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10/11/2022 | FRANCE | N°21/00490

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 10 novembre 2022, 21/00490


C9



N° RG 21/00490



N° Portalis DBVM-V-B7F-KXCU



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL NICOLAU AVOCATS



la SELARL LEXAVOUE [Localité 7] - [LocalitÃ

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 10 NOVEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 19/00950)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 08 janvier 2021

suivant déclaration d'appel du 26 janvier 2021





APPELANTE :



Madame [F] [D]

née le 02 Janvier 1984 à [Localité 8]

...

C9

N° RG 21/00490

N° Portalis DBVM-V-B7F-KXCU

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL NICOLAU AVOCATS

la SELARL LEXAVOUE [Localité 7] - [Localité 5]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 10 NOVEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 19/00950)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 08 janvier 2021

suivant déclaration d'appel du 26 janvier 2021

APPELANTE :

Madame [F] [D]

née le 02 Janvier 1984 à [Localité 8]

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Alexia NICOLAU de la SELARL NICOLAU AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

Société FRAMATOME [Localité 7], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Déborah ATTALI substituée par Me Audrey TOMASZEWSKI de la SCP EVERSHEDS PARIS LLP, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 septembre 2022,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 10 novembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 10 novembre 2022.

EXPOSE DU LITIGE':

Mme [F] [D] a été embauchée en qualité d'assistante ingénieur sous contrat à durée indéterminée par la société par actions simplifiée Rolls Royce Civil Nuclear le 30 juillet 2012, avec une reprise d'ancienneté au 30 janvier 2012.

La société Rolls Royce Civil Nuclear est devenue la société Framatome [Localité 6].

A compter du 1er février 2017, elle a occupé le poste d'assistante de gestion, niveau IV échelon 3, coefficient 285 de la convention collective des mensuels des industries des métaux de l'Isère et des Hautes-Alpes.

Depuis le 1er juin 2018, Mme [D] a travaillé à 80 % dans le cadre d'un congé parental à temps partiel.

La société Rolls Royce Civil Nuclear a notifié un avertissement à Mme [D] par courrier remis en main propre le 20 juin 2019.

Mme [D] a contesté ce dernier par courrier du 11 juillet 2019.

La société, par courrier de réponse du 26 juillet 2019, a maintenu sa décision.

Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble par requête du 12 novembre 2019 pour contester l'avertissement. Le dossier a été enregistré sous le numéro RG F 19/00950.

Le 22 novembre 2019, la société Rolls Royce Civil Nuclear a convoqué Mme [D] à un entretien préalable fixé le 3 décembre 2019.

Par courrier recommandé du 10 décembre 2019, la société a notifié à Mme [D] son licenciement pour insuffisance professionnelle avec dispense de préavis.

Se prévalant de harcèlement moral et d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et considérant par ailleurs que son licenciement est lié à son action en justice, Mme [D] a, à nouveau, saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble par requête du 11février 2020 pour contester son licenciement. Le dossier a été enregistré sous le numéro RG F 20/00134.

La société Rolls Royce Civil Nuclear s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 08 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- ordonné, pour une bonne administration de la justice, la jonction des instances no RG F 19/00950 et F 20/00134 sous le seul no RG F 19/00950,

- dit n'y avoir lieu à annulation de l'avertissement du 17 juin 2019,

- dit et jugé que le licenciement prononcé à l'encontre de Mme [F] [D] est justifié,

- débouté Mme [F] [D] de l'intégralité de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties,

- laissé les dépens à la charge de Mme [F] [D].

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusé de réception signé le'13 janvier 2021 pour la société Rolls Royce Civil Nuclear et à une date inconnue pour Mme [D].

Par déclaration en date du 26 janvier 2021, Mme [F] [D] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Mme [F] [D] s'en est remise à des conclusions transmises le 26 août 2022 et demande à la cour d'appel de':

Vu la législation sus-citée ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu la jurisprudence citée ;

Vu les pièces produites ;

INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes du 8 janvier 2021 en ce qu'il a débouté Mme [F] [D] de sa demande tendant à voir reconnaitre les faits de harcèlement moral qu'elle a subis dans le cadre de son emploi au sein de la société Rolls Royce Civil Nuclear ;

Et, statuant à nouveau,

CONDAMNER en conséquence la société Rolls Royce Civil Nuclear à verser à Mme [F] [D] la somme de 30 000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, financier et professionnel subi par cette dernière du fait de ce harcèlement ;

INFIRMER, à titre subsidiaire, le jugement du conseil de Prud'hommes de Grenoble du 8 janvier 2021 en ce qu'il a débouté Mme [F] [D] de sa demande subsidiaire tendant à voir reconnaitre le manquement de la société Rolls Royce Civil Nuclear à son obligation de sécurité de résultat, de prévention des risques professionnels et d'exécution de bonne foi de la relation de travail à l'égard de Mme [F] [D] ;

Et, statuant à nouveau,

CONDAMNER en conséquence la société Rolls Royce Civil Nuclear à verser à Mme [F] [D] la somme de 30 000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, financier et professionnel subi par cette dernière du fait de ces manquements ;

INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes du 8 janvier 2021 en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande tendant à voir reconnaitre le caractère injustifié de l'avertissement qui lui a été notifié le 17 juin 2019 ;

INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes du 8 janvier 2021 en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande tendant à voir annuler l'avertissement du 17 juin 2019 ;

Et, statuant à nouveau,

CONDAMNER par conséquent la société Rolls Royce Civil Nuclear à verser à Mme [F] [D] la somme de 5 000 € net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de cette sanction abusive ;

INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes du 8 janvier 2021 en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande tendant à voir requalifier sn licenciement pour insuffisance professionnelle en licenciement nul car intervenu dans un contexte de harcèlement moral, et en lien avec l'action en justice exercée par elle à l'encontre de son employeur, ou à titre subsidiaire, en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Et, statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que les barèmes visés à l'article L.1235-3 du code du travail sont inapplicables en cas de licenciement nul, et sont en tout état de cause inconventionnels, ou à tous le moins inadéquats pour réparer le préjudice moral, financier et professionnel subi par Mme [F] [D] du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'elle a subi ;

ECARTER par conséquent les barèmes visés à l'article L. 1235-3 du code du travail pour l'appréciation du préjudice moral, financier et professionnel subi par Mme [F] [D] du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'elle a subi ;

CONDAMNER en conséquence la société Rolls Royce Civil Nuclear à verser à Mme [F] [D] la somme de 28 560 € net (pour un salaire moyen de 2 414,21 € bruts par mois et une ancienneté de 7 ans et 10 mois) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, financier et professionnel subi du fait de ce licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ;

INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes du 8 janvier 2021 en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et, statuant à nouveau,

CONDAMNER la société Rolls Royce Civil Nuclear à verser à Mme [F] [D] la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens ;

CONDAMNER la société Rolls Royce Civil Nuclear à verser à Mme [F] [D] la somme de 2 500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens, s'agissant de la procédure en cause d'appel ;

DEBOUTER la société Rolls Royce Civil Nuclear de l'intégralité de ses demandes.

La société Rolls Royce Civil Nuclear, devenue la société Framatome [Localité 6], s'en est rapportée à des conclusions transmises le 1er septembre 2022 et demande à la cour d'appel de':

Vu les éléments de fait et de droit versés aux débats,

Vu la jurisprudence,

Il est demandé à la cour d'appel de Grenoble de :

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble en ce qu'il a :

- dit le licenciement de Mme [D] justifié,

- dit n'y avoir lieu à annulation de l'avertissement du 17 juin 2019,

- débouté Mme [D] de toutes ses demandes et plus particulièrement des demandes

suivantes :

- Dire et juger que la société Rolls Royce Civil Nuclear a commis des faits de harcèlement moral à l'égard de Mme [F] [D] ;

- Condamner en conséquence la société Rolls Royce Civile Nuclear à verser à Mme [F] [D] la somme de 30 000€ net à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de ce harcèlement ;

- Dire et juger à titre subsidiaire que la société Rolls Royce Civil Nuclear a manqué à son obligation de sécurité de résultat et d'exécution de bonne foi de la relation de travail à l'égard de Mme [F] [D] ;

- Condamner en conséquence la société Rolls Royce Civil Nuclear à verser à Mme [F] [D] la somme de 30 000 € net à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de ces manquements ;

- Dire et juger que l'avertissement du 17 juin 2019 notifié à Mme [F] [D] est injustifié ;

-Annuler par conséquent l'avertissement du 17 juin 2019 ;

- Condamner par conséquent la société Rolls Royce Civil Nuclear à verser à Mme [F] [D] la somme de 5 000€ net à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de cette sanction abusive ;

- Dire et juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme [F] [D] est nul car intervenu dans un contexte de harcèlement moral, et en lien avec l'action en justice exercée par elle à l'encontre de son employeur, ou à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse;

- Dire et juger que les barèmes visés à l'article L. 1235-3 du code du travail sont inapplicables en cas de licenciement nul, et en tout état de cause, inconventionnels, et par conséquent les écarter pour l'appréciation des préjudices subis par Mme [D] du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse subi ;

- Condamner en conséquence la société Rolls Royce Civil Nuclear à verser à Mme [F] [D] la somme de 28 560€ net à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du licenciement nul, ou à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la société Rolls Royce Civil [D] à verser à Mme [F] [D] la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens ;

Et de DEBOUTER Mme [D] de sa demande complémentaire de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la procédure en cause d'appel.

Y AJOUTER,

CONDAMNER Mme [D] à verser à la Société la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

CONDAMNER Mme [D] aux entiers dépens d'instance.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.

La clôture a été prononcée le 1er septembre 2022.

EXPOSE DES MOTIFS':

Sur le harcèlement moral, sur l'avertissement du 17 juin 2019 et le licenciement du 10 décembre 2019:

L'article L.1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.

La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.

Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.

Il n'est en outre pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.

A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.

L'article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :

Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La seule obligation du salarié est d'établir la matérialité des faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.

En espèce, Mme [D] n'établit pas suffisamment la matérialité des éléments de fait suivants':

- l'apposition d'une affiche à connotation manifestement humoristique (un chien montrant les crocs avec la mention «'en réunion'») sur la porte des managers ne constitue pas matériellement un élément de fait traduisant, le cas échéant, des agissements de harcèlement moral dans la mesure où rien n'indique qu'il ait pu s'agir davantage qu'un trait d'humour, qu'il ait été ou non apprécié et qu'il ait visé personnellement Mme [D] avec un message malveillant dissimulé

- alors que l'employeur a expressément indiqué, dans ses conclusions d'appel, n'avoir pas connaissance du document produit en pièce n°63 par Mme [D], cette dernière n'établit pas que cet extrait d'un site internet (http': //rollsroyce.survey.sdlconnect2.com/pages/contentPrint.aspxXA') qui a manifestement fait l'objet d'une impression le 27 octobre 2016 et qui prône en substance d'inciter les salariés à la démission lorsqu'ils ne parviennent pas à s'adapter aux évolutions organisationnelles, ait pu émaner de la société Rolls Royce Nuclear ou trouver une application concrète au sein de l'entreprise. Ce document est certes vraisemblablement une communication au niveau du groupe et non de la société, seule partie à l'instance, mais il appartenait à la salariée d'apporter des éléments de fait matériellement vérifiables mettant en évidence l'existence possible, à l'échelon de l'entreprise, d'une politique systématique d'incitation à la démission, qui ne saurait ressortir suffisamment de sa pièce n°64 correspondant à des communications internes de la directrice des ressources humaine sur 8 démissions entre juillet et décembre 2019, sans élément additionnel permettant d'en connaitre la ou les raisons. Mme [D] développe un moyen inopérant au regard du partage de la charge probatoire au titre du harcèlement moral tiré du fait que la société Rolls Royce Nuclear, devenue Framatome [Localité 6], ne produit pas d'éléments chiffrés sur le turn-over dans l'entreprise, alors qu'il appartenait au préalable à Mme [D] d'établir matériellement, ce qu'elle ne fait pas suffisamment, qu'il y a un turn-over important voire anormal dans la société, le cas échéant en suscitant un incident de pièces détenues par la partie adverse, avant qu'il ne puisse être exigé de l'employeur d'apporter des justifications à ce titre.

- par sa pièce n°92 annonçant une mobilité interne concernant M. [Z], en juin 2020, Mme [D] ne matérialise pas que ce dernier a fait l'objet «'d'une rétrogradation'» sur un poste de «'qualiticien site'», Mme [D] développant des moyens hypothétiques sur le fait allégué que la communication de la direction sur ce changement de poste aurait été différente de celle pratiquée pour d'autres salariés alors que les éléments de comparaison produits sont pour le moins similaires dans la présentation et les termes employés

En revanche, Mme [D] établit la matérialité des éléments de faits suivants':

- lors de ses entretiens annuels d'évaluation des années 2015 à 2018, qui ont donné lieu à des appréciations positives sur ses compétences et ses qualités professionnelles de la part de ses supérieurs hiérarchiques, elle a pour autant signalé des difficultés d'organisation et de charges de travail, qui se sont accentuées au fil du temps. En 2015, il s'agit d'un souhait d'amélioration des backups entre elle et l'assistante EIS'; son supérieur hiérarchique, M. [J] lui confirmant une réflexion en cours à ce sujet. En 2016, elle signale à l'évaluateur une difficulté à tenir l'objectif de délais pour les RFI à raison de faits indépendants de sa volonté. En 2017, elle fait part du fait qu'elle a dû faire face à une charge supplémentaire concernant la gestion des sites, devant en sus assumer les backups de sa collègue lorsqu'elle est en congés. Elle évoque un «'contexte qui n'a pas toujours été facile'» et qu'elle a mal vécu cette année, se plaignant de n'avoir pas reçu le soutien attendu. En 2018, alors que son responsable M. [Z], note, outre que la performance de la salariée est bonne, que «'[F] ne doit pas hésiter à partager avec son manager des problématiques rencontrées (surcharge de travail') [F] doit faire confiance à son manager'», celle-ci se plaint en filigrane, de nouveau, de problèmes d'organisation et le cas échéant de surcharges ponctuelles dans les termes suivants': «'Pour la gestion des dossiers FIP et des PEI, en cette fin d'année, les changements sont nombreux et bien souvent fait (s) quelques jours avant le début de la prestation mais il me tient à c'ur de faire en sorte que le chef et de chantier et le client aient bien en main(s) tous les documents (') il faut faire avec un planning très changeant (')Il arrive qu'il y ai(t) du retard ou des dosimètres perdus malgré mes relances (') Nous continuons avec [P] en binôme, nous avons toujours eu l'intelligence de nous entraider lorsque l'une ou l'autre est en surcharge. Je pars toujours l'esprit tranquille lorsque je suis en congé je peux compter sur elle à 100 % et c'est très appréciable.'»

- dans un échange de courriels des 1er et 7 décembre 2017, M. [Z], son supérieur, lui a confirmé qu'elle se voyait confier une tâche supplémentaire (heures supplémentaires EIS)

- des échanges de courriels internes entre Mme [D] et les managers illustrent les questionnements de la salariée autour de sa charge de travail et certaines difficultés organisationnelles (courriel du 15 octobre 2018 à M. [G] dont l'objet est «'points sur mes tâches'», courriel du 18 avril 2019 à M. [Z] sur la nécessité de mettre en place une nouvelle organisation liée à son absence le mercredi dans le cadre de son temps partiel, courriel du 17 mai 2019 à Mme [A] lui faisant part de la crainte d'une accumulation de travail au sujet des saisies CATS).

- des courriels produits mettent en évidence des demandes faites en urgence (courriel du 28 septembre 2017 à Mmes [X] et [D] de Mme [A] à 01h08 pour une tâche à effectuer le lendemain, courriel du 1er août 2018 de Mme [V] à Mme [D] lui demandant d'effectuer diverses tâches avant la fin de la semaine.)

- Mme [D] matérialise le fait qu'elle a dû remplacer Mme [X], sa collègue, pendant son arrêt maladie en juin 2019 et ses congés en août de la même année par la production de courriels qu'elle a adressés à cette dernière d'information sur diverses tâches exécutées au cours du mois de juin, et de bordereaux de transmission et d'approbation, envoyés, dit-elle, en lieu et place de sa collègue, absente et des notes manuscrites sur des travaux réalisés en août 2018. Or, elle verse aux débats des courriels du 3 juin 2019 de Mme [A] et du 28 juin 2019 de Mme [U] mettant en évidence que Mme [W] [M] était supposée palier, seule, aux absences de Mme [X]

- pour illustrer une charge de travail excessive, Mme [D] indique qu'elle a dû réaliser 6,36 heures complémentaires en juin 2018, fait admis par l'employeur sur le principe quoique discuté sur la cause

- Mme [D] admet avoir bénéficié d'un accompagnement de la part son employeur dans ses missions et pour prioriser ses tâches à son retour d'arrêt de travail de mars 2019 mais stigmatise la brève période pendant laquelle ce dispositif a fonctionné relevant que les courriels internes produits en pièces n°5, 7 à 11 sont uniquement sur les mois de mars et avril 2019

- dans des échanges de courriels avec un représentant du personnel de juin 2019, Mme [D] se plaint du fait qu'elle est seule à devoir prendre les appels téléphoniques des managers en sus de son travail lorsqu'ils sont en réunion

- alors que des échanges de courriels internes mettent en évidence que Mme [D] a effectué des saisies sur le logiciel Qualex dès l'année 2016 (courriel du 3 janvier 2017 de M. [J] évoquant lesdites saisies l'année précédente) et que Mme [D] démontre qu'elle signait le DSI dans ce logiciel d'après les explications qu'elle donne à M. [R] dans un courriel du 2 août 2018, il apparaît que suite à une évolution du logiciel, Mme [D] a eu des difficultés à se connecter et n'a plus eu accès à compter de début 2019 qu'à la partie technicien l'empêchant d'effectuer certaines saisies (capteurs IPB du RFI T 024275 (NOGO). Par ailleurs, d'autres échanges de courriels internes au cours du mois de janvier 2019 (pièce n°84 de l'appelante) concernent à la fois les difficultés techniques rencontrées par Mme [D] pour effectuer ces saisies et la réflexion de sa hiérarchie pour lui donner des droits d'accès. Enfin, dans un courriel du 8 avril 2019 adressé à son supérieur M. [J], Mme [D] a pris acte de ce qu'elle ne devait plus signer le DSI lors de la saisie Qualex, à défaut d'habilitation. Ces éléments mettent en évidence le fait que Mme [D], assistante de gestion, s'est vu confier des tâches de technicienne susceptibles de ne pas entrer dans son champ de compétences selon ses dires et le cas échéant d'habilitation selon les procédures internes'; la salariée sollicitant à plusieurs reprises ses supérieurs sur des difficultés rencontrées

- la salariée objective qu'elle a rencontré, tout comme sa collègue, Mme [X], des difficultés pour l'exécution de ses missions lorsqu'il s'est agi d'aller récupérer des dossiers de réalisation de travaux qui se trouvaient sur des étagères, dans des zones logistiques à l'accès restreint. Elle produit à ce titre l'affiche avec la liste des personnes habilitées à entrer sur zones logistiques, son nom étant absent, ainsi que des courriels internes de mai et septembre 2019 évoquant cette difficulté et les solutions pour y remédier.

- des échanges internes (pièce n°78 et 79) mettent en évidence que Mme [D] prend une part active voire effectue seule la réalisation d'organigrammes pour les chantiers qui relèvent selon elle d'un poste de responsable de sites.

- Mme [D] objective qu'il lui a été fixé comme objectif lors de l'évaluation de l'année 2016 la réalisation de la saisie Qualis de retours de chantier, avant que cette tâche ne lui soit retirée en 2019, considérant que cette mission excédait sur le plan technique sa classification conventionnelle. Mme [D] établit que M. [J] son supérieur hiérarchique l'a interrogée par courriel interne du 1er février 2019 sur la manière de retrouver certaines informations dans les dossiers Qualis. En outre, il appert que le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble, par jugement du 12 novembre 2021, au seul contradictoire de la CPAM de l'Isère, de sorte que cette décision n'a pas d'autorité de la chose jugée à l'égard de la société Framatome [Localité 6] mais constitue cependant un fait juridique, a reconnu l'existence d'un accident du travail dont Mme [D] a été victime le 1er février 2019 suite à la demande que lui a faite M. [J] de finaliser, dans l'urgence, 97 dossiers Qualis'; ce qui a généré, d'après le certificat médical initial d'accident du travail rempli par le Dr [E] «'une dépression liée au travail, anxiété professionnelle majeure'». Il est, à ce titre, versé aux débats un courrier de Mme [Y], infirmière dans l'entreprise, qui indique avoir reçu, le 1er février 2019 à 8h45, au sein de l'infirmerie, Mme [D] «'en proie à une crise de larmes, suite à un différend au sein de son service. Nous avons échangé ensemble une heure durant afin de comprendre et d'apaiser physiquement et psychologiquement son état de détresse.'» Il est également établi que les membres du CHSCT ont écrit un courrier d'alerte le 1er février 2019 au président du CHSCT à raison d'un danger grave et imminent concernant la situation de deux salariés «'en pleurs et prostrées dans la salle d'attente de l'infirmerie'» avec la précision que «'ces deux salariées occupent un poste identique d'assistante groupe CMS préparation et opération au sein de la BU France'», les élus formulant une demande d'enquête et sollicitant que les mesures nécessaires soient prises.

Une réunion extraordinaire du CHSCT s'est tenue le 4 février 2019 aux termes de laquelle les élus ont confirmé auprès de la direction qu'ils considéraient que Mmes [X] et [D] étaient bien soumises à un danger grave et imminent sur leur lieu de travail à raison d'une charge de travail trop importante, de problèmes organisationnels et relationnels avec les managers (demandes de tâches urgentes sans se soucier de la faisabilité, propos blessants'). L'employeur a mis en en doute la réalité du danger grave. Il a relevé que les compteurs d'heures des salariées n'indiquent aucune heure supplémentaire entre janvier 2018 et le 1er février 2019, que les salariées faisaient leur travail consciencieusement et avec professionnalisme, tout en admettant que «'la situation du service est tendue du fait de nombreux chantiers CMS cette année. Il a été surpris par la demande en mobilité des deux assistantes. Pour lui le problème se situe plus au niveau de la planification'». L'employeur propose, à ce stade, que les salariées puissent rencontrer le psychologue du travail'; proposition sur laquelle les élus émettent un avis défavorable, considérant qu'il est important qu'un changement dans leurs conditions de travail interviennent avant leur retour d'arrêt maladie. Il est versé aux débats le compte-rendu de l'enquête du CSE avec des points précis quant aux difficultés rencontrées par les salariées et des préconisations à mettre en 'uvre par le CHSCT. Il est également fait état du fait que Mme [D] a de nouveau été vue en pleurs le 4 juin 2019 par M. [I], membre du CSE, lors de la remise d'une convocation à une sanction et que Mme [X] pleurait suite à l'entretien «'point reprise'» au service ressources humaines le 5 juillet 2019.

L'inspecteur du travail, informé de la déclaration d'accident du travail de Mme [D] et du déclenchement d'un droit d'alerte pour danger grave et imminent par les élus du CHSCT, a écrit à l'employeur le 21 février 2019 pour l'inciter à «'poursuivre la réflexion sur l'organisation du travail, à peine de voir se réitérer de tels incidents'».

Il est versé aux débats un rapport de M. [O], défenseur syndical, adressé à l'employeur le 3 avril 2019 reprenant les doléances des deux salariées et faisant un certain nombre de préconisations à l'employeur, avec des rappels de règles légales et conventionnelles.

- Mme [D], mettant en avant ses revues de performances des années 2016, 2017 et 2018 faisant état de qualité de son travail, s'est vu notifier un avertissement par courrier du 17 juin 2019, qu'elle a contesté de manière circonstanciée par lettre du 11 juillet 2019 et à l'égard duquel elle développe par ailleurs des moyens critiques et sollicite une indemnisation pour sanction abusive dans le cadre de la présente instance. Or, par courrier du 24 juin 2019, l'inspecteur du travail a rappelé à l'employeur que cette sanction disciplinaire était vigoureusement contestée à raison du contexte par les représentants du personnel, ajoutant «'à juste titre'me semble-t-il'» et rappelant à l'employeur les dispositions de l'article L 1152-2 du code du travail interdisant de sanctionner un salarié ayant dénoncé des faits de harcèlement moral

- alors que les représentants du personnel ont constaté lors d'une enquête faisant suite à l'exercice d'un droit d'alerte pour danger grave et imminent des dysfonctionnements importants dans l'organisation du travail affectant notamment Mme [D] et que ses revues de performances des années précédentes ont toutes mis en avant la qualité de son travail, il appert que la revue de performance pour l'année 2019 effectuée par la nouvelle supérieure hiérarchique de la salariée depuis mai, Mme [A], comporte de très nombreuses critiques sur le travail fourni et se termine par une évaluation de performance jugée «'insuffisante'» avec le commentaire général suivant sur l'année': «'D'une manière générale, je constate': des insuffisances de ta part dans la tenue du poste d'assistantes Site alors que cela fait plusieurs années que tu occupes ce poste, et alors que nous avons conduit de nouvelles actions pour résoudre les difficultés que tu rencontrais (gestion de priorité, problème de communication en interne)'; une dégradation de ton comportement et de ta communication général depuis le début de l'année malgré toutes les actions mises en place depuis le mois de février'; le service CMS a besoin d'une assistante qui arrive à s'interfacer facilement avec les autres, qui est en support et force de proposition. Nous ne sommes pas parvenus à ce jour à résoudre ces difficultés, au contraire, nous avons ventilé de nombreuses missions sur d'autres assistantes venue (s) en support. Cela met en difficultés l'ensemble de l'équipe CMS qui doit compenser les dysfonctionnements générés'». Mme [D] a adressé une réponse circonstanciée par courrier du 25 novembre 2019 pour contester l'évaluation litigieuse

- il lui a été reproché, dans la lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle notifiée le 10 décembre 2019, un défaut de communication directe et adaptée à l'égard de ses managers avec un recours excessif à l'écrit, par le biais notamment de post-it, alors même que l'enquête du CHSCT a mis en évidence les difficultés rencontrées par les assistantes dans la communication avec les managers et qu'il est versé aux débats des post-it que la salariée dit avoir reçus de la part des managers. D'une manière générale, Mme [D] met en évidence la concomitance entre d'une part, les difficultés d'organisation et de communication rencontrées par les assistantes du service CMS ainsi que la dégradation de leurs conditions de travail constatées par les représentants du personnel à la suite d'un droit d'alerte pour danger grave et imminent ayant donné lieu à une enquête dont le compte-rendu comporte des préconisations précises faites à l'employeur et d'un autre côté, la notification d'un avertissement par courrier du 17 juin 2019 puis d'un licenciement pour insuffisance professionnelle à la salariée par lettre du 10 décembre 2019.

- Mme [D] produit des éléments médicaux relatifs à la dégradation de son état de santé puisqu'outre le certificat précité du Dr [E], il est versé aux débats un courrier du Dr [B] en date du 27 novembre 2019 faisant état du fait que Mme [D] souffre d'un psoriasis et de crises à type d'eczéma liés au stress.

Pris dans leur globalité, l'ensemble des éléments de fait matériellement établis, traduisant une dégradation significative des conditions de travail de la salariée et le fait qu'en parallèle, son avenir professionnel dans l'entreprise s'est progressivement retrouvé compromis par un avertissement puis un licenciement, le cas échéant pouvant s'analyser en des mesures de rétorsion à la dénonciation de faits de harcèlement moral, laisse supposer l'existence dudit harcèlement.

L'employeur justifie certes que les travaux confiés à Mme [D] sur les logiciels Qualis et Qualex ainsi que la préparation des organigrammes relèvent de sa classification conventionnelle puisqu'elle est niveau IV, échelon 3 coefficient 285 de la filière «'administratifs et techniciens'» et que la définition conventionnelle de convention collective de la métallurgie de l'Isère et des Hautes-Alpes est la suivante':

«'NIVEAU IV

D'après des instructions de caractère général portant sur des méthodes connues ou indiquées, en laissant une certaine initiative sur le choix des moyens à mettre en oeuvre et sur la succession des étapes, il exécute des travaux administratifs ou techniques d'exploitation complexe ou d'étude d'une partie d'ensemble, en application des règles d'une technique connue.

Les instructions précisent la situation des travaux dans un programme d'ensemble.

Il peut avoir la responsabilité technique du travail réalisé par du personnel de qualification moindre.

Il est placé sous le contrôle d'un agent le plus généralement d'un niveau de qualification supérieur.

Niveau de connaissances Niveau IV de l'éducation nationale (circulaire du 11 juillet 1967).

Ce niveau de connaissances peut être acquis soit par voie scolaire ou par une formation équivalente, soit par l'expérience professionnelle.

3e échelon (coefficient 285) :

Le travail est caractérisé par :

- l'élargissement du domaine d'action à des spécialités administratives ou techniques connexes;

- la modification importante de méthodes, procédés et moyens ;

- la nécessité de l'automobile indispensable pour l'exécution, sous la réserve de provoquer opportunément les actions d'assistance et de contrôle nécessaires.'».

Nonobstant l'intitulé de poste d'assistante de gestion, la définition conventionnelle implique que l'employeur pouvait confier certains travaux techniques d'exploitation complexes à la salariée avec une certaine initiative, étant relevé que Mme [D] était bien placée sous la responsabilité d'un agent de niveau de qualification supérieur.

Toutefois, la société Framatome [Localité 6] n'apporte pour autant pas les justifications suffisantes étrangères à tout harcèlement moral en ce que':

- le moyen selon lequel Mme [D] n'a invoqué de harcèlement moral que dans le cadre de sa seconde saisine est sans portée dès lors qu'il n'est pas développé un moyen tenant à la prescription de la demande

- l'absence de réalisation d'heures complémentaires si ce n'est de manière isolée en juin 2018 n'est pas en l'espèce de nature à écarter l'existence d'une surcharge de travail dans la mesure où cette situation peut comme en l'espèce résulter d'un défaut d'anticipation suffisante sur certaines tâches confiées à la dernière minute à la salariée par les managers, générant une situation objective de stress puisque nécessitant une intensification anormale et préjudiciable à la santé du rythme de travail. En particulier l'employeur n'apporte aucune justification au fait que Mme [D] s'est vue demander dans l'urgence en février 2019 d'effectuer plus de 90 saisies sur un logiciel par M. [J], se retranchant de manière insuffisante derrière la décision initiale de la CPAM de refuser la reconnaissance de l'accident du travail alors qu'il appartient à l'employeur d'expliquer concrètement pourquoi cette tâche n'a été confiée que tardivement à la salariée et combien de temps de travail, elle nécessitait'; ce que la société Framatome [Localité 6] s'abstient de faire.

- si l'employeur a procédé à une redéfinition des fiches de postes en y associant les salariés et les représentants du personnel et à un recrutement d'intérimaires pour alléger la charge de travail des assistantes, l'accompagnement qu'il dit avoir mis en oeuvre pour remédier aux dysfonctionnements d'organisation significatifs ayant conduit à la déclaration d'accident du travail de la salariée n'apparaît pas suffisant dès lors qu'il n'est justifié de mesures à ce titre concentrées pour l'essentiel sur les mois de mars/avril 2019 alors que les difficultés organisationnelles persistent manifestement dans le service au-delà de cette date d'après le rapport d'enquête de CSE et le courrier de l'inspection du travail du 24 juin 2019 et que Mme [D] a pallié aux absences au moins en partie de Mme [X] en juin et août 2019. En particulier, l'employeur ne verse pas aux débats un plan d'actions précis avec un calendrier de déploiement des mesures et la vérification que celles-ci ont effectivement permis de remédier aux problèmes objectifs rencontrés non pas par Mme [D], seule, mais par deux assistantes dans le service, toutes deux en situation objective de souffrance au travail

- l'avertissement du 17 juin 2019 ainsi que le licenciement pour insuffisance professionnelle alléguée de la salariée notifiée le 10 décembre 2019 ne sauraient être jugés bien fondés comme le soutient l'employeur dès lors qu'ils interviennent l'un et l'autre dans un contexte où les conditions de travail de Mme [D] sont alors nettement dégradées, avec un impact négatif sur sa santé de manière concomitante, des dysfonctionnements multiples ayant été constatés par les élus lors de leur enquête ayant affecté les deux assistantes du service et auxquels l'employeur ne démontre pas avoir remédié de manière satisfactoire en prenant l'ensemble des mesures utiles et nécessaires lorsqu'il a pris ces deux décisions, critiquées à la fois par les représentants du personnel et l'inspection du travail au vu du contexte sus-décrit. La cour d'appel observe ainsi que l'avertissement du 17 juin 2019 est intervenu un mois environ après que la nouvelle répartition des tâches entre assistantes est devenue effective le 6 mai 2019 et alors que d'autres actions étaient annoncées, notamment une réunion d'échanges le 13 juin 2019. Il s'ensuit qu'il existe une carence probatoire quant à l'imputabilité des faits reprochés à la salariée, qui ne peut que conduire à considérer que l'avertissement notifié est effectivement une sanction disciplinaire abusive et injustifiée et que le licenciement pour insuffisance professionnelle est nul dans la mesure où il est intervenu et même procède des agissements de harcèlement moral subi par la salariée, la cour trouvant dans la cause, en particulier'l'absence de temps suffisant laissé à la salariée pour s'adapter aux nouvelles directives et organisation du service ainsi que l'inflexion significative et péjorative dans l'appréciation par l'employeur des compétences professionnelles de la salariée après la dénonciation de la dégradation de ses conditions de travail auprès des représentants du personnel, les éléments permettant de conclure que ces mesures ont en réalité constitué des mesures de rétorsion de la part de la société.

Infirmant le jugement entrepris, il convient en conséquence de dire que Mme [D] a subi des faits de harcèlement moral, d'annuler l'avertissement du 17 juin 2019 et de déclarer nul le licenciement notifié le 10 décembre 2019.

Sur les prétentions financières':

Premièrement, tenant compte de la durée pendant laquelle Mme [D] a eu à subir les faits de harcèlement moral avec une dégradation progressive de ses conditions de travail ayant atteint son paroxysme en 2019 et des conséquences péjoratives sur sa santé, il lui est alloué la somme de 10000 euros nets à titre de dommages et intérêts, le surplus de la demande étant rejeté.

Deuxièmement, la cour d'appel reconnaît un préjudice moral à raison de l'avertissement injustifié à hauteur de 1500 euros nets, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

Troisièmement, au visa des articles L 1235-3-2 et L 1235-3-1 du code du travail, aucune imputabilité des insuffisances professionnelles alléguées par l'employeur dans le cadre du licenciement n'étant retenue à raison des manquements préalables de l'employeur tenant aux dysfonctionnements organisationnels et de communication dans le service auxquels il n'a pas été remédié de manière efficace et utile de sorte que l'indemnisation au titre du licenciement nul ne saurait être réduite à raison de griefs faits à la salariée, il apparaît que Mme [D] avait 7 ans et 10 mois d'ancienneté, un salaire de l'ordre de 2400 euros bruts, a connu une période de chômage de plusieurs mois, nonobstant des recherches actives d'emploi, et justifie d'une embauche en contrat à durée déterminée de remplacement de 6 mois du 6 avril au 6 octobre 2021 pour un salaire de 1126,71 euros bruts en qualité d'assistante administrative.

Il convient, en conséquence, de condamner la société Framatome [Localité 6] à payer à Mme [D] la somme de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, le surplus de la demande de ce chef étant rejeté.

Sur les demandes accessoires':

L'équité commande de condamner la société Framatome [Localité 6] à payer à Mme [D] une indemnité de procédure de 2500 euros.

Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.

Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Framatome [Localité 6], partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS';

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

ANNULE l'avertissement du 17 juin 2019

DIT que Mme [F] [D] a été victime de harcèlement moral

DÉCLARE nul le licenciement notifié le 10 décembre 2019 par la société Rolls Royce Civil Nuclear, aux droits de laquelle vient la société Framatome [Localité 6], à Mme [F] [D]

CONDAMNE la société Framatome France à payer à Mme [F] [D] les sommes suivantes':

- dix mille euros (10 000 euros) nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- mille cinq cents euros (1 500 euros) nets à titre d'avertissement injustifié

- vingt-quatre mille euros (24 000 euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

DÉBOUTE Mme [F] [D] du surplus de ses prétentions au principal

CONDAMNE la société Framatome [Localité 6] à payer à Mme [F] [D] une indemnité de procédure de 2500 euros

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société Framatome [Localité 6] aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/00490
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.00490 ?
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