N° RG 21/02267 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K4HT
C6
N° Minute :
copie certifiée conforme délivrée
aux avocats le :
Copie Exécutoire délivrée
le :
aux parties (notifiée par LRAR)
aux avocats
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES
ARRET DU MERCREDI 9 NOVEMBRE 2022
APPEL
Jugement au fond, origine juge aux affaires familiales de Grenoble, décision attaquée en date du 06 juillet 2020, enregistrée sous le n° 18/02520 suivant déclaration d'appel du 17 mai 2021
APPELANT :
M. [D] [R]
né le 01 Septembre 1962 à [Localité 2]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 2]
représenté par Me José BORGES DE DEUS CORREIA, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
Mme [I] [W]
née le 04 Août 1967 à [Localité 11]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
NON REPRÉSENTÉE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DELIBERE :
Mme Anne BARRUOL, Présidente,
Mme Martine RIVIERE, Conseillère,
M. Philippe GREINER, Conseiller honoraire,
DEBATS :
A l'audience publique du 27 septembre 2022,M. Philippe Greiner, conseiller, chargé du rapport, assisté de Mme MC Ollierou greffière, a entendu l'avocat en ses conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Il en a été rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [D] [R] et Mme [I] [W] ont contracté mariage 1e 24 juillet 1993 à [Localité 8], sous contrat de séparation de biens du 10 juin 1993.
Deux enfants désormais majeurs sont issus de leur union.
Par jugement du 29 novembre 2011, le juge aux affaires familiales de Grenoble a notamment prononcé sur le fondement des articles 233 et 234 du code civil le divorce des époux qu'i1 a invités à procéder au partage amiable de leurs intérêts patrimoniaux.
En l'absence de règlement amiable des intérêts patrimoniaux des ex-époux, selon acte du 14 mai 2018, Mme [W] a alors fait assigner son ex-époux devant le juge aux affaires familiales de Grenoble aux fins de partage judiciaire.
Par jugement contradictoire du 6 juillet 2020, le juge aux affaires familiales a principalement :
- ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage judiciaire de l'indivision existante entre M. [R] et Mme [W],
- dit les opérations de comptes, liquidation ct partage complexes,
- désigné pour y procéder Maître [J] [V], notaire à [Localité 12], sous surveillance du juge commis,
- dit qu'en cas d'empêchement du juge ou du notaire commis, il sera pourvu à son remplacement sur ordonnance sur requête de la partie la plus diligente,
- dit que l'actif indivis est composé du solde du prix de vente du domicile conjugal séquestré en la comptabilité de Maître [G], notaire à [Localité 10], soit la somme au 17 novembre 2017 de 94.814,65 euros,
- dit que le passif indivis est composé des taxes foncières, assurance habitation et autres échéances du crédit immobilier afférentes au bien indivis payées du 15 juillet 2007 jusqu'à la vente du bien, à charge pour celui ou celle qui les a payées d'en justifier entre les mains du notaire liquidateur en application de l'article 1365 du code de procédure civile,
- ordonné 1'exécution provisoire de la décision,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles,
- dit qu'il sera fait masse des dépens, qui seront tirés en frais privilégiés de partage et distraits au profit des avocats en la cause,
- débouté les parties de toute autre demande plus ample ou contraire.
Le 17 mai 2021, M. [R] a interjeté appel total du jugement.
Par ses dernières conclusions notifiées le 22 juillet 2021, M. [R] demande à la cour de:
- dire et juger l'appel recevable et bien fondé,
- réformer le jugement en ce qu'il l' a débouté de sa demande relative à la distraction de la somme de 21.300 euros par Mme [W] et dire et juger qu'elle doit rapporter cette somme à l'indivision,
- réformer le jugement en ce qu'il l' a débouté de sa demande de créance pour remploi du prix de vente de son bien propre dans l'indivision, et dire et juger qu'il justifie de ce chef d'une créance sur l'indivision de 81.600 euros,
- reformer le jugement en ce qu'il l' a débouté de sa demande au titre des travaux d'aménagement,
- dire et juger qu'il sera inscrit de ce chef au passif de l'indivision la somme de 14.000 euros et subsidiairement celle de l.863,44 euros,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande relative à l'inscription des taxes d'habitation au passif de l'indivision,
- dire et juger que la somme de 8991.77 euros sera inscrite au passif de l'indivision au titre des dépenses de conservations effectuées par lui pour l'indivision comprenant les taxes foncières, les assurances mais aussi les taxes d'habitation,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner Mme [W] à lui verser 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens.
Il expose en substance que :
- lui-même et son épouse ont acquis un bien immobilier à [Localité 9], en partie à travers la société civile immobilière Totem, constituée en 2006 pour 100.000 euros et par les époux eux-mêmes, pour 180.000 euros, avec souscription de deux crédits, le premier par la société, de 44.250 euros, le second par le couple, de 49.850 euros ;
- la maison a été vendue le 13/04/2011, les fonds de 94.814,65 euros, étant consignés chez le notaire ;
- au moment de la séparation, Mme [W] a retiré à son profit 21.300 euros des comptes communs, et elle doit rapporter cette somme ;
- il justifie aussi d'une créance de remploi de 81.680 euros provenant de la vente d'un bien propre sis [Adresse 3] ;
- il a financé seul des travaux d'aménagement à hauteur de 14.000 euros ;
- il s'est acquitté de 5.909 euros de taxes foncières, de 1.885 euros de taxes d'habitation, et de 1.197,77 euros de primes d'assurance.
Mme [W] n'a pas constitué avocat en cause d'appel, expliquant dans une lettre adressée à la cour avoir déménagé et n'avoir eu connaissance que tardivement de l'assignation.
Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le retrait de la somme de 21.300 euros par Mme [W]
Au 5 mai 2007, le compte joint des époux ouvert à la Caisse d'Epargne, agence de Grand Place, à [Localité 2], présentait un solde créditeur de 46.956,43 euros.
Le 28/06/2007, Mme [W] a ouvert à la Caisse d'Epargne, agence Edouard Rey, un compte de dépôt rémunéré, ainsi qu'un livret A et un livret de développement durable (LDD). Le même jour, elle a versé sur ce compte, par deux virements, la somme globale de 20.000 euros.
Il est indiqué sur le relevé du 03/07/2007 de Mme [W] qu'il s'agit de virements de compte à compte. Dès lors, ces sommes ne peuvent provenir que du seul autre compte ouvert dans la même banque, à savoir le compte joint.
Aux termes du contrat de mariage, 'les sommes et valeurs en dépôt dans une banque (..) dépositaire seront réputées appartenir à celui au nom duquel le dépôt aura été effectué'. Ainsi, les sommes déposées sur le compte joint sont réputées appartenir aux deux époux en indivision.
Les sommes prévelées par Mme [W] sur le compte joint pour être versées sur son compte personnel, dont il est établi qu'elles ont été virées du compte joint, soit 20.000 euros, doivent en conséquence faire partie de l'actif indivis.
Le jugement sera réformé de ce chef.
Sur la créance de M. [R] sur l'indivision de 81.160 euros
Le 21/12/2006, les époux [W]/[R] ont acquis au sein d'une maison à [Localité 9], un local d'habitation avec dépendances, avec un apport de 130.150 euros, le solde du prix de 49.850 euros faisant l'objet d'un emprunt à la Caisse d'Epargne. Ils ont par ailleurs consitué la société civile immobilière Totem, dont ils détiennent le capital à parts égales, qui a acquis dans le même immeuble un local artisanal, avec un apport de 55.750 euros et un emprunt de 44.250 euros.
La société civile immobilière Totem étant une personne morale distincte, les fonds que lui auraient apportés l'appelant ne concernent pas le présent litige.
Pour ce qui est de la partie habitation, M. [R] expose avoir vendu le 29/06/2000 un appartement qui lui appartenait en propre, le solde du prix lui revenant après remboursement du prêt étant de 99.680 Francs, soit 15.223,55 euros, et avoir réinvesti cette somme dans l'appartement acquis par le couple, [Adresse 1].
Mais celui-ci a été achété par les époux le 07/04/1999, soit antérieurement à la vente du bien de M. [R] au prix de 800.000 FF. De plus, cet achat a été intégralement financé par un emprunt de même montant auprès de la société Sovac. M. [R] ne justifie ainsi pas d'un apport personnel effectué à l'occasion de cet achat.
En tout état de cause, cet appartement a été ensuite revendu. Si aucun acte afférent à sa revente n'est versé aux débats, il résulte du relevé de compte (pièce n° 10) de l'étude notariale Louvat Vincent Cach Giraud [G] du 01/09/2008, qu'un prix de vente de 302.000 euros a été encaissé de M. [C] le 28/03/2007, le prêt étant remboursé pour 249.895,27 euros.
Dès lors, cette vente étant intervenue postérieurement à l'achat du bien de [Localité 9], M. [R] ne démontre pas que son produit ait pu être affecté à ce dernier.
M. [R] fait valoir en outre qu'il avait perçu des fonds provenant d'une donation de ses parents suite à la vente d'un appartement sis [Adresse 4]. Ce bien a été vendu le 25/06/2007, le prix revenant à M. [R] et à sa soeur [H] étant de 70.000 euros. Les fonds perçus l'ayant été postérieurement à l'acquisition de la maison de [Localité 9], l'appelant ne justifie donc pas d'un remploi dans l'achat de [Localité 9].
C'est donc exactement que le premier juge a débouté M. [R] de sa demande. Le jugement déféré sera confirmé de ce chef. L'actif indivis est ainsi composé du solde du prix de vente du domicile conjugal séquestré en la comptabilité de Maître [G], notaire à [Localité 10], soit la somme au 17 novembre 2017 de 94.814,65 euros outre la somme de 20.000 euros à rapporter par Mme [W].
Sur le passif de l'indivision
La date d'effet du divorce entre les époux a été fixée en ce qui concerne leurs biens au 15/07/2007.
Au préalable, il sera relevé que l'appel ne porte pas sur la disposition du jugement relatif aux échéances du crédit immobilier payées du 15/07/2007 jusqu'à la vente du bien indivis, qui font partie du passif indivis.
* les travaux
M. [R] fait valoir qu'il a effectué des travaux de rénovation de la maison de [Localité 9], et réclame à l'indivision 14.000 euros au titre des fournitures.
Une partie de l'immeuble étant à destination professionnelle et appartenant, non aux époux [R] mais à la société civile immobilière Totem, les factures adressées à l'entreprise de M. [R], Scène Intérieure, ne seront pas prises en compte.
Concernant les autres factures, il n'est pas démontré par la production de relevés de compte ou de copies de chèques, qu'elles ont été acquittées au moyen de fonds provenant d'un compte ouvert au nom de M. [R] seul et non par le compte commun.
C'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté cette demande.
* les taxes foncières de 2007 à 2011 et les primes d'assurance habitation
Il s'agit de dépenses faites pour la conservation de l'immeuble et doivent donc être supportées par l'indivision, pour un montant de 5.909 euros au titre des taxes foncières, les taxes afférentes à la société civile immobilière Totem n'étant pas prises en compte et pour 1.197,77 euros au titre des primes d'assurance, le jugement attaqué étant complété de ces chefs.
* les taxes d'habitation
Le règlement de ces taxes a permis la conservation de l'immeuble indivis. Parce que les charges afférentes au bien indivis, dont l'appelant avait joui privativement, doivent être supportées par les coïndivisaires proportionnellement à leurs droits dans l' indivision, il sera fait droit à la demande, le préjudice résultant de l'occupation privative étant compensé par l'indemnité prévue à l'article 815-9 du code civil, le fait qu'aucune indemnité d'occupation n'est due en raison de la prescription encourue étant sans incidence.
L'indivision devra donc supporter leur charge, soit 1.885 euros, le jugement déféré étant réformé de ce chef.
Sur les frais irrépétibles
En raison du caractère familial du litige, l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement,par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le rapport à l'indivision de la somme de 21.300 euros, les taxes foncières et d'habitation et les primes d'assurance habitation ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que Mme [W] est redevable envers l'indivision de la somme de 20.000 euros ;
Dit que font partie du passif de l'indivision les sommes suivantes :
- 5.909 euros au titre des taxes foncières
- 1.885 euros au titre des taxes d'habitation
- 1.197,77 euros de primes d'assurance habitation ;
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Dit que les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de partage;
PRONONCE par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
SIGNE par la présidente, Anne Barruol, et par la greffière, MC. Ollierou, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La Présidente
MC Ollierou A. Barruol