C5
N° RG 20/02264
N° Portalis DBVM-V-B7E-KPUQ
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU VENDREDI 04 NOVEMBRE 2022
Appel d'une décision (N° RG 18/00751)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble
en date du 29 juin 2020
suivant déclaration d'appel du 22 juillet 2020
APPELANT :
Monsieur [H] [G]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Ronald GALLO, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
La CPAM DE L'ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparante en la personne de Mme [B] [L], régulièrement munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 septembre 2022,
M. Pascal VERGUCHT, chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs observations,
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par courrier du 4 décembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère a refusé la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'une rechute de l'état de santé de M. [H] [G] constatée par certificat médical du 18 octobre 2017, suite à un accident de trajet du 15 novembre 2010 consolidé avec séquelles non indemnisables le 7 avril 2013. Après une expertise menée en application de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale par le Dr [W] le 12 avril 2018, la caisse a notifié le maintien du refus par courrier du 23 avril 2018. La commission de recours amiable a rejeté la contestation de M. [G] le 4 juin 2018.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a, par jugement en date du 29 juin 2020, statué sur le recours engagé par M. [G] contre la CPAM de l'Isère en décidant de':
- débouter M. [G] de ses demandes et notamment de sa demande d'expertise (seule demande mentionnée par la décision),
- dire que c'est à bon droit que la caisse a refusé la prise en charge de la rechute au titre de la législation professionnelle,
- dire que le requérant conservera la charge des dépens.
Par déclaration du 22 juillet 2020, M. [G] a relevé appel de cette décision en son entier.
Par conclusions du 23 août 2022 reprises oralement à l'audience, M. [G] demande':
- l'annulation du jugement,
- que soit ordonnée une expertise médicale':
* après que les expertises des Dr [W] et [E] soient déclarées irrégulières,
* ou subsidiairement après que ces expertises soient déclarées comme ne démontrant pas une absence de lien entre la rechute et l'accident du travail.
Par conclusions du 24 août 2022 reprises oralement à l'audience, la CPAM de l'Isère demande': - la confirmation de toutes les dispositions du jugement,
- que soit constatée la régularité de l'expertise du Dr [W] et son opposition à une nouvelle expertise,
- que c'est à bon droit que la caisse a refusé la prise en charge d'une rechute.
MOTIVATION
L'article L. 315-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur en 2017, prévoit que les avis rendus par le service du contrôle médical portant sur les éléments définis au I de l'article L. 315-1 (tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que des prestations prises en charge en application des articles L. 251-2 et L. 254-1 du code de l'action sociale et des familles) s'imposent à l'organisme de prise en charge.
Les articles L. 141-1 et L. 141-2 du même code, dans leurs versions en vigueur entre 2007 et 2018, prévoient que les contestations d'ordre médical relatives à l'état du malade ou à l'état de la victime, et notamment à la date de consolidation en cas d'accident du travail et de maladie professionnelle et celles relatives à leur prise en charge thérapeutique, à l'exclusion des contestations régies par l'article L. 143-1, donnent lieu à une procédure d'expertise médicale dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État'; et que l'avis technique de l'expert s'impose à l'intéressé comme à la caisse, le juge pouvant, sur demande d'une partie, ordonner une nouvelle expertise.
L'article L. 443-1 du même code dispose que, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa du présent article, toute modification dans l'état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de consolidation de la blessure, peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations.
M. [G] conteste en premier lieu une expertise du Dr [N] [E] qui aurait été réalisée sur pièces, alors que cette possibilité n'aurait été ouverte que postérieurement par l'article R. 142-17-1 du code de la sécurité sociale entré en vigueur en 2019, et qui ne serait pas motivée. La CPAM réplique que l'avis de ce médecin n'était pas une expertise mais un avis technique au sens de l'article L. 315-2 cité ci-dessus, qui s'imposait à elle.
Il convient de constater que l'avis de ce médecin figure dans un échange historisé du 30 novembre 2017 et mentionne un avis défavorable d'ordre médical à la demande de rechute, les lésions décrites sur le certificat médical n'étant pas imputables. Il ne s'agit donc pas d'une expertise médicale, mais de l'avis du service médical de la CPAM, et aucun texte n'imposait une consultation de la victime et une motivation de cet avis.
M. [G] conteste ensuite une expertise du Dr [Y] [W] du 12 avril 2018 en raison d'une motivation insuffisante dès lors qu'elle prend en compte un état indépendant de l'accident du 15 novembre 2010 sans le qualifier ni dans ses conclusions ni dans le rapport, et n'explique pas l'absence de lien de causalité entre son état de santé et l'accident. La caisse retient pour sa part que les conclusions de l'expert, qui s'imposent à elle, sont claires, précises et dépourvues d'ambiguïté, qu'elles concordent avec l'avis du médecin-conseil et sont fondées sur une absence de justificatifs pertinents de M. [G].
Il convient de constater que le rapport d'expertise du Dr [W], intervenu en application des dispositions de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale, conclut qu'il n'existe pas de relation de cause à effet directe ou par aggravation entre les lésions invoquées le 18 octobre 2017 et l'accident du travail du 15 novembre 2010, l'état de l'assuré étant en rapport avec un état indépendant de l'accident évoluant pour son propre compte et justifiant un arrêt de travail et des soins'; la discussion de ce rapport précise que l'accident a causé une contusion du rachis cervical et lombaire selon le certificat médical initial, que le patient ne présente aucun justificatif concernant l'historique de son épaule droite opérée en 2012 et la relation de causalité avec l'accident de 2010, et qu'une aggravation des douleurs de cette épaule ont débouché sur un geste chirurgical le 18 octobre 2017. Il n'y a donc pas lieu de considérer que cette expertise est dépourvue ou manque de motivation, d'autant que M. [G] n'a apporté aucun élément susceptible de permettre à l'expert d'apprécier différemment son état de santé.
M. [G] se prévaut d'une rechute, telle qu'elle est définie par l'article L. 443-1 cité ci-dessus, au motif que son accident du travail a engendré des contusions lombaires et cervicales, qu'il a été opéré de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite le 11 mai 2012, qu'il a été consolidé le 7 avril 2013, que son état s'est détérioré progressivement et qu'il a été de nouveau opéré de l'épaule droite en 2017, bénéficiant de plusieurs certificats médicaux du Dr [A] [X], de rechute et de prolongation notamment, faisant un lien avec son accident de 2010. Il fait prévaloir son suivi médical sur une expertise du Dr [K] [R] de 2013 intervenue avant l'aggravation de son état et l'opération de 2017, et sur les avis des Dr [E] et [W] critiqués ci-dessus. Il ajoute qu'il est difficile de croire qu'une simple tendinite constatée avant l'accident de 2010 puisse être la cause unique et directe d'une chirurgie réparatrice. La caisse réplique que l'ensemble des médecins, comprenant le Dr [R] mais également le Dr [U] [M], ayant réalisé une expertise en 2011 avec comme sapiteur le Dr [F], ont considéré qu'une tendinite constatée antérieurement à l'accident constituait un état antérieur seul responsable des lésions à l'épaule.
En l'espèce le certificat de rechute du 18 octobre 2017 se rapporte à l'épaule droite, et non aux sièges des lésions initiales situés aux rachis cervical et lombaire.
Par ailleurs, le Dr [M] a relevé, dans deux rapports des 4 avril et 8 novembre 2011 réalisés à la demande de la compagnie d'assurance [5], que M. [G] avait souffert d'une contusion indirecte du rachis cervical et lombaire par phénomène de coup de fouet lors de l'accident de circulation du 15 novembre 2010 et que, depuis une époque non précisée, il présentait des douleurs à la face antérieure de l'épaule droite pour lesquelles une échographie avait été réalisée le 3 novembre 2010 et des traitements antalgiques et anti-inflammatoires étaient en cours lors des faits du 15 novembre 2020'; il mentionne également un compte rendu de radiographie et échographie du 3 novembre 2010 du Dr [D] retrouvant une tendinite du sus-épineux avec possibilité d'atteinte de la coiffe des rotateurs par réduction de l'espace sous-acromial.
L'expertise du Dr [R] du 27 aout 2013, réalisée sur les conseils de l'avocat de M. [G] suite aux expertises réalisées pour la [5], conclut que l'état de M. [G] était fragilisé par l'existence d'un état antérieur et que l'accident du 15 novembre 2010 a décompensé une arthrose cervicale et lombaire et a pu aggraver des scapulalgies préexistantes en rapport avec une tendinopathie de la coiffe droite et une arthrose acromio-claviculaire, tout en précisant qu'il est évident qu'on ne peut pas imputer à l'accident la chirurgie réparatrice de la coiffe des rotateurs droite avec acromioplastie pratiquée en 2012 puisqu'il existait déjà une tendinite avant le traumatisme, en sachant qu'il est tout à fait probable que cette chirurgie aurait eu lieu même en l'absence de tout traumatisme, tout au plus celui-ci ayant pu déclencher l'opération plus rapidement'; qu'aucun des certificats médicaux réalisés à l'occasion de la prise en charge de l'accident ne mentionne de contusion à l'épaule, et que la gêne fonctionnelle au niveau de l'épaule droite est apparue chez la victime, droitière, six mois après le traumatisme, en avril 2011.
Enfin, M. [G] n'apporte aucun élément qui viendrait justifier médicalement son propos selon lequel les chirurgies dont il a bénéficié ne pourraient pas avoir été causées par la tendinopathie dont il était affecté.
Dans ces conditions, l'ensemble des médecins experts intervenus a constaté que les lésions de l'épaule droite de M. [G] n'ont pas été causées par l'accident du travail, et que si elles ont pu être aggravées momentanément, en aucun cas l'accident du travail n'est à l'origine de l'opération chirurgicale de cette épaule en 2012': par conséquent, l'opération intervenue en 2017 des suites de l'aggravation de l'état de cette épaule (dont le compte-rendu opératoire rappelle qu'elle est intervenue pour un diagnostic de conflit sous acromial et qu'il s'agissait d'une bursectomie, d'une acromioplastie, d'une arthroplastie acromio-claviculaire et d'une résection quart externe clavicule) ne peut pas être reliée à l'accident du travail de 2010.
Les certificats du Dr [X] sur lesquels s'appuie M. [G], qui rapportent son suivi médical, ou celui du 3 mai 2018 qui mentionne qu'il est fort probable que l'arthropathie acromio-claviculaire soit secondaire au traumatisme de la voie publique et ait subi une dégénérescence sur plusieurs années et fait parler d'elle en 2017, ne sont pas suffisants pour contredire l'avis de tous les médecins intervenus et ayant unanimement rejeté le lien de causalité entre l'accident et le traitement chirurgical de son épaule droite, en raison d'un état antérieur évoluant pour son propre compte indépendamment du traumatisme de l'accident.
Il n'existe donc aucun élément justifiant que soit ordonnée une nouvelle expertise médicale sur la prise en charge d'une rechute de 2017 et le jugement sera intégralement confirmé, sans qu'il y ait lieu à statuer de nouveau, et il sera seulement ajouté que l'appelant supportera les dépens de la présente instance en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi':
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble en date du 29 juin 2020,
Y ajoutant,
Condamne M. [H] [G] aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président