La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/10/2022 | FRANCE | N°20/02685

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 31 octobre 2022, 20/02685


C8



N° RG 20/02685



N° Portalis DBVM-V-B7E-KQ5H



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







la CAF DE L'ISÈRE









AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GREN

OBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 31 OCTOBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 17/01178)

rendue par le Pole social du TJ de Grenoble

en date du 02 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 01 septembre 2020





APPELANTE :



Madame [T] [L] assistée par son curateur l'Association [4] dont le siège est situé [Adresse 1] et désignée en tant qu...

C8

N° RG 20/02685

N° Portalis DBVM-V-B7E-KQ5H

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la CAF DE L'ISÈRE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 31 OCTOBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 17/01178)

rendue par le Pole social du TJ de Grenoble

en date du 02 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 01 septembre 2020

APPELANTE :

Madame [T] [L] assistée par son curateur l'Association [4] dont le siège est situé [Adresse 1] et désignée en tant que telle par jugement du Juge des Tutelles de GRENOBLE du 11 Mai 2017

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

comparante en personne, assistée de Me Cécile GABION, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/007452 du 12/08/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMEE :

Organisme CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES, N° SIRET [N° SIREN/SIRET 3], prise en la personne de ses representants legaux domicilies en cette qualite au siege

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparante en la personne de M. [G] [S] régulièrement muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 septembre 2022,

Mme Isabelle DEFARGE, chargée du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les parties et leurs représentants en leurs conclusions et plaidoiries.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DU LITIGE

La Caisse d'Allocations Familiales de l'Isère a notifié à Mme [T] [L], par courrier recommandé du 28 septembre 2017 distribué le 4 octobre 2017, une contrainte visant un indu de 49.125,32 euros (sur la base de trois mises en demeure) contre laquelle l'allocataire a fait opposition le 18 octobre 2017.

Le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a, par jugement en date du 2 juillet 2020 dans le litige opposant la CAF de l'Isère, partie demanderesse, à Mme [L], partie défenderesse':

- rejeté la demande d'annulation de la contrainte,

- validé la contrainte pour un montant de 22.155,63 euros correspondant à des indus du complément de libre choix du mode de garde, d'allocation de rentrée scolaire, de complément familial, d'allocation de base et d'allocation aux adultes handicapés versés indument entre avril 2011 et août 2014,

- dit que les frais d'exécution resteront à la charge de la débitrice,

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes (l'exposé du litige mentionnant les demandes suivantes en plus de ce sur quoi il a été expressément statué dans le dispositif': annulation des trois mises en demeure, annulation subsidiaire des indus).

Par déclaration du 1er septembre 2020, Mme [L] a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a rejeté sa demande d'annulation de la contrainte, validé la contrainte pour 22.155,63 euros, mis à sa charge les frais d'exécution et débouté les parties de leurs autres demandes.

Par conclusions du 1er septembre 2022 reprises oralement à l'audience devant la cour, Mme [L] demande':

- l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions,

- l'annulation des trois mises en demeure et de la contrainte,

- subsidiairement l'annulation des indus et de la contrainte,

- le débouté des demandes de la CAF.

Par conclusions du 29 aout 2022 reprises oralement à l'audience devant la cour, la CAF de l'Isère demande':

- le débouté des demandes de Mme [L],

- la validation de la contrainte à hauteur de 39.390,10 euros,

- la condamnation de l'appelante aux dépens de première instance et d'appel,

- subsidiairement que soit reçu son appel incident tendant à voir Mme [L] condamnée à lui verser 17.234,47 euros, et la validation de la contrainte à hauteur de 22.155,63 euros.

MOTIVATION

1. - Sur la validité formelle de la contrainte et des mises en demeure

Mme [L] fait valoir que les mises en demeure ne répondent pas aux exigences de l'article R. 133-9-2 du Code de la sécurité sociale, car elles ne détaillent pas les sommes recouvrées au titre de chaque prestation, se reportent à des codes sans référence aux indus concernés, ce qui ne lui permettait pas de connaître les motifs et les montants réclamés. Selon l'appelante, le fait que la contrainte ait pour la première fois détaillé les sommes n'évite pas son annulation dès lors qu'elle est fondée sur des mises en demeure irrégulières. Elle réfute la possibilité pour la CAF de se prévaloir des détails mentionnés dans la notification initiale des indus pour couvrir les défauts de motivation des actes de recouvrement, et conteste avoir reçu cette notification dont la CAF ne justifie pas de la réception.

La CAF estime que les mises en demeure sont régulières, ainsi que la contrainte, mis à part une erreur matérielle concernant un indu d'AAH de 17.234,47 euros qui est motivé par de fausses déclarations d'emploi d'assistantes maternelles alors qu'il était en fait motivé par un redressement fiscal sur les années 2011 et 2012, comme mentionné dans la notification initiale d'indu.

Mme [L] réplique sur ce point que l'erreur, reconnue en appel, équivaut à un défaut de motivation qui doit entraîner la nullité de la contrainte.

La CAF se prévaut également de la notification d'indu qui détaillait les motifs de ceux-ci et qui est directement visée par l'une des mises en demeure, des nombreux échanges avec Mme [L] qui lui ont permis de connaître les motifs des indus, et d'un jugement définitif du tribunal administratif de Grenoble du 2 septembre 2019 qui a considéré les mises en demeure valides pour les prestations qui relevaient de sa compétence.

Mme [L] prétend que cette décision n'est pas définitive, qu'elle a demandé l'aide juridictionnelle pour se pourvoir devant le Conseil d'État et que la juridiction civile ne saurait être retenue par ce jugement.

La cour rappelle que l'article R. 133-9-2 du Code de la sécurité sociale disposait, dans sa formulation en vigueur entre 2012 et 2021, que': «L'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé (...) le directeur de l'organisme créancier compétent, en cas de refus du débiteur de payer, lui adresse par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, les voies et délais de recours et le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées.»

A l'examen des pièces, la cour constate que':

- une mise en demeure du 28 janvier 2016 reçue le 2 février 2016 réclamait une somme de 30.116,20 euros à la suite d'une information de l'allocataire du 18 septembre 2014, pour':

* un complément libre choix du mode de garde versé en trop d'avril 2011 à juillet 2013 suite à de fausses déclarations d'emploi d'assistantes maternelles auprès du centre Pajemploi,

* une allocation aux adultes handicapés versée en trop d'octobre 2012 à juillet 2014 suite à de fausses déclarations d'emploi d'assistante maternelle,

avec une nature de créance ainsi précisée': IN1 006 pour 12.881,73 euros et IN6 001 pour 17.234,47 euros';

- une mise en demeure du 19 aout 2016 présentée le 24 suivant pour 272,38 euros concernait un montant d'aide personnalisée au logement versée en trop en janvier 2016,

- une mise en demeure du 10 novembre 2016 réclamait une somme de 18.784,74 euros à la suite d'une information de l'allocataire du 12 janvier 2016, pour':

* une allocation de rentrée scolaire, un complément familial et une allocation de base versés en trop de janvier 2013 à août 2014 suite à un redressement fiscal des revenus 2011 et 2012,

* une aide personnalisée au logement versée en trop de janvier 2013 à août 2014 suite au même redressement,

* une allocation aux adultes handicapés versée en trop d'avril à septembre 2012 suite au même redressement,

avec une nature de créance ainsi précisée': IN1 008 pour 4.378,65 euros, IN5 008 pour 9.829,60 euros et IN6 002 pour 4.576,49 euros';

- la contrainte litigieuse visait un total de 49.125,32 euros sur la base de ces trois mises en demeure en détaillant':

* 13.200,49 euros pour un indu de complément libre choix du mode de garde versé en trop d'avril 2011 à juillet 2013 suite à de fausses déclarations d'emploi d'assistantes maternelles auprès du centre Pajemploi,

* 17.234,47 euros d'indu d'allocation aux adultes handicapés versée en trop d'octobre 2012 à juillet 2014 suite à de fausses déclarations d'emploi d'assistante maternelle,

* 272,38 euros pour un indu d'aide personnalisée au logement de janvier 2016,

* 4.378,65 euros pour un indu d'allocation de rentrée scolaire, de complément familial et d'allocation de base versés en trop de janvier 2013 à août 2014 suite à un redressement fiscal des revenus 2011 et 201,

* 9.829,60 euros pour un indu d'aide personnalisée au logement versée en trop de janvier 2013 à août 2014 suite au même redressement,

* 4.576,49 euros d'indu d'allocation aux adultes handicapés versée en trop d'avril à septembre 2012 suite au même redressement,

* la déduction d'un versement de 366,76 euros.

La cour relève que les mentions des mises en demeure et de la contrainte sont identiques, mis à part une somme de 12.881,73 euros mentionnée dans la première mise en demeure et devenue 13.200,49 euros dans la contrainte, ce qui n'est pas relevé par l'appelante (la déduction mentionnée par la contrainte explique la différence à 48 euros près).

Sans qu'il soit utile de s'attacher à la notification initiale des indus du 22 septembre 2014 dont l'envoi et la réception ne sont effectivement pas justifiés, la contrainte apparaît suffisamment détaillée quant aux montants, aux prestations indues, aux périodes de versement et aux motifs à l'origine du recouvrement, ainsi que cela ressort des constatations listées ci-dessus.

Quant aux mises en demeure, elles apparaissent également suffisamment détaillées pour connaître le motif, la nature et le montant des sommes réclamées, et la date des versements indus donnant lieu à recouvrement, selon les termes de l'article cité ci-dessus': en l'espèce, la liste des prestations recouvrées et des périodes de versement pouvait être corrélée sans difficulté ni confusion avec les natures de créance référencées et détaillant les sommes dues. La cour relève au surplus qu'il n'est fait état d'aucune contestation préalable des mises en demeure, qui comportaient bien la mention des délais et voies de recours.

La cour relève également que l'erreur de motivation de l'un des indus d'allocation aux adultes handicapés, qui ne pouvait dépendre de fausses déclarations d'emploi d'assistantes maternelles, ne remettait pas en cause la motivation de l'autre indu d'AAH, relevait manifestement dès l'origine d'une erreur matérielle au regard du redressement mentionné plusieurs fois, n'a emporté aucun grief, et ne générait aucune confusion dans la mesure où Mme [L] ne conteste pas avoir eu de nombreux échanges avec la CAF sur les conséquences du redressement fiscal dont elle avait fait l'objet avec son mari, et qui avait été porté à la connaissance de la caisse par une fiche navette de la Direction générale des finances publiques, versée au débat, ayant signalé aux organismes sociaux des redressements sur des revenus mobiliers et indéterminés non déclarés en 2011 et 2012 pour des montants de 179.809 et 148.267 euros.

La cour relève enfin que, si le jugement administratif est versé au débat, aucune des parties ne justifie s'il est ou non définitif et, au final, il n'apparaît pas utile à la solution du présent litige, dont il convient de préciser qu'il n'a pour objet que les indus relevant de la compétence du juge judiciaire.

La cour considère donc que Mme [L] s'est vu notifier une contrainte régulière en la forme et qu'il n'y a pas lieu d'annuler celle-ci, ni les mises en demeure qui l'ont précédé, pour ce qui concerne les prestations relevant de sa compétence.

2. - Sur le bienfondé des indus recouvrés

Mme [L] reproche à la caisse de se prévaloir d'un redressement fiscal qu'elle a contesté sans qu'une décision ne soit intervenue à ce jour à sa connaissance. La CAF réplique que l'appelante ne justifie pas de sa contestation. La cour relève que, effectivement, Mme [L] ne justifie pas son moyen et la caisse a donc parfaitement pu se prévaloir de ce redressement sur des ressources qui n'avaient pas été déclarées par les époux [F] en 2011 et 2012.

Mme [L] reproche également à la caisse de s'être fondée sur de fausses déclarations d'emploi d'assistantes maternelles qui ne pouvaient pas générer un indu d'AAH dès lors qu'il n'y a pas de lien entre ces déclarations et le versement de cette allocation. Comme il a été relevé par la cour, la mention erronée doit être considérée comme une simple erreur matérielle sans conséquence sur la valeur de la réclamation d'indu, Mme [L] ne contestant pas, par ailleurs, avoir échangé avec la caisse à de nombreuses reprises au sujet de cet indu et de sa cause, sans qu'il y ait eu quelque confusion que ce soit.

La reconnaissance de cette erreur et de sa nature pouvait être faite en cause d'appel, et l'absence de reconnaissance en première instance explique d'ailleurs que les premiers juges ont considéré que la CAF ne s'expliquait pas sur le bien-fondé de l'indu concerné, à hauteur de 17.234,47 euros, somme qu'il a par conséquent déduit de la somme validée dans la contrainte.

Mme [L] se limite à prétendre que la CAF a, sans justification, suspendu ses prestations à compter de 2014 et jusqu'en 2018'; elle ne conteste pas qu'elle était connue de l'organisme sans aucun revenu, que le redressement fiscal a concerné les années civiles de référence pour le calcul de l'AAH à partir de 2014, soit l'avant-dernière année précédant la période de paiement en application des dispositions des articles R. 821-4 et R. 532-3 du Code de la sécurité sociale dont se prévaut la caisse, et que des montants importants et non déclarés ont transité sur ses comptes en banque comme le souligne la caisse.

La cour estime qu'il convient donc de revenir sur la somme à hauteur de laquelle la contrainte a été validée par les premiers juges, et de valider la contrainte à hauteur de 39.390,10 euros, ainsi que le réclame à titre principal la CAF, somme qui représente le total recouvré par la contrainte avant déduction d'un versement et après déduction des deux indus d'APL qui ne relèvent pas de la compétence judiciaire.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur les demandes subsidiaires de la CAF présentées comme reconventionnelles ou sur appel incident.

Le jugement sera ainsi confirmé sauf en ce qui concerne le montant de la somme à hauteur de laquelle la contrainte a été validée.

L'appelante sera condamnée aux dépens de la présente instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble en date du 2 juillet 2020, sauf en ce qu'il a validé la contrainte décernée le 28 septembre 2017 par la CAF de l'Isère pour un montant de 22.155,63 euros correspondant aux indus du complément libre choix du mode de garde, d'allocation de rentrée scolaire, de complément familial, d'allocation de base et d'allocation aux adultes handicapés indument versés au titre de la période d'avril 2011 à août 2014,

Et statuant à nouveau,

Valide la contrainte notifiée le 28 septembre 2017 à Mme [T] [L] par la Caisse d'Allocations Familiales de l'Isère à hauteur de 39.390,10 euros correspondant aux indus du complément libre choix du mode de garde, d'allocation de rentrée scolaire, de complément familial, d'allocation de base et d'allocation aux adultes handicapés indument versés au titre de la période d'avril 2011 à août 2014,

Y ajoutant,

Condamne Mme [T] [L] aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/02685
Date de la décision : 31/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-31;20.02685 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award