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28/11/2022 | FRANCE | N°20/02836

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 28 novembre 2022, 20/02836


C3



N° RG 20/02836 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KRM2



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :











AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION

SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 28 NOVEMBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 18/00173)

rendue par le Pole social du TJ de VALENCE

en date du 02 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 16 septembre 2020





APPELANTE :



S.A. [5] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

...

C3

N° RG 20/02836 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KRM2

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 28 NOVEMBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 18/00173)

rendue par le Pole social du TJ de VALENCE

en date du 02 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 16 septembre 2020

APPELANTE :

S.A. [5] prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Yasmina BELKORCHIA, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Caisse CPAM DE LA DROME prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4],

[Localité 2]

comparante en la personne de Mme [I] [W] régulièrement muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

Mme DEFARGE Isabelle, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 octobre 2022

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président, en charge du rapport et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie, assistés de Mme Chrystel ROHRER, greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 28 novembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 28 novembre 2022.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 14 avril 2017, Mme [R] [D], ouvrière de conditionnement au sein de la société [5] depuis le 1er septembre 2003, a souscrit auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de la Drôme une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical initial du 23 janvier 2017 mentionnant une tendinopathie rompue de la coiffe des rotateurs droite.

Le 4 octobre 2017, la caisse primaire a notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge, au titre du tableau 57 des maladies professionnelles, la maladie déclarée.

Le 28 février 2018, la société [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence d'un recours à l'encontre du rejet implicite par la commission de recours amiable de la CPAM de la Drôme saisie le 4 décembre 2017 de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge.

Par jugement du 2 juillet 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Valence a :

- débouté la société [5] de ses demandes,

- déclaré opposable à la société [5] la décision de la CPAM de la Drôme de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie de Mme [D] fondée sur un certificat médical initial du 23 janvier 2017,

- condamné la société [5] aux éventuels dépens nés à compter du 1er janvier 2019.

Le 16 septembre 2020, la société [5] a interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 11 septembre 2020.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 4 octobre 2022 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 28 novembre 2022.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon ses conclusions parvenues au greffe le 12 septembre 2022, reprises oralement à l'audience, la société [5] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence,

- juger que Mme [D] n'a pas été exposée aux risques figurant au tableau 57 A,

En conséquence,

- juger inopposable la décision de prise en charge du 4 octobre 2017 de la maladie professionnelle de Mme [D],

- condamner la CPAM de la Drôme aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société [5] soutient que la condition relative à la liste limitative des travaux n'est pas remplie.

Elle reproche à la caisse primaire de l'avoir interrogée sur deux mouvements via deux schémas sur le questionnaire : d'abduction et d'antépulsion alors que le tableau 57A ne vise que les premiers mouvements.

Elle prétend également que la caisse primaire n'a mené aucune étude ergonomique et s'est basée sur les affirmations du médecin du travail, le docteur [M], alors que ce dernier n'a jamais étudié ou observé le poste de travail de Mme [D] et qu'elle fait référence au poignet et non à l'épaule de l'assurée.

Selon ses conclusions parvenues au greffe le 8 août 2022 et reprises oralement à l'audience, la CPAM de la Drôme demande à la Cour de :

- juger qu'elle est recevable et bien fondée en toutes ses fins et prétentions,

- confirmer le jugement rendu le 2 juillet 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence,

En conséquence,

- juger opposable à la société [5] la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de Mme [D],

- débouter la société [5] des fins de son appel,

- condamner la société [5] aux entiers dépens.

La CPAM de la Drôme soutient que sa décision de prise en charge est bien fondée.

Elle expose que le tableau 57 des maladies professionnelles définit clairement les mouvements d'abduction comme des mouvements de décollement du bras par rapport au corps sans spécifier la direction desdits mouvements de sorte que c'est à juste titre qu'elle a interrogé l'assurée et l'employeur sur différents mouvements et qu'en l'espèce, l'assurée effectue des mouvements de décollement du bras au-delà de 60° pendant au moins plus de deux heures par jour en cumulé.

Elle observe que les déclarations de Mme [D] qui occupait un poste standardisé sont corroborées par le médecin du travail, le docteur [M], qui a indiqué dans deux courriels des 18 août 2017 et 7 septembre 2017, bien connaître la société et les postes effectués nécessitant des gestes répétitifs de manutention avec des amplitudes difficiles et une cadence élevée.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dispose : 'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau'.

La Société [5] ne conteste que la condition d'exposition au risque du tableau 57 A pour une rupture de la coiffe des rotateurs soit : 'les travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction avec un angle supérieur ou égal à 60 degrés pendant au moins deux heures par jour en cumulé ou avec un angle supérieur ou égal à 90 degrés pendant au moins une heure par jour en cumulé'.

L'abduction se définit comme le mouvement qui écarte un membre ou une partie de membre quelconque du plan médian du corps.

Les mouvements d'abduction décrits au tableau 57 ne sont donc pas limités aux mouvements d'élévation latérale du bras perpendiculaire au corps comme soutenu par l'appelante mais incluent également les mouvements d'antépulsion vers l'avant pour notamment se saisir d'objets.

L'appelante reproche à la caisse lors de son enquête devant la contradiction entre les questionnaires employeur et salarié de ne pas avoir entrepris de vérification concrète du poste de la salariée dans l'entreprise, ni saisi de comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

Le seul fait que l'employeur conteste dans son questionnaire la condition d'exposition au risque prévue au tableau n'induit pas nécessairement que cette condition ne serait pas satisfaite, en fonction des éléments apporté au débat par la caisse à qui incombe cette démonstration au soutien de l'opposabilité à l'employeur de sa décision de prise en charge de la maladie à titre professionnel.

En l'occurrence la Société [5] a décrit les tâches de la salariée accomplissant 7 heures de travail journalier comme la mise en barquette et le conditionnement d'escalopes par trois ou quatre sur un tapis central devant elle.

L'appelante a joint à son questionnaire une photographie qui précisément représente une salariée debout se saisissant d'escalopes placées devant elle pour garnir une barquette avec son bras droit en antépulsion sans soutien à 90 degrés.

D'autre part la caisse a versé deux courriels de la doctoresse du travail, l'un du 18 août 2017 où elle indique avoir aidé la salariée à compléter son dossier, bien connaître l'entreprise et les postes de travail qui nécessitent des gestes répétitifs et des manutentions répétitives avec des amplitudes difficiles poignets, coudes et poignets, la salariée n'ayant pas toujours exactement occupé le (ndr : même) poste de travail.

Dans l'autre du 7 septembre 2017 elle répond à l'interrogation de la caisse du 22 août 2017 lui rappelant que la pathologie déclarée concerne l'épaule et non le poignet de la façon suivante :

'Ce que j'ai écrit (ndr : au questionnaire salariée à la rédaction duquel elle a apporté son concours) Travaux : ramassage de caisses supérieur à 10 kg, manipulation répétée de denrées alimentaires avec les deux mains, flexion et extension des coudes et poignets, rotation des épaules. Décrochage de caisses en hauteur au-delà du plan de l'horizontale (travail bras levés au-delà de l'horizontale). Pas d'outils particuliers.

Le travail s'effectue sous contrainte permanente de temps, la durée quotidienne du travail n'est pas toujours connue, tout dépend de la demande des clients'.

Il ressort donc sans conteste de ces éléments que les mouvements d'abduction étaient inhérents aux fonctions mêmes confiées à la salariée, d'emballage à la chaîne d'escalopes en barquettes sur un plan horizontal situé devant elle à hauteur de bassin et devant par ailleurs se saisir de barquettes sur une étagère plus en hauteur mais aussi manipuler des caisses jusqu'à hauteur d'homme selon ce qui est représenté derrière la salariée sur la photographie.

Dès lors la cour retient que la condition de mouvements d'abduction avec un angle supérieur ou égal à 60 degrés pendant deux heures par jour en cumulé est à tout le moins satisfaite, si ce n'est celle d'une heure et 90 degrés.

La Société [5] n'a pas contesté la condition d'exposition au risque d'une durée supérieure à un an pour une salariée qui totalisait près de 13 ans d'ancienneté à la date de première constatation de la maladie (22 juin 2016).

Dès lors toutes les conditions du tableau 57 étaient réunies pour que la présomption d'imputabilité de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale s'applique et la caisse n'avait donc pas à saisir préalablement un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour notifier à la Société [5] le 4 octobre 2017 sa décision de prise en charge, de sorte que le moyen opposé par l'appelante de l'absence de l'avis motivé du médecin du travail dans le dossier transmis à ce comité prévu à l'article D 461-29 du code de la sécurité sociale est inopérant.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

La Société [5] succombant supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement RG n° 18/00173 rendu le 2 juillet 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence.

Y ajoutant,

Condamne la SAS [5] aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/02836
Date de la décision : 28/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-28;20.02836 ?
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