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10/11/2022 | FRANCE | N°21/00568

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 10 novembre 2022, 21/00568


C9



N° RG 21/00568 -



N° Portalis DBVM-V-B7F-KXJ6



N° Minute :





















































































Copie exécutoire délivrée le :









la SELARL CDMF AVOCATS



Mme [U] défenseur syndical

AU

NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 10 NOVEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 19/00532)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 04 janvier 2021

suivant déclaration d'appel du 25 janvier 2021





APPELANTE :



Madame [O] [A] épouse [N]

née le 02 Février 1984 à [Localité 3]

de natio...

C9

N° RG 21/00568 -

N° Portalis DBVM-V-B7F-KXJ6

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL CDMF AVOCATS

Mme [U] défenseur syndical

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 10 NOVEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 19/00532)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 04 janvier 2021

suivant déclaration d'appel du 25 janvier 2021

APPELANTE :

Madame [O] [A] épouse [N]

née le 02 Février 1984 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Mme [S] [U] (Défenseur syndical)

INTIMEE :

Madame [E] [L],

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Romain JAY de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 septembre 2022,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 10 novembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 10 novembre 2022.

EXPOSE DU LITIGE':

Selon contrat en date du 19 février 2018, Mme [O] [A], épouse [N], a conclu un contrat à durée déterminée avec Mme [E] [L], exerçant une activité de notaire, en qualité de collaboratrice d'accueil, employée, niveau E2, coefficient 115 de la convention collective du notariat moyennant un salaire mensuel brut de 1352,54 euros.

Par requête en date du'18 juin 2019, Mme [O] [A], épouse [N], a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins d'obtenir la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, un repositionnement, un rappel de salaire afférent, une indemnité pour harcèlement moral et des indemnités pour un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse. Elle a formé des demandes additionnelles de rappel de salaire pour la période du 7 novembre au 21 décembre 2017 et d'indemnité pour travail dissimulé.

Mme [E] [L] s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 04 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- condamné Me [E] [L] à payer à Mme [O] [N] la somme de 405 € à titre de rappel de salaire outre 40, 50 € au titre des congés payés afférents pour la réalisation de 30 heures de formation en novembre et décembre 2017 ;

- rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit nonobstant appel et sans caution, en application de l'article R1454-28 du Code du Travail, étant précisé que ces sommes sont assorties des intérêts de droit à compter du jour de la demande, la moyenne des trois derniers mois étant de 393, 33 € ;

- débouté Mme [O] [N] du surplus de ses demandes ;

- débouté Me [E] [L] de sa demande reconventionnelle ;

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Mme [O] [A], épouse [N] a interjeté appel à l'encontre de ladite décision par acte en date du 25 janvier 2021.

Mme [O] [A], épouse [N] s'en est remise à des conclusions transmises au greffe le 27 avril 2021 et demande à la cour d'appel de':

- constater l'existence d'une relation de travail subordonnée et non rémunérée entre les 7 novembre et 21 décembre 2017

- juger que Maître [L] a intentionnellement dissimulé le travail salarié de Mme [N]

- condamner Maître [L] à l'indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire pour rupture de la relation de travail en situation de travail dissimulé

- ordonner la communication des bulletins de salaire de novembre et décembre2017, du certificat de travail, de l'attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 50 euros/jour et par document et se réserver la liquidation de l'astreinte

- transmettre la décision au procureur de la République

- constater que la classification de Mme [A] [N] aurait dû être au niveau T1, et coefficient 125 de la convention collective, et dire que sa rémunération sur la base temps plein aurait dû être de 1782 euros en février 2018 et de 1812 euros à partir de mars 2018

- accorder un rattrapage salarial de 334,41 euros pour la période de février à avril 2018, outre 10 % congés payés afférents pour 33,44 euros

- constater que le contrat de travail à durée déterminée de Mme [A] [N] a été conclu en méconnaissance des articles L 1241-1 et suivants, et requalifier le contrat en contrat à durée indéterminée

Ayant requalifié le contrat à durée déterminée de Mme [A] [N] en contrat à durée indéterminée,

- condamner Me [L] à payer':

- une indemnité de requalification d'un mois de salaire soit 1553,11 euros

- une indemnité conventionnelle compensatrice de préavis de 1553,11 euros et 10 % de congés payés afférents sur préavis soit 155,31 euros

- une pénalité conventionnelle de 776,66 euros pour défaut de signalement à la commission nationale paritaire de l'emploi dans le notariat

- dire que le licenciement de Mme [A] d'Instrono est sans cause réelle et sérieuse et lui accorder l'indemnité conventionnelle de 3106,22 euros

- constater que les agissements répétés de Maître [L] ont eu pour objet et pour effet une dégradation des conditions de travail de Mme [N]-[A], ont porté atteinte à ses droits à et à sa dignité, ont altéré sa santé physique et mentale et compromis son avenir professionnel

- dire que Mme [N]-[A] a été victime de harcèlement moral et condamner Maître [L] à lui verser 5000 euros en réparation du préjudice subi

- constater que Mme [L] a délibérément fait obstacle à l'exercice par Mme [A] d'Instrono de ses droits en matière d'indemnités journalières et de mutuelle complémentaire «'frais de santé'» et condamner l'employeur à 500 euros de dommages et intérêts pour le préjudice financier

- condamner Maître [L] à verser 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner l'employeur aux dépens.

Mme [E] [L] s'en est rapportée à des conclusions transmises le 01 juillet 2021 et demande à la cour d'appel de':

Vu les articles mentionnés,

Vu la jurisprudence mentionnée,

Vu les pièces versées au débat,

Vu les faits

Vu le jugement de la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Grenoble en date du 4 janvier 2021 (RG : F 19/00532)

REFORMER le jugement de la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Grenoble en date du 4 janvier 2021 (RG : F 19/00532) en ce qu'il a condamné Maître [L] au paiement de la somme de 405 €, outre la somme de 40, 50 € au titre des congés payés pour la réalisation de 30 heures de formation en novembre et décembre 2017 ;

CONFIRMER le jugement de la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Grenoble en date du 4 janvier 2021 (RG : F 19/00532) en ce qu'il a débouté Mme [N] du surplus de ses demandes ;

En conséquence :

DEBOUTER Mme [N] de sa demande de rappel de salaire sur la période du 7 novembre 2017 au 20 décembre 2017 à hauteur de 405 €, outre 40, 50 € au titre des congés payés afférents;

DEBOUTER Mme [N] de sa demande au titre du travail dissimulé à hauteur de 7 986, 66 € ;

DIRE ET JUGER que la classification de Mme [N], employé, niveau 2-E2, coefficient 115, est conforme à l'activité réalisée ;

DEBOUTER Mme [N] de sa demande de rectification de classification ;

DEBOUTER Mme [N] de sa demande de rappel de salaire à hauteur de 334, 41 € bruts, outre la somme de 33, 44 € bruts au titre des congés payés afférents ;

DIRE ET JUGER que la demande de requalification de CDD en CDI n'est pas fondée ;

DEBOUTER Mme [N] de sa demande à hauteur de 1 553, 11 € nets au titre de l'indemnité de requalification de CDD en CDI ;

DEBOUTER Mme [N] de sa demande à hauteur de 776, 66 € nets au titre de la pénalité pour absence de signalement du licenciement à la commission nationale paritaire de l'emploi dans le notariat;

DEBOUTER Mme [N] de sa demande à hauteur de 1 553, 11 € bruts, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre, la somme de 155, 31 € bruts au titre des congés payés afférents ;

DEBOUTER Mme [N] de sa demande à hauteur de 3 106, 22 € nets à titre de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIRE ET JUGER que Mme [N] n'a pas subi de harcèlement moral ;

DEBOUTER Madame [N] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 € nets au titre du harcèlement moral

DIRE ET JUGER que Mme [N] n'a pas subi de préjudice financier ;

DEBOUTER Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 500 € nets ;

DEBOUTER Mme [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre reconventionnel :

CONDAMNER Mme [N] au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER Mme [N] aux entiers dépens ;

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.

La clôture a été prononcée le 30 juin 2022.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur l'existence d'une relation de travail entre le 7 novembre et le 21 décembre 2017':

L'existence d'un contrat de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de travail.

C'est à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence mais en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient alors à celui qui invoque le caractère fictif de celui-ci d'en rapporter la preuve.

Le lien de subordination est un lien juridique et il est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'appréciation des éléments de faits et de preuve permettant de déterminer l'existence ou l'absence de lien de subordination relève du pouvoir souverain des juges du fond.

En l'espèce, Mme [N] rapporte la preuve suffisante de l'existence certaine d'un contrat de travail régularisé avec Mme [L] entre le 7 novembre et le 21 décembre 2017 par la production des échanges de SMS entre les parties mettant en évidence que la seconde, qui se présente expressément comme patronne de la première, et non comme l'amie qu'elle est par ailleurs, donne clairement comme instructions, à plusieurs reprises, à Mme [N], à laquelle elle avait fait une promesse ferme d'embauche en juillet 2017, de venir suivre une formation préalable au début effectif de ses missions de collaboratrice salariée, qui se sont exécutées à compter de la signature d'un contrat de travail écrit à temps partiel et à durée déterminée pour la période du 19 février au 19 juin 2018, dont il est par ailleurs sollicité la requalification.

La formation est en effet présentée par Mme [L] comme un préalable obligatoire imposée à Mme [N] à son embauche d'ores et déjà convenue entre les parties et il appert que la première intime à la seconde, faisant état de difficultés familiales, d'être présente nonobstant celles-ci à des dates et heures déterminées et de «'se mobiliser'»'; ce qui s'analyse en un ordre, avec la menace que l'embauche ne se concrétise'pas ; ce qui traduit l'intention affichée d'exercer un pouvoir de sanction, indépendamment de son caractère licite ou non, consistant à ne pas fournir le travail convenu et pourtant promis.

Le fait que les parties n'évoquent pas le paiement d'un salaire, dont Mme [N] sollicitait la régularisation en première instance et pour lequel appel incident a été formé par Mme [L], ne fait pas obstacle à la caractérisation du contrat de travail dans la mesure où la formation litigieuse est justement un préalable obligatoire à la tenue du poste, de sorte qu'elle constitue un temps de travail effectif au sens de l'article L 6321-2 du code du travail dans sa version applicable au litige.

Les messages SMS suivants traduisent incontestablement, dans les faits, la réalité du contrat de travail':

- «'Ce que je peux te promettre c que oui c'est bien toi que j'ai choisi pour travailler à mes côtés et représenter tout l'accueil de mon étude'! je ssais que tu seras à la hauteur et je vais te former du mieux que je peux'». (13.07.17)

- «'Coucou'! Ok super ma petite collaboratrice de choc'» (30.10.17)

- «'Par contre laurie il faut vraiment te mobiliser pour te former car si nous n'arrivons pas à faire au moins une semaine de formation tu seras jamais prête et je pourrais pas t'embaucher'alors maintenant on fonce'! Donc mardi prochain 9h à la maison et je ne pourrais plus être souple si tu ne peux pas car j'ai une énorme pression pour l'ouverture en janvier'je compte sur toi'!'»(27.11.17)

- «'c'est la patronne qui t'a parlé et pas l'amie et tu as compris c'est la réponse que la patronne attendais'!! Demain tu me rejoins dès que tu peux, oui si fièvre tu gères la puce et on essaie de se voir vite'». (27.11.17).

Mme [N] établit également qu'il lui a été créé, le 16 octobre 2017, un identifiant pour le logiciel iNot Office, dans le cadre de cette formation.

Il convient, en conséquence, d'infirmer le jugement entrepris qui n'a pas statué, dans le dispositif, de ce chef et de dire qu'il y a une relation de travail entre Mme [L], employeur, et Mme [N], salariée, sur la période du 07 novembre au 21 décembre 2017, en lien direct avec le contrat écrit signé ultérieurement le 19 février 2018.

Mme [N] n'a pas conclu en réponse sur l'appel incident formé par Mme [L] visant à voir infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 405 euros bruts à titre de rappel de salaire pour 30 heures de travail sur la période du 07 novembre 2017 au 21 décembre 2017, outre 40,5 euros au titre des congés payés afférents.

Elle est dès lors réputée s'approprier, dans le cadre de cet appel incident, par application de l'ultime alinéa de l'article 954 du code de procédure civile, les moyens retenus par les premiers juges.

Nonobstant la motivation inopérante, et pour partie contradictoire, développée dans le jugement au titre du rejet de la demande au titre du travail dissimulé pour laquelle Mme [N] a formé expressément appel principal, les premiers juges ont considéré à juste titre, dans le paragraphe précédent que cette période de formation obligatoire qui a été correctement évaluée s'agissant de sa durée à 30 heures au vu des éléments fournis par les parties devait être rémunérée de sorte que le jugement entrepris de ces chefs est confirmé.

Il est également ordonné, par infirmation du jugement entrepris, la communication d'un bulletin de paie pour la période litigieuse du 7 novembre au 21 décembre 2017 dès lors que la délivrance en est obligatoire pour chaque créance salariale retenue, sans qu'il soit, en l'état, nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Il est également ordonné la rectification du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi, en y intégrant notamment cette période d'emploi, conformément aux dispositions du présent arrêt.

Sur le travail dissimulé':

Au visa des articles L. 8221-3, L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, Mme [N] établit de manière suffisante l'élément matériel de l'infraction de travail dissimulé commise par Mme [L] ayant consisté à ne pas déclarer son embauche dès le début de la formation préalable obligatoire d'adaptation au poste puisqu'il est versé aux débats, par l'intimée, une déclaration à l'embauche à compter du 19 février 2018.

L'élément intentionnel se déduit du fait que Mme [L] se présente elle-même comme la patronne de Mme [N], à laquelle elle a fait une promesse ferme d'un emploi salarié et lui impose une formation obligatoire préalable au début effectif de ses missions qu'elle ne déclare pas aux organismes sociaux et pour laquelle elle n'a dressé aucun bulletin de paie, mentionnant en outre une date de début de contrat à durée déterminée, sur le contrat écrit, erronée.

Il s'en déduit que Mme [L] ne pouvait ignorer que les relations entre les parties s'inscrivaient d'ores et déjà, au moment de la formation d'adaptation au poste, dans le cadre d'une relation de travail, cette dernière prenant d'ailleurs le soin de faire la distinction entre celle-ci et les liens d'amitié qui unissaient par ailleurs les parties.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner Mme [L] à une indemnité de 7 986,66 euros nets au titre du travail dissimulé, étant relevé que le salaire pris en compte est celui de 1 352,54 euros convenu entre les parties mais que la cour ne peut statuer ultra petita.

Sur la demande de repositionnement':

D'une première part, sous la réserve de l'hypothèse où l'employeur confère contractuellement une qualification professionnelle supérieure aux fonctions exercées, la classification se détermine par les fonctions réellement exercées à titre principal par le salarié.

En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu'il requiert.

En outre, la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une classification autre que celle qui lui a été attribuée.

D'une seconde part, l'article 15 de la convention collective nationale du notariat du 8 juin 2001 alors applicable énonce que':

«'15.1. Critères

La classification des salariés des offices notariaux est fondée sur le principe des critères classants. Cette classification tient compte de l'évolution de la profession et de la qualification requise pour assumer les fonctions déterminées par le contrat de travail.

L'entretien d'évaluation prévu à l'article 16 ci-après a pour objet notamment de vérifier si la classification du salarié est toujours en adéquation avec ses attributions et d'examiner ses perspectives d'évolution.

La classification comporte trois catégories :

- les employés ;

- les techniciens ;

- les cadres.

Chacune de ces trois catégories comporte plusieurs niveaux. A chacun d'eux est affecté un coefficient plancher en fonction duquel l'employeur et le salarié déterminent, d'un commun accord, le coefficient de base devant servir à la détermination du salaire en multipliant ce coefficient par la valeur attribuée au point de salaire.

Lors de toute embauche d'un salarié, un contrat de travail par acte écrit fixe le contenu de son travail et le coefficient qui lui est attribué.

Le classement des salariés et la détermination du salaire minimum résultant de ce classement s'effectuent en fonction de critères devant être cumulativement réunis.

Les critères de classement sont :

- le contenu de l'activité ;

- l'autonomie ;

- l'étendue et la teneur des pouvoirs conférés (du T2 au C4) ;

- la formation ;

- l'expérience.

L'énumération ci-dessus ne constitue pas une hiérarchie des critères.

Le contenu de l'activité se définit par la nature des tâches à accomplir et par son niveau de difficulté qui va de l'exercice de tâches simples et répétitives à la prise en charge de missions complexes concernant plusieurs domaines.

Par " autonomie ", il faut entendre la liberté de décision dont dispose le salarié pour organiser son travail. Le degré d'autonomie dépend de l'importance et de la fréquence des contrôles exercés par le responsable hiérarchique ou par le notaire.

Les pouvoirs délégués pour accomplir les tâches prévues par le contrat de travail se caractérisent par leur teneur, puis par leur étendue.

Par " formation ", il faut entendre les connaissances acquises par le salarié et sanctionnées, le cas échéant, par un diplôme. Cette formation est considérée comme nécessaire pour exécuter les tâches prévues par le contrat de travail sauf ce qui est ci-après précisé concernant le critère de " l'expérience ".

Par " expérience ", il faut entendre une pratique qui confère à son titulaire les capacités nécessaires pour accomplir son travail, même s'il n'a pas reçu une formation sanctionnée par le diplôme correspondant.

Pour chacun des niveaux prévus à l'intérieur des trois grandes catégories de salariés sont mentionnés des exemples d'emploi.

Pour effectuer le classement des salariés, il convient de s'attacher à l'emploi occupé et non au salaire, la formation et les diplômes n'entrant en ligne de compte que dans la mesure où ils sont mis en oeuvre dans cet emploi.

Lorsqu'un salarié effectue des tâches de nature différente, l'activité prédominante exercée par le salarié de façon permanente est le critère prépondérant de son classement dans une catégorie et à un niveau d'emploi.

Tout salarié est susceptible de passer d'une catégorie à une autre et, à l'intérieur de chaque catégorie, d'un niveau à un autre, en fonction de la qualité de son travail et de l'extension de sa qualification.

Les coefficients sont établis pour fixer à chaque niveau un minimum de rémunération au-delà duquel un coefficient supérieur peut être attribué, par accord entre le salarié et l'employeur, sans qu'il en résulte pour autant une modification de la classification, même si le coefficient convenu vient à excéder le plancher du niveau supérieur.

L'appellation de " principal ", " notaire salarié ", " notaire assistant " ou " notaire stagiaire " ou " clerc stagiaire " ne constitue qu'un titre et non une classification, étant entendu que dans les deux dernières appellations il est fait référence expressément au décret modifié du 5 juillet 1973, relatif à la formation professionnelle dans le notariat.

15.2. Employés

Niveau 1

E 1 - Coefficient : 100

Contenu de l'activité :

Exécution des tâches simples sans mise en oeuvre de connaissances particulières et ne nécessitant qu'une initiation de courte durée.

Autonomie :

Exécution à partir de consignes précises et détaillées.

Formation :

Formation scolaire de base.

Expérience :

Aucune expérience professionnelle n'est exigée.

Exemples d'emploi :

Archiviste, coursier, employé aux machines de reproduction, employé accueil standard, accompagnateur pour visites immobilières.

Niveau 2

E 2 - Coefficient : 108

Contenu de l'activité :

Organisation et exécution de travaux relevant de spécialités bien définies, à enchaîner de manière cohérente.

Autonomie :

Exécution à partir de consignes précises.

Formation :

Connaissances professionnelles, supposant la possession ou le niveau d'un diplôme reconnu : CAP ou équivalent.

Expérience :

Pratique acquise lors de la formation initiale.

Exemples d'emploi :

Dactylo TTX.

Niveau 3

E 3 - Coefficient : 117

Contenu de l'activité :

Exécution de travaux qualifiés nécessitant des connaissances professionnelles confirmées et une bonne connaissance de la technique et des techniques connexes, acquises par la pratique.

Autonomie :

Exécution sur indications.

Formation :

Possession ou niveau d'un diplôme reconnu : brevet, baccalauréat ou équivalent.

Expérience :

Pratique professionnelle confirmée.

Exemples d'emploi :

Aide-comptable, employé accueil standard qualifié, secrétaire TTX.

15.3. Techniciens

Niveau 1

T 1 - Coefficient : 125

Contenu de l'activité :

Rédaction ou exécution d'actes ou opérations simples.

Autonomie :

Exécution sur directives générales et sous contrôle régulier.

Formation :

Connaissances générales de droit ou d'économie ou de comptabilité : capacité en droit, diplôme de 1er cycle de l'école de notariat ou diplôme équivalent.

Expérience :

A défaut de la formation initiale, pratique notariale.

Exemples d'emploi :

Secrétaire assistant de rédaction d'actes, assistant de rédaction.'».

En l'espèce, Mme [N] a été embauchée en qualité de collaboratrice d'accueil, catégorie employée, niveau E2, coefficient 115, avec comme attributions':

«'tenue du standard

Prise de rendez-vous

Rédaction des courriers et des actes simples

Secrétariat courant

Demande de pièces

Et toutes tâches accessoires à sa fonction'».

Elle revendique un repositionnement comme technicien, niveau 1, T 1, coefficient 125.

Mme [N] ne rapporte pas la preuve suffisante qui lui incombe qu'elle pourrait bénéficier de ce repositionnement dans la mesure où, s'agissant du critère relatif au contenu de l'activité, la définition contractuelle correspond aux niveaux E 2 ou E 3, ce dernier non revendiqué, à savoir des activités de secrétariat.

La seule mention qui pourrait éventuellement se rattacher au niveau T 1 est celle relative à la rédaction de courriers et des actes simples mais à la condition néanmoins, au vu des exemples d'emploi proposés par la convention collective qu'il s'agisse d'actes, certes simples mais de nature juridique, pour le compte de clients de l'étude.

Or, Mme [N] ne produit aucun élément mettant en évidence qu'elle se soit effectivement vu confier la rédaction d'actes juridiques simples.

Il s'ensuit, sans même qu'il soit nécessaire d'étudier les autres critères, qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de repositionnement et de ses prétentions afférentes de rappel de salaire.

Sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée':

L'article L1242-1 du code du travail énonce que':

Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L1242-2 du code du travail dans sa version en vigueur du 10 août 2016 au 01 janvier 2018 énonce que':

Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

(')

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

L'article L.1245-1 du code du travail prévoit que':

Est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6, L. 1242-7, L. 1242-8-1, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13-1, L. 1244-3-1 et L. 1244-4-1, et des stipulations des conventions ou accords de branche conclus en application des articles L. 1242-8, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.

La méconnaissance de l'obligation de transmission du contrat de mission au salarié dans le délai fixé par l'article L. 1242-13 ne saurait, à elle seule, entraîner la requalification en contrat à durée indéterminée. Elle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve certaine de la validité du motif de recours à un contrat à durée déterminée.

En l'espèce, Mme [L] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du surcroît temporaire d'activité qu'elle allègue dès lors que le recrutement d'une collaboratrice lors du lancement d'une activité ressort de l'activité normale et permanente de l'entreprise, développant un moyen inopérant sur une absence hypothétique de pérennité de l'activité.

Infirmant le jugement entrepris, il convient de requalifier le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et d'allouer à Mme [N] une indemnité de requalification de 1352,54 euros nets, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

Sur le harcèlement moral':

L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.

Il n'est en outre pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.

A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :

Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité des faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.

En l'espèce, Mme [N] n'établit pas la matérialité des faits suivants':

- le seul fait que Mme [L] ait embauché à tort Mme [N] en contrat à durée déterminée ne saurait relever du harcèlement moral dès lors que ceci se rattache à la formation du contrat de travail et non à son exécution ou sa rupture, qui peuvent, seules, donner lieu à la caractérisation de faits de harcèlement moral

- le courriel du 11 juin 2018 de réponse de Mme [L] au défenseur syndical ne saurait à lui seul, sous réserve de certaines allégations qu'il contient, caractériser des agissements de harcèlement moral sur la salariée dans la mesure où s'il est intervenu peu de temps avant la fin du contrat à durée déterminée requalifié, il s'inscrit pour autant dans le cadre d'une tentative de règlement amiable du litige aux termes de laquelle l'employeur peut légitimement développer les motifs qui, selon lui, s'oppose aux prétentions adverses, s'agissant notamment de la demande de repositionnement, en se prévalant de l'absence de diplôme, de qualification ou d'expérience professionnelle significative.

Si la mention in fine dans le courriel selon laquelle «'enfin, si celle-ci (Mme [N]) persiste dans sa démarche, je n'hésiterai à porter plainte pour diffamation et menaces'» aurait pu s'analyser comme une menace de sanctions pour avoir témoigné de faits de harcèlement moral, cet élément de fait ne saurait être retenu dans la mesure où cette position a été exprimée dans le cadre d'une tentative de négociation entre l'employeur et le défenseur syndical pour mettre fin à un litige pré-existant entre les parties et ne s'inscrit dès lors pas dans la relation de travail mais dans le cadre d'un contentieux qui commençait à s'élever sur celle-ci

- l'avis google, produit en pièce n°4-7, concerne les relations entre Mme [L] et un client, de sorte que Mme [N] n'est pas concernée par le comportement inadapté et les propos déplacés décrits.

Elle établit, en revanche, la matérialité des éléments de fait suivants':

- Mme [N] établit matériellement que dans un échange de SMS du 9 avril 2018 avec son époux, Mme [L] a répliqué à ce dernier, à l'information qu'elle recevait d'un arrêt de travail de Mme [N], que «'une démission serait plus approprié(e)'»'; «'qu'un arrêt de travail abusif peut entraîner une faute grave'» et «'je ne crois pas qu'elle soit malade donc vaut mieux que j'ai sa démission demain 9h et quelle prenne la porte je la dispense de préavis sinon elle d'avoir de sérieux problèmes si elle ose l'arrêt maladie injustifié'»

- dans un courriel du 11 avril 2018 à la salariée, Mme [L] lui a écrit «'je soupçonne que c'est un arrêt de complaisance puisque tu n'as pas le courage de poser une démission. Tu es loin d'être malade et tu cherches simplement à profiter de la mutuelle et du Pôle Emploi'minable'! Je suis très déçu de ton comportement, qui était dès le départ de toute façon pas appropriée mais je voulais te donner une chance. Je pense que tu devrais te remettre en cause car il te sera difficile de trouver du travail avec une telle attitude. Encore faut-il vraiment avoir envie de travailler'.Et lorsqu'on crache sur les gens qui nous ont aidé, généralement on ne récolte que des soucis'alors bon courage pour la suite. Et si tu veux être en arrêt pour toute la durée de ton contrat il n'y a pas de problème'pour moi ça ne change rien, l'office se porte à merveille et tu es déjà remplacée'»

- Mme [K], mère de Mme [N], a témoigné du dénigrement de Mme [L] sur la qualité du travail fourni par sa fille à l'occasion de l'inauguration de l'étude notariale à laquelle elle était invitée, le 27 mars 2018

- Mme [N] verse aux débats un arrêt de travail à compter du 10 avril 2018, à raison d'angoisses, d'insomnie et d'un stress professionnel ainsi qu'un certificat médical du Dr [Y] du 05 juillet 2018, aux termes duquel celui-ci indique que Mme [A] a présenté un état anxio-dépressif à compter du 9.04.2018 à la suite d'un contexte professionnel défavorable selon ses dires

- le Dr [F] [R], dentiste, a dressé, le 27 novembre 2018, un certificat aux termes duquel il a indiqué que Mme [N], qu'il a reçue en urgence le 9 avril 2018, s'est présentée dans un état de stress et de pleurs ce jour-là. Ce document corrobore les déclarations de M. [N] dans son attestation, quoique celui-ci soit l'époux de la demanderesse à l'instance et n'est pas assisté à un incident entre Mme [L] et Mme [N] le même jour au sujet d'une sortie anticipée sollicitée par la seconde à son employeur pour se rendre en urgence chez le dentiste, sur le fait que son épouse l'a appelé ce jour-là au téléphone, suite à l'autorisation qu'elle a eue d'une sortie anticipée et qu'elle était «'perdue et en larmes. Elle m'a fait part de sa saturation'». Alors que Mme [N] objective la réalité de l'urgence dentaire par un certificat du dentiste, la réponse faite sur ce point, par courriel le 11 juin 2018, par Mme [L] au défenseur syndical de Mme [N], permet matériellement de corroborer l'existence de tensions entre l'employeur et la salariée au sujet de la sortie anticipée puisque Mme [L] a écrit': «'Rappelons les faits': Mme [N] s'est mis (e) en arrêt maladie depuis le 10 avril dernier en me prévenant par SMS la veille à 21 heures le soir par son mari. Celle-ci m'a également menti sans aucun complexe la veille en m'invoquant qu'elle allait perdre deux dents, elle m'a mis sous une pression anormale car elle invoquait devoir voir de toute urgence son dentiste ' je l'ai autorisé (e) à quitter son poste à 17h00 au lieu de 18h00 (puisqu'elle avait pris rendez-vous pour 17 h) puis j'ai reçu un SMS à 21'! vous en a-t-elle parlé'' Ce comportement est critiquable, il a mise en péril mon office qui venait d'ouvrir et celle-ci savait très bien que j'avais des rendez-vous extérieurs le lendemain et que son absence m'aurait conduit à fermer l'office ' mon mari a heureusement pu pallier son absence pour ne pas mettre en difficulté mon entreprise à ses débuts. Elle a, par son comportement, tendu considérablement nos relations professionnelles. Je pense qu'il aurait été plus judicieux de solliciter un entretien avec moi au lieu de raconter des histoires.'»

- par courrier recommandé avec accusé de réception de mai 2018 (jour illisible), Mme [L] a exigé de Mme [O] [A] qu'elle se présente en personne à l'office pour signer l'attestation d'indemnités journalières qu'elle ne lui enverra plus à domicile'; ce qui est en contradiction avec la réponse apportée par l'employeur au défenseur syndical dans son courriel du 11 juin 2018, aux termes de laquelle Mme [L] a affirmé que l'attestation a toujours été mise à disposition, soit par voie postale soit à l'office, alors que seule la dernière modalité a été mise en 'uvre dans un second temps, l'employeur ayant pleinement conscience que Mme [N], qui justifie de démarches auprès de l'organisme CRPCEN le 20 juillet 2018, a été ensuite privée de ses droits, au moins temporairement, puisqu'elle précise «'d'ailleurs, la dernière attestation ne m'a jamais été retournée, Mme [N] devait la signer et me la retourner puis le complète et l'envoie à la caisse ' cette dernière attestation ne m'a jamais été ramené (e) signé (e) de la part de Mme [N]'»

- quoique Mme [L] ait mis en demeure Mme [N], par courrier recommandé de mai 2018, de payer sa part contributive à la mutuelle et que la salariée n'allègue pas l'avoir fait, il appert que l'employeur a résilié, d'après l'organisme gestionnaire APGIS, la mutuelle dans sa totalité le 30 avril 2018, soit avant la fin du contrat de travail à durée déterminée, par ailleurs requalifié, alors même que l'article 38 de la convention collective du notariat, dans sa version applicable, prévoyait une prise en charge par l'employeur en totalité du risque chirurgical et qu'au demeurant, cette disposition impose à l'employeur de maintenir dans leurs intégralités les mesures de prévoyance, y compris celles nécessitant une participation de la salariée. Il résulte de la réponse faite par l'organisme gestionnaire que Mme [N] a perdu la possibilité d'une période plus étendue de portabilité.

L'ensemble de ces faits, pris dans leur globalité, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral dans la mesure où ils portent atteinte aux droits de la salariée s'agissant de la mutuelle et des indemnités journalières, compromettent son avenir professionnel puisque l'employeur demande expressément à la salariée de démissionner et sont une atteinte à sa dignité au vu des propos inadaptés tenus sur le caractère supposé de complaisance de l'arrêt maladie ou les mensonges prétendus de la salariée sur une urgence médicale au niveau dentaire.

Mme [L] n'apporte pas de justifications étrangères à tout harcèlement moral puisqu'elle se limite pour l'essentiel à critiquer la valeur probante des éléments de fait avancés par la salariée, notamment s'agissant des attestations produites, qui pour émaner de proches de la demanderesse sont corroborées par des éléments extrinsèques dont certains proviennent directement de l'employeur lui-même, à travers ses écrits sur divers supports (courriels, SMS, courrier).

Il n'y a par ailleurs pas qu'un seul fait isolé le 9/10 avril 2018 dans la mesure où Mme [N] a également subi une atteinte injustifiée à ses droits à indemnités journalières et au titre de la mutuelle.

Les attestations de Mme [B], stagiaire au sein de l'étude pendant une période très courte et d'un client, ayant fait des passages ponctuels, ainsi que celle de l'époux de l'employeur, sur la bonne ambiance de travail, les rapports cordiaux ou la motivation de la salariée ne sauraient par leur généralité constituer des justifications légitimes permettant d'expliquer les écrits sus-mentionnés de Mme [L] remettant en cause sans raison valable le caractère fondé de l'arrêt maladie de la salariée, prétendant sans que cela ne soit aucunement étayé que cette dernière lui aurait menti sur la raison pour laquelle elle a sollicité une sortie anticipée et ce, d'autant que Mme [N] prouve la réalité du rendez-vous en urgence au dentiste ou encore visant explicitement à la pousser à démissionner.

Ces attestations n'expliquent pas davantage la raison pour laquelle, l'employeur a porté atteinte aux droits de la salariée à la perception d'indemnités journalières en lui imposant abusivement de venir signer au cabinet les attestations de salaire et en résiliant, au mépris des stipulations de la convention collective, l'affiliation de Mme [N] à la mutuelle d'entreprise, lesdits agissements, lorsqu'ils sont rapprochés avec les allégations sans fondement de l'employeur sur le caractère de complaisance de l'arrêt maladie de la salariée ou ses prétendus mensonges, s'apparentant, sans aucun doute, à des mesures de rétorsion de la part de Mme [L].

En conséquence, infirmant, le jugement entrepris, il convient de dire que Mme [N] a été victime de harcèlement moral et de condamner Mme [L] à lui verser la somme de 3000 euros nets à titre de dommages et intérêts, en tenant compte de la période particulièrement brève au cours de laquelle la salariée a eu à subir ces agissements, le surplus de la demande étant rejeté.

Sur le préjudice financier à raison des manquements de l'employeur au titre de la mutuelle et des indemnités journalières':

Mme [N], dont la mise en 'uvre des droits à indemnités journalières a été pour partie retardée par la faute de l'employeur, est fondée à solliciter la somme de 500 euros nets à titre de préjudice financier de ce chef par infirmation du jugement entrepris.

Sur la rupture de la relation de travail':

Le contrat de travail de Mme [N] a pris fin le 19 juin 2018, sans que n'ait été observée la moindre procédure de licenciement.

Dans ces conditions, premièrement, Mme [N] a droit à une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 1 352,54 euros bruts, outre 135,25 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Le surplus de la demande de ce chef est rejeté.

Deuxièmement, en application de l'article 12.2 de la convention collective du notariat, faute pour l'employeur de justifier de la notification du licenciement à la commission nationale paritaire de l'emploi du notariat, Mme [N] est fondée à obtenir la somme de 676,27 euros nets, le surplus de la demande étant rejeté.

Troisièmement, l'article 12.1 de la convention collective du notariat dans sa version applicable au litige énonce que':

«'La période d'essai terminée, tout licenciement, quels que soient l'effectif de l'office et le temps de présence du salarié, doit avoir un motif réel et sérieux.

Dans le cas où, à la suite d'un licenciement, le salarié porterait le litige devant la juridiction compétente, si celle-ci reconnaît que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, sous réserve de l'application des articles L. 1235-3 et L. 1235-11 du code du travail, le salarié aura droit à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi et s'imputant sur celle éventuellement allouée par le juge, qui ne pourra être inférieure à :

' 2 mois de salaire, s'il a moins de 1 an de présence dans l'office ;

' 4 mois de salaire, s'il a plus de 1 an et moins de 2 ans de présence dans l'office ;

' 6 mois de salaire, s'il a plus de 2 ans de présence dans l'office.'».

Ces dispositions conventionnelles abrogées par l'accord du 16 décembre 2021 visant expressément l'article L 1235-3 du code du travail empêchent d'allouer à Mme [N] une indemnité équivalente à deux mois de salaire dès lors que les dispositions légales applicables au jour du licenciement sans cause réelle et sérieuse prévoient une indemnité maximale d'un mois.

Il est, dès lors, alloué à Mme [N] la somme de 1 352,54 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le surplus de la demande étant rejetée.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de condamner Mme [L] à payer à Mme [N] la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le surplus des prétentions des parties de ce chef est rejeté.

Infirmant le jugement entrepris, il convient, par application de l'article 696 du code de procédure civile, de condamner Mme [L], partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- condamné Me [E] [L] à payer à Mme [O] [N] la somme de 405 € à titre de rappel de salaire outre 40, 50 € au titre des congés payés afférents pour la réalisation de 30 heures de formation en novembre et décembre 2017, sauf à préciser qu'il s'agit de sommes brutes

- débouté Mme [O] [N] de ses prétentions au titre du repositionnement et des rappels de salaire et congés payés afférents

- débouté Me [E] [L] de sa demande reconventionnelle

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau,

DIT qu'il y a un contrat de travail entre Mme [L], employeur, et Mme [N], salariée, sur la période du 07 novembre au 21 décembre 2017 en lien direct avec le contrat écrit signé ultérieurement le 19 février 2018

REQUALIFIE le contrat de travail signé le 19 février 2018 en contrat à durée indéterminée de droit commun

DIT que Mme [N] a été victime de la part de Mme [L] de harcèlement moral

CONDAMNE Mme [L] à payer à Mme [N] les sommes suivantes':

- mille trois cent cinquante-deux euros et cinquante-quatre centimes (1 352,54 euros) nets à titre d'indemnité de requalification

- sept mille neuf cent quatre-vingt-six euros et soixante-six centimes (7 986,66 euros) nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé

- trois mille euros (3000 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- cinq cents euros (500 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice financier résultant du manquement au titre des indemnités journalières et de mutuelle santé

- mille trois cent cinquante-deux euros et cinquante-quatre centimes (1 352,54 euros) bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- cent trente-cinq euros et vingt-cinq centimes (135,25 euros) bruts au titre des congés payés afférents

- six cent soixante-seize euros et vingt-sept centimes (676,27 euros) nets au titre de la pénalité conventionnelle prévue par la convention collective pour défaut de signalement du licenciement à la convention nationale paritaire de l'emploi dans le notariat

- mille trois cent cinquante-deux euros et cinquante-quatre centimes (1 352,54 euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

ORDONNE à Mme [L] de communiquer à Mme [N] un bulletin de salaire mentionnant notamment la période d'emploi du 07 novembre au 21 décembre 2021, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi, lesdits documents en conformité avec les dispositions du présent arrêt

DÉBOUTE Mme [N] du surplus de ses prétentions au principal

CONDAMNE Mme [L] à payer à Mme [N] une indemnité de procédure de 1500 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE Mme [L] aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/00568
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.00568 ?
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