C3
N° RG 20/02222
N° Portalis DBVM-V-B7E-KPQV
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU VENDREDI 04 NOVEMBRE 2022
Appel d'une décision (N° RG 16/1040)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire d'ANNECY
en date du 15 juin 2020
suivant déclaration d'appel du 16 juillet 2020
APPELANTE :
SA [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Christophe KOLE, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
La CPAM DE HAUTE SAVOIE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
Service Contentieux
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante en la personne de Mme [Y] [C], régulièrement munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l'audience publique du 08 septembre 2022,
M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport, Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries,
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
Le 4 janvier 2016, M. [I] [M], agent de production depuis le 18 février 2008 au sein de la société [5] a souscrit auprès de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (CPAM) de Haute-Savoie une déclaration de maladie professionnelle au titre d'un canal carpien de la main gauche suivant certificat médical initial du 10 décembre 2015.
Le 22 mars 2016, la CPAM de Haute-Savoie a notifié à la société [5] sa décision de prendre en charge la pathologie déclarée au titre du tableau 57 des maladies professionnelles.
Le 15 juillet 2016, l'employeur a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Annecy d'un recours à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable de la CPAM de Haute-Savoie notifiée le 29 juin 2016 maintenant la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [M].
Par jugement du 15 juin 2020, le pôle social du tribunal judiciaire d'Annecy a :
- déclaré opposable à la société [5] la décision du 10 décembre 2015 de la CPAM de Haute-Savoie de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par M. [M] le 22 mars 2016, (ndr : inversion de date procédant d'une erreur purement matérielle),
- rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société [5] aux dépens.
Le 16 juillet 2020, la société [5] a interjeté appel de cette décision.
Les débats ont eu lieu à l'audience du 8 septembre 2022 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 4 novembre 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Au terme de ses conclusions parvenues au greffe le 15 mars 2022 et reprises oralement à l'audience, la société [5] demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire d'Annecy en date du 15 juin 2020 en ce qu'il a :
- déclaré opposable à la société [5] la décision du 10 décembre 2015 de la CPAM de Haute-Savoie de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par M. [M] le 22 mars 2016,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société [5] aux dépens,
Statuant à nouveau,
- de juger que la CPAM de Haute-Savoie ne rapporte pas la preuve de l'exposition au risque,
en conséquence,
- de lui déclarer inopposable la décision de prise en charge du 22 mars 2016 de la maladie professionnelle du 10 décembre 2015 déclarée par M. [M],
- de condamner la CPAM aux entiers dépens de l'instance.
La société [5] soutient principalement que la caisse primaire ne démontre pas que la condition tenant à l'exposition au risque est remplie.
Elle expose que M. [M] était placé sur un poste d'opérateur produits forte épaisseur avec à sa disposition des outils et qu'étant droitier, les mouvements visés au tableau 57 C des maladies professionnelles étaient effectués de la main droite de sorte qu'ils ne peuvent être à l'origine de la pathologie déclarée.
Spécialement elle conteste le caractère répété et habituel des gestes décrits au tableau 57 et relève une contradiction entre les questionnaires employeur et salarié.
Elle estime que la caisse primaire n'a pas réalisé une enquête suffisante, la décision de prise en charge étant fondée sur les seuls dires du salarié.
Au terme de ses conclusions parvenues au greffe le 28 juin 2022 et reprises oralement à l'audience, la CPAM de Haute-Savoie demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire d'Annecy,
- juger que la décision de prise en charge du 22 mars 2016 est opposable à la société [5].
Elle soutient que la condition relative aux travaux visés au tableau 57 C est remplie au motif que M. [M], agent de production, occupait par nature un poste répétitif et prolongé pour un temps de travail de 37h20. Elle explique que, même en étant droitier, le salarié effectuait les mouvements de la main, y compris de la main gauche, correspondant à ceux visés au tableau : les mouvements de préhension.
Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
L'article L . 461-1 du code de la sécurité sociale dispose : 'est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau'.
La SA [5] ne conteste que la condition d'exposition au risque du tableau 57 C pour un syndrome du canal carpien qui prévoit dans la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette maladie les travaux comportant de façon habituelle soit des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main.
Le caractère habituel de ces travaux n'implique pas qu'ils constituent une part prépondérante de l'activité du salarié.
La SA [5] estime que les déclarations du salarié ne peuvent suffire à établir son exposition au risque et qu'elles sont en contradiction avec celles de l'employeur tandis qu'aucune vérification dans l'entreprise ou saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles n'a levé ces contradictions. Elle ajoute que la preuve de la réunion des conditions du tableau incombe à la caisse.
M. [M] a été recruté en février 2008 par la SA [5] où il était placé selon l'appelante sur un poste d'opérateur produits forte épaisseur. Antérieurement il n'est pas contesté comme cette mention figure dans sa déclaration de maladie professionnelle qu'il était intervenu depuis novembre 2005 en tant qu'intérimaire au sein de la SA [5], soit une durée totale d'activité de dix année antérieure au certificat médical initial du 10 décembre 2015.
L'appelante indique que notamment il réceptionnait les produits et effectuait les contrôles, débitait les échelles et les mettait en place, transférait les produits vers les défonceuses, rangeait les échelles sur son poste et qu'il était amené à utiliser serre-joints manuel, pistolet à colle pneumatique, scie à onglet ou à format, gerbeur et transpalette à une cadence de 15/16 produits par jour.
Cette description des activités professionnelles par l'employeur n'est pas comme soutenu en contradiction manifeste avec celle faite par le salarié ayant déclaré que depuis 2010 il travaillait alternativement sur trois postes en effectuant les tâches suivantes :
- poste 1 fabrication de jambage de forte épaisseur : manutention de pièces lourdes, contrôle des pièces, fabrication d'un cadre avec une scie circulaire, collage des pièces avec un ciseau à colle, mise en place de serre-joints, utilisation de ciseaux à bois pour enlever le surplus de colle, pose de la pièce réalisée sur un chariot (environ 15 / jour) ;
- poste 2 emballage des plans de travail : mise en place des baguettes, coins de protection autour du plan de travail à l'aide de cutter et scotcheuse (environ 25 pièces à l'heure) ;
- poste 3 contrôle et tri des étagères : manutention.
La SA [5] 'acteur de l'habitat' comme elle se désigne dans ses correspondances versées aux débats fabrique ainsi des meubles. Les descriptions employeur et salarié des tâches accomplies concordent à tout le moins en ce que ce dernier manipulait habituellement des pièces lourdes et intervenait sur celles-ci avec divers outils, ce qui nécessitait qu'il se serve de ses deux mains, soit pour manipuler ces pièces, soit pour utiliser les outils précités ou prendre appui sur lesdites pièces durant ses interventions sur celles-ci à l'aide d'outils.
La réalisation de gestes répétés de préhension, d'extension du poignet, d'appui sur le talon de la main et appui carpien des deux mains est donc suffisamment rapportée par les éléments du dossier apportés par la caisse pour retenir que les conditions du tableau tenant à la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer un syndrome du canal carpien gauche sont réunies, y compris pour un droitier.
Le jugement sera donc confirmé et la SA [5] succombante condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement RG n° 16/01040 rendu le 15 juin 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Annecy.
Y ajoutant,
Condamne la SA [5] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président