C1
N° RG 20/04077
N° Portalis DBVM-V-B7E-KVFY
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Mourad REKA
la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 06 DECEMBRE 2022
Appel d'une décision (N° RG F 19/00175)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCE
en date du 24 novembre 2020
suivant déclaration d'appel du 17 décembre 2020
APPELANT :
Monsieur [T] [U]
né le 22 Novembre 1970 à [Localité 5] ([Localité 5])
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Mourad REKA, avocat au barreau de VALENCE,
INTIMEE :
S.A.S. SAVOIE METAL TOITURE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Charlotte DESCHEEMAKER de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Nicolas CALLIES de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de HAUTS-DE-SEINE, substitué par Me Charlotte GUIRLET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 octobre 2022,
Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 06 décembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 06 décembre 2022.
Exposé du litige :
M. [U] a été embauché par la SAS SAVOIE METAL TOITURE selon contrat de travail à durée indéterminée du 23 juillet 2014 en qualité de responsable d'agence.
Le 26 septembre 2018, il a fait l'objet d'un arrêt de travail.
M. [U] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 24 octobre 2018.
Le 30 octobre 2018, la SAS SAVOIE METAL TOITURE lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le 5 mai 2019, M. [U] a saisi le Conseil de prud'hommes de Valence de demandes de dommages et intérêts pour licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, d'un rappel de prime sur objectif, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 24 novembre 2020, le Conseil de prud'hommes de Valence a :
Dit que le contrat de travail de M. [U] a été exécuté de bonne foi,
Dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du licenciement,
Dit que M. [U] a commis des manquements contractuels vis-à-vis de son employeur et qu'en conséquence le licenciement pour cause réelle et sérieux est justifié,
Débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes,
Débouté la société SAVOIE METAL TOITURE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné M. [U] aux dépens de l'instance.
La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.
M. [U] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 17 décembre 2020.
Par conclusions du 5 septembre 2022, M. [U] demande de :
- Réformer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- Dire et juger que le licenciement est nul,
- Annuler le licenciement,
A titre subsidiaire,
- Déclarer prescrits l'ensemble des faits disciplinaires objets de la lettre de licenciement,
- Dire et juger en tout état de cause qu'il n'a commis aucun manquement contractuel vis-à-vis de son employeur sur le plan disciplinaire,
- Dire et juger en tout état de cause qu'il n'a pas fait preuve d'insuffisance professionnelle,
En conséquence,
- Déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
Condamner la société SAVOIE METAL TOITURE à lui régler les sommes suivantes :
57 311,82 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- Condamner la société SAVOIE METAL TOITURE à lui régler la somme de 6 000 euros au titre de la prime d'objectif,
- Fixer la moyenne des trois derniers salaires à la somme de 3 183,99 euros,
- Condamner la société SAVOIE METAL TOITURE à remettre un bulletin de paie rectifié, outre une attestation pôle emploi portant mention des condamnations, un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte rectifiés et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, commençant à courir 15 jours après la notification du jugement à intervenir,
- Condamner la société SAVOIE METAL TOITURE à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société SAVOIE METAL TOITURE aux dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions du 1er septembre 2022, la société SAVOIE METAL TOITURE demande de :
- Confirmer le jugement rendu par la Conseil de prud'hommes de Valence le 24 novembre 2020, sauf en ce qu'il a débouté la société SAVOIE METAL TOITURE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
En conséquence,
- Débouter Monsieur [T] [U] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamner Monsieur [T] [U] à verser à la société SAVOIE METALTOITURE la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 septembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la prime d'objectifs :
Moyens des parties,
M. [U] fait valoir qu'il n'a pas perçu la prime d'objectifs alors que celle-ci est prévue par son contrat de travail. La société SAVOIE METAL TOITURE ne peut se prévaloir d'une « notice » relative à cette prime, non signée par l'employeur et antérieure à son contrat de travail, prévoyant que la prime n'est pas due si le salarié n'est pas présent toute l'année.
La société SAVOIE METAL TOITURE soutient pour sa part que les règles d'attributions de la prime d'objectif sont définies au sein du règlement relatif à la prime d'efforts et de résultats. Cette politique de rémunération n'a pas à être signée par l'employeur pour être opposable aux salariés. Les objectifs du salarié étaient bien définis tous les ans, pour le calcul de sa part variable. Il ressort du document relatif à la prime d'objectifs que celle-ci n'est due que si le salarié est présent tout au long de l'exercice, ce qui n'a pas été le cas du salarié qui s'est vu notifier son licenciement le 30 octobre 2018 et a quitté les effectifs le 1er février 2019, soit avant la clôture de l'exercice le 31 mars 2019. Le salarié ne peut donc prétendre au paiement de cette prime.
Réponse de la cour,
Il ressort des dispositions de l'article 1353 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé.
En l'espèce, aux termes du contrat de travail du 23 juillet 2014, il est prévu que M. [U] percevra une prime annuelle dont les objectifs seront à définir conjointement.
Pour exclure le salarié du bénéfice de la prime d'objectifs au titre de l'année 2018, l'employeur se prévaut d'une note interne intitulée « Prime d'efforts et de résultats (P.E.R.) ' Responsables d'Agences », dans laquelle il est précisé qu'en cas de départ de la société avant le 31 décembre de l'exercice concerné, la prime n'est pas due.
Toutefois, dès lors que la prime d'objectifs prévue par le contrat de travail constitue la partie variable de la rémunération versée au salariée en contrepartie de son activité, il est de principe qu'elle s'acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise, de sorte que l'employeur n'est pas fondé à exciper d'une note interne pour refuser son versement au salarié, la prime d'objectifs, en cas de départ avant la clôture de l'exercice constituant l'assiette de calcul de la prime, devant se calculer au prorata du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours de l'exercice concerné.
La SAS SAVOIE METAL TOITURE verse aux débats un extrait du registre national du commerce et des sociétés duquel il ressort que la date de clôture de l'exercice social de la SAS SAVOIE METAL TOITURE était fixé au 31 mars de chaque année.
L'employeur ne conteste pas que M. [U] a quitté les effectifs de la société le 1er février 2019, le salarié produisant un bulletin de salaire pour le mois de janvier 2019 et un bulletin de salaire au titre de la seule journée du 1er février 2019. Au surplus, il ressort de la lettre de licenciement du 31 octobre 2018, que M. [U] était tenu d'effectuer un préavis d'une durée de trois mois, dont il a été dispensé de l'exécution, ce dont il résulte qu'il a bien quitté les effectifs de la société, non à la date de son licenciement, mais trois mois plus tard.
La SAS SAVOIE METAL TOITURE ne démontre pas qu'elle a fixé des objectifs au salarié au début de l'exercice en vue du calcul de la prime dû au titre de l'exercice 2018, et ne propose aucun élément chiffré permettant d'expliquer la manière dont elle a calculé la prime versée au salarié les années précédentes en fonction des objectifs qu'elle lui avait fixés.
En conséquence, il y a lieu de déterminer le montant de la prime due au titre de l'année 2018 en fonction des primes perçues par le salarié les années précédentes.
M. [U] démontre, par la production de ses bulletins de salaire, qu'il a perçu une prime d'objectifs au titre de l'année 2017 de 5 821,40 euros avec son salaire du mois de mars 2018, et une prime de 4 057,32 euros au titre de l'année 2016 avec son salaire du mois de mars 2017.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de condamner la SAS SAVOIE METAL TOITURE à verser à M. [U] la somme de 4 527,74 euros à titre de rappel de prime au titre de l'année 2018 par voie d'infirmation du jugement déféré.
Sur le bien-fondé du licenciement :
Moyens des parties,
A titre principal, M. [U] soutient que son licenciement est nul en ce qu'il a été licencié pendant son arrêt de travail pour maladie, alors que la convention collective prévoit une garantie de l'emploi pendant une période de six mois en cas de maladie. Son arrêt de travail a duré 31 jours, et l'employeur n'ayant pas organisé de visite de reprise, son contrat était encore suspendu à la date du licenciement. Ainsi, la société SAVOIE METAL TOITURE a violé les dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail, qui n'autorisent l'employeur qu'à licencier un salarié durant les périodes de suspension du contrat de travail que pour faute grave ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie. Le licenciement est également nul sur ce fondement.
A titre subsidiaire, M. [U] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il ressort des termes de la lettre de licenciement que l'employeur a entendu se placer sur le terrain disciplinaire pour le licencier, et non sur celui de l'insuffisance professionnelle. Les faits qui lui sont reprochés datent tous de plus de deux mois avant la mise en 'uvre de la procédure de licenciement, et étaient donc prescrits.
Dans l'hypothèse où il serait retenu que l'employeur a entendu se placer sur le terrain de l'insuffisance professionnelle, les faits invoqués ne peuvent justifier son licenciement pour ce motif. M. [U] expose que :
Ses fonctions et tâches n'étaient pas précisément définies, ni dans son contrat de travail, ni dans une fiche de poste,
Certains des faits invoqués ne relevaient pas de ses compétences, mais de celles d'un cadre, alors qu'il était seulement agent de maîtrise,
Certain des faits ne sont pas établis, ont été montés de toute pièce, ou n'ont pas duré dans le temps, de sorte qu'ils ne peuvent démontrer une insuffisance professionnelle,
Certains des faits reprochés sont en contradiction avec ses appréciations professionnelles par l'employeur.
La société SAVOIE METAL TOITURE fait valoir que le texte de la convention collective de la métallurgie de Haute-Savoie dont se prévaut M. [U] pour soutenir que son licenciement serait nul n'est pas applicable à sa situation. Ce texte ne prévoit une protection du salarié qu'en cas de rupture du contrat de travail pour cause de maladie ou d'accident, mais n'interdit pas le licenciement pour un motif étranger à la maladie. Or, le salarié ne démontre pas que son licenciement serait lié à son absence pour cause de maladie et qu'il aurait été l'objet d'une discrimination fondée sur son état de santé. Contrairement aux allégations du salarié, celui-ci n'était plus en arrêt de travail pour maladie au moment de son licenciement.
Le licenciement de M. [U] n'est pas fondé sur un motif disciplinaire, mais pour insuffisance professionnelle, la lettre de licenciement étant rédigée dans des termes clairs, précis et circonstanciés ne laissant pas place au doute sur ce point. Il est ainsi reproché à M. [U] des carences en matière d'organisation, son incapacité à présenter un plan de développement demandé par son supérieur hiérarchique, et des carences managériales. Aucune des carences mentionnées dans la lettre de licenciement ne caractérise un manquement de nature disciplinaire.
La convention collective définit précisément les fonctions correspondantes à sa classification, lesquelles sont conformes aux missions définies dans sa fiche de poste de « responsable d'agence » et les fonctions du salarié comprenaient bien un volet managérial. Les faits qui sont invoqués dans la lettre de licenciement correspondaient bien à ses fonctions conventionnelles et contractuelles, les carences reprochées au salarié étant établies, son licenciement pour insuffisance professionnelle est justifié.
A titre subsidiaire, les demandes indemnitaires du salarié au titre de la rupture abusive de son contrat de travail sont disproportionnées.
Réponse de la cour,
Selon l'article L. 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.
Selon l'article L. 1226-13 du code même code, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle.
Selon l'article R. 4624-31 du code du travail, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2017 au 31 mars 2022, le travailleur bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail :
1° Après un congé de maternité ;
2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;
3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.
Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.
Selon l'article 29 de la convention collective départementale des industries métallurgiques, mécaniques, électriques, connexes et similaires de la Haute-Savoie, applicable au contrat de travail, « la maladie ou l'accident ne peuvent, en eux-mêmes, être une cause de rupture du contrat de travail, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans les conditions prévues par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur. Les absences peuvent, en raison de leur prolongation ou de leur fréquence, entraîner la rupture du contrat de travail à condition qu'elles désorganisent l'entreprise et nécessitent le remplacement effectif du salarié absent par voie de contrat à durée indéterminée. En tout état de cause, le contrat de travail du salarié ne pourra être rompu que si la durée de l'absence, au sens de la sécurité sociale, dépasse six mois dans une période de douze mois consécutifs ».
Selon les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié.
Cette lettre, qui fixe les limites du litige, ce qui interdit à l'employeur d'invoquer de nouveaux griefs et au juge d'examiner d'autres griefs non évoqués dans cette lettre, doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables permettant au juge d'en apprécier la réalité et le sérieux.
Selon l'article L. 1235-2 du même code, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l'employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié, dans des délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat.
La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement. A défaut pour le salarié d'avoir formé auprès de l'employeur une demande en application de l'alinéa premier, l'irrégularité que constitue une insuffisance de motivation de la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse et ouvre droit à une indemnité qui ne peut excéder un mois de salaire.
Pour constituer une cause réelle et sérieuse de rupture, l'insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments précis, objectifs et vérifiables ayant des répercussions sur la marche ou le fonctionnement de l'entreprise, constitués non par une violation des obligations résultant du contrat de travail mais par une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations caractérisée, notamment, par des erreurs, des omissions ou par un volume de travail insuffisant en raison, non pas d'un acte ou d'un manquement volontaire. Elle doit, en outre, être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme purement conjoncturelle, et être directement imputable au salarié.
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
L'insuffisance ou l'absence de résultats suppose des objectifs réalisables portés préalablement à la connaissance du salarié auquel l'employeur doit avoir mis à disposition tous les moyens nécessaires à leur réalisation, et de tenir compte de la situation du marché et des conditions d'exercice de l'activité.
En outre, il convient de rappeler que l'employeur n'est pas dans l'obligation d'apporter des éléments factuels dans la lettre de licenciement pour fonder l'insuffisance professionnelle.
En la matière, la charge de la preuve est partagée, mais le risque de la preuve incombe à l'employeur, le doute profitant au salarié.
En l'espèce, M. [U] produit des attestations de paiement des indemnités journalières de l'assurance maladie, desquelles il ressort qu'il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie du 26 septembre 2018 au 26 octobre 2018.
Il ressort toutefois des conclusions et pièces produites que le salarié n'était pas en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, mais en arrêt de travail pour maladie ordinaire, ce point n'étant contesté ni par le salarié ni par l'employeur.
Dès lors, c'est à tort que M. [U] entend se prévaloir des dispositions susvisées des articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail pour voir son licenciement déclarer nul, ces dispositions ne s'appliquant qu'aux salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
Il ressort par ailleurs de la lettre de licenciement du 30 octobre 2018 que le salarié n'a pas été licencié pour ne pas avoir repris le travail à l'issue de son arrêt de travail.
Il est n'est pas contesté que la SAS SAVOIE METAL TOITURE n'a pas organisé de visite de reprise à l'issue de l'arrêt de travail du salarié, conformément aux dispositions de l'article L. 4624-31 du code du travail, ce dont il résulte que le contrat de travail est resté suspendu à l'issue de l'arrêt de travail, et que le salarié n'était pas tenu de reprendre le travail. Toutefois, le fait que le contrat de travail soit resté suspendu, en l'absence de visite de reprise à l'issue de l'arrêt de travail du salarié, n'empêchait pas l'employeur de procéder au licenciement du salarié pour un motif étranger à l'absence de reprise du travail par M. [U].
C'est donc à tort que le salarié entend se prévaloir de l'absence de visite de reprise pour voir son licenciement déclarer nul ou sans cause réelle et sérieuse.
Il ressort des termes clairs et précis de la disposition susvisée de la convention collective départementale des industries métallurgiques, mécaniques, électriques, connexes et similaires de la Haute-Savoie, invoquée par le salarié, que celle-ci n'a pour effet que de protéger le salarié d'un licenciement justifié par son absence pour maladie ou d'un accident, hors maladie professionnel ou accident du travail, et la désorganisation de l'entreprise en résultant, l'employeur n'ayant pas la possibilité de licencier le salarié avant l'écoulement d'un délai de six mois d'absence au sens de la sécurité sociale, dans une période de douze mois consécutifs.
En effet, l'expression « en tout état de cause » renvoie à l'alinéa précédent, et ne peut s'interpréter de manière isolée comme signifiant que l'employeur ne peut licencier le salarié absent pour maladie ou pour accident, pour quelque cause que ce soit, avant l'écoulement d'un délai de six mois.
En conséquence, cette disposition n'a pour effet, contrairement au fait conclu par le salarié, d'aligner les conditions de licenciement d'une personne placée en maladie sur les conditions légales de licenciement d'une personne placée en arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail.
En outre, il ne ressort pas des termes de la lettre de licenciement que la SAS SAVOIE METAL TOITURE ait licencié le salarié au motif de la perturbation de l'entreprise résultant de son absence prolongée. Il doit être relevé au surplus que le salarié soutient dans ses écritures qu'il a été licencié pour motifs disciplinaires, l'employeur soutenant de son côté qu'il l'a licencié pour insuffisance professionnelle. M. [U] n'apporte aucun élément permettant de démontrer qu'il aurait été licencié en raison de son absence liée à son arrêt de travail, et non en raison des griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement.
Eu égard à ces constatations, il y a lieu de retenir que le salarié a été licencié pour un motif étranger à son absence résultant de sa maladie, et qu'ainsi, la disposition conventionnelle susvisée n'avait pas vocation à s'appliquer au cas d'espèce. Le moyen soulevé par M. [U] fondé sur l'existence d'une garantie d'emploi prévue par l'article 29 de la convention collective applicable au contrat de travail est en conséquence inopérant.
S'agissant du motif du licenciement, il doit être relevé que la SAS SAVOIE METAL TOITURE n'a pas qualifié les faits reprochés au salarié dans la lettre de licenciement.
La cour d'appel observe que les manquements reprochés au salarié par l'employeur, s'ils étaient établis, trouveraient leur origine, non dans une incapacité du salarié à remplir ses missions en raison de limites inhérentes à ses compétences ou ses capacités personnelles, mais en réalité dans un manque de volonté délibérée de sa part ou de négligences dans l'exercice de ses fonctions.
En effet, aux termes de la lettre de licenciement du 30 octobre 2018, l'employeur reproche à M. [U] :
Un manque d'organisation récurrent,
Une absence totale de prise en compte des recommandations de ses supérieurs hiérarchiques,
Une absence d'investissement dans l'élaboration d'un plan de développement à l'attention de ses supérieurs hiérarchiques,
Des lacunes managériales se caractérisant par l'adoption d'un langage inapproprié à l'encontre de plusieurs de ses subordonnés, à l'origine d'une ambiance pesante au sein de l'agence,
Un manque d'implication dans ses tâches de manager d'équipe, se caractérisant notamment par l'absence d'animation de points fixes avec l'équipe commerciale, d'un manque d'intérêt porté aux nouvelles gammes de produits pour en faire la promotion auprès de ses équipes, l'absence d'esprit positif insufflé au sein de l'équipe, l'absence de validation des primes commerciales, l'absence de la planification du chauffeur et du magasinier, de la formation des intérimaires, de la validation des congés'
Il ne peut être valablement soutenu par la SAS SAVOIE METAL TOITURE que ces griefs relèvent d'une insuffisance professionnelle, celle-ci n'apportant aucun élément permettant de démontrer en quoi ces faits trouveraient leur origine dans une incapacité du salarié à accomplir ses missions en raison d'un défaut de compétence objective, et non en raison de négligences et d'un manque d'implication dans l'accomplissement de ses tâches.
Au surplus, la cour relève que plusieurs des griefs allégués caractérisent un comportement fautif, notamment le refus de suivre les recommandations de ses supérieurs et l'adoption d'un langage inapproprié à l'égard de ses subordonnés, l'existence d'un conflit avec le chauffeur de l'agence ayant donné lieu à une enquête du CHSCT, au cours de laquelle celui-ci a relevé l'adoption d'un « langage particulièrement inapproprié » à l'encontre dudit chauffeur, la SAS SAVOIE METAL TOITURE relevant par ailleurs que le salarié n'adresse plus la parole à une autre de ses subordonnée.
En conséquence, il y a lieu de qualifier le licenciement de M. [U] de licenciement pour faute, et de déterminer si les faits fautifs invoqués par l'employeur constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des faits invoqués à son encontre par l'employeur, soulevée par M. [U], en application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Il ressort des pièces versées aux débats que M. [U] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par un courrier daté du 8 octobre 2018. Il en résulte que les faits antérieurs au 8 août 2018 sont prescrits et ne peuvent être invoqués par l'employeur pour justifier le licenciement pour faute du salarié.
Le manque d'organisation de l'agence en prévision de l'absence pour maternité d'une collaboratrice, Mme [K], est prescrit, cette absence ayant manifestement eu lieu au début de l'année 2018, et l'employeur ne démontrant pas qu'il aurait eu connaissance de l'absence de prévision et d'organisation de M. [U] postérieurement au 8 août 2018 (absence de demande d'intérimaires en prévision du départ en congé de Mme [K], et élaboration du budget 2018 ne tenant pas compte de cette absence, tels que cela ressort de l'attestation de M. [I] du 11 octobre 2018).
L'employeur ne démontre pas qu'il aurait eu connaissance de l'absence de prévision et d'organisation de M. [U] postérieurement au 8 août 2018 (absence de demande d'intérimaires en prévision du départ en congé de Mme [K], et élaboration du budget 2018 ne tenant pas compte de cette absence, tels que cela ressort de l'attestation de M. [I] du 11 octobre 2018).
Les refus reprochés au salarié de ne pas accepter l'aide qui lui a été proposée, tels qu'ils ressortent des courriels versés aux débats, sont tous antérieurs au 8 août 2018, et ne peuvent donc être invoqués à l'encontre de M. [U] pour justifier son licenciement.
En revanche, la SAS SAVOIE METAL TOITURE démontre qu'elle n'a effectivement eu connaissance que le 5 septembre 2018 (courriel de M. [I] du 13 septembre 2018), du fait que M. [U] avait demandé à Mme [G] de passer l'intégralité de son temps sur la route à effectuer des missions de commerciale itinérante, contrairement à ce qui avait été décidé par M. [I]. Contrairement au fait conclu par M. [U], il ne ressort pas de l'attestation susvisée de M. [I], supérieur hiérarchique de M. [U], que celui-ci en aurait eu connaissance lors d'une réunion avec M. [U] et Mme [G] le 27 mars 2018. Ce fait peut donc être invoqué par la SAS SAVOIE METAL TOITURE à l'encontre de M. [U] pour fonder son licenciement pour faute.
S'agissant de l'absence d'investissement dans l'élaboration d'un plan de développement à l'attention de ses supérieurs hiérarchiques, il ressort du courriel de M. [M], directeur général, que la SAS SAVOIE METAL TOITURE a eu connaissance du projet de développement qui avait été demandé, selon ses allégations, au salarié lors d'une réunion qui a eu lieu le 19 septembre 2018. Ce fait n'est donc pas prescrit.
S'agissant des lacunes managériales se caractérisant par l'adoption d'un langage inapproprié à l'encontre de plusieurs de ses subordonnés, et à l'origine d'une ambiance pesante au sein de l'agence, il ressort du courriel de M. [M], directeur général, à M. [U] du 20 juillet 2018, que la SAS SAVOIE METAL TOITURE a eu connaissance de comportements inappropriés du salarié à l'égard de son équipe avant le 8 août 2018. Ainsi, s'agissant de la situation de M. [V], qui a dénoncé une situation d'acharnement verbal de M. [U] à son encontre, il ressort des pièces produites par la SAS SAVOIE METAL TOITURE, que l'employeur a eu connaissance de ces faits avant le 8 août 2018, le CHSCT ayant rendu compte de son enquête lors de la réunion du 20 mars 2018. L'employeur ne démontre pas avoir eu connaissance postérieurement au 8 août 2018 du comportement de M. [U] à l'encontre de Mme [G], qui allègue dans son attestation du 1er février 2019, que M. [U] a cessé de lui adresser la parole à compter du mois de juillet 2018, et des propos prêtés à M. [U] que celui-ci aurait tenus à l'équipe le 11 janvier 2018, ou de ceux du 3 juillet 2018, rapportés par M. [I] dans son attestation du 11 octobre 2019. Ces faits, prescrits, ne peuvent être invoqués à l'encontre de M. [U] pour fonder son licenciement.
S'agissant du manque d'implication dans ses tâches de manager d'équipe, la SAS SAVOIE METAL TOITURE reproche à M. [U] de ne pas avoir organisé chaque semaine des points fixes, notamment avec sa collaboratrice, Mme [G], et invoque le fait que M. [U] a laissé s'écouler presque une année entre les deux derniers points fixes qu'il a organisés avec cette collaboratrice (points fixes le 15 septembre et le 3 septembre 2018). Cette omission, qui a perduré dans le temps au-delà du 8 août 2018, n'est donc pas prescrite et peut donc valablement être invoquée par l'employeur à l'encontre du salarié.
Il ressort de l'attestation susvisée de M. [I] que celui-ci a appris lors de la réunion du 27 mars 2018 que M. [U] demandait à Mme [G] de contrôler et valider elle-même ses primes commerciales. La SAS SAVOIE METAL TOITURE ne produit aucun élément permettant de démontrer que cette pratique s'est poursuivie au-delà de cette date et au moins jusqu'au 8 août 2018. En conséquence, ce fait est prescrit et ne peut être invoqué par la SAS SAVOIE METAL TOITURE à l'encontre de M. [U].
Les éléments produits par la SAS SAVOIE METAL TOITURE au soutien de son allégation selon laquelle M. [U] ne consacrait pas un temps suffisant à la formation des intérimaires et de ses collaborateurs et à la planification des chauffeurs sont antérieurs au 8 août 2018 (courriel de M. [U] du 17 janvier 2017, et courriel de M. [M] du 20 juillet 2018). Ce fait est prescrit.
Il y a lieu en conséquence de se prononcer sur les seuls faits non prescrits invoqués par l'employeur à l'encontre du salarié.
S'agissant du reproche portant sur la décision prise par M. [U] d'affecter Mme [G] à des fonctions itinérantes pour la totalité de son temps de travail, il ressort des courriels de M. [I] à M. [U] du 13 septembre 2018 et du courriel en réponse du salarié du 14 septembre 2019, qu'il avait bien été décidé que Mme [G] consacrerait 50 % de son temps de travail pour remplacer une salariée absente et qu'elle conserverait une part de son temps à des missions sédentaires. Le salarié reconnaît dans son courriel du 14 septembre 2018 qu'il a demandé à Mme [G] de « tourner en clientèle du lundi au jeudi » au motif qu'une société concurrente leur prendrait des clients. Il ressort de cet échange que M. [U] a pris la décision de ne pas suivre la recommandation de son supérieur hiérarchique, sans l'informer de son choix.
Toutefois, il ressort de la fiche de poste de directeur d'agence, produite par l'employeur, et dont il se prévaut, que le salarié, avait, entre autre, pour fonction de définir les missions et les priorités de chacun.
La SAS SAVOIE METAL TOITURE ne produit par ailleurs aucun élément permettant de contredire le salarié, qui soutient qu'il a pris cette décision en urgence au mois de septembre 2018, qui génère le plus gros chiffre d'affaires, lorsqu'il a constaté les effets délétères d'une société concurrente qui démarchait les clients de la société.
En outre, la SAS SAVOIE METAL TOITURE, qui ne soutient pas que le salarié aurait fait preuve d'insubordination et aurait manqué de respecter une directive, ne produit aucun élément permettant à la cour de se convaincre que le salarié, eu égard à ses responsabilités de directeur d'agence, ne pouvait prendre seul cette décision, sans en référer à son supérieur hiérarchique, et qu'il aurait, de ce fait, commis une faute. Eu égard à ces constatations, la cour d'appel retient qu'il existe un doute sur le caractère fautif de cette décision prise par le salarié. Ce fait ne peut être retenu à l'encontre le salarié.
S'agissant de l'absence d'investissement dans l'élaboration d'un plan de développement, il ressort des échanges de courriels entre M. [M] et M. [U] du 20 juillet 2018, qu'il a bien été demandé à M. [U] d'élaborer un plan de développement commercial pour son agence lors d'un entretien avec M. [M] le 18 juillet 2018.
Ce fait est corroboré par le courriel de M. [I] à M. [U] du 20 juillet 2018, dans lequel celui-ci l'informe qu'il se rendra à l'agence les 25 et 26 juillet 2018 pour l'aider à réaliser et à formaliser le plan de développement commercial, et par celui du 24 août 2018, dans lequel M. [I] transfère au salarié des tableaux statistiques afin de lui permettre d'élaborer ce plan.
Il n'est pas contesté par l'employeur que M. [U] n'avait pas le statut de cadre, mais celui d'agent de maîtrise, niveau V, échelon 3, coefficient 365, ce qui est corroboré par ses bulletins de paie versés aux débats. Or, il ne ressort pas des fonctions correspondant au niveau V, telles qu'elles sont définies par la convention collective applicable à la relation de travail, qu'il incombait au salarié d'élaborer un plan de développement pour son agence, la convention collective se limitant à indiquer que les salariés de cette qualification sont « associés à l'élaboration des bases prévisionnelles de gestion », ce qui implique un niveau de responsabilité moindre.
Dès lors, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le point de savoir si la fiche de poste, non signée par le salarié, lui a bien été communiquée lors de l'embauche, la SAS SAVOIE METAL TOITURE ne peut se prévaloir des fonctions définies dans cette fiche de poste impliquant des responsabilités supérieures à celles prévues par la convention collective (« déterminer les actions commerciales et les objectifs à atteindre », « établir et proposer des plans d'investissement »).
Si la SAS SAVOIE METAL TOITURE soutient que M. [U] avait déjà élaboré les années précédentes des plans de développement ou d'action de ce type, elle se limite à verser aux débats des budgets prévisionnels réalisés par le salarié et n'explique pas en quoi le travail demandé au salarié était similaire à l'élaboration d'un budget prévisionnel ni en quoi l'élaboration de ce type de plan ne nécessitait pas de compétence supplémentaires.
Au surplus, il doit être relevé que si la réalisation de ce type de plans de développement ou d'action faisait partie des tâches effectuées chaque année par le salarié comme le soutient la SAS SAVOIE METAL TOITURE, il est inconséquent que le supérieur de M. [U], M. [I] ait proposé à ce dernier de venir à l'agence pour « l'aider à réaliser et à formaliser un plan de développement commercial de l'agence », le courriel susvisé du 20 juillet 2018 de M. [I] laissant au contraire supposer que le salarié n'avait pas l'habitude de réaliser seul ce type de plan.
Enfin, il doit être relevé que la SAS SAVOIE METAL TOITURE, qui produit un courriel de M. [M] du 24 septembre 2018, dans lequel celui-ci indique qu'il a été « très déçu » du projet du salarié (« aucune analyse chiffrée client », « aucune analyse de la concurrence », « pas d'objectifs chiffrés pour les gammes que vous envisagez de développer »), ne verse pas aux débats le plan en question, empêchant ainsi la cour d'appel de constater si les reproches adressés au salarié sont bien fondés, peu important que celui-ci ait concédé, dans un courriel à M. [M] qu'il reconnaissait que le plan de développement n'était pas à la hauteur.
Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il y a de retenir qu'il existe un doute sur le point de savoir si l'élaboration d'un plan de développement relevait bien des fonctions du salarié, de sorte que le manque d'implication dans l'élaboration de ce plan, au demeurant non démontrée faute pour l'employeur de produire le plan en question, ne peut être qualifié de comportement fautif et être retenu à l'encontre du salarié pour justifier son licenciement.
S'agissant de l'absence d'organisation de points fixes chaque semaine avec Mme [G], il ressort du descriptif des missions confiées à un agent de maîtrise de niveau V, dans la convention collective applicable au contrat de travail, qu'un salarié ayant cette qualification assure l'encadrement d'un ou plusieurs groupes généralement par l'intermédiaire d'agents de maîtrise de niveaux différents et en assure la cohésion. M. [U] ne peut donc valablement soutenir que l'organisation de points fixes avec ses collaborateurs subordonnés n'entrait pas dans les fonctions de directeur d'agence qu'il exerçait.
Il ressort de la lettre de licenciement du 30 octobre 2018 qu'il est bien reproché au salarié de ne pas animer les points fixes avec l'équipe commerciale.
M. [U] verse aux débats une fiche d'évaluation annuelle du 23 novembre 2017, dans laquelle son supérieur hiérarchique a indiqué : « Il faut maintenant animer l'équipe par des points fixes réguliers et structurés ». La SAS SAVOIE METAL TOITURE établit ainsi que M. [U] était tenu d'organiser régulièrement des points fixes avec les membres de son équipe.
La SAS SAVOIE METAL TOITURE produit un document intitulé « Organisation des points fixes commerciaux et des visites accompagnées » créé le 24 août 2012, mais ne démontre pas que ce document aurait été transmis à M. [U]. Si ce document prévoit l'organisation de points fixes hebdomadaires, il ne permet pas, à lui seul, de démontrer que le salarié était bien tenu d'organiser des points fixes chaque semaine.
L'employeur verse également un document intitulé « Compte-rendu de point fixe commercial » du 3 septembre 2018, créé par M. [U], et portant sur un point fixe avec Mme [G]. Le salarié ne conteste pas être l'auteur de ce document. Or, il ressort de ce document que les points fixes avec les collaborateurs doivent être organisés chaque semaine.
Le salarié ne conteste pas que le dernier point fixe organisé avec Mme [G] remontait au 15 septembre 2017, comme conclu par l'employeur, et ne produit aucun élément permettant de démontrer qu'il aurait tenu régulièrement des points fixes avec cette collaboratrice ou ne donne aucune explication permettant de justifier l'absence d'organisation régulière de points fixes, au moins à partir du début de l'année 2018. Eu égard à ces constatations, cette omission du salarié, établie par l'employeur, constitue un comportement fautif.
Toutefois, ce seul fait fautif est insuffisant, à lui seul, pour constituer une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement du salarié.
La SAS SAVOIE METAL TOITURE ne produit aucune sanction antérieure portant sur des faits similaires, pouvant être invoquée au soutien de sa décision de licencier le salarié.
Dès lors, il y a lieu de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse, par voie d'infirmation du jugement déféré.
M. [U], qui soutient dans ses écritures, avoir subi un harcèlement moral de la part de son employeur à l'origine d'une dégradation de son état de santé, à l'unique fin d'établir l'étendue du préjudice qu'il allègue avoir subi au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de calculer le montant des dommages et intérêts qui lui sont dus, ne tire pourtant aucune conséquence juridique de cette allégation de harcèlement moral.
En effet, le salarié ne soutient ni qu'il aurait été licencié pour avoir subi une situation de harcèlement moral ni que son licenciement trouverait son origine dans son harcèlement moral, et ne prétend pas que son licenciement serait nul pour l'une ou l'autre de ces raisons sur le fondement des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-3 du code du travail.
En conséquence, M. [U] ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail pour calculer le montant des dommages et intérêts résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, comme conclu et repris dans le dispositif de ses conclusions, seules les dispositions de l'article L. 1235-3 du même code étant applicables dans le cas d'espèce.
En outre, le salarié ne formule aucune demande de dommages et intérêts distinctes au titre du préjudice subi du fait du harcèlement moral qu'il expose avoir subi.
Ainsi, la cour d'appel retient que l'allégation de harcèlement moral formulée par le salarié ne constitue pas un moyen, mais un simple argument dénué de pertinence dans le cadre de l'évaluation des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette évaluation se faisant sur la seule base du préjudice personnel et professionnel résultant pour le salarié de son licenciement, le préjudice résultant d'un prétendu harcèlement moral sans lien avec le licenciement ne pouvant intervenir dans l'évaluation de ce préjudice. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur l'existence d'un harcèlement moral.
Au surplus, il doit être relevé qu'aucune prétention tirée de l'allégation de harcèlement moral n'est formulée dans le dispositif des conclusions de M. [U], ce dont il résulte que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande à ce titre, conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile.
Selon les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version actuelle applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
Or, M. [U] disposait d'une ancienneté au service du même employeur de quatre ans et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 et 5 mois de salaire.
Le salarié, qui allègue qu'il a été inscrit en tant que demandeur d'emploi et a perçu l'allocation de retour à l'emploi, ne produit aucun élément permettant de justifier de sa situation professionnelle. Il justifie de ses dépenses actuelles par la production de documents établissant l'existence d'un emprunt immobilier.
Eu égard à son ancienneté dans l'entreprise, les fonctions qu'il y occupait, de la rémunération qu'il percevait et des éléments qu'il produit sur sa situation personnelle, il apparaît qu'une réparation correspondant à quatre mois de salaire brut, soit la somme de 12 735,96 euros, par application des dispositions précitées de l'article L. 1235-3 du code du travail, constitue une réparation adéquate du préjudice et appropriée à la situation d'espèce telle qu'elle ressort des pièces produites aux débats par M. [U].
Le moyen soulevé par le salarié tiré de l'inconventionnalité des barèmes est inopérant dès lors qu'il a été procédé à une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au titre du préjudice subi.
Le jugement entrepris est également infirmé de ce chef.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
Moyens des parties,
M. [U] fait valoir que la société SAVOIE METAL TOITURE n'a pas respecté ses obligations contractuelles à son égard en lui ajoutant une mission complémentaire sans lui fournir les moyens nécessaires de la réaliser, cela dans le but de le priver illégitimement de son emploi sur le fondement de motifs artificiels. L'employeur a également adopté une attitude vexatoire à son égard en lui demandant de ne pas effectuer son préavis, alors qu'il ne l'a pas licencié pour une faute grave. Il a subi un préjudice en conséquence.
La société SAVOIE METAL TOITURE fait valoir que le salarié ne démontre pas qu'une mission complémentaire lui aurait été confiée en plus de ses fonctions. Elle conteste avoir manqué d'exécuter de bonne foi le contrat de travail à l'égard du salarié.
Sur ce,
Selon les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi. Comme le salarié, l'employeur est tenu d'exécuter le contrat travail de bonne foi. Il doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu.
En l'espèce, il a été relevé précédemment qu'il existait un doute sur le point de savoir si la réalisation d'un plan de développement ou d'action relevait bien des fonctions de M. [U] au regard de sa classification, telles que définies par la convention collective applicable à la relation de travail.
Toutefois, il doit être relevé que le supérieur hiérarchique de M. [U] lui a proposé son aide pour l'élaboration de ce plan de développement, et M. [U] ne démontre pas que cette aide ne lui a pas été apportée, se limitant à alléguer que M. [I] ne lui a pas expliqué comment bâtir un plan de développement.
Le salarié ne produit aucun élément permettant à la cour de se convaincre que l'employeur lui aurait demandé d'élaborer un plan de développement, tout en sachant que ce travail ne relevait pas de ses compétences, cela dans le but de le pousser à la faute, afin de pouvoir justifier son licenciement.
Enfin, le seul fait que l'employeur ait, dans la lettre de licenciement du 30 octobre 2018, exonéré le salarié de l'exécution de son préavis de trois mois, ne constitue pas, à elle seule, une faute dans les circonstances entourant le licenciement, ou un fait constitutif d'une exécution déloyale du contrat de travail.
Le salarié échoue à démontrer l'étendue du préjudice qu'il prétend avoir subi en conséquence de l'exécution déloyale du contrat de travail alléguée.
La demande de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail est rejetée, par confirmation du jugement déféré de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
Il convient d'ordonner à la SAS SAVOIE METAL TOITURE de remettre à M. [U] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt.
Le jugement est infirmé sur les dépens.
La SAS SAVOIE METAL TOITURE, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et à payer à M. [U] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
Dit que le contrat de travail M. [U] a été exécuté de bonne foi,
Dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la nullité du licenciement,
Débouté la SAS SAVOIE METAL TOITURE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que M. [U] a été licencié pour motif disciplinaire,
DIT que certains des faits invoqués par l'employeur à l'encontre de M. [U] pour justifier son licenciement sont prescrits,
DIT que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande au titre du harcèlement moral allégué par M. [U] dans ses écritures,
DIT que le licenciement de M. [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SAS SAVOIE METAL TOITURE à payer à M. [U] les sommes suivantes :
12 735,96 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
4 527,74 euros à titre de rappel de prime au titre de l'année 2018,
3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
REJETTE le surplus des demandes des parties,
CONDAMNE la SAS SAVOIE METAL TOITURE aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,