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01/12/2022 | FRANCE | N°21/00047

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 01 décembre 2022, 21/00047


C 9



N° RG 21/00047



N° Portalis DBVM-V-B7F-KVWS



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





Me Carole GIACOMINI



la SARL DEPLANTES & CAMERINO AVOCATES ASSOCIEESr>


SELARL FTN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 01 DECEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG )

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Grenoble

en date du 10 novembre 2020

suivant déclaration d'appel du 30 décembre 2020







APPELANTE :



Madame [X] [K]

Née le 14 mars 1969 à [Localité ...

C 9

N° RG 21/00047

N° Portalis DBVM-V-B7F-KVWS

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Carole GIACOMINI

la SARL DEPLANTES & CAMERINO AVOCATES ASSOCIEES

SELARL FTN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 01 DECEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG )

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Grenoble

en date du 10 novembre 2020

suivant déclaration d'appel du 30 décembre 2020

APPELANTE :

Madame [X] [K]

Née le 14 mars 1969 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Carole GIACOMINI, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/012032 du 11/12/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. BERTHELOT représentée par Me Dominique MASSELON, mandataire judiciaire associé, ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL ARGANIA PRESTATIONS DE SERVICES,

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Sofia CAMERINO de la SARL DEPLANTES & CAMERINO AVOCATES ASSOCIEES, avocat au barreau de GRENOBLE

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA D'ANNECY

[Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Me Florence NERI de la SELARL FTN, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 septembre 2022,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 01 décembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 01 décembre 2022.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [X] [K] a été engagée par la société à responsabilité limitée Argania Prestations de Services à compter du 15 novembre 2016, par contrat de travail à durée déterminée de remplacement, à temps partiel, en qualité d'agent de service.

Le 17 février 2017, Mme [X] [K] a été engagée en contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une durée de travail de 30 heures par semaine effectuées de 6 h à 12 h, du lundi au vendredi.

Le 21 février 2018, Mme [X] [K] a été victime d'un accident de travail.

En mars 2018, la société Argania Prestations de Services a perdu le marché sur lequel Mme [X] [K] était affectée au profit de la société Propulse.

Le contrat de travail de Mme [X] [K] n'ayant pas été repris, la société Argania Prestations de Services, alors qu'elle était encore in bonis, a procédé au licenciement pour motif économique de Mme [X] [K].

Mme [X] [K] ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle, son contrat de travail a été rompu d'un commun accord le 15 mai 2018.

Par jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 22 mai 2018, la société Argania Prestations de Services a été placée en liquidation judiciaire et Me Dominique Masselon a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Me Masselon, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Argania Prestations de Services, a établi un relevé des créances salariales au bénéfice de Mme [X] [K].

Par courrier du 25 janvier 2019, Me Masselon ès-qualités de mandataire liquidateur a informé Mme [X] [K] que l'ensemble des relevés de créances salariales ayant été déposé au greffe du tribunal de commerce, celle-ci disposait d'un délai de deux mois afin de saisir le conseil de prud'hommes si sa créance ne figurait pas sur l'état déposé au greffe.

Me Masselon, ès qualités de mandataire liquidateur, a publié également l'avis de dépôt d'état de créances salariales dans un journal d'annonces légales.

Par requête du 12 décembre 2019, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble, section commerce aux fins d'obtenir la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, des rappels d'heures complémentaires et supplémentaires et d'une demande au titre du non-respect des durées maximales de travail.

Me Masselon, ès qualités, s'est prévalu de la forclusion des prétentions de Mme [K].

Par jugement en date du 10 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

Dit les demandes de Mme [X] [K] irrecevables au motif de la forclusion';

Condamné Mme [X] [K] aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés les 12 et 13 novembre 2020.

Par déclaration en date du 30 décembre 2020, Mme [X] [K] a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er juillet 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [X] [K] demande à la cour d'appel de :

Déclarant recevable l'appel interjeté par Mme [K], infirmant le jugement déféré dans toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, la cour d'appel de céans devra':

DECLARER RECEVABLE l'action engagée par Mme [K] à l'encontre de Me Masselon, de la SELARL Berthelot, es qualité de mandataire liquidateur de la société Argania Prestations de Services, ainsi que ses demandes présentées à son encontre, dans la mesure où le délai de forclusion de deux mois prévus à l'article L. 625'1 du code de commerce lui est inopposable,

DECLARER recevable comme étant non prescrite sur le fondement de l'article L. 1471-1 du code du travail l'action en requalification du contrat de travail à durée déterminée conclu le 15 novembre 2016 entre Mme [K] et la société Argania Prestations de Services,

DECLARER recevable comme non prescrite la demande de rappel de salaire sur heures supplémentaires et congés payés formulée par Mme [K], dans son intégralité,

REQUALIFIER le contrat de travail à durée déterminée conclu le 15 novembre 2016 entre Mme [K] et la société Argania Prestations de Services, en contrat de travail à durée indéterminée à compter de cette date,

ORDONNER à Me Masselon, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Argania Prestations de Services, d'avoir à fixer au passif de la liquidation judiciaire de cette dernière la somme de 2.407,44€ net au titre de la créance d'indemnité de requalification de Mme [K], outre intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision à intervenir, et d'inscrire cette somme sur le relevé des créances privilégiées de la société Argania Prestations de Services,

ORDONNER à Me Masselon, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Argania Prestations de Services, d'avoir à fixer au passif de la liquidation judiciaire de cette dernière la somme de 12.190,40€ brut, au titre de la créance salariale de rappels de salaire sur heures de travail impayées de Mme [K], outre 1.219,04 € brut, au titre des congés payés afférents, le tout outre intérêts au taux légal à compter de la notification à cette dernière de sa convocation en bureau de conciliation, jusqu'à parfait paiement, et d'inscrire ces sommes sur le relevé des créances privilégiées de la société Argania Prestations de Services,

ORDONNER à Me Masselon, es qualités de liquidateur judiciaire de la société Argania Prestations de Services, d'avoir à fixer au passif de la liquidation judiciaire de cette dernière la somme de 5.000 € net, au titre de la créance indemnitaire de Mme [K], afférente aux dommages-intérêts pour les préjudices subis du fait du non-respect par la société Argania des durées maximales de travail hebdomadaires, outre intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision à intervenir, et d'inscrire cette somme sur le relevé des créances privilégiées de la société Argania Prestations de Services,

ORDONNER que les créances salariales et indemnitaires prononcées soient portées sur le relevé des créances salariales par Me Masselon es-qualités qui devra en assurer le règlement par chèque à l'ordre de la Carpa des Alpes, et qu'à défaut de disponibilité permettant d'en assurer le règlement, ledit règlement devra être garanti par le CGEA d'Annecy, ès qualité d'administrateur des AGS.

ORDONNER à Me Masselon es qualités de liquidateur judiciaire de la société Argania Prestations de Services de remettre à Mme [K] les fiches de paie afférentes aux condamnations salariales et indemnitaires prononcées, et ses documents de fin de contrats rectifiés, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 8ième jour suivant la notification de la décision à intervenir,

DIRE ET JUGER que Mme [K] a une créance de 2.000,00 € envers la société Argania Prestations de Services au titre de l'article 700 du CPC , pour les frais irrépétibles de première instance, outre 2.500€, pour ceux d'appel, et ordonner que ces créances postérieures à l'ouverture de la procédure collective soient inscrites sur le relevé des créances et payées selon le régime juridique des créances postérieures à l'ouverture de la procédure collective, donc immédiatement.

ORDONNER que les dépens de première instance et d'appel soient inscrits en frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective de la société Argania Prestations de Services.

DEBOUTER Me Masselon es qualités de liquidateur judiciaire de la société Argania Prestations de Services et le CGEA d'Annecy, ès qualité d'administrateur des AGS de l'ensemble de leurs demandes, fins, et moyens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 1er juillet 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la Selarl Berthelot représentée par Me Masselon, ès qualités, demande à la cour d'appel de':

A titre principal,

CONFIRMER le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes en date du 10 novembre 2020,

DECLARER RECEVABLE l'exception de procédure soulevée au titre de la forclusion,

En conséquence.

DEBOUTER Mme [X] [K] de ses demandes fins et conclusions, en ce qu'elles sont infondées au vu de la forclusion.

A titre subsidiaire,

DECLARER IRRECEVABLE la demande formulée par Mme [X] [K] au titre de son indemnité de requalification de CDD en CDI car prescrite,

En conséquence,

DEBOUTER Mme [X] [K] de l'intégralité dc ses demandes, fins, et conclusions en ce qu'elles sont infondées

A titre infiniment subsidiaire, si la cour jugeait la demande de requalification de CDD en CDI recevable,

LIMITER le montant de l'indemnité de requalification à la somme de 1534,90 € nets,

DEBOUTER Mme [X] [K] du surplus dc ses demandes.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'Unedic délégation de l'AGS CGEA d'Annecy demande à la cour d'appel de':

Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 10 novembre 2020 en ce qu'il a dit les demandes de Mme [X] [K] irrecevables car forcloses et condamné Mme [X] [K] aux dépens.

Débouter, par conséquent, Mme [X] [K] de l'intégralité de ses demandes.

Dire et juger que la demande de Mme [X] [K], au titre de son indemnité de requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, est irrecevable car prescrite.

Débouter, par conséquent, Mme [X] [K] de ses demandes à ce titre.

A titre infiniment subsidiaire,

Ramener le montant de l'indemnité de requalification sollicitée à la somme correspondant à un mois de salaire, soit 1.534,90 € nets.

Constater que les demandes formées par Mme [X] [K] à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période de novembre à mi-décembre 2016 sont radicalement prescrites.

Débouter, par conséquent, Mme [X] [K] de ses demandes de rappel de salaire et congés payés afférents.

Ramener les dommages et intérêts sollicités par Mme [X] [K] pour non-respect, par l'employeur, des durées maximales de travail hebdomadaires à une somme symbolique en l'absence de tout préjudice démontré.

En tout état de cause,

Débouter le salarié de sa demande de condamnation à l'encontre de l'AGS, la décision à intervenir pouvant seulement lui être déclarée opposable (Cass. Soc. 26 janvier 2000 n° 494 P / Cass. Soc. 18 mars 2008 n° 554 FD), celle-ci étant attraite en la cause sur le fondement de l'article L.625-1 du code de commerce.

Débouter le salarié de toutes demandes de prise en charge par l'AGS excédant l'étendue de sa garantie, laquelle est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, lequel inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d'origine légale ou d'origine conventionnelle imposée par la Loi ainsi que la retenue à la source prévue à l'article 204 A du code général des impôts.

Débouter le salarié de toute demande directe à l'encontre de l'AGS, l'obligation de l'AGS de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pouvant s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire (Art. L. 3253-20 du code du travail), les intérêts légaux étant arrêtés au jour du jugement déclaratif (Art. L.621-48 du code de commerce).

Débouter le salarié de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette créance ne constituant pas une créance découlant du contrat de travail et, partant, se situe hors le champ de garantie de l'AGS ce conformément aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail.

Débouter le salarié de sa demande de condamnation de l'AGS aux dépens

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juillet 2022 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 28 septembre 2022.

EXPOSE DES MOTIFS :

Sur la demande au titre de la forclusion':

L'article 625-1 du code de commerce dispose qu'après vérification, le mandataire judiciaire établit, dans les délais prévus à l'article L. 143-11-7 du code du travail [L.'3253-19 du code du travail], les relevés des créances résultant d'un contrat de travail, le débiteur entendu ou dûment appelé. Les relevés des créances sont soumis au représentant des salariés dans les conditions prévues à l'article L. 625-2. Ils sont visés par le juge-commissaire, déposés au greffe du tribunal et font l'objet d'une mesure de publicité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Le salarié dont la créance ne figure pas en tout ou en partie sur un relevé peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes dans un délai de deux mois à compter de l'accomplissement de la mesure de publicité mentionnée à l'alinéa précédent. Il peut demander au représentant des salariés de l'assister ou de le représenter devant la juridiction prud'homale.

Le débiteur et l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance sont mis en cause.

En outre, le salarié qui demande devant le conseil de prud'hommes la réparation du préjudice causé par l'irrégularité de fond ou de procédure de son licenciement ou encore en conteste le bien-fondé et dont l'action est distincte de celle ouverte par l'article L.'625-1 du code de commerce ne peut se voir opposer la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue par ce texte.

Finalement, l'article R.'625-3 du code de commerce précise que le mandataire judiciaire informe par tout moyen chaque salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées et lui indique la date du dépôt au greffe du relevé des créances. Il rappelle que le délai de forclusion prévu à l'article L.'625-1 court à compter de la publication prévue au troisième alinéa ci-après. Les salariés dont les créances sont admises sont informés au moment du paiement.

Le représentant des créanciers qui informe le salarié de la nature et du montant des créances admises ou rejetées, doit lui rappeler la durée du délai de forclusion, la date de la publication, le journal dans lequel elle sera effectuée ainsi que la juridiction compétente et les modalités de sa saisine'; en l'absence de ces mentions, ou lorsque celles-ci sont erronées, le délai de forclusion ne court pas.

Au cas d'espèce, par courrier en date du 25 janvier 2019, Me Dominique Masselon, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Argania Prestation de services, a informé Mme [K]':

«'Je vous informe que l'ensemble des relevés de créances salariales a été dans cette procédure collective, déposé au greffe du Tribunal de commerce de Grenoble, le dossier social est donc terminé.

La publicité prescrite par l'article L.625-1 du code de commerce parait dans le numéro des Affiches de [Localité 4] et du Dauphiné du 25 janvier 2019.

En cas de contestation, vous avez un délai de 2 mois pour saisir le Conseil de prud'hommes à compter de la date de publication évoquée ci-dessus (si votre créance ne figure pas en tout ou partie sur les états déposés au greffe du Tribunal).

Cette information vous est donnée en application des dispositions de l'article R.'625-3 du code de commerce.'».

D'une première part, la cour relève que, contrairement aux dispositions de l'article R.'625-3 du code de commerce, le liquidateur judiciaire n'a pas précisé la date du dépôt au greffe du relevé des créances dans son information délivrée à la salariée.

D'une seconde part, comme le soutient la salariée, le mandataire n'a pas précisé les modalités de saisine de la juridiction compétente.

En effet, la lettre ne fait pas mention que la salariée peut demander au représentant des salariés de l'assister ou de la représenter devant la juridiction prud'homale, ni que doivent être mis en cause le débiteur et l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance.

Dès lors, en l'absence de ces mentions précisées à l'article L.'625-1 du code de commerce, le délai de forclusion n'a pas couru.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, il convient de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par Me Dominique Masselon, ès qualités, tirée de la forclusion alléguée des demandes de Mme [K].

Sur la demande au titre de la prescription de la demande de requalification du contrat':

Au visa de l'article L.'1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu, ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'action en requalification d'un contrat à durée déterminée ou de contrats à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée s'analyse en une action portant sur l'exécution du contrat de travail.

D'une part, le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminer en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification court à compter de la conclusion de ce contrat.

D'autre part, le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat, ou en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat.

Au cas d'espèce, Mme [X] [K] soulevant l'absence de motif valable du recours au contrat à durée déterminée conclu avec la Société Argania Prestations de service le 15 novembre 2016, le délai de prescription a commencé à courir au plus tard le 17 février 2017, date de conclusion d'un contrat à durée indéterminée avec ladite société, aucun élément pertinent n'étant produit quant au retour du salarié remplacé par Mme [K] avant le 17 février 2017.

Or, Mme [K], qui disposait d'un délai de deux ans à compter du 17 février 2017, soit jusqu'au 17 février 2019 et non à compter de la rupture du contrat à durée indéterminée le 24 avril 2018 comme elle le soutient, a saisi le conseil de prud'hommes le 12 décembre 2019.

Dès lors, la demande en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée est prescrite, de sorte qu'il convient de débouter Mme [X] [K] de sa demande formulée à ce titre.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires':

Conformément à l'article L.'3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes du au titre des trois dernières à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

L'article L.'3171-4 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En conséquence, il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il incombe à la juridiction de vérifier si les heures complémentaires et/ou supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l'opposition à l'exécution de celle-ci de l'employeur se trouvant alors indifférente.

Le salarié peut revendiquer le paiement d'heures complémentaires et/ou supplémentaires à raison de l'accord tacite de l'employeur.

Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l'employeur de la réalisation d'heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l'absence d'opposition de l'employeur à la réalisation de ces heures.

Au cas d'espèce, le contrat de travail à durée déterminée, en date du 15 novembre 2016, précise que la salariée exercera ses fonctions du lundi au vendredi de 7h à 11h.

Puis, par avenant en date du 1er janvier 2017, les horaires ont ainsi été modifiés': du lundi au vendredi de 6h à 12h.

Finalement, le contrat de travail à durée indéterminée en date du 17 février 2017 précise que la salariée exercera ses fonctions du lundi au vendredi de 6h à 12h.

D'une première part, contrairement à ce que soutient l'AGS, la prescription de la demande de rappels de salaire formulée par Mme [K] n'était pas acquise le 12 décembre 2019, date de saisine du conseil de prud'hommes, étant donné que le rappel des salaires sollicités porte sur les sommes dues dans les trois ans précédant la rupture du contrat de travail survenue le 15 mai 2018.

D'une seconde part, Mme [X] [K], qui allègue avoir travaillé depuis le 15 novembre 2016 du lundi au vendredi du 6h à 12h et de 13h à 17h, produit deux attestations qui indiquent qu'elle nettoyait les halls d'immeubles jusqu'à 17h le soir (pièces 20).

En réponse, aucun élément n'est produit par Me Masselon, ès qualités de liquidateur judiciaire, quant au contrôle de la durée de travail de la salariée par la société Argania Prestations de services.

Dès lors, Mme [X] [K], qui apporte des éléments permettant à l'employeur d'y répondre, démontre avoir effectué des heures complémentaires et supplémentaires.

Le calcul opéré par la salariée étant suffisamment détaillé et répondant aux critiques avancées par Me Masselon, ès qualités, qui ne propose au demeurant aucun calcul alternatif, il convient d'ordonner à ce dernier de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Argania Services au bénéfice de Mme [X] [K] la somme de 12'190,40'€ bruts au titre du rappel de salaire pour heures complémentaires et supplémentaires, outre 1'219,04'€ bruts de congés payés afférents.

Sur la demande au titre du non-respect des durées maximales de travail':

Il résulte des dispositions des articles L.'3121-20 et suivants et L.'3121-35 et suivants que la durée légale de travail effectif est fixée à 35 heures par semaine et que des heures supplémentaires ne peuvent être effectuées qu'à la double condition de ne pas dépasser sur une même semaine 48 heures et une durée moyenne de travail calculée sur une période de 12 semaines consécutives n'excédant pas 44 heures. En outre, la durée maximale quotidienne de travail effectif ne peut excéder 10 heures.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté cette durée maximale.

De plus, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée à l'article 6, sous b), de la directive 2003/88 constitue, en tant que tel, une violation de cette disposition, sans qu'il soit besoin de démontrer en outre l'existence d'un préjudice spécifique (CJUE, 14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 53). Cette directive poursuivant l'objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d'un repos suffisant, le législateur de l'Union a considéré que le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire, en ce qu'il prive le travailleur d'un tel repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé (CJUE,14 octobre 2010, C-243/09, Fuß c. Stadt Halle, point 54). La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que c'est au droit national des États membres qu'il appartient, dans le respect des principes d'équivalence et d'effectivité, d'une part, de déterminer si la réparation du dommage causé à un particulier par la violation des dispositions de la directive 2003/88 doit être effectuée par l'octroi de temps libre supplémentaire ou d'une indemnité financière et, d'autre part, de définir les règles portant sur le mode de calcul de cette réparation (CJUE, 25 novembre 2010, Fuß c. Stadt Halle, C-429/09, point 94).

Au cas d'espèce, il résulte des énonciations précédentes relatives aux heures supplémentaires que Mme [X] [K] a accompli 50'heures de travail par semaine, dépassant la durée maximale autorisée de travail.

Dès lors, l'employeur a manqué à son obligation de contrôler le respect de la durée maximale de travail hebdomadaire dans des conditions préjudiciables à la salariée.

En conséquence, il convient d'ordonner à Me Masselon es qualités de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Argania Prestation de services au bénéfice de Mme [X] [K] la somme de 2'500'€ nets à titre de dommages et intérêts au titre du non-respect de la durée hebdomadaire maximale de travail.

Sur la demande au titre de la remise de bulletins de paie et des documents de fin de contrat':

Compte tenu des énonciations précédentes, Mme [X] [K] est valablement fondée à solliciter la transmission, par Me Masselon, ès qualités, des documents de fin de contrat et des bulletins de paies afférents au rappel de salaire conformes au présent arrêt.

Les circonstances de l'espèce ne justifient pas, pour autant, d'assortir l'injonction faite au liquidateur judiciaire de ce chef du prononcé d'une astreinte.

Sur la garantie de l'AGS':

Il y a lieu de déclarer le jugement commun et opposable à l'AGS et de dire que l'Unedic délégation de l'AGS CGEA d'Annecy doit sa garantie selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt étant ajouté qu'en application de l'article L 3253-17 du code du travail tel que modifié par loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016, le plafond de garantie de l'AGS s'entend en montants bruts et retenue à la source de l'article 204 A du code général des impôts incluse.

Sur les demandes accessoires':

La SARL Argania Prestation de services, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens, qui seront réglés en frais privilégiés de procédure collective.

L'équité et les situations économiques des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';

INFIRME le jugement entrepris dans toutes ses dispositions';

Statuant à nouveau,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par Me Masselon, ès qualités, tirée de la forclusion';

DÉCLARE prescrite la demande de Mme [X] [K] au titre de la requalification de son contrat de travail à durée déterminée';

ORDONNE à Maître Dominique Masselon, ès qualités de liquidateur judiciaire, de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Argania Prestation de services au bénéfice de Mme [X] [K] les sommes suivantes':

- douze mille cent quatre-vingt-dix euros et quarante centimes (12'190,40'€) bruts au titre de rappels de salaire pour heures complémentaires et supplémentaires, outre mille deux cent dix-neuf euros et quatre centimes (1'219,04'€) bruts de congés payés afférents,

- deux mille cinq cents euros (2'500'€ nets) au titre des dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales hebdomadaires de travail';

ORDONNE à Maître Dominique Masselon, ès qualités, de transmettre à Mme [X] [K] les bulletins de salaires afférents aux créances salariales et les documents de contrats conformes au présent arrêt';

DÉCLARE l'arrêt commun et opposable à l'Unedic Délégation de l'AGS CGEA d'Annecy';

DIT que l'Unedic Délégation de l'AGS CGEA d'Annecy doit sa garantie dans les conditions des articles L.'3253-6 et suivants et D.'3253-5 du code du travail, étant précisé que les plafonds de garantie de l'AGS s'entendent en sommes brutes et retenue à la source de l'impôt sur le revenu de l'article 204 du code général des impôts incluse';

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

DIT que les dépens de première instance et d'appel seront réglés en frais privilégiés de procédure collective suivie contre la SARL Argania Prestations de services.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/00047
Date de la décision : 01/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-01;21.00047 ?
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