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31/10/2022 | FRANCE | N°20/02618

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 31 octobre 2022, 20/02618


C5



N° RG 20/02618



N° Portalis DBVM-V-B7E-KQXC



N° Minute :





































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







la SELARL [4]





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CH

AMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 31 OCTOBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 18/01153)

rendue par le Pole social du TJ de GRENOBLE

en date du 10 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 24 août 2020





APPELANTE :



S.A.R.L. [5] agissant poursuites et diligences de son représentant légal

en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adr...

C5

N° RG 20/02618

N° Portalis DBVM-V-B7E-KQXC

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL [4]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU LUNDI 31 OCTOBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 18/01153)

rendue par le Pole social du TJ de GRENOBLE

en date du 10 juillet 2020

suivant déclaration d'appel du 24 août 2020

APPELANTE :

S.A.R.L. [5] agissant poursuites et diligences de son représentant légal

en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, avocat postulant

plaidant par Me Renaud BARRIOZ de la SCP CABINET BARIOZ - PHIKIPPE DE LABORIE - MICHAUD, avocat au barreau de LYON,

INTIMEE :

Etablissement URSSAF DE L'ISERE agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre-luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE substituée par Me Emmanuelle CLEMENT, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 septembre 2022,

M. Pascal VERGUCHT, chargé du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

Les 09 et 26 juillet 2016, un protocole transactionnel a été signé entre la SARL [5] et son salarié, M. [P] [L], alors que celui-ci avait contesté devant la juridiction prud'homale un licenciement pour faute grave qui lui avait été notifié par courrier du 21 octobre 2015.

Ce protocole prévoyait notamment un versement d'une indemnité de 87 000 € à M. [L] qui s'engageait à se désister de l'instance et de l'action prud'homale.

À la suite d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires pour les années 2014 à 2016, l'URSSAF Rhône-Alpes a, par lettre d'observations du 21 décembre 2017, notifié à la SARL [5] un rappel de cotisations et contributions de 8 2 524€ comprenant notamment, au titre du point n° 2 du redressement, une somme de 16 849 € au titre d'une indemnité de préavis dans le cadre de la transaction avec M. [L].

Après des échanges des 25 janvier et 21 mars 2018 et la notification d'une mise en demeure du 15 juin 2018, la société a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF pour contester les points n° 2 et 8 du redressement.

Par décision du 12 juillet 2019, la commission a réduit la régularisation au titre du point n° 8 et maintenu intégralement le chef de redressement n° 2.

Le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a, par jugement en date du 10 juillet 2020 dans le litige opposant la SARL [5] à l'URSSAF RHÔNE-ALPES':

- dit que la société ne justifie pas du caractère indemnitaire de l'indemnité transactionnelle versée à M. [L],

- confirmé le bienfondé du redressement relatif à cette indemnité,

- condamné la société à verser à l'URSSAF la somme de 16 849€ au titre des cotisations et majorations de retard sans préjudice des majorations complémentaires,

- annulé le redressement relatif à des rémunérations non déclarées et non soumises à cotisations (correspondant au chef de redressement n° 8),

- dit n'y avoir lieu à indemnités au titre des frais irrépétibles,

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 24 aout 2020, la SARL [5] a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a dit le caractère indemnitaire de l'indemnité transactionnelle de M. [L] non justifié, confirmé le redressement sur ce point et condamné la société au paiement de 16.849 euros.

Par conclusions du 27 juillet 2022 reprises oralement à l'audience devant la cour, la SARL [5] demande à la cour':

- de réformer partiellement du jugement,

- de dire que la société justifie du caractère indemnitaire de l'indemnité litigieuse,

- d'annuler lechef de redressement n° 2, la décision de la commission de recours amiable du 12 juillet 2019, et les majorations et pénalités afférentes,

- de condamner l'URSSAF aux dépens de première instance et d'appel, et à lui verser 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 20 juillet 2022 reprises oralement à l'audience devant la cour, l'URSSAF RHÔNE-ALPES demande à la cour':

- de débouter la société de toutes ses demandes,

- de confirmer le jugement entrepris,

- de condamner la société à lui payer 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIVATION

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sur lequel se fondent les parties, dans ses termes applicables en 2016, disposait que': «Pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. (')

Est exclue de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3, la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ou de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du même code.»

Selon une jurisprudence établie, il résulte des dispositions du premier alinéa de cet article que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail, autres que les indemnités mentionnées dans le dixième alinéa repris ci-dessus, sont comprises dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice': le juge est tenu de rechercher si la somme versée dans le cadre d'une transaction et qualifiée par les parties d'«indemnité transactionnelle et définitive» n'englobe pas des éléments de rémunération soumis à cotisations, quelle que soit la qualification retenue par les parties.

La société appelante fait valoir qu'elle n'a pas renoncé au bien-fondé et à la qualification du licenciement pour faute grave qu'elle a prononcé.

Elle estime que la commission de recours amiable a retenu à tort que le protocole ne maintenait pas sans réserve la rupture pour faute grave, que l'indemnité ne réparait pas un préjudice à raison de la rupture du contrat de travail et que M. [L] ne renonçait pas expressément à son indemnité compensatrice de préavis.

La société estime que la lettre d'observations n'a pas prouvé une absence de renonciation au licenciement pour faute grave, en sachant que la preuve d'une absence est impossible, que les termes du protocole sont dépourvus d'ambiguïté et qu'aucune mention expresse n'est exigée par la jurisprudence dès lors que les juges du fond doivent vérifier la volonté exprimée par les parties.

Enfin, la société conclut que le tribunal n'a pas repris l'énoncé exprès des termes du protocole transactionnel qui maintenait les motifs du licenciement, prévoyaient une indemnisation d'un préjudice et une renonciation du salarié à une indemnité compensatrice de préavis, et que les premiers juges ont ajouté une condition qui n'est pas prévue par les textes ni exigée par la jurisprudence en relevant que l'indemnisation n'était pas motivée par un préjudice moral ou financier.

L'URSSAF considère pour sa part que la société ne répond à aucun moment à la question de savoir quel était le but indemnitaire venant réparer un préjudice, seul ce caractère indemnitaire permettant d'exclure la somme de l'assiette des cotisations sociales.

Elle ajoute que, de surcroît, aucun élément ne vient confirmer le maintien explicite de la qualification de faute grave du licenciement et la renonciation explicite par le salarié à tout paiement de sommes résultant de la conclusion, de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail.

La cour constate que le protocole transactionnel mentionne dans son article 1 que': «La société [5] accepte de verser à Monsieur [P] [L], à titre transactionnel et forfaitaire, sans que ce règlement puisse être considéré comme un acquiescement aux contestations qu'il avait émises, la somme de 87.000 euros nette, sur laquelle elle acquittera les cotisations et charges sociales applicables, en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi à raison de la rupture de son contrat de travail.»

La nature précise du préjudice indemnisé n'est donc pas indiquée, en sachant qu'aucun élément dans la transaction ne permet de connaître le préjudice exactement indemnisé et qui n'aurait pas les caractéristiques d'un élément de rémunération lors de la rupture du contrat de travail.

Les autres termes du protocole, selon lesquels la société «maintient que la rupture avait bien été rendue nécessaire compte tenu des difficultés qu'elle a constatées dans l'exécution du contrat de travail, des carences du salarié dans l'accomplissement de ses fonctions, et des difficultés relationnelles qui se sont développées avec le personnel dont il avait la charge», et selon lesquels M. [L] «reconnaît expressément avoir été intégralement rempli de ses droits (') et déclare en conséquence renoncer irrévocablement à réclamer à la société [5] tous autres avantages en nature ou en argent de quelque sorte que ce soit» comprenant l'indemnité compensatrice de préavis, ne sauraient suffire à convaincre la cour en l'absence de précision du préjudice indemnisé par la transaction.

Au surplus, si M. [L] a renoncé expressément à l'indemnité de préavis selon le texte du protocole, il a par contre été exactement relevé que le maintien du licenciement pour faute grave n'est pas expressément formulé, la référence à des motifs de rupture et au maintien du principe de la rupture ne visant pas la qualification même de la faute grave': une ambiguïté entache les dispositions du protocole sur ce point et empêche d'en tirer toute conséquence utile.

Il convient donc de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions critiquées par le présent appel, étant précisé que celles concernant le point de redressement annulé ne font pas partie de la saisine de la cour.

Il y a lieu d'ajouter au jugement que la société [5] sera condamnée aux dépens de la présente instance.

L'équité et la situation des parties recommandent que l'URSSAF ne conserve pas l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour faire valoir ses droits': la société appelante sera donc condamnée à lui verser une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme les dispositions critiquées du jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble en date du 10 juillet 2020,

Y ajoutant,

Condamne la SARL [5] aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la SARL [5] à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/02618
Date de la décision : 31/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-31;20.02618 ?
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