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10/11/2022 | FRANCE | N°21/00471

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 10 novembre 2022, 21/00471


C2



N° RG 21/00471



N° Portalis DBVM-V-B7F-KXAN



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL CDMF AVOCATS



Me Jean EISLER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇA

IS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 10 NOVEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 19/00678)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 14 janvier 2021

suivant déclaration d'appel du 21 janvier 2021





APPELANT :



Monsieur [K] [Z]

né le 01 Septembre 1961 à [Localité 9] ESPAGNE

de nationalité Française...

C2

N° RG 21/00471

N° Portalis DBVM-V-B7F-KXAN

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL CDMF AVOCATS

Me Jean EISLER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 10 NOVEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 19/00678)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 14 janvier 2021

suivant déclaration d'appel du 21 janvier 2021

APPELANT :

Monsieur [K] [Z]

né le 01 Septembre 1961 à [Localité 9] ESPAGNE

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Jean-luc MEDINA de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Romain JAY de la SELARL CDMF AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

Société MDF prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Jean EISLER, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 septembre 2022,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS greffier conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 10 novembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 10 novembre 2022.

EXPOSE DU LITIGE':

M. [K] [Z] a été embauché par la société La Maîtrise de Vos Façades ' MDF suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 septembre 2001 en qualité de directeur technique position C coefficient 162 selon la convention collective des cadres du bâtiment.

La société MDF a adressé à M. [K] [Z], par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 avril 2019, une convocation à un entretien préalable à licenciement fixé au 24 avril 2019, avec mise à pied à titre conservatoire.

L'employeur a notifié à M. [K] [Z] son licenciement pour faute grave par lettre du'14'mai'2019 en lui reprochant des fautes dans la gestion de chantiers et l'utilisation de la carte bancaire de l'entreprise pour des dépenses personnelles.

Par requête en date du 01 août 2019, M. [K] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble d'une contestation de son licenciement et de prétentions relatives au paiement de primes de bilan.

La société MDF s'est opposée aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 14 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':

- Dit que les faits relatifs aux dépenses personnelles, reprochés à M. [K] [Z] sont prescrits,

- Condamné la SAS La Maîtrise de Vos Façades (MDF) à payer à M. [K] [Z] les sommes suivantes :

- 18 125,04 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

- 1 812,50 € brut au titre des congés payés afférents,

- 50 508,45 € net au titre de l'indemnité de licenciement,

- 1 500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rappelé que les sommes à caractère salarial bénéficient de l'exécution provisoire de droit, nonobstant appel et sans caution, en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, étant précisé que ces sommes sont assorties des intérêts de droit à compter du jour de la demande et que la moyenne mensuelle des trois derniers mois de salaire à retenir est de 5 722 €,

- Limité à cette disposition l'exécution provisoire de la présente décision,

- Débouté M. [K] [Z] de ses autres demandes,

- Débouté la SAS la Maîtrise des Façades (MDF) de sa demande reconventionnelle,

- Condamné la SAS La Maîtrise de Vos Façades (MDF) aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusé de réception signé le 15 janvier 2021.

Par déclaration en date du 21 janvier 2021, M. [K] [Z] a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 juin 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, M.'[K]'[Z] demande à la cour d'appel de':

Réformer le jugement en date du 14 janvier 2021 de la section encadrement du conseil de prud'hommes de Grenoble (RG : F19/00678) en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [Z] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a débouté, M.'[Z] de sa demande relative aux primes de bilan et en ce qu'il a condamné la SAS La Maîtrise de Vos Façades MDF au paiement des sommes suivantes :

- 18'125,04 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 812,50 € bruts au titre des congés payés afférents à l'indemnité de préavis,

- 50 508, 45 € nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Aux entiers dépens,

Confirmer le jugement en date du 14 janvier 2021 de la section encadrement du conseil de prud'hommes de Grenoble (RG : F19/00678) en ce qu'il a dit que les faits relatifs aux dépenses personnelle étaient prescrits et en ce qu'il a condamné la SAS La Maîtrise de Vos Façades MDF au paiement de la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- Dire et juger que le licenciement de M. [K] [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse';

- Dire et juger que la SAS La Maîtrise de Vos Façades MDF n'a pas dénoncé l'usage concernant le paiement de la prime de bilan et que l'arrêt de son paiement n'est pas justifié';

En conséquence':

- Condamner la SAS La Maîtrise de Vos Façades MDF au paiement des sommes suivantes':

- 23 980 € bruts au titre des primes de bilan (du mois de juillet 2018 au mois de mai 2019),

- 5 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour paiement tardif de la prime de bilan,

- 24 665, 04 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 466, 50 €bruts au titre des congés payés afférents à l'indemnité de préavis,

- 68 733, 21 € nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 170 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- Condamner la SAS La Maîtrise de Vos Façades MDF au paiement de la somme de 3'000'€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de la procédure d'appel ;

- Condamner la SAS La Maîtrise de Vos Façades MDF au paiement aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 juillet 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la société'La Maîtrise de Vos Façades - MDF SAS demande à la cour d'appel de':

Déclarer M. [Z] mal fondé en son appel et le débouter';

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a':

- Débouté M. [Z] de sa demande de rappel de prime de bilan et de demande de dommages et intérêts pour paiement tardif de la prime de bilan

- Débouté M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 170000 euros soit 28 mois de salaire pour 17 ans d'ancienneté

Réformant pour le surplus, Dire et juger que le licenciement de M. [Z] pour faute grave était justifié par les manquements à la probité, fautes et manquements dans l'exécution du contrat de travail ayant des conséquences financières et économiques importantes et portant atteinte à l'image et à la notoriété de l'entreprise

- Dire et juger que la diversité, la permanence et l'accumulation répétée de l'ensemble de ces fautes constituent bien la gravité justifiant le'licenciement avec effet immédiat

- Débouter en conséquence M. [Z] de ses demandes au titre du préavis des congés payés afférents et des indemnités conventionnelles de licenciement, même en ayant ramené les calculs conformément aux dispositions légales et à l'article 7.5 de la convention collective nationale des cadres du bâtiment sur la base du dernier salaire mensuel brut soit 6041,68€

- Condamner M. [Z] à restituer les sommes versées au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement du 14 janvier 2021 soit net 51 276,05 €

- Réformer sur l'article 700 alloué par le conseil de prud'hommes et débouter à ce titre M [Z]

- Débouter encore M. [Z] de sa demande d'article 700 devant la cour

Reconventionnellement Condamner M. [Z] à payer à la société MDF une indemnité de'3000€ en application de l'article 700 CPC

- Condamner M. [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article'455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er septembre 2022 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 7 septembre 2022. A cette date, la décision a été mise en délibéré au'10'novembre'2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT':

1 - Sur la demande au titre de la prime de bilan':

L'usage correspond à une pratique habituelle suivie dans l'entreprise et prend la forme d'un avantage supplémentaire accordé aux salariés ou à une catégorie d'entre eux par rapport à la loi, aux accords collectifs ou au contrat.

Pour qu'une pratique acquière la valeur contraignante d'un usage dont les salariés pourront se prévaloir, certaines conditions doivent être remplies à savoir celles tenant à la constance, à la généralité et à la fixité de cette pratique.

La constance, la généralité et la fixité de la pratique doivent permettre d'établir la volonté non-équivoque de l'employeur de s'engager envers ses salariés et de leur octroyer un avantage. En outre, ces trois conditions sont cumulatives.

S'agissant de la dernière de ces trois conditions, il est de principe que l'avantage en cause doit présenter une certaine fixité tant dans les conditions auxquelles les salariés peuvent y prétendre que dans ses modalités de calcul, ce qui suppose que ces conditions et modalités de calcul obéissent à des règles prédéfinies, constantes et reposant sur des critères objectifs et que l'avantage ainsi que sa valeur ne dépendent pas du pouvoir discrétionnaire de l'employeur ou de conditions subjectives ou aléatoires.

Enfin, la charge de la preuve repose sur le salarié tant de l'existence que de l'étendue de l'usage dont il se prévaut.

En l'espèce, il ressort des écritures de la société MDF que «'un accord de participation a été mis en place en juin 2012 pour l'ensemble des salariés toutes catégories confondues Ouvriers Etam et Cadres de chantiers'» (page 6 des conclusions de l'intimé) concernant le versement d'une prime de bilan, bien que cet accord ne soit pas versé aux débats.

Et, il résulte des conclusions des parties que le principe de l'usage quant au versement mensuel de la prime de bilan est acquis.

D'une première part, le salarié rapporte suffisamment la preuve que le calcul de la prime de bilan ne repose sur aucun élément objectif, sans être lié au chiffre d'affaires, comme le soutient l'employeur.

En effet, sans pour autant inverser la charge de la preuve, la cour relève que l'employeur ne peut, sans se contredire, d'un côté, soutenir que la prime de bilan est «'définie chaque année en fonction des résultats de l'entreprise'» (page 5), sans pour autant expliquer le calcul de ladite prime, et, d'un autre côté, alléguer qu'il s'agit d'une décision discrétionnaire, «'prise par'[L]'[Z] Président de la société détenteur de 67'% des parts de la maison mère'» (page 14), de supprimer la prime de bilan en raison du résultat défavorable de la situation comptable de la société au 31 mars 2018, suppression décidée «'jusqu'à retour à de meilleurs résultats'» et «'pour l'exercice à venir'» (page 14).

D'une deuxième part, il convient d'écarter le moyen soulevé par le salarié quant à la dénonciation de l'usage, étant donné que l'employeur ne s'en prévaut pas et indique au contraire, dans ses conclusions, au sujet de la suppression de la prime de bilan': «'ce n'est pas en droit la dénonciation irrévocable et définitive d'un usage mais la décision de gestion pour l'exercice à venir d'une prime ramenée à zéro, en raison d'un résultat que l'on peut qualifier de mauvais voire de catastrophique.'» (page 14).

D'une troisième part, il ressort des conclusions des parties que, pour l'année 2017-2018, la prime de bilan était d'un montant de 2'180'euros bruts mensuel, sans que le calcul de la prime ne soit justifié par l'employeur, de sorte qu'il convient de considérer que le montant moyen de la prime de bilan s'élève à 2'180'euros bruts par mois.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, il convient de condamner la société'La Maitrise de vos Façades à payer à M. [K] [Z] la somme de 23'980'euros bruts au titre de la prime de bilan non versée pour la période de juillet 2018 à mai 2019.

En revanche, il convient de débouter M. [K] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour paiement tardif des primes de bilan, faute de preuve d'un préjudice spécifique indépendant du retard de paiement au sens des dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

2 - Sur la demande au titre de la rupture du contrat de travail':

Conformément aux articles L.'1232-1, L.'1232-6, L.'1234-1 et L.'1235-2 du code du travail, l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave doit établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre de licenciement. Il doit également démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis.

Les motifs invoqués par l'employeur doivent être précis, objectifs et vérifiables. Il ressort de l'article L.'1235-1 du code du travail qu'il appartient au juge d'apprécier non seulement le caractère réel du motif du licenciement disciplinaire mais également son caractère sérieux.

La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.

L'employeur, bien qu'informé de l'ensemble des faits reprochés à un salarié, qui choisit de lui notifier une sanction disciplinaire pour certains d'entre eux, a épuisé son pouvoir disciplinaire et ne peut prononcer ultérieurement un licenciement pour les autres faits que postérieurement à leur date.

Par ailleurs, l'article L.'1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de sanctions disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a eu connaissance des faits fautifs moins de deux mois avant le déclenchement de la procédure de licenciement.

Les dispositions de l'article L. 1332-4 ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

En l'espèce, la lettre de licenciement en date du 14 mai 2019, qui fixe les limites du litige en application de l'article L.'1232-6 du code du travail, est ainsi rédigée':

«'Les motifs qui nous conduisent aujourd'hui à vous notifier votre licenciement sont les suivants':

Vous avez été embauché par la société MDF (La maîtrise de vos façades), par contrat de travail à durée indéterminée ayant pris effet le 3 septembre 2001, en qualité de Directeur technique, statut cadre, classification C2 coefficient 162 de la convention collective nationale des cadres du Bâtiment.

Cependant, nous avons récemment eu connaissance de faits d'une particulière gravité en ce qui concerne non seulement la gestion des chantiers dont vous avez la responsabilité, mais également les frais et dépenses personnelles que vous avez réglés avec la carte bancaire mise à disposition par la société pour l'exercice de vos fonctions.

S'agissant de la gestion des chantiers dont vous avez la responsabilité, nous avons eu à déplorer des manquements de votre part dans les obligations qui vous incombent et qui entrainent des conséquences préjudiciables pour l'Entreprise.

Ainsi, pour le chantier « [O] » situé à [Localité 6] relatif à 28 logements SAVOISIENNE HABITAT, nous avons découvert à la réception du certificat de paiement, en date du 27 mars 2019 reçu le 3 avril 2019, que des pénalités de retard ont été appliquées à la société MDF pour des travaux non terminés et ce alors pourtant qu'une mise en demeure de terminer l'ensemble de la vêture brique des bâtiments A et B, pour le 19 mars 2019 impérativement, avait été adressée et à laquelle vous n'avez pas apporté réponse.

Ainsi encore, pour le chantier « Résidence DECKART » situé à [Localité 8] relatif à des logements SAVOISIENNE HABITAT, nous avons reçu le 22 mars 2019 un courriel de la SAVOISIENNE HABITAT par lequel il était indiqué que des réserves (concernant une reprise garde-corps appartement 03 Monsieur [H] et reprise des nez de dalles balcons dans les communs) n'étaient toujours pas levées en dépit de relances. La société a été particulièrement étonnée de ce que ces réserves n'avaient toujours pas été levées alors pourtant que le déblocage du paiement de notre décompte général définitif a été payé en décembre 2018.

Ainsi enfin, pour le chantier « LES MYOSOTIS » situé à [Localité 10] relatif à des logements OPAC DE LA SAVOIE, nous avons reçu le 30 mars 2019, un décompte général faisant apparaitre des pénalités de retard pour des réserves non levées ainsi que des pénalités pour absences aux réunions de chantier.

Un tel comportement démontre une négligence gravement fautive de votre part dans la gestion des chantiers. En effet, il n'est pas acceptable, compte tenu de votre poste et de votre expérience, que :

- Aucune réponse ne soit apportée à une mise en demeure de terminer des travaux

- Des réserves ne soient pas levées en dépit de relances

- Vous ne soyez pas présent aux réunions de chantiers.

En outre, de par vos fonctions, vous savez pertinemment que vos agissements sont véritablement préjudiciables à l'entreprise compte tenu des conséquences financières que la société doit supporter du fait de vos manquements.

Bien plus, nous avons eu à déplorer à la fin du mois de mars 2019, pour le chantier KARL MARX situé à [Localité 12] pour des logements de l'OPAC 38, que vous aviez mis en place un sous-traitant sur ce chantier dès le début du mois de mars 2019 et que les travaux étaient d'ailleurs presque terminés à la fin du mois de mars 2019 alors que nous n'avions toujours pas reçu l'agrément de l'OPAC 38 suite à l'envoi du dossier par nos soins le'28 février 2019.

Un tel comportement est totalement irresponsable car, compte tenu de votre statut et votre poste, vous n'êtes pas sans savoir les conséquences financières et de sécurité que devra supporter l'entreprise en l'absence d'agrément par le maître d'ouvrage.

Enfin, nous avons découvert que vous n'avez pas hésité à effectuer, au moyen de la carte bancaire à débit différé, mise à votre disposition par la société exclusivement pour les besoins de l'exercice de vos fonctions de salariés, des dépenses personnelles sans lien avec l'exercice de vos fonctions.

En effet, à la lecture du relevé de cette carte en date du 5 mars 2019, il apparaît des dépenses personnelles sans lien avec l'exercice de vos fonctions, car aucun des chantiers dont vous avez la responsabilité ne se situe dans ces départements ou villes.

Les dépenses en question sont les suivantes :

- Le 1 er février 2019 : une dépense d'un montant de 60 € dans un relais gourmets à [Localité 5] en Vendée

- Le 2 février 2019 : une dépense d'un montant de 60 € dans une station AVIA à [Localité 11] en Vendée

- Le 31 janvier, le 1 er et le 2 février 2019 : des frais de péage à [Localité 7] pour 14,80 €, à [Localité 13] pour 11,60 €, en Côte d'or pour 35,40 € et pour 36,70 €

De tels agissements caractérisent ainsi un véritable manquement à l'obligation de loyauté pourtant inhérente à votre contrat de travail.

Dès lors, compte-tenu de l'ensemble des griefs qui précède, nous avons décidé de vous notifier, par le présent courrier recommandé AR, votre licenciement pour faute grave.'»

Il ressort de la lettre de licenciement que la société MDF reproche à M. [K] [Z] deux principaux griefs':

- des manquements fautifs dans la gestion de quatre chantiers,

- l'usage de la carte bancaire de la société pour des dépenses personnelles sans lien avec l'exercice de ses fonctions entre le 31 janvier et le 2 février 2019.

D'une première part, s'agissant du grief relatif à l'usage de la carte bancaire de la société, l'employeur indique dans la lettre de licenciement': «'à la lecture du relevé de cette carte en date du 5 mars 2019'» et soutient, dans ses conclusions, page 16, qu'il a été découvert «'sur un relevé du 5 mars 2019'» que le salarié aurait utilisé ladite carte bancaire à des fins personnelles, la carte bancaire étant une carte à paiement différé le 15 du mois suivant, soit jusqu'à 45 jours de décalage.

A ce titre, l'employeur produit deux listes des facturettes de l'encours d'une carte bancaire à débit différé prélevé le 05 mars 2019, sur lesquelles apparaissent des achats remontant jusqu'au'31'janvier 2019, et sur lesquelles la date du 3 avril 2019 est mentionnée en fin de page.

Cependant, il ne produit aucun élément pour établir la date du débit différé, de sorte qu'il ne permet pas de déterminer avec précision la date à laquelle l'employeur a réellement eu connaissance des dépenses reprochées au salarié.

Dès lors, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de considérer comme prescrit le second grief reproché à M. [K] [Z] dans la lettre de licenciement.

D'une deuxième part, le grief allégué par l'employeur quant à la fraude des pointages hebdomadaires d'[U] [Z], fils du salarié, par M. [K] [Z], ne ressort pas de la lettre de licenciement, de sorte qu'il ne peut constituer un motif valable du licenciement du salarié.

De la même manière, l'employeur mentionne des pénalités et des impayés pour huit chantiers, mais ceux-ci ne sont pas mentionnés dans la lettre de licenciement, de sorte que ces reproches ne peuvent pas constituer des griefs valables du licenciement de M. [K] [Z].

D'une troisième part, l'employeur reproche expressément à M. [K] [Z] des manquements fautifs dans la gestion de quatre chantiers.

Concernant le chantier «'[O]'», il ressort d'un courrier en date du 12 juin 2019, rédigé par M. [X] [Y], conducteur de travaux chez MDF, adressé à Veta France et produit par l'employeur, qu'une commande a été passée, le 30 octobre 2018, de 160'm2 de Veta BRIC, mais que seulement 128,02'm2 ont été livrés début février 2019 et que «'une partie des briquettes livrées était par ailleurs fissurée et/ou présentait des différences de teintes'».

Il ajoute que deux compléments ont été livrés en avril, mais que le remplacement de briquettes inutilisables concerne 16'm2 et que la société Veta France a manqué de réactivité face à ce problème.

Dès lors, alors que l'employeur reproche à M. [K] [Z] une mauvaise gestion de l'approvisionnement de briques, le problème d'approvisionnement des briquettes de parement résulte en réalité d'un défaut de livraison par le prestataire externe, de sorte que le grief quant au chantier «'[O]'» n'est pas établi.

S'agissant du chantier «'Résidence DECKART'», il ressort des mails et factures produits par l'employeur qu'un retard important a été pris dans le cadre de travaux supplémentaires.

Cependant, aucune des pièces produites ne vise directement M. [K] [Z], de sorte que l'employeur échoue à démontrer que le retard résulterait d'une quelconque faute de sa part.

Dès lors, le grief relatif à ce chantier n'est pas établi.

À l'égard du chantier «'Les Myosotis'», l'employeur produit un décompte général daté du'19'février 2019 qui indique des pénalités pour réserves non levées et pour absence à une réunion de chantier, ce que ne conteste pas le salarié.

En réponse, le salarié ne produit aucune pièce pour démontrer que le retard serait principalement dû au fait que le sous-traitant était en faillite, ni que son absence aux réunions résulterait du fait que plusieurs réunions avaient lieu le même jour à la même heure.

Cependant, il résulte de l'attestation de Monsieur [F] [P], ancien directeur technique de la société MDF, qui gérait plusieurs chantiers en binôme avec M. [K] [Z], que «'nous avons rencontrés à l'époque, soit fin 2018, début 2019, de lourdes difficultés à trouver du personnel'» et que «'M. [L] [Z] était parfaitement au courant, nous en rendions compte à chaque réunion bihebdomadaire qui rassemblent la direction et les conducteurs de travaux. [...] Il connaissait parfaitement la situation des chantiers sans qu'il ne participe en rien à trouver des solutions.'»

Dès lors, les pénalités de retard ne peuvent uniquement être imputées à la faute du salarié, l'employeur ayant été au courant des difficultés et n'ayant pas cherché à y remédier.

Ainsi, le grief relatif au chantier «'Les Myosotis'» n'est pas suffisamment établi.

Concernant le chantier «'Karl Marx'», l'employeur produit un registre journal, en date du jeudi'18 avril 2019, qui précise pour «'MDF'» que «'Une entreprise sous-traitante (SPI Bâtiment) sur le chantier alors qu'AUCUNE DEMARCHE SPS n'a été effectuée et que nous n'avons pas trace d'un agrément du Maitre d'ouvrage'!!'».

Il verse également un courrier en date du 25 mars 2019 qui informe la MDF de l'obligation pour le sous-traitant de fournir un plan particulier de sécurité et de protection de la santé, ainsi qu'une déclaration de sous-traitance en date du 25 mars 2019.

La cour observe que le registre journal date du mois d'avril 2019 et la déclaration de sous-traitance du 25 mars 2019, de sorte que l'employeur n'établit pas qu'un sous-traitant soit intervenu dès le début du mois de mars 2019 sans agrément, ni que le salarié aurait commis une quelconque faute à cet égard.

Aussi, l'employeur échoue à établir le grief concernant le chantier «'Karl Marx'».

Il résulte des énonciations précédentes que l'employeur ne démontre aucun des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement.

En outre, le salarié met en évidence, par la production d'un SMS de [L] [Z] en date du'14'mai 2019 et de plusieurs attestations de membres de sa famille, que le véritable motif du licenciement n'est pas lié à une faute professionnelle mais à un conflit familial avec son frère, père de [L] [Z], dirigeant de la société.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, il convient de qualifier le licenciement notifié le 14 mai 2019 à M. [K] [Z] de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3 - Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

D'une première part, compte tenu de la condamnation de la société La Maitrise de vos Façades à verser 'la prime de bilan' d'un montant mensuel de 2'180'euros au salarié, le salaire moyen mensuel de M.'[K]'[Z] s'établit à 8'221,68'euros.

D'une deuxième part, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, par confirmation du jugement entrepris, la société La Maitrise de vos Façades est condamnée à verser à M.'[K]'[Z] les sommes suivantes':

- 24'665,04'euros bruts au titre de l'indemnité de préavis, outre 2'466,50'euros bruts de congés payés afférents,

- 68'733,21'euros au titre de l'indemnité de licenciement.

D'une troisième part, l'article L.'1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis'; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

M. [K] [Z] disposait d'une ancienneté, au service du même employeur, de dix-sept ans et peut donc prétendre, par application des dispositions précitées, à une indemnisation du préjudice né de la perte injustifiée de son emploi comprise entre 3 et 14 mois de salaire.

Le salarié justifie de son affiliation en tant qu'auto-entrepreneur auprès de l'URSSAF à compter du 3 mars 2021 et de son chiffre d'affaires pour l'année 2021 d'un montant de 28'901'€.

Il convient, par conséquent, de condamner la société La Maitrise de vos Façades à verser à M.'[K] [Z] la somme de 80'000'euros bruts à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, équivalant à trois mois de salaire, par infirmation du jugement déféré, le moyen soulevé par le salarié tiré de l'inconventionnalité des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail étant inopérant dès lors qu'il a été procédé à une appréciation souveraine des éléments de fait soumis au titre du préjudice subi.

4 - Sur les demandes accessoires':

La société La Maîtrise de vos Façades, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens de première instance par confirmation du jugement entrepris, y ajoutant les dépens d'appel.

Partant, les demandes d'indemnisation des frais irrépétibles engagées par la société La Maîtrise de vos Façades est rejetée, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [K] [Z] l'intégralité des sommes qu'il a été contraint d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société La Maîtrise de vos Façades à lui payer la somme de 1'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant, de la condamner à lui verser la somme de 1'500'euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- Débouté M. [K] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour paiement tardif des primes de bilan,

- Condamné la SAS La Maîtrise des Façades à payer à M. [K] [Z] la somme de'1'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- Débouté M. [K] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour retard de paiement ;

- Débouté la SAS La Maîtrise des Façades de sa demande reconventionnelle';

- Condamné la SAS La Maîtrise des Façades aux dépens';

L'INFIRME pour le surplus';

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés et y ajoutant,

DECLARE le licenciement de M. [K] [Z] sans cause réelle et sérieuse

CONDAMNE la SAS La Maîtrise des Façades à payer à M. [K] [Z] les sommes suivantes':

- 23'980'euros bruts (vingt-trois mille neuf cent quatre-vingt euros) au titre des primes de bilan pour la période de juillet 2018 à mai 2019,

- 24'665,04'euros bruts (vingt-quatre mille six cents soixante-cinq euros et quatre centimes) au titre de l'indemnité de préavis,

- 2'466,50'euros bruts (deux mille quatre cent soixante-six euros et cinquante centimes) au titre des congés payés afférents,

- 68'733,21'euros (soixante-huit mille sept cent trente-trois euros et vingt-et-un centimes) au titre de l'indemnité de licenciement,

- 80'000'euros bruts (quatre-vingt mille euros) au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DÉBOUTE la SAS La Maîtrise des Façades de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SAS La Maîtrise des Façades à payer à M. [K] [Z] la somme de'1'500'euros (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE la SAS La Maîtrise des Façades aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 21/00471
Date de la décision : 10/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-10;21.00471 ?
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