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04/11/2022 | FRANCE | N°20/02312

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 04 novembre 2022, 20/02312


C3



N° RG 20/02312



N° Portalis DBVM-V-B7E-KPYL



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







La SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE



La CPAM DE L'ISERE







AU NOM DU PEUPLE FRAN

ÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 04 NOVEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 17/00525)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 26 juin 2020

suivant déclaration d'appel du 24 juillet 2020





APPELANT :



Monsieur [X] [G]

né le 02 juillet 1958 à [Localité 5]

de nationa...

C3

N° RG 20/02312

N° Portalis DBVM-V-B7E-KPYL

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

La SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE

La CPAM DE L'ISERE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU VENDREDI 04 NOVEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 17/00525)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 26 juin 2020

suivant déclaration d'appel du 24 juillet 2020

APPELANT :

Monsieur [X] [G]

né le 02 juillet 1958 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

représenté par Me Ronald LOCATELLI de la SELARL DENIAU AVOCATS GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

La CPAM DE L'ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparante en la personne de Mme [M] [Z], régulièrement munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 septembre 2022,

M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [X] [G], atteint d'une affection coronarienne avec infarctus myocardique en 2013, bénéficie d'un suivi cardiaque systématique. Cette affection fait l'objet d'une prise en charge des soins à 100 % pour affection de longue durée.

Placé en arrêt de travail, M. [G] a été indemnisé au titre de l'assurance maladie à compter du 10 juillet 2015.

Le 28 septembre 2016, la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de l'Isère a notifié à M. [G] la cessation du versement des indemnités journalières à compter du 16 octobre 2016, le service médical ayant estimé que l'assuré « était apte à l'exercice d'une activité salariée » à compter de cette date.

Contestant cette décision, M. [G] a sollicité une expertise médicale réalisée par le Pr [S] lequel a conclu en ces termes le 21 novembre 2016 : « l'état de santé de l'assuré ne lui permettait pas de reprendre un travail le 10 octobre 2016. Il peut reprendre une activité professionnelle quelconque à la date de l'expertise ».

Le 18 mai 2017, M. [G] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de l'Isère en date du 21 mars 2017 confirmant les conclusions de l'expertise médicale au motif que, conformément à l'article L. 141-2 du code de la sécurité sociale, l'avis de l'expert s'impose à l'intéressé comme à la caisse.

Par jugement du 26 juin 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- débouté M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

- dit que c'est à bon droit que la CPAM de l'Isère a cessé d'indemniser M. [G] au titre de l'assurance maladie des prescriptions de repos à compter du 21 novembre 2016,

- condamné M. [G] aux dépens nés à compter du 1er janvier 2019.

Le 24 juillet 2020, M. [G] a interjeté appel de cette décision.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 8 septembre 2022 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 4 novembre 2022.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon ses conclusions transmises par voie électronique le 15 mars 2022 et développées oralement à l'audience, M. [G] demande à la cour :

.Sur la nullité de l'expertise médicale du Professeur [S] et l'institution d'une nouvelle expertise médicale,

- de juger qu'il n'est pas justifié du protocole obligatoire de saisine de l'expert médical incluant le détail de sa mission,

- de juger que le Pr [S] n'a pas diffusé ses conclusions dans les 48 heures de l'expertise et préalablement au dépôt de son rapport,

- de juger que le Pr [S] paraît n'avoir répondu à la question de sa capacité à la reprise du travail qu'au regard de la seule pathologie cardiaque et sans considération pour son état de santé général, en particulier en termes d'arthrose,

- de juger enfin que le Pr [S] ne paraît pas avoir effectué de véritable examen médical et analysé l'ensemble de son dossier médical,

- d'annuler l'expertise médicale du Pr [S] du 21 novembre 2016 et à tout le moins la déclarer non probante,

- d'ordonner une nouvelle expertise médicale confiée à tel expert choisi sur la liste des experts judiciaires près les cours d'appel dans la rubrique «Experts-spécialisés en matière de sécurité sociale»,

- de fixer la mission de l'expert et déterminer les questions qui lui sont posées et à ce titre : demander à l'expert de l'examiner, se faire communiquer toutes les pièces médicales relatives aux affections dont il est atteint, déterminer si et à quelle date, à compter du 10 octobre 2016, son état de santé lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque.

.Sur la demande de condamnation de la caisse à servir les indemnités journalières jusqu'à la date de possible reprise d'un emploi quelconque,

- de surseoir à statuer dans l'attente du rapport d'expertise sur la demande de condamnation de la caisse à lui servir les indemnités journalières jusqu'à la date à laquelle son état de santé lui permettait de reprendre une activité professionnelle quelconque.

.Sur la demande de reconnaissance d'une nouvelle affection longue durée (ALD) à la date du 21 novembre 2016,

- de lui donner acte qu'il renonce à la demande de consécration d'une nouvelle affection longue durée.

.En toute hypothèse,

- de condamner la CPAM de l'Isère à lui verser 3 000 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [G] soutient que l'expertise du Pr [S] est entachée de graves irrégularités et en demande l'annulation et à défaut qu'elle soit considérée comme non probante au soutien de sa demande de nouvelle expertise.

Il fait valoir que l'expertise ne reprend pas le protocole, que l'expert n'a pas transmis ses observations au médecin traitant avant l'établissement de son rapport.

Il reproche également l'absence d'auscultation et de prise en compte de son autre pathologie articulaire.

Selon ses conclusions parvenues au greffe le 31 août 2022 et reprises oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère demande à la cour :

- de débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes,

- de confirmer le jugement rendu le 26 juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble,

- de constater qu'elle a respecté les dispositions légales,

- de constater que le rapport d'expertise établi le 21 novembre 2016 par le Pr [S] donne un avis clair et précis sur la situation de M. [G],

- de s'opposer à la tenue d'une nouvelle expertise médicale,

- de juger que c'est à bon droit qu'elle a cessé d'indemniser M. [G] au titre de l'assurance maladie des prescriptions de repos à compter du 21 novembre 2016,

- de s'opposer à la demande de versement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM de l'Isère soutient que le 21 novembre 2016, le Pr [S] a établi des conclusions motivées qu'il lui a notifiées dans le respect du délai de 48 heures comme en atteste le tampon apposé sur le document.

Elle ajoute que le rapport d'expertise vise en son préambule le protocole soumis au secret médical, que les conclusions ont bien trait à l'état de santé global de l'assuré et ne laissent apparaître aucun élément équivoque.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Initialement M. [G] en arrêt de travail pour maladie simple depuis le 17 mars 2015 a contesté une décision de la caisse du 28 septembre 2016 lui notifiant que son arrêt de travail n'était plus médicalement justifié à compter du 10 octobre 2016.

Sont ainsi applicables les dispositions des articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale en vigueur avant le 1er janvier 2020.

Dans ce cadre M. [G] avait sollicité une première expertise médicale confiée à un médecin désigné conjointement par son médecin traitant et le médecin conseil de la caisse.

Le Dr [S] ainsi désigné a estimé dans son rapport d'expertise médicale du 21 novembre 2016 que l'état de santé de l'assuré ne lui permettait pas de reprendre un travail le 10 octobre 2016 mais qu'il pouvait reprendre une activité professionnelle quelconque à la date de l'expertise.

La caisse a pris acte de cet avis et notifié à M. [G] le 02 décembre 2016 le report de l'arrêt du versement de ses indemnités journalières maladie au 20 novembre 2016.

Il a contesté cette décision devant la commission de recours amiable puis l'ex tribunal des affaires de sécurité sociale devenu pôle social du tribunal judiciaire qui ont rejeté ses recours.

M. [G] a développé des moyens tenant à la nullité de ce rapport d'expertise pour solliciter une nouvelle mesure d'examen médical.

L'article L. 141-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige disposait que : 'quand l'avis technique de l'expert ou du comité prévu pour certaines catégories de cas a été pris dans les conditions fixées par le décret en Conseil d'Etat auquel il est renvoyé à l'article L. 141-1, il s'impose à l'intéressé comme à la caisse. Au vu de l'avis technique, le juge peut, sur demande d'une partie, ordonner une nouvelle expertise'.

Ces conditions étaient codifiées aux articles R. 141-3 et R. 141-4 du code de la sécurité sociale reproduits ci-après.

Article R. 141-3 :

Dès qu'elle est informée de la désignation du médecin expert, la caisse établit un protocole mentionnant obligatoirement :

1°) l'avis du médecin traitant nommément désigné ;

2°) l'avis du médecin conseil ;

3°) lorsque l'expertise est demandée par le malade ou la victime, les motifs invoqués à l'appui de la demande ;

4°) la mission confiée à l'expert ou au comité et l'énoncé précis des questions qui lui sont posées.

La caisse adresse au médecin expert la demande d'expertise obligatoirement accompagnée de ce protocole, par pli recommandé avec demande d'avis de réception.

Article R. 141-4 :

Le médecin expert, informe immédiatement le malade ou la victime, des lieu, date et heure de l'examen. Dans le cas où l'expertise est confiée à un seul médecin expert, celui-ci doit aviser le médecin traitant et le médecin conseil qui peuvent assister à l'expertise.

Le médecin expert procède à l'examen du malade ou de la victime, dans les cinq jours suivant la réception du protocole mentionné ci-dessus, au cabinet de l'expert ou à la résidence du malade ou de la victime si ceux-ci ne peuvent se déplacer.

Le médecin expert établit immédiatement les conclusions motivées en double exemplaire et adresse, dans un délai maximum de quarante-huit heures, l'un des exemplaires à la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle, l'autre au service du contrôle médical de la caisse d'assurance maladie.

En ce qui concerne les bénéficiaires de l'assurance maladie, les conclusions sont communiquées dans le même délai au médecin traitant et à la caisse.

Le rapport du médecin expert ou du comité comporte : le rappel du protocole mentionné ci-dessus, l'exposé des constatations qu'il a faites au cours de son examen, la discussion des points qui lui ont été soumis et les conclusions motivées mentionnées aux alinéas précédents.

Le médecin expert dépose son rapport au service du contrôle médical avant l'expiration du délai d'un mois à compter de la date à laquelle ledit expert a reçu le protocole, à défaut de quoi il est pourvu au remplacement de l'expert à moins qu'en raison des circonstances particulières à l'expertise, la prolongation de ce délai n'ait été obtenue.

La caisse adresse immédiatement une copie intégrale du rapport soit à la victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle, soit au médecin traitant du malade.

Le protocole établi par la caisse n'a pas été justifié ni repris au rapport d'expertise du 21 novembre 2016 dont il n'a été produit que les conclusions.

Dès lors cet avis du Dr [S] ne s'imposait ni à l'assuré ni à la caisse et M. [G] est donc fondé à ce qu'il soit procédé à une nouvelle expertise.

Le jugement sera donc réformé, il sera sursis à statuer sur la demande de M. [G] de condamnation de la caisse à lui servir des indemnités journalières à partir du 21 novembre 2016 et ordonné avant dire droit une expertise, avec mission de dire si à la date du 21 novembre 2016, il pouvait reprendre une activité professionnelle quelconque et dans la négative à quelle date le cas échéant.

Les dépens seront réservés jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.

Il ne parait pas inéquitable de laisser dans cette attente à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement RG n° 17/00525 rendu le 26 juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble.

Statuant à nouveau,

Ordonne une expertise médicale.

Désigne le Dr [U] [V] - [Adresse 6] pour y procéder avec pour mission de :

- convoquer les parties ;

- prendre connaissance du dossier médical et de toutes autres pièces utiles ;

- examiner M. [X] [G] ;

- dire si M. [G] pouvait reprendre une activité professionnelle quelconque à la date du 21 novembre 2016 ;

- dans la négative proposer une date postérieure jusqu'à laquelle l'arrêt était justifié.

Dit que l'expert devra déposer son rapport dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine.

Rappelle que les frais résultant des consultations et expertises ordonnées par les juridictions compétentes sont pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie (article L. 142-11 du code de la sécurité sociale).

Sursoit à statuer sur la demande de M. [G] de condamnation de la caisse à lui servir les indemnités journalières jusqu'à la date de possible reprise d'un emploi quelconque.

Déboute M. [G] de sa demande par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que l'instance sera reprise après dépôt du rapport d'expertise à la requête de la partie la plus diligente ou d'office.

Réserve les dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/02312
Date de la décision : 04/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-04;20.02312 ?
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