Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 9]
Non représentée
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M.Laurent Grava, conseiller faisant fonction de président,
M. Frédéric Dumas, vice-président placé, en vertu d'une ordonnance en date du 9 mars 2022 rendue par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble,
Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 Septembre 2022, M. Laurent Grava, conseiller et Mme Anne-Laure Pliskine, conseillère, assistés de Mme Valérie Renouf, greffière, en présence de Céline Richard, greffière stagiaire en pré-affectation, ont entendu seuls les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 20 mars 2017 Mme [K] [E] et M. [U] [O], ressortissant roumain assuré auprès de la société Allianz Tiriac Asigurari, sont entrés en collision alors qu'ils skiaient l'un et l'autre sur une piste bleue du domaine des Deux-Alpes (38).
Souffrant notamment de lésions à la face, Mme [E] a été prise en charge à la clinique des Deux-Alpes.
Imputant à M. [O] la responsabilité de l'accident, Mme [E] a transmis, par l'intermédiaire de son conseil, à la société Avus France, représentante française de la société Allianz Tiriac Asigurari, une demande d'expertise et de versement d'une provision par courrier du 10 avril 2017.
A défaut d'accord, Mme [E] a, par exploit du 12 avril 2018, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Grenoble la société Allianz Tiriac Asigurari, en sa qualité d'assureur de M. [O], et la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère (la CPAM) aux fins de voir reconnaître la responsabilité de M. [O] et que soit ordonnée une expertise médicale.
Par acte du 16 avril 2018 Mme [E] a fait citer devant la même juridiction M. [O]. La jonction des deux procédures a été ordonnée par le juge de la mise en état le 18 juin 2019.
En raison du refus de garantie opposé par l'assureur, selon lettre recommandée avec accusé réception du 13 mars 2019, Mme [E] a dénoncé l'assignation délivrée à la société Allianz Tiriac Asigurari ainsi qu'à M. [O] au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommage (FGAO), lequel est intervenu volontairement à l'instance devant le tribunal de grande instance de Grenoble.
Suivant jugement du 9 juillet 2020, réputé contradictoire en l'absence de M. [O] et assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire du FGAO,
- dit que M. [O] est intégralement responsable des préjudices résultant pour Mme [E] de l'accident survenu le 20 mars 2017,
- condamné in solidum M. [O] et la société Allianz Tiriac Asigurari à indemniser Mme [E] de ses préjudices,
- dit que le FGAO est hors de cause,
- ordonné avant dire droit sur la liquidation des préjudices une expertise médicale et désigné pour ce faire le docteur [V],
- fixé à la somme de 1 500 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par la société Allianz Tiriac Asigurari à la régie d'avances et de recettes du tribunal avant le 9 septembre 2020,
- dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,
- dit que le rapport d'expertise devra être déposé au plus tard le 9 avril 2021,
- renvoyé à l'audience de mise en état du 13 mai 2021,
- condamné in solidum M. [O] et la société Allianz Tiriac Asigurari à verser à Mme [E] une somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur la réparation définitive de ses préjudices,
- sursis à statuer sur l'ensemble des autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- réservé les dépens de l'instance.
Le 10 novembre 2020 la société Allianz Tiriac Asigurari a interjeté appel, à l'égard des autres parties à l'exception de la CPAM, des dispositions aux termes desquelles le jugement du 9 juillet 2020 :
- l'a condamnée in solidum M. [O] à indemniser Mme [E] des préjudices résultant pour elle de l'accident survenu le 20 mars 2017,
- a dit que le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires est hors de cause.
Le 15 décembre 2020 M. [O] a interjeté appel, à l'égard de l'ensemble des parties, du même jugement en ce qu'il a :
- dit qu'il est intégralement responsable des préjudices résultant pour Mme [E] de l'accident survenu le 20 mars 2017,
- condamné M. [O] in solidum et la société Allianz Tiriac Asigurari à indemniser Mme [E] des préjudices résultant pour elle de l'accident du 20 mars 2017,
- dit que le FGAO est hors de cause,
- ordonné avant dire droit sur la liquidation des préjudices une expertise avec seize missions,
- condamné in solidum M. [O] et la compagnie Allianz Tiriac Asigurari à verser à Mme [E] une somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur la réparation définitive de ses préjudices.
Les deux procédures ont été jointes suivant ordonnance du 26 janvier 2021 du conseiller de la mise en état.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 29 mars 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions la société Allianz Tiriac Asigurari demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :
- débouter Mme [E] de toute demande d'indemnisation du fait de l'accident survenu le 20 mars 2017, au regard de sa faute de nature à exclure son droit à indemnisation,
- limiter en tout état de cause la garantie de la société Allianz Tiriac Asigurari à 5 000 euros et rejeter toute demande de condamnation supérieure à ce montant à son encontre,
- condamner Mme [E] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Au soutien de ses prétentions l'appelante fait valoir que :
- en suivant son moniteur Mme [E] a coupé toute la piste et donc la trajectoire de M. [O] qui la descendait alors que le couloir était libre,
- l'assureur intervient au titre d'une assurance voyage couvrant la responsabilité civile de M. [O] dans la limite de 5 000 euros en ce qui concerne les dommages causés aux tiers,
- en vertu du Règlement Rome II c'est la loi de la police d'assurance qui doit s'appliquer au contrat liant M. [O] à son assureur rendant le plafond d'indemnisation opposable à la victime.
Selon ses dernières écritures M. [O] conclut à ce que la cour infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :
- à titre principal juge que Mme [E], à l'occasion de l'accident de ski du 20 mars 2017, a commis une faute de nature à exclure son droit à indemnisation,
- déboute en conséquence Mme [E] de l'ensemble de ses demandes,
- à titre subsidiaire juge que Mme [E] a commis une faute de nature à réduire son droit à indemnisation,
- condamne en conséquence in solidum la société Allianz Tiriac Asigurari et M. [O] à réparer une partie seulement du préjudice subi par Mme [E],
- déboute Mme [E] de toute ses autres demandes,
- condamne en tout état de cause Mme [E] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de maître Maurici, avocat.
L'appelant expose que :
- il descendait paisiblement une piste de ski bleue quand une skieuse venant de la gauche l'a brusquement et perpendiculairement traversée à toute vitesse pour rejoindre un groupe de skieurs assemblés sur la partie droite de cette piste,
- il a freiné au moins trois mètres pour éviter l'accident et n'a pu dévier sa trajectoire sur la droite de la piste puisque le groupe de skieurs s'y trouvait,
- la déclaration de collision, qu'il a signée bien qu'il ne maîtrise pas le français, est remise en cause ainsi que les attestations non conformes produites par l'intimée par l'enregistrement vidéo de l'accident et les attestations de MM. [Y], témoins des faits,
- les déclarations de M. [G], professeur de Mme [E], sont également inexactes,
- le principe établi par la jurisprudence est celui de la responsabilité du skieur amont sauf faute du skieur aval de nature à engager sa responsabilité,
- l'article 5 du règlement de la Fédération internationale de ski énonce que tout skieur qui pénètre sur une piste de descente, s'engage après un stationnement ou exécute un virage vers I'amont, doit s'assurer par un examen de l'amont et de l'aval, qu'il peut le faire sans danger pour lui et pour autrui,
- la faute de Mme [E] constitue donc la cause exclusive de l'accident et exclut son droit à indemnisation.
En réplique Mme [E] sollicite dans ses dernières conclusions la confirmation du jugement déféré et :
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour retiendrait un plafond de garantie à hauteur de 5 000 euros, la condamnation de :
- M. [O] à l'indemniser intégralement de ses préjudices,
- la société Allianz Tiriac Asigurari à prendre en charge ses préjudices dans la limite de 5 000 euros, le FGAO étant tenu de l'indemniser au-delà de ce montant,
- en tout état de cause le renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire de Grenoble pour la liquidation de ses préjudices,
- la condamnation solidaire de M. [O] et de la société Allianz Tiriac Asigurari à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL HDPR Avocat.
Mme [E] explique que :
- le jour de l'accident elle faisait partie d'un groupe de sept élèves qui suivaient leur moniteur sur la piste bleue dans la station des Deux Alpes tout en réalisant de grands lacets à vitesse réduite sur cette piste large, que la visibilité était excellente et les conditions de ski parfaites,
- alors qu'elle rejoignait son professeur qui s'était arrêté sur le bord de la piste pour attendre ses élèves elle a été violemment percutée par M. [O] qui descendait la piste à vitesse excessive de toute évidence sans aucune maîtrise de ses skis et de sa trajectoire, l'intéressé ayant d'ailleurs coché les cases de la déclaration d'accident indiquant qu'il se situait en amont, doublait un skieur et qu'il ne maîtrisait plus sa direction, ce que corroboraient tous les témoins de la scène,
- en tant que gardien de ses skis, et en application de la jurisprudence relative aux accident de skis, M. [O] qui l'a heurtée en descendant la piste est responsable des dommages causés à la victime,
- sa responsabilité ne peut également qu'être retenue sur le fondement de la faute au regard des règles édictées par la Fédération internationale de ski relatives à la maîtrise de la vitesse et du comportement (article 2), de la direction (article 3) ou encore à la priorité du skieur aval,
- les différents témoins attestent de la vitesse élevée de M. [O] lorsqu'il descendait la piste et du défaut de maîtrise de sa direction,
- elle n'a en outre commis aucune faute en descendant paisiblement la piste bleue en faisant de larges virages prévisibles alors au surplus que pour être exonératoire de responsabilité celle-ci devrait revêtir les caractères de la force majeure,
- contrairement aux allégations adverses, au moment de la collision, elle ne venait pas de reprendre son trajet après s'être arrêtée, ni d'exécuter un virage vers l'amont mais descendait au contraire une piste en suivant son professeur,
- la vidéo produite par M. [O] ne fait qu'étayer la version de Mme [E],
- la limitation de garantie invoquée par la société Allianz lui est inopposable en application des articles R. 421-5 et L. 421-1 du code des assurances dont la notion d'accident de la circulation ne se limite pas à ceux dans lesquelles un véhicule terrestre à moteur est impliqué.
Dans ses dernières écritures le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de :
- débouter tant la société Allianz Tiriac Asigurari que M. [O] des fins de leur appel comme étant non fondées et non justifiées,
- juger en tout état de cause que la société Allianz Tiriac Asigurari est tenue d'indemniser intégralement les conséquences dommageables de l'accident au préjudice de Mme [E],
- rejeter toutes fins et prétentions adverses contraires,
- condamner in solidum la société Allianz Tiriac Asigurari et M. [O] aux dépens d'appel.
Le FGAO, qui reprend les explications de Mme [E] sur la responsabilité de M. [O] dans la survenue de l'accident, énonce notamment que :
- la société Allianz Tiriac Asigurari ne justifie aucunement du plafond de garantie invoqué,
- en tout état de cause toute exception ou limitation de garantie dont excipe un assureur doit remplir les conditions de l'article R. 421-1 du code des assurances selon lequel l'assureur doit, par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, avec demande d'avis de réception, le déclarer au Fonds de garantie et joindre à sa déclaration les pièces justificatives de son exception ; il doit en aviser en même temps et dans les mêmes formes la victime ou ses ayants droits en précisant le numéro du contrat,
- la société Allianz Tiriac Asigurari n'a pas satisfait à ces obligations quand bien même s'agit-il d'un assureur étranger et non pas d'un régime de responsabilité obligatoire.
La CPAM n'a pas constitué avocat.
L'instruction a été clôturée suivant ordonnance du 18 mai 2022
MOTIFS
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
A titre liminaire, il convient de préciser que, en dépit du défaut de signification de la déclaration d'appel de M. [O] à la CPAM conformément aux articles 901 et 902 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile, la cour ne relève pas la caducité de sa déclaration en l'absence de l'avis du greffe prévu à l'article 902 alinéa 3 du même code.
Par ailleurs il y a lieu de rappeler que les dispositions suivantes, non frappées d'appel et non remises en cause par les intimés, sont désormais définitives en ce que le jugement critiqué a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire du FGAO,
- renvoyé à l'audience de mise en état du 13 mai 2021,
- condamné in solidum M. [O] et la société Allianz Tiriac Asigurari à verser à Mme [E] une somme provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur la réparation définitive de ses préjudices,
- sursis à statuer sur l'ensemble des autres demandes dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- réservé les dépens de l'instance.
Sur les demandes principales
Sur la responsabilité de M. [O]
Aux termes de l'article 1242 alinéa 1er on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Il est constant que la responsabilité de plein droit établie par le texte précité, à l'encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui, ne peut être écartée que par la preuve d'un cas fortuit ou de force majeure, d'une cause étrangère qui ne lui est pas imputable réunissant les caractères d'extériorité, d'irrésistibilité et d'imprévisibilité, ou d'une faute de la victime comme étant la cause exclusive du dommage.
En application de l'article 9 du code de procédure civile, selon lequel il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, il appartient à la victime de rapporter la preuve du rôle causal de la chose, laquelle doit avoir été en quelque manière que ce soit l'instrument du dommage et, le cas échéant, au gardien de la chose de démontrer l'existence d'un cas de force majeure exonératoire.
Enfin la Fédération internationale de ski a édicté dix règles de conduite que les pratiquants de ski et de surf doivent observer parmi lesquelles figurent, selon une traduction du texte anglais admise par les parties, les trois consignes suivantes :
3. Maîtrise de la direction : le skieur amont, dont la position dominante permet le choix d`une trajectoire, doit prévoir une direction qui assure la sécurité du skieur et/ou snowboarder aval.
4. Dépassement : le dépassement peut s'effectuer, par l'amont ou par l'aval, par la droite ou par la gauche, mais toujours de manière assez large pour prévenir les évolutions du skieur et/ou snowboarder dépassé.
5. Pénétrer et s'engager sur la piste ainsi que virer vers l'amont : tout skieur qui pénètre sur une piste de descente, s'engage après un stationnement ou exécute un virage vers l'amont doit s'assurer par un examen de l'amont et de l`aval, qu'il peut le faire sans danger pour lui et pour autrui.
En l'espèce, les principaux éléments pris en compte par le premier juge pour retenir la responsabilité de M. [O] sont les suivants :
- il est établi par les attestations de M. [G], Mme [D], Mme [H] et Mme [X], produites par Mme [E], qu'ils étaient tous deux en train de skier au moment de la collision et que M. [O] est venu la percuter,
- M. [O] était ainsi au moment de l'accident gardien de ses skis, lesquels ont joué un rôle causal dans cet accident,
- la société Allianz Tiriac Asigurari, qui soutient que Mme [E] aurait commis une faute exonératoire de responsabilité, ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations, au surplus démenties par les attestations produites par Mme [E] qui établissent que M. [O] se trouvait en amont au moment de la collision et qu'il n'a pas pu éviter Mme [E].
En cause d'appel, M. [O], qui a constitué avocat, produit, s'agissant du déroulement de l'accident, un enregistrement vidéo effectué par l'un de ses amis présent sur les lieux, M. [T] [Y], ainsi qu'une attestation de celui-ci et une autre de M. [B] [Y].
M. [T] [Y] atteste ainsi que '... étant stationné sur le côté droit de la piste de ski, sur le sens de descente. En regardant les deux comme ils descendent, [U] [O] étant devant mon frère, j'ai vu du côté gauche de leur direction de descente apparaissant brusquement et en toute vitesse un autre skieur qui semblait ne pas pouvoir tenir sa direction à skier, en se déplaçant perpendiculairement sur la direction de descente de la piste de ski. Donc, la personne concernée ne skiait pas vers la base de la piste de ski, mais tout simplement une traversée de gauche de la piste de ski vers la droite. [U] [O] n'a pas pu éviter l'impact avec cette personne, mais je l'ai vu en freinant brusquement... [U] s'est laissé sur le côté droit pendant le freinage, et l'impact a eu lieu au niveau des chaussures de ski et les skis' la personne qui a été impliquée dans l'accident avec [U] [O] était la première du groupe de skieurs qui traversaient la piste de ski de la gauche vers la droite et non vers la base de la piste de ski.'
M. [B] [Y] certifie quant à lui que 'pendant une descente avec les skis je me trouvais derrière [U], qui skiait sur un couloir libre du côté droit de la piste de ski. Je mentionne qu'au moment de la descente, sur notre trajet, aucun skieur ne se trouvait, et notre vitesse était l'une adéquate à la fois pour nos connaissances de ski, mais aussi aux conditions de la piste de ski (uniquement deux personnes étaient, qui stationnaient du côté droit de la piste de ski). Un moment donné, du côté gauche dans notre sens de descente, un autre skieur est brusquement apparu, qui traversaient tout simplement la piste de ski d'un côté gauche vers le côté droit (la personne concernée ne skiait pas vers la base de la piste, tels que normal). Le skieur visé avait une vitesse considérable et ne s'est pas assurée par rapport aux skieurs qui pourraient se trouver sur le couloir respectif, lorsqu'il traversait la piste de ski perpendiculairement au sens de la descente. L'entrée de ce skieur sur notre trajet de descente a été brusque (pratiquement il nous a barré la route), fait pour lequel [U] n'a pas eu le temps d'éviter l'impact avec ce skieur. Le couloir de descente étend libre, [U] ne dépassait aucun skieur et n'avait perdu le contrôle des skis aucun moment préalable à l'impact. Lorsque le skieur lui a barré la route, [U] s'est laissé par terre dans la neige en essayant à diminuer l'impact. J'ai vu comment les deux skieurs sont tombés,' la file indienne était formée derrière la mademoiselle qui a produit l'impact, celle-ci étant la première de cette file.'
L'exploitation de l'enregistrement vidéo réalisé par M. M. [T] [Y] montre :
- la piste bleue, de bas en haut par un temps ensoleillé et avec une bonne visibilité, alors que de nombreux skieurs la descendent,
- un skieur (M. [O]) descendant à une allure qui n'apparaît pas excessive et selon une trajectoire directe de l'amont vers l'aval en décrivant des virages de faible amplitude,
- plusieurs skieurs qui le suivent à certaines distances dans la même direction dessinent quant à eux des virages plus larges,
- une personne immobile au premier plan se trouvant à gauche de l'image et donc sur la droite de l'axe de descente, rejointe par une autre personne venant de la gauche de la piste, est identifiée comme étant le moniteur du groupe de Mme [E] attendant ses élèves,
- alors que M. [O] arrive à la hauteur du moniteur il amorce un freinage,
- une seconde après ce freinage Mme [E] surgit sur la gauche de la piste, les deux skieurs entrent en collision et chutent,
- trois autres skieurs venant de la gauche de la piste rejoignent le moniteur, lequel se rend vers les personnes au sol.
Force est de constater que, loin de conforter la version que présentent tant M. [O] que les deux attestations qu'il produit, l'examen de cet enregistrement corrobore l'affirmation de Mme [E] selon laquelle elle faisait partie d'un groupe d'élèves qui suivaient leur moniteur sur la piste bleue 'tout en réalisant de grands lacets à vitesse réduite sur cette piste large'. De surcroît les attestations sur lesquelles s'est appuyé le premier juge, telles que celles d'[F] [G] et de [M] [X], évoquent la piste large et régulière où les élèves suivaient leur moniteur en file indienne en réalisant un enchaînement de virages à grand rayon, M. [G] précisant qu'il s'est 'alors arrêté sur le côté de la piste pour les voir me rejoindre. Le premier élève s'est arrêté à mes côtés. Lorsque la deuxième du groupe nous rejoignait, elle s'est violemment faite percutée par l'arrière droit par un skieur qui arrivait de l'amont à très vive allure. Ce dernier a essayé d'éviter [K] environ 3 mètres avant de la percuter sans y parvenir. [K] a été projetée à une dizaine de mètres en contrebas sans comprendre ce qu'il lui arrivait, n'ayant pu voir le skieur qui l'a percutait'.
Dès lors, ces éléments concordants que sont la vidéo réalisée par l'un des propres amis de M. [O], les déclarations de Mme [E] et les attestations qu'elle verse au dossier ne peuvent que remettre en cause les allégations de l'appelant quant à l'imprudence de la victime qui aurait coupé toute la piste et donc sa trajectoire. Il apparaît en effet que, à l'instar d'autres usagers de la piste, Mme [E] de même que les autres membres de son groupe skiait en dessinant de larges virages tout en descendant pour rejoindre son moniteur. En aucun cas elle n'a coupé la trajectoire d'autre skieurs par une conduite anormale, circulant elle-même sur la piste bleue.
Enfin, en tant que skieur amont, M. [O] se devait d'être attentif non pas à une seule skieuse, en l'occurrence Mme [E], mais aux différents membres du groupe auxquels elle appartenait et qui se suivaient en évoluant sur la même piste que lui mais selon des trajectoires différentes, trois skieurs rejoignant le moniteur après l'accident sur la vidéo, ainsi qu'aux deux personnes qui stationnaient sur le bord droit de la piste. Or le film de sa descente atteste qu'il n'a modifié, à l'approche du binôme formé par le moniteur et un tiers, ni sa direction ni sa vitesse sauf à la dernière seconde quand le choc avec Mme [E] était imminent.
En conséquence, M. [O] et son assureur échouant à démontrer l'existence d'une cause étrangère exonératoire, c'est à bon droit que le tribunal a déclaré M. [O] responsable sur le fondement des dispositions de l'article 1242 du code civil et l'a condamné in solidum avec la société Allianz Tiriac Asigurari à indemniser Mme [E] de l'ensemble des préjudices résultant de l'accident du 20 mars 2017.
Le jugement déféré sera par conséquent confirmé sur ces points ainsi que sur les différentes dispositions relatives à l'expertise médicale et au versement d'une provision de 5 000 euros à Mme [E].
Sur la limite de garantie de la société Allianz Tiriac Asigurari
Aux termes de l'article 4 alinéa 1er du Règlement (CE) n°864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II), sauf dispositions contraires dudit Règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, étant précisé aux termes de l'article 18 que la personne lésée peut agir directement contre l'assureur de la personne devant réparation si la loi applicable à l'obligation non contractuelle ou la loi applicable au contrat d'assurance le prévoit.
Néanmoins le régime juridique de l'assurance est soumis à la loi de ce contrat, notamment en ce qui concerne les exceptions opposables par l'assureur (Civile 1ère, 18 décembre 2019).
L'article L. 421-1 du code des assurances, qui a ainsi vocation à s'appliquer au cas d'espèce selon le Règlement susvisé, dispose notamment que le FGAO indemnise les victimes ou les ayants droit des victimes des dommages nés non seulement d'un accident survenu en France impliquant un véhicule (paragraphe I) mais encore, dans son paragraphe II, d'un accident de la circulation causé dans les lieux ouverts à la circulation publique, par une personne circulant sur le sol, pour les dommages résultant d'atteintes à la personne lorsque la personne responsable du dommage est inconnue ou n'est pas assurée et pour les dommages aux biens lorsque la personne responsable du dommage est identifiée mais n'est pas assurée, ou est inconnue, sous réserve que l'accident ait causé une atteinte à la personne.
Selon l'article R. 421-4 du même code lorsqu'un contrat d'assurance a été souscrit pour garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'auteur de dommages résultant d'atteintes aux personnes nés d'un accident mentionné à l'article L. 421-1, le fonds de garantie ne peut être appelé à payer l'indemnité allouée à la victime ou à ses ayants droit qu'en cas de nullité du contrat, de suspension du contrat ou de la garantie, de non-assurance ou d'assurance partielle, opposables à la victime ou à ses ayants droit, et pour ce faire il appartient à l'assureur qui invoque l'absence de garantie totale ou partielle d'en informer le FGAO ainsi que la victime ou ses ayants droit en satisfaisant aux formalités de l'article R. 421-5.
Au cas présent, alors que l'accident de ski dont a été victime Mme [E] entre dans les prévisions de l'article L. 421-1 II précité, la société Allianz Tiriac Asigurari verse au dossier la police de voyage à l'étranger souscrite par M. [O] pour un voyage du 18 au 25 mars 2017, stipulant que la responsabilité civile de l'assuré est prise en charge à hauteur de 5 000 euros.
Les intimés ne démontrent aucunement qu'en application de la loi roumaine, la société Allianz Tiriac Asigurari étant une société de droit roumain, la limitation de garantie prévue dans le contrat d'assurance souscrit par M. [O] serait subordonnée à la mise en oeuvre de formalités particulières.
Les dispositions de l'article R. 421-5 du code des assurances invoquées par le FGAO et Mme [E] pour soutenir l'inopposabilité de la limitation de la garantie de la société Allianz Tiriac Asigurari ne lui sont donc pas applicables.
En conséquence la condamnation de la société Allianz Tiriac Asigurari à indemniser Mme [E] sera limitée à la somme de 5 000 euros, le FGAO étant tenu de l'indemniser au-delà de ce montant.
Sur les demandes annexes
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [E] les frais exposés pour faire valoir ses droits devant la cour. M. [O] et la société Allianz Tiriac Asigurari seront donc condamnés in solidum à verser à l'intimée une indemnité de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelants qui succombent seront en outre condamnés aux entiers dépens de la procédure d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement du 9 juillet 2020 du tribunal judiciaire de Grenoble sauf en ce qui concerne la condamnation in solidum de la société Allianz Tiriac Asigurari et de M. [O] à indemniser Mme [E] et la mise hors de cause du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne in solidum M. [U] [O] et la société Allianz Tiriac Asigurari, celle-ci dans la limite de 5 000 euros (cinq mille euros), à indemniser Mme [K] [E] de ses préjudices,
Dit que le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages sera tenu d'indemniser Mme [E] au-delà du plafond de garantie de la société Allianz Tiriac Asigurari,
Condamne in solidum M. [U] [O] et la société Allianz Tiriac Asigurari à verser à Mme [K] [E] la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [U] [O] et la société Allianz Tiriac Asigurari aux entiers dépens de la procédure d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile,
Renvoie l'affaire devant le tribunal judiciaire de Grenoble pour la liquidation des préjudices de Mme [E].
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Laurent Grava, conseiller faisant fonction de président de la deuxième chambre civile et par la greffière,Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT