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27/10/2022 | FRANCE | N°20/02221

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 27 octobre 2022, 20/02221


C3



N° RG 20/02221



N° Portalis DBVM-V-B7E-KPQT



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







La [5]





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 18/617)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de VALENCE

en date du 20 mars 2020

suivant déclaration d'appel du 10 juillet 2020





APPELANTE :



La [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit si...

C3

N° RG 20/02221

N° Portalis DBVM-V-B7E-KPQT

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

La [5]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 18/617)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de VALENCE

en date du 20 mars 2020

suivant déclaration d'appel du 10 juillet 2020

APPELANTE :

La [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

comparante en la personne de Mme [P] [K], régulièrement munie d'un pouvoir

INTIMEE :

SAS [7], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Cécile GABION, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Laure ARNAUD, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 1er septembre 2022

M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 27 octobre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 27 octobre 2022.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 18 décembre 2017, l'entreprise de travail temporaire [7] a établi une déclaration d'accident du travail accompagnée d'un courrier de réserves concernant M. [J] [X], mis à disposition de la société [8] en qualité d'opérateur découpe dans les circonstances suivantes d'après cette déclaration : «M.[X] travaille au dégrappage de tôle. A force de taper avec un maillet sur les plaques de tôles afin de dégrapper les pièces, il aurait ressenti une douleur dans le bras gauche et le poignet droit».

Le certificat médical initial établi le jour des faits mentionne une contusion épaule et au coude gauche suite à man'uvre répétitive.

Cet accident a été pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la [5] ([5]) de la Drôme suivant notification du 16 avril 2018.

M.[X] a été placé en arrêt de travail jusqu'au 27 juin 2019, date de consolidation de ses lésions.

Le 6 août 2018, la société [7] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence d'un recours à l'encontre du rejet implicite de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge par la commission de recours amiable de la caisse primaire saisie le 11 juin 2018.

Lors de sa séance du 26 novembre 2018, la commission de recours amiable a maintenu la décision prise par la caisse primaire.

Par jugement du 20 mars 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Valence a :

- déclaré inopposable à la société [7] la décision de la [5] de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la déclaration d'accident du travail de M.[X] du 18 décembre 2017,

- condamné la [5] aux éventuels dépens à compter du 1er janvier 2019.

Le 10 juillet 2020, la [5] a interjeté appel de cette décision.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 1er septembre 2022 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 27 octobre 2022.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon ses conclusions transmises au greffe le 22 avril 2022 et développées oralement à l'audience, la [5] demande à la Cour de :

- recevoir ses demandes et les déclarer bien fondées,

Y faisant droit,

- annuler le jugement du tribunal judiciaire de Valence du 20 mars 2020,

- constater qu'elle disposait bien de présomptions graves, précises et concordantes permettant de reconnaître le caractère professionnel de l'accident de M. [X] du 18 décembre 2017,

- constater qu'elle rapporte la preuve de la matérialité de l'accident survenu le 18 décembre 2017 à M.[X],

- juger opposable à la société [7] la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident survenu le 18 décembre 2017 à M. [X],

- maintenir sa décision qui a été confirmée par la commission de recours amiable,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Elle a précisé à l'audience qu'elle demandait l'infirmation du jugement.

La [5] soutient que la présomption d'imputabilité s'applique.

Elle expose que les informations fournies par l'employeur, l'assuré et la personne citée comme témoin ont corroboré les éléments figurant sur la déclaration d'accident du travail et le certificat médical initial.

Elle prétend que l'employeur ne renverse pas cette présomption puisqu'il ne rapporte pas la preuve d'une cause totalement étrangère au travail à l'origine de la lésion.

Selon ses conclusions transmises au greffe le 22 juillet 2022 et développées oralement à l'audience, la société [7] demande à la Cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré,

en conséquence,

- déclarer inopposables à son égard la décision de prise en charge de l'accident du travail de M. [X] du 18 décembre 2017 au titre de la législation professionnelle ainsi que l'ensemble des conséquences financières et médicales qui en découlent,

A titre subsidiaire, statuant sur sa demande relative à l'imputabilité des arrêts de travail,

- juger que la durée de l'ensemble des arrêts de travail octroyés à M. [X] est manifestement disproportionnée et donc injustifiée,

- juger que la présomption d'imputabilité n'est pas applicable, en l'absence de continuité de symptômes, de soins et d'arrêts de travail,

- en conséquence, lui déclarer inopposables les arrêts de travail délivrés à M. [X] qui ne sont pas en relation directe et unique avec l'accident du travail du 18 décembre 2017,

A cette fin et avant dire droit, ordonner une mesure d'expertise médicale judiciaire sur pièces et nommer un expert avec pour mission en substance de dire si l'ensemble des arrêts de travail de M. [X] est ou non en relation directe et unique avec l'accident du travail du 18 décembre 2017 et les lésions résultant de cet accident,

Dans ce cadre, demander au médecin conseil de la [5] de transmettre, au médecin expert désigné et à son consultant médical, les éléments médicaux ayant contribué à la prise en charge des arrêts de travail de M. [X],

- dire que l'expert convoquera les parties à une réunion contradictoire afin de recueillir leurs éventuelles observations sur les documents médicaux soumis à son examen,

- dire que l'expert devra communiquer aux parties un pré-rapport et solliciter de ces dernières la communication d'éventuels dires, préalablement à la rédaction du rapport définitif,

- enjoindre à la [5] de communiquer l'ensemble des pièces médicales en sa possession,

En tout état de cause,

- condamner la [5] aux entiers dépens.

La société [7] soutient à titre principal l'absence de fait accidentel brusque et soudain à l'origine des lésions du salarié puisque le salarié a ressenti une douleur progressive à force de taper avec un maillet. Elle estime que l'ensemble des certificats médicaux font état d'un processus évolutif exclusif de la notion d'accident du travail.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions, il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

La SASU [7] a saisi le 11 juin 2018 la commission de recours amiable d'un recours contre la décision de la [5] du 16 avril 2018 de prise en charge de l'accident du 18 décembre 2017 de son salarié, M. [J] [X].

Dans sa requête elle a demandé également au cas où il ne serait pas fait droit à sa demande que la commission détermine avec exactitude les seuls arrêts à prendre en charge au titre de la législation des risques professionnels et d'écarter les arrêts qui pourraient être relatifs à une aggravation de la lésion initiale ou à une prise en charge de lésions étrangères à l'accident du travail.

La SASU [7] a saisi la juridiction sociale le 7 août 2018 sur rejet implicite et la commission de recours amiable s'est prononcée le 26 novembre 2018 et a rejeté les deux demandes de la SASU [7].

1°) Sur l'opposabilité à l'employeur de l'accident du travail.

Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Est considéré comme accident du travail la lésion causée par une action violente et soudaine mais aussi un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

La lésion survenue au temps et lieu du travail bénéficie de la présomption d'imputabilité au travail découlant du texte précité et il incombe seulement au salarié ou à la caisse de rapporter la preuve de la matérialité de cet accident.

Il appartient ensuite à l'employeur de renverser cette présomption d'imputabilité en rapportant la preuve que la lésion a une cause totalement étrangère au travail.

Au cas d'espèce il ressort de l'enquête réalisée que l'accident a été connu de l'employeur le jour même à 10 h 30. Le salarié a interrompu son travail et s'est rendu à l'hôpital privé [6] où le certificat médical initial daté du 18 décembre mentionne une contusion de l'épaule et du coude gauche suite à une manoeuvre répétitive.

Il est en cohérence avec la déclaration d'accident du travail faite par l'employeur avec réserves selon laquelle 'à force de taper avec un maillet sur les plaques de tôles afin de dégrapper les pièces, il aurait ressenti une douleur dans le bras gauche et le poignet droit'.

Lors de l'enquête le salarié a cité comme témoin M. [N] [L], animateur de ligne, dont la déclaration a pu être recueillie par la caisse (pièce n° 7) et qui déclare ne pas avoir vu l'accident se produire mais avoir agi en tant que secouriste.

Il confirme que le salarié victime de l'accident du travail était occupé à dégrapper des pièces mal découpées par la machine en tapant avec un marteau et a répondu positivement à la question de la caisse de savoir s'il s'agissait d'un effort exceptionnel.

Enfin l'accident a été porté au registre des accidents bénins de l'entreprise utilisatrice avec la mention 'douleur épaule gauche et poignet droit'.

Dès lors la preuve est suffisamment établie d'une lésion soudaine survenue au temps et lieu du travail devant bénéficier de la présomption d'imputabilité à celui-ci.

Elle fait suite à une série de gestes répétés accomplis au cours de la même journée de travail de sorte que la qualification d'accident du travail ne peut être écartée pour ce motif.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré cet accident inopposable à l'employeur et il sera fait droit à la demande de la [5] de le juger opposable à la société [7].

2°) Sur l'opposabilité à l'employeur des soins et arrêts de travail jusqu'à la date de consolidation (27 juin 2019).

Il découle des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale au terme d'une jurisprudence constante (Ch. réunies, 7 avril 1921) une présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

Dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, cette présomption s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

L'absence de continuité de symptômes et soins jusqu'à la date de consolidation n'est pas de nature à écarter la présomption d'imputabilité à l'accident du travail des soins et arrêts de travail contestés par l'employeur.

Il appartient à l'employeur de renverser cette présomption et de rapporter la preuve contraire en démontrant que les lésions, soins et arrêts de travail litigieux ont, en totalité ou pour partie, une cause totalement étrangère au travail.

La société [7] n'a versé aux débats qu'un rapport d'analyse par un médecin qu'elle a mandaté à cet effet des pièces médicales versées aux débats par la caisse qui relève l'absence de continuité médicalement documentée des symptômes, soins et arrêts de travail du 24 janvier 2018 au 2 septembre 2018 qui n'est donc pas de nature à écarter la présomption d'imputabilité.

Pour le surplus il est mis en exergue par ce rapport une durée anormalement longue des soins et arrêts de travail au cours desquels le salarié a fait l'objet d'une intervention chirurgicale de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche et la probabilité d'un état pathologique antérieur affectant cette épaule, siège des lésions décrites au certificat médical initial d'accident du travail.

Cette analyse à elle seule est donc insuffisante à rapporter la preuve ou à tout le moins un commencement de preuve, d'une cause totalement étrangère au travail de tout ou partie des soins et arrêts de travail présumés imputés à l'accident de travail du 18 décembre 2017.

La SASU [7] sera donc déboutée de sa demande de lui déclarer inopposables les arrêts de travail qui ne sont pas en relation directe et unique avec l'accident et d'ordonner avant dire droit à cet effet une expertise médicale judiciaire sur pièces.

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la SASU [7] qui succombe.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement RG 18/00617 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence le 20 mars 2020.

Statuant à nouveau,

Déclare opposable à la SAS [7] l'accident du travail survenu à M. [J] [X] le 18 décembre 2022 ;

Déboute la SAS [7] de sa demande aux fins de lui déclarer inopposables les arrêts de travail délivrés à M. [J] [X] qui ne sont pas en relation directe et unique avec l'accident du travail du 18 décembre 2017 et d'ordonner à cette fin avant dire droit une expertise médicale judiciaire sur pièces ;

Condamne la SAS [7] aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/02221
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;20.02221 ?
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