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28/11/2022 | FRANCE | N°20/02798

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 28 novembre 2022, 20/02798


C3



N° RG 20/02798 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KRJH



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PR

OTECTION SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 28 NOVEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 18/00680)

rendue par le Pole social du TJ de GRENOBLE

en date du 02 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 11 septembre 2020





APPELANT :



Monsieur [V] [I] [D]

né le 15 Juillet 1974 à [Localité 7]

de nationalité Congolaise

[Adresse 1]

[Localité 4]



représenté par Me Auré...

C3

N° RG 20/02798 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KRJH

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 28 NOVEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 18/00680)

rendue par le Pole social du TJ de GRENOBLE

en date du 02 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 11 septembre 2020

APPELANT :

Monsieur [V] [I] [D]

né le 15 Juillet 1974 à [Localité 7]

de nationalité Congolaise

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Aurélie MARCEL, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/007250 du 12/08/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIME :

CAF DE L'ISERE (N° SIRET [N° SIREN/SIRET 5])

[Adresse 2]

[Adresse 6]

[Localité 3]

comparant en la personne de M. [K] [C] régulièrement muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 octobre 2022,

M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs dépôts de conclusions et observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [V] [I] [D], de nationalité congolaise (République Démocratique du Congo) déclare être entré en France le 02 novembre 2012, accompagné de son épouse, Mme [M] [I] [D] ainsi que de ses deux premiers enfants [J] et [E] nés à [Localité 7] respectivement les 28 mars 2009 et 09 octobre 2010.

Deux autres enfants sont ensuite nés en France, [U] le 16 décembre 2013 et [P] le 27 février 2017.

Après avoir obtenu des autorisations provisoires de séjour, M. [I] [D] a obtenu une carte de séjour temporaire mention salarié valable du 27 août 2019 au 26 août 2020.

Le 26 mars 2018, la Caisse d'Allocations Familiales (CAF) de l'Isère a refusé de faire droit à la demande de prestations familiales au bénéfice des deux premiers enfants nés à [Localité 7], déposée par M. [I] [D] le 11 mars 2016, au motif que le titre de séjour des parents n'avait pas été délivré sur le fondement de l'article L. 313-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni sur celui de l'article L. 313-11 5° ou 7 ° du même code.

Le 26 juin 2018, M. [I] [D] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la CAF de l'Isère du 04 décembre 2017, notifiée le 05 janvier 2018, maintenant le refus de versement des prestations familiales au bénéfice de ses deux enfants [J] et [E] (un droit aux allocations familales ayant été ouvert à compter du mois d'avril 2017 au bénéfice des deux filles [U] et [P]).

Par jugement du 2 juillet 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- dit que M. [I] [D] ne peut prétendre au bénéfice des prestations familiales pour ses enfants [J] et [E],

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de la CAF du 04 décembre 2017,

- débouté en conséquence M. [I] [D] de l'ensemble de ses prétentions,

- condamné M.[I] [D] aux dépens nés après le 1er janvier 2019.

Le 31 juillet 2020 M. [I] [D] a demandé l'aide juridictionnelle qui lui a été accordée par décision du 12 août puis le 11 septembre 2020 a interjeté appel du jugement qui lui avait été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception le 13 juillet 2020.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 4 octobre 2022 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 28 novembre 2022.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon ses conclusions transmises par voie électronique le 29 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, M. [I] [D] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

- infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble du 02 juillet 2020,

En conséquence,

- condamner la CAF de Grenoble à lui payer les prestations familiales pour ses enfants, [J] et [E], à effet rétroactif au jour de la demande, avec intérêts de retard,

- condamner la CAF de Grenoble à payer la somme de l 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la CAF aux entiers dépens.

Il soutient être bien fondé à solliciter le versement des prestations familiales pour ses enfants, [J] et [E], nés au Congo RDC.

Il expose que ses deux enfants sont arrivés en France avec leurs parents en novembre 2012 bien qu'il ne soit pas en mesure de produire l'attestation délivrée par l'autorité préfectorale, prévue à l'article D. 512-2 5° du code de la sécurité sociale, ni le certificat médical de l'OFII. Il précise que son épouse a été régularisée en tant que «parent accompagnant un enfant malade» et non par le biais de la procédure de regroupement familial.

Il estime que l'exigence du certificat médical prévu à l'article D. 512-2-5° est discriminatoire au regard des dispositions de l'article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et n'est pas non plus proportionnée par rapport au but pourvuivi.

Selon ses conclusions parvenues au greffe le 02 septembre 2022 et soutenues oralement à l'audience, la CAF de l'Isère demande à la cour de :

- prendre acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice quant à la recevabilité de l'appel formé par M. [I] [D],

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble le 02 juillet 2020,

- débouter M. [I] [D] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [I] [D] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que M. [I] [D] ne peut prétendre au bénéfice des prestations familiales pour ses enfants [J] et [E] dès lors qu'il ne peut produire l'un des documents exigés pour justifier de l'entrée et du séjour réguliers en France des enfants étrangers à charge d'un allocataire étranger et visés aux articles L. 512-2 et D. 512-2 du code de la sécurité sociale, en l'espèce l'attestation préfectorale qui lui a été refusée.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

L'appel de M. [I] [D] formé le 11 septembre 2020 est recevable en ce que le jugement lui a été notifié le 13 juillet 2020, que sa demande d'aide juridictionnelle formée moins d'un mois après le 31 juillet 2020 a interrompu le délai d'un mois pour former appel et qu'un nouveau délai à couru à partir de la décision d'attribution d'aide juridictionnelle du 12 août 2020.

Selon l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à la demande formée le 11 mars 2016 :

'Bénéficient de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les ressortissants des Etats membres de la Communauté européenne, des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen et de la Confédération suisse qui remplissent les conditions exigées pour résider régulièrement en France, la résidence étant appréciée dans les conditions fixées pour l'application de l'article L. 512-1.

Bénéficient également de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France.

Ces étrangers bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations suivantes :

- leur naissance en France ;

- leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial visée au livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- leur qualité de membre de famille de réfugié ;

- leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 10° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-13 du même code ;

- leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de l'une des cartes de séjour mentionnées à l'article L. 313-8 du même code ;

- leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 7° de l'article L. 313-11 du même code à la condition que le ou les enfants en cause soient entrés en France au plus tard en même temps que l'un de leurs parents titulaires de la carte susmentionnée.

Un décret fixe la liste des titres et justifications attestant de la régularité de l'entrée et du séjour des bénéficiaires étrangers. Il détermine également la nature des documents exigés pour justifier que les enfants que ces étrangers ont à charge et au titre desquels des prestations familiales sont demandées remplissent les conditions prévues aux alinéas précédents'.

Ainsi l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige prévoit que :

'La régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production de l'un des documents suivants :

1° Extrait d'acte de naissance en France ;

2° Certificat de contrôle médical de l'enfant, délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ;

3° Livret de famille délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, un acte de naissance établi, le cas échéant, par cet office, lorsque l'enfant est membre de famille d'un réfugié, d'un apatride ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire. Lorsque l'enfant n'est pas l'enfant du réfugié, de l'apatride ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, cet acte de naissance est accompagné d'un jugement confiant la tutelle de cet enfant à l'étranger qui demande à bénéficier des prestations familiales ;

4° Visa délivré par l'autorité consulaire et comportant le nom de l'enfant d'un étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L 313-8 ou au 5° de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5° Attestation délivrée par l'autorité préfectorale, précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

6° Titre de séjour délivré à l'étranger âgé de seize à dix-huit ans dans les conditions fixées par l'article L 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Elle est également justifiée, pour les enfants majeurs ouvrant droit aux prestations familiales, par l'un des titres mentionnés à l'article D. 512-1".

Enfin l'article L. 313-11-7° dispose que la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux 1° à 6° du même article ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée.

En l'espèce M. [I] [D] entré le 02 novembre 2012 sur le territoire français n'a pas été admis au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11-7° précité mais a présenté une demande d'asile le 6 juin 2013, ultérieurement rejetée, puis a obtenu une autorisation provisoire de séjour le 24 novembre 2015 renouvelée depuis en tant que parent étranger accompagnant un enfant mineur sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du CESEDA alors en vigueur.

La délivrance par l'autorité préfectorale de l'attestation prévue au 5° de l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale selon laquelle ses deux premiers enfants sont entrés en France au plus tard en même temps que l'un de leurs parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ou du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié lui a donc été refusée.

Il ne justifie pas non plus du certificat de contrôle médical des enfants délivré par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial prévu au 2° de cet article D. 512-2.

Ces dispositions qui revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité pour un Etat démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent les dispositions de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfants (CIDE).

Le principe d'égalité de traitement, dont la finalité est de supprimer les discriminations fondées sur la nationalité, ne s'oppose en revanche pas à l'application à l'allocataire de nationalité étrangère des dispositions nationales qui régissent l'entrée et le séjour dans l'Etat.

Le refus d'attribuer des allocations familiales au requérant est dû, non pas à sa seule nationalité ou à tout autre critère couvert par l'article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, mais au non respect volontaire par lui des règles applicables au regroupement familial prévues par le CESEDA, ces dernières constituant une différence de traitement reposant sur une justification objective et raisonnable, relevant du domaine économique et social et pas exclusivement fondée sur la nationalité.

En conséquence, faute de justifier de l'un ou l'autre des documents exigés par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale, il ne peut être fait droit à la demande de M. [I] [D] de versement des prestations familiales pour ses deux premiers enfants nés à l'étranger et le jugement déféré sera confirmé.

Les dépens seront supportés par l'appelant qui succombe.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare recevable l'appel de M. [V] [I] - [D].

Confirme le jugement RG n° 18/00680 rendu le 02 juillet 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de GRENOBLE.

Statuant à nouveau,

Condamne M. [V] [I] - [D] aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/02798
Date de la décision : 28/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-28;20.02798 ?
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