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31/10/2022 | FRANCE | N°20/02684

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 31 octobre 2022, 20/02684


C5



N° RG 20/02684



N° Portalis DBVM-V-B7E-KQ5E



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







la CAF DE L'ISÈRE









AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GREN

OBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 31 OCTOBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 19/00064)

rendue par le Pole social du TJ de [Localité 3]

en date du 02 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 01 septembre 2020





APPELANTE :



Madame [U] [N] (levée de la mesure de curatelle le 10/05/22 par TJ Grenoble)

de nationalité Française

[Adresse ...

C5

N° RG 20/02684

N° Portalis DBVM-V-B7E-KQ5E

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la CAF DE L'ISÈRE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 31 OCTOBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 19/00064)

rendue par le Pole social du TJ de [Localité 3]

en date du 02 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 01 septembre 2020

APPELANTE :

Madame [U] [N] (levée de la mesure de curatelle le 10/05/22 par TJ Grenoble)

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Cécile GABION, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/007451 du 12/08/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 3])

INTIMEE :

Organisme CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE L'ISERE, N° SIRET [N° SIREN/SIRET 5], Prise en la personne de ses représentants légaux domicilies en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparante en la personne de M. [R] [E] régulièrement muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 septembre 2022,

M. Pascal VERGUCHT, chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller ont entendu les parties et leurs représentants en leurs conclusions et plaidoiries.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

La commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de l'Isère, par des décisions des 13 décembre 2011, 14 janvier 2014, 19 novembre 2015 et 9 novembre 2017, a accordé à Mme [U] [N] le bénéfice de l'allocation aux adulte handicapé (AAH) du 1er janvier 2012 au 31 octobre 2019.

Par courrier du 19 août 2014, la Caisse d'Allocations Familiales de l'Isère a suspendu le versement de cette prestation.

Aux termes d'une ordonnance de référé du 8 novembre 2018 du tribunal des affaires de la sécurité sociale de Grenoble saisi sur requête du 29 mars 2018 tendant au rétablissement des droits à l'AAH depuis novembre 2014, la juridiction a constaté le rétablissement de ces droits à compter du 1er janvier 2018 et dit n'y avoir lieu à référé pour la période précédente, en présence d'une contestation sérieuse.

Le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a, par jugement en date du 2 juillet 2020 dans le litige opposant Mme [N] à la CAF de l'Isère':

- débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes

(selon l'exposé du litige': rétablissement dans les droits à l'AAH depuis octobre 2014, condamnation de la caisse à 8.000 euros de dommages et intérêts et 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile'; débouté de la demande de rétablissement, condamnation à 1.000 euros de dommages et intérêts et 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile),

- condamné Mme [N] aux dépens nés après le 1er janvier 2019.

Par déclaration du 1er septembre 2020, Mme [N] a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a débouté les parties de leurs demandes et l'a condamnée aux dépens.

Par conclusions du 1er septembre 2022 reprises oralement à l'audience devant la cour, Mme [N], demande à la cour':

- l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions,

- que soit ordonné le rétablissement par la CAF de ses droits à l'AAH depuis octobre 2014,

- la condamnation de la CAF à lui verser 8 000 € de dommages et intérêts pour ses préjudices et notamment son préjudice moral,

- outre 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le débouté des demandes de la caisse.

Par conclusions du 26 aout 2022 reprises oralement à l'audience devant la cour, la CAF DE L'ISÈRE demande'à la cour :

- le débouté des demandes de l'appelante,

- la confirmation du jugement en toutes ses dispositions,

- la condamnation de celle-ci à lui payer 1 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- et 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Selon l'article L. 821-1 du Code de la sécurité sociale applicable entre 2013 et 2020, «Toute personne résidant sur le territoire métropolitain (...) ayant dépassé l'âge d'ouverture du droit à l'allocation prévue à l'article L. 541-1 et dont l'incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés.»

L'article L. 821-3 prévoyait entre 2005 et 2019 que «L'allocation aux adultes handicapés peut se cumuler avec les ressources personnelles de l'intéressé et, s'il y a lieu, de son conjoint, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité dans la limite d'un plafond fixé par décret, qui varie selon qu'il est marié, concubin ou partenaire d'un pacte civil de solidarité et a une ou plusieurs personnes à sa charge. Les rémunérations de l'intéressé tirées d'une activité professionnelle en milieu ordinaire de travail sont en partie exclues du montant des ressources servant au calcul de l'allocation selon des modalités fixées par décret.»

La cour constate que le litige n'est pas fondé sur une décision de la caisse clairement énoncée et justifiée par les parties, et pour apprécier les argumentations de celles-ci, il convient de préciser la chronologie des faits au regard de la motivation de la suspension des droits à l'AAH entre 2014 et 2018, ainsi qu'elle est précisée dans le courrier de suspension du 19 aout 2014, à savoir': une demande par courrier du 30 avril 2014 des relevés de compte depuis janvier 2011, la réception de relevés d'un compte à la [12] du 15 novembre au 12 décembre 2013 et du 10 avril au 9 mai 2014, l'absence d'explications données aux mouvements repérés sur ce compte après une conversation téléphonique du 23 juin 2014, et l'absence de suite donnée aux demandes de la caisse.

Il ressort donc des pièces versées au débat que':

- une déclaration de situation de Mme [N] du 3 décembre 2010 ne déclare aucun conjoint, concubin ou partenaire de PACS,

- une fiche navette (non datée) de la Direction générale des finances publiques aux organismes sociaux signale un redressement de M. [C] [W] et Mme [U] [N] épouse [W] pour les années 2011 et 2012 et pour des revenus respectifs, mobiliers et indéterminés, de 179.809 et 148.267 euros,

- par courrier de la CAF du 30 avril 2014, la caisse a annoncé une vérification complète du dossier de Mme [N] et demandé à celle-ci, notamment, tous ses relevés de comptes à la [12] et à la [7] depuis janvier 2011, et des explications sur l'adresse des comptes et d'une société correspondant à celle de M. [W],

- par courrier du 7 juillet 2015, le curateur de Mme [N], l'association [9], a notifié à la CAF la situation de précarité de la personne protégée,

- par courrier du 8 décembre 2015, la CAF a répondu que le dossier de Mme [N] était complexe, qu'elle avait été condamnée pour de fausses déclarations le 7 février 2008, qu'un nouveau dépôt de plainte avait été fait en octobre 2014 pour de fausses déclarations en vue d'obtenir le complément libre choix de mode de garde, que des explications lui ont été demandées à plusieurs reprises en vain et notamment ses relevés de comptes depuis 2011 dès lors que la caisse disposait de relevés révélant des mouvements créditeurs importants et réguliers, la CAF demandant à nouveau les relevés de compte de janvier 2011 à novembre 2015, les revenus de 2013, et des explications sur la situation familiale et l'adresse à [Localité 3],

- par courrier du 14 mars 2016, l'association [9] n'a pu adresser que des relevés de la [12] de janvier 2013 à octobre 2014 et un duplicata d'opérations pour un compte à la [6] de janvier 2013 à septembre 2014,

- par courrier du 7 mars 2016, la CAF avait déposé une plainte pénale contre les époux [W] pour fausses déclarations et notamment concernant Mme [N], pour percevoir l'AAH,

- par courrier du 30 mai 2017 de la CAF en réponse à un courrier du 24 de l'avocate de Mme [N] au sujet de la suspension de l'AAH, il lui a été expliqué que celle-ci était passée trois fois en commission des fraudes en 2008, 2014 et 2016, qu'elle n'a pas déclaré ses revenus de 2011 et 2012 selon les informations de la DGFIP, ni sa situation familiale, et que le curateur n'a pas fourni de justificatifs postérieurs à octobre 2014,

- par courrier du 11 octobre 2017, l'avocate de l'appelante a déclaré joindre l'ensemble des relevés bancaires de sa cliente de janvier 2011 à août 2017,

- par courrier du 6 décembre 2017, la CAF a rappelé une demande du 17 mai 2016 concernant les relevés de compte de la [12] de janvier 2013 à octobre 2014, de la [6] de novembre 2014 à juin 2015, et du Livret A de la [6] de novembre 2014 à juin 2015, seuls les relevés du compte de la [6] et d'un compte au [8] de juillet 2016 à aout 2017 ayant été envoyés le 11 octobre 2017,

- par courrier du 10 janvier 2018, l'avocate de Mme [N] a répondu que les relevés bancaires de la [12] avaient été envoyés par le curateur de Mme [N] selon le courrier du 14 mars 2016, et qu'il n'y avait jamais eu de Livret A,

- une demande d'ouverture de Livret A par Mme [U] [W] est justifiée en date du 19 novembre 2014, ainsi que sa clôture pour compte inactif le 10 juin 2015,

- le 4 mai 2020, la plainte du 7 mars 2016 a été classée sans suite en raison de l'état mental déficient de Mme [N].

Mme [N] plaide qu'elle a justifié de l'intégralité de ses ressources, et notamment l'intégralité de ses relevés de compte entre 2013 et 2017. La CAF le conteste. Au regard des échanges de courriers rapportés ci-dessus, il apparaît que les relevés des comptes n'ont pas été entièrement justifiés, ni entre 2011 et 2013, ni postérieurement à 2017, ni pour la totalité des comptes identifiés par la CAF à l'aide du fichier [10], ni pour un autre compte encore, inconnu jusqu'ici, dont elle relève qu'il a alimenté le Livret A intialement dénié.

Mme [N] fait valoir qu'elle a fait l'objet d'une procédure d'expulsion, souffre de troubles psychiatriques aggravés par le refus de verser l'AAH et ayant occasionnés des hospitalisations, et a demandé une procédure de surendettement': pour autant, ces éléments ne permettent ni d'identifier avec précision les ressources de l'intéressée, ni d'affirmer que l'AAH était sa seule ressource, ni de connaître les sommes ayant transité sur ses comptes ou dont elle a profité, ni de fournir une explication sur sa situation familiale exacte et l'absence de mention de son mari dans les formulaires adressés à la CAF, malgré les demandes répétées de la caisse pour obtenir des explications et régulariser la situation avant 2018. Mme [N] ne justifie dans la présente procédure d'aucun des relevés de compte litigieux. Elle souligne enfin que le courrier de décembre 2017 ne réclamait plus les relevés des années 2011 et 2012, mais il n'y a pas lieu de retenir ce fait à son avantage dans la mesure où ces relevés lui ont été demandés en vain pendant des années, de 2014 à 2017.

Mme [N] fait valoir qu'elle a clarifié sa situation matrimoniale et familiale et une séparation de fait depuis 2009, mais elle ne justifie ni de l'ordonnance de non-conciliation qui aurait été rendue le 30 juillet 2014, ni d'aucun élément sur sa vie familiale réelle entre 2011 et 2018, alors qu'elle était bien mariée contrairement à ses déclarations à la caisse. Elle ajoute que la séparation de fait peut être indifférente aux yeux de l'administration fiscale, alors qu'elle doit être prise en compte par l'organisme social'; cependant, la cour constate que l'absence de clarification de sa situation ne permet pas de confirmer la séparation de fait alléguée, y compris s'agissant de l'adresse au n° [Adresse 1] qui correspondrait à l'adresse de M. [W] (selon une déclaration de situation de 2010) ou de la société de Mme [N] (liquidée en 2015 selon ses conclusions) mais qui figure à l'intitulé de ses comptes entre 2007 et 2014 selon les informations transmises par [10] à la CAF, ainsi qu'il en est justifié.

Dans ces conditions, la cour constate que Mme [N] ne justifie pas de sa situation financière et familiale de 2014 à 2017, et la CAF a donc légitimement suspendu le versement de l'AAH et refusé toute régularisation sur cette période. La demande principale de rétablissement de droit, et la demande subséquente d'indemnisation pour refus de droit abusif, sont donc infondées.

En ce qui concerne la demande d'indemnisation de préjudices, Mme [N] fait également grief à la caisse d'avoir tardé à répondre à ses démarches alors que tel n'a pas été le cas, notamment lors des échanges de courriers de mai 2017, et la cour relève que c'est Mme [N] qui a empêché un traitement plus rapide de sa situation en ne répondant pas aux demandes répétées de justificatifs et d'explications de la caisse.

La CAF, pour sa part, avait sollicité en première instance une indemnisation à hauteur de 1.000 euros et avait été déboutée de cette demande : elle sollicite la confirmation du jugement et renouvelle cette demande d'indemnisation en appel. Toutefois, elle se prévaut d'un préjudice dont elle ne justifie pas précisément, en estimant que la procédure de Mme [N] est abusive, au prétexte qu'elle demanderait le rétablissement d'un droit dont la suspension lui est exclusivement imputable': ce caractère abusif n'est cependant pas établi par la caisse en l'état des éléments versés au débat, qui ne permettent pas de retenir notamment une malice, une mauvaise foi ou une erreur grossière équipollente au dol.

La cour note que la CAF demande la confirmation du jugement qui l'avait débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles en première instance.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions.

Il y aura lieu d'ajouter le rejet de la demande de dommages et intérêts formulée par la CAF, et la condamnation de Mme [N] aux dépens de la procédure d'appel.

La CAF formule une demande au titre des frais irrépétibles de la présente instance. L'équité et la situation des parties recommandent qu'il soit fait droit à hauteur de 800 euros à cette demande et Mme [N] sera condamnée à payer cette somme à la CAF sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble en date du 2 juillet 2020,

Y ajoutant,

Déboute la Caisse d'Allocations Familiales de l'Isère de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne Mme [U] [N] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne Mme [U] [N] à payer à la Caisse d'Allocations Familiales de l'Isère une somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/02684
Date de la décision : 31/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-31;20.02684 ?
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