La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/10/2022 | FRANCE | N°20/02094

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 27 octobre 2022, 20/02094


C3



N° RG 20/02094



N° Portalis DBVM-V-B7E-KPFT



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







la SELARL [2]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE S

OCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 17/00557)

rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VALENCE

en date du 11 juin 2020

suivant déclaration d'appel du 10 juillet 2020





APPELANTE :



Mme [F] [L]

née le 28 octobre 1974 à SOUK AHRAS

de nationalité Française

[Adresse 3]

[...

C3

N° RG 20/02094

N° Portalis DBVM-V-B7E-KPFT

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL [2]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 27 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 17/00557)

rendue par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VALENCE

en date du 11 juin 2020

suivant déclaration d'appel du 10 juillet 2020

APPELANTE :

Mme [F] [L]

née le 28 octobre 1974 à SOUK AHRAS

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Ronald GALLO, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me Grégoire DE PETIVILLE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

La CAF DE LA DROME, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Virginie FOURNIER de la SELARL FDA AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 1er septembre 2022

M. Jean-Pierre DELAVENAY chargé du rapport et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 27 octobre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 27 octobre 2022.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [F] [L], considérée par la Caisse d'Allocations Familiales (CAF) de l'Isère comme parent isolé avec quatre enfants à charge depuis sa séparation en mai 2013 avec le père, M. [P] [Y], a bénéficié des allocations suivantes :

- l'Aide Personnalisée au Logement (APL) pour sa résidence principale située à [Localité 4] en qualité d'accédant à la propriété,

- le Revenu de Solidarité Active (Rsa) sollicité en juin 2013,

- le complément familial et sa majoration.

A l'issue d'un contrôle diligenté par la CAF de l'Isère et du rapport établi le 31 janvier 2017, il a été retenu :

- une reprise de vie maritale non déclarée entre l'allocataire et M. [P] R depuis le mois de septembre 2015,

- le défaut de remboursement de ses échéances de prêt par Mme [L] pour la période antérieure à la vie maritale et ne lui ouvrant pas droit, en conséquence, à l'aide au logement,

- une absence de déclaration de l'intégralité de la pension alimentaire perçue.

A la suite de la régularisation du dossier de Mme [L] effectuée le 21 mars 2017 et de la prise en compte des ressources de M. [P] R à compter du mois de septembre 2015, des indus de prestations lui ont été notifiés pour un montant total de 24 270,74 euros, correspondant à :

6 168, 09 euros de Rsa socle versé à tort de mars 2014 à mars 2017,

17 377,44 euros d'APL versée de mars 2014 à décembre 2016,

725,21 euros de complément familial versé de novembre 2015 à février 2017.

Le 12 avril 2017, des indus de primes de Noël ont également été notifiés à Mme [L] pour un montant de 396,37 euros correspondant à la période de décembre 2015 et de 396,37 euros, somme versée en décembre 2016.

En raison du caractère frauduleux du dossier retenu par la CAF de l'Isère, une pénalité administrative d'un montant de 2 720 euros a été appliquée et notifiée à Mme [L] par courrier du 18 avril 2017.

Suivant décision du 7 juin 2017, l'indu d'APL a été maintenu par la direction de la CAF de l'Isère (Commission APL) et, le même jour, la commission de recours amiable de la caisse a confirmé l'indu de complément familial.

Les indus portant sur les primes de Noël ont été confirmés par la direction de la CAF de l'Isère le 13 juin 2017.

Le 27 juillet 2017, Mme [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence de trois recours aux fins de contestation des décisions qui lui ont été notifiées par la CAF de l'Isère les 7 juin 2017 et 13 juin 2017.

Par jugement du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les requêtes de Mme [L] tendant à l'annulation des indus d'APL, de primes de Noël, de sa radiation au droit au Rsa et a transmis à la juridiction sociale de Valence les contestations de l'allocataire portant sur la pénalité administrative et l'indu de complément familial.

Par jugement du 11 juin 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Valence a :

- ordonné la jonction des recours,

- constaté l'irrecevabilité des demandes relatives aux indus d'APL et de primes de Noël,

- débouté Mme [L] de toutes ses autres demandes,

- confirmé la décision de la commission de recours amiable de la CAF de la Drôme du 7 juin 2017 relative au complément familial et la décision de la caisse notifiée le 9 juin 2017 relative à la pénalité administrative pour fraude de 2.720 euros,

- condamné Mme [L] à payer à la CAF de la Drôme la somme de 725,21 euros au titre d'un indu de complément familial et 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [L] aux éventuels dépens à compter du 18 janvier 2019.

Le 10 juillet 2020, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement portant sur l'intégralité des chefs de jugements précédemment énoncés.

Les débats ont eu lieu à l'audience du 1er septembre 2022 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 27 octobre 2022.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon ses conclusions transmises par voie électronique le 13 mai 2022 et reprises oralement à l'audience, Mme [L] demande à la Cour de :

- infirmer le jugement du pôle social près le tribunal judiciaire de Valence du 11 juin 2020,

In limine litis,

- annuler l'intégralité de la procédure de notification d'indu ainsi que la procédure de recouvrement,

Sur le fond,

- dire qu'elle n'a commis aucune fraude aux prestations de la CAF de la Drôme,

- annuler les décisions de la commission de recours amiable,

- rétablir ses droits à prestation,

- condamner la CAF de la Drôme à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la CAF de la Drôme aux dépens.

Mme [L] soutient sur la forme :

- que le rapport d'enquête est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'est pas signé par son auteur ni établi qu'il émane d'un contrôleur assermenté et agréé ;

- que la procédure de recouvrement est également entachée d'irrégularité en l'absence d'une notification d'indu régulière comportant la signature de son auteur et de mise en demeure préalable au recouvrement des prestations.

Au fond elle conteste l'existence d'une reprise de la vie commune avec M. [P] R depuis 2015 pour les raisons de fait développées dans ses écritures auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ce chef.

Elle soutient vivre seule avec ses quatre enfants.

Selon ses conclusions déposées au greffe le 18 juillet 2022 et reprises oralement à l'audience, la CAF de la Drôme demande à la Cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire le 11 juin 2020,

- débouter Mme [L] de l'ensemble de ses prétentions,

- condamner Mme [L] au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et à tous dépens et frais d'exécution, s'il y a lieu, sous toutes réserves pour conclusions.

La CAF de la Drôme relève l'irrecevabilité des recours portant sur l'APL et les primes de fin d'année pour les bénéficiaires du Rsa car seule la juridiction administrative est compétente. Mme [L] a d'ailleurs saisi le tribunal administratif de Grenoble le 20 juillet 2017 qui a rejeté ses requêtes par jugement du 3 décembre 2019 confirmant ainsi les indus litigieux tant dans leur principe que dans leur montant.

- Concernant le rapport d'enquête elle fait valoir qu'aucun texte n'impose que le rapport d'enquête soit signé pour qu'il acquière force probante. Elle ajoute que le document comporte la dénomination de l'organisme et la mention de l'identité de son auteur et qu'en conséquence, aucun élément ne permet d'avoir de doute sur l'identité du contrôleur ayant rendu le rapport.

- Concernant la notification de l'indu : elle affirme que Mme [L] a bien réceptionné par recommandé avec accusé de réception signé par l'allocataire le 29 mars 2017.

MOTIVATION

Mme [L] a effectué une déclaration d'appel reprenant l'ensemble des chefs du dispositif du jugement du 11 juin 2020 et, dans ses conclusions, demande d'infirmer ce jugement et d'annuler la procédure de notification d'indu ainsi que la procédure de recouvrement, subsidiairement de dire qu'elle n'a commis aucune fraude aux prestations, d'annuler les décisions de la commission de recours amiable et de rétablir ses droits à prestations, sans préciser lesquelles.

Initialement Mme [L] avait saisi l'ex tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence de trois recours :

- un recours n° 20170577 contre une décision du 7 juin 2017 de la commission de recours amiable de la caisse d'allocations familiales de la Drôme relativement à un indu d'aide personnalisée au logement de mars 2014 à décembre 2016 ;

- un recours n° 20170578 contre une décision du 12 juin 2017 de la caisse d'allocations familiales de la Drôme lui ayant refusé le bénéfice de primes de Noël en 2015 et 2016;

- un recours n° 20170579 contre une décision du 7 juin 2017 de la caisse d'allocations familiales de la Drôme relativement à un indu de complément familial de novembre 2015 à février 2017.

Au cours de cette instance judiciaire, le tribunal administratif de Grenoble concurremment saisi par Mme [L] a rendu le 18 novembre 2019 un jugement par lequel :

- les conclusions de sa requête relative à la pénalité administrative de 2 720 euros en raison d'une fraude et à un indu de complément familial de 725,21 euros ont été transmises au tribunal de grande instance de Valence en ce qu'elles ne relevaient pas de la compétence de la juridiction administrative ;

- les conclusions relatives à un indu d'aide personnalisée au logement de 17 377,44 euros, à un indu d'aide exceptionnelle de fin d'années 2015 et 2016 d'un montant de 792,74 euros et à la contestation de la décision du conseil départemental de la Drôme du 28 mars 2017 prononçant la radiation de ses droits au revenu de solidarité active à compter du 31 mars 2017 ont été rejetées.

Le jugement querellé du tribunal judiciaire du 11 juin 2020 a notamment :

- ordonné la jonction des recours,

- constaté l'irrecevabilité des demandes relatives aux indus d'APL et de primes de Noël.

Mme [L] n'a formulé aucun moyen au soutien de sa demande de réformation du jugement sur ces deux chefs, étant précisé que la jonction est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours.

La caisse d'allocations familiales de la Drôme a sollicité la confirmation du jugement faisant valoir que relèvent de la compétence de la juridiction administrative les contestations relatives :

- aux décisions prises par l'organisme payeur au titre de l'aide personnalisée au logement (article L. 351-14 du code de la construction et de l'habitation) ;

- aux aides exceptionnelles de fin d'année dénommées primes de Noël accordées aux bénéficiaires du revenu de solidarité active en ce que l'article R. 222-13-1° donne compétence au juge administratif pour les litiges relatifs aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi mentionnés à l'article R. 772-5 et que cette aide exceptionnelle de fin d'année fait partie des droits rattachés au revenu de solidarité active et rentre dans le domaine des droits d'aide sociale.

En outre il a déjà été statué par la juridiction administrative sur l'indu de 792,74 euros notifié à Mme [L] au titre de ces aides exceptionnelles des années 2015 et 2016, ainsi que sur l'indu d'aide personnalisée au logement et la radiation au 31 mars 2017 de ses droits au revenu de solidarité active.

Le jugement sera donc confirmé de ces chefs de sorte que le litige dévolu à la cour ne porte en définitive que sur l'indu de complément familial de 725,21 euros et la pénalité pour fraude de 2 720 euros.

1°) Sur la régularité de la procédure de notification d'indu et la procédure de recouvrement.

Mme [L] entend faire juger la nullité du rapport d'enquête du 31 janvier 2017 aux motifs :

- que selon l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration issu de la loi n° 2000-3231 du 12 avril 2020 relative aux garanties et aux droits des usagers dans leurs relations avec les administrations applicable aux organismes de sécurité sociale :

'toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du nom, du prénom et de la qualité de celui-ci';

- qu'en application de l'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale, le contrôleur chargé par les organismes sociaux des procédures de recouvrement des cotisations, doit être assermenté et agréé dans les conditions fixées par décret.

Le rapport d'enquête n'est pas assimilable à une décision faisant grief à l'usager au sens des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration précité et sa valeur probante n'est pas conditionnée par l'apposition d'une signature manuscrite de son auteur.

À ce titre aucun élément versé aux débats ne permet de rapporter la preuve qu'il n'émanerait pas de la caisse d'allocations familiales et du contrôleur désigné comme auteur de ce rapport, Mme [V] [Z]

L'article L. 114-10 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige dispose que : 'Les directeurs des organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale ou du service des allocations et prestations mentionnées au présent code confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale ou par arrêté du ministre chargé de l'agriculture, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant l'attribution des prestations, le contrôle du respect des conditions de résidence et la tarification des accidents du travail et des maladies professionnelles. Des praticiens-conseils et auditeurs comptables peuvent, à ce titre, être assermentés et agréés dans des conditions définies par le même arrêté. Ces agents ont qualité pour dresser des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire'.

La caisse d'allocations familiales a versé aux débats sous pièce 14 le procès verbal de prestation de serment du 10 décembre 2003 de Mme [V] [Z] devant le tribunal d'instance de Valence et sa décision d'agrément définitif le 6 décembre 2004 par le directeur de la caisse nationale des allocations familiales.

Enfin le fait que le rapport d'enquête mentionne un contrôleur stagiaire et un contrôleur tuteur identique dans les deux cas soit la même Mme [V] [Z], signifie seulement qu'aucun contrôleur stagiaire n'est intervenu dans la rédaction de ce rapport dont la valeur probante ne peut donc être contestée à raison des deux moyens précités qui ne peuvent donc être accueillis.

En second lieu Mme [L] excipe de l'irrégularité de la procédure de recouvrement en ce que :

- la caisse d'allocations familiales n'a pas adressé de mise en demeure préalable au recouvrement des prestations conformément aux dispositions de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale ;

- la notification d'indu est irrégulière puisqu'elle ne comporte pas de signature, le nom et la qualité de son auteur et qu'il n'a pas été justifié de son envoi (article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale).

L'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale invoqué par Mme [L] au soutien de son moyen dans sa rédaction applicable au litige fait référence aux articles L. 244-1, L. 244-6 et L. 244-8-1 du même code et s'inscrit dans le titre IV du livre II du code de la sécurité sociale relatif aux ressources des organismes du régime général.

Il concerne donc les procédures de recouvrement de cotisations effectuées par les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) mais non la récupération d'indus de prestations familiales versées de sorte que le moyen invoqué est inopérant.

L'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale applicable lui au litige dispose que :

'L'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir. Elle indique les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l'article R 142-1 présenter ses observations écrites ou orales.

A l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme créancier compétent, en cas de refus du débiteur de payer, lui adresse par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, les voies et délais de recours et le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées'.

Ces dispositions n'exigent pas, à peine de nullité, que la notification de payer qui n'est pas un acte de recouvrement à la différence de la mise en demeure prévue au deuxième alinéa, soit signée par le directeur ou par un agent de la caisse muni d'une délégation de pouvoir.

En l'espèce la notification a été adressée en recommandée à Mme [L] le 21 mars 2017 et retirée par elle le 29 mars 2017 selon la pièce n° 4 versée aux débats par la caisse d'allocations familiales.

Au demeurant Mme [L] a ensuite saisi le 23 avril 2017 la commission de recours amiable d'une requête tendant à ce qu'il lui soit reconnue la qualité d'allocataire isolée depuis 2013 et que ses droits au complément familial soient appréciés en tenant compte de cette situation familiale (pièce caisse d'allocations familiales n° 7) de sorte que cet éventuel vice de forme de la notification d'indu ne lui a causé aucun grief au regard des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile.

Enfin la cour n'est pas saisie d'une contestation sur les retenues qu'aurait effectué la caisse d'allocations familiales sur ses prestations ultérieures à raison de cet indu de complément familial en particulier.

Mme [L] sera donc déboutée de sa demande d'annulation de la procédure de notification d'indu ainsi que de la procédure de recouvrement.

2°) Sur l'indu de complément familial (725,21 euros).

Cet indu se rapporte à la période novembre 2015 à février 2017.

Mme [L] s'est déclarée séparée depuis le 31 mai 2013 de M. [P] [Y] et vivant seule avec ses quatre enfants à charge.

En application des dispositions des articles R. 532-1 et R. 532-3 du code de la sécurité sociale, les ressources de l'année civile de référence à prendre en compte sont celles de l'avant-dernière année précédant la période de paiement (ndr : N-2).

Les droits de Mme [L] ont été étudiés sur la base de ses déclarations soit des ressources nulles en 2013 et 2014, 1 525 euros de salaires et 830 euros de pensions en 2015.

Le rapport d'enquête clos le 31 janvier 2017 et ses annexes ont permis d'établir :

- que Mme [L] occupe un logement à Loriol / Drôme acquis en 2007 pour lequel l'emprunt immobilier est prélevé sur le compte Banque Populaire personnel de M. [P] [Y] dont les relevés bancaires sont toujours adressés au domicile de madame en 2014 et 2015 ([Adresse 7]) ;

- que lors de son passage inopiné le 23 novembre 2015, l'enquêteuse a vu M. [P] [Y] quitter la maison avec un sac de sport alors que Mme [L] et ses enfants n'étaient pas encore rentrés ;

- que M. [P] [Y] s'est fait construire une maison à [Localité 5] ayant été déclarée achevée le 7 avril 2014 où, vérifications faites auprès des prestataires, il n'y a plus de consommation d'eau depuis septembre 2015 (2 mètres cubes du 14 septembre 2015 au 23 mai 2016, date de clôture du compteur) tandis que l'abonnement électricité a été résilié en juin 2016 ;

- qu'à partir de son compte crédit agricole, M. [P] R a effectué entre novembre 2014 et novembre 2016 de multiples virements sur les comptes bancaires de ses enfants mineurs pour un total de 1 685 euros en 2014, 9 456 euros en 2015 et 13 302 euros en 2016 ;

- que pour la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Drôme, il est domicilié à l'adresse de Mme [L] à la date du 27 octobre 2015 ;

- que du 16 au 23 juillet 2016 Mme [L] a réservé un séjour de vacances à Argeles sur mer pour 4 enfants et 2 adultes et sollicité une aide de la caisse d'allocations familiales de l'Hérault et les relevés bancaires de M. [P] R confirment sa présence ces jours là sur ce lieu de villégiature par des achats auprès de commerçants d'Argeles sur mer entre le 17 juillet et le 22 juillet.

La caisse d'allocations familiales a donc retenu à bon droit l'existence d'une reprise de la vie commune à compter de septembre 2015, date de résiliation de l'abonnement d'eau de la maison de M. [P] R à [Adresse 6]).

L'existence de ce concubinage n'est pas remise en cause par le dépôt d'une demande de logement social de Mme [L] fin 2016, un certificat de contusions que lui aurait causé M. [P] [Y] à la même période, ni par une attestation d'un membre de la famille de M. [P] R certifiant sur l'honneur l'héberger.

L'attribution du complément familial ou du montant majoré du complément familial dépend selon les articles L. 522-1 et L. 522-3 du code de la sécurité sociale des revenus du ménage et les articles R. 532-1 et R. 532-3 précités précisent que l'année de référence à prendre en compte est l'avant dernière année du paiement.

En retenant une date de reprise de la vie commune en septembre 2015, la caisse d'allocations familiales était donc fondée à réintégrer à partir de 2013 les revenus de M. [P] R à ceux de Mme [L], ce qui a entraîné une fin de droit à la majoration du complément familial et une minoration du droit au complément familial pour une somme de 725,21 euros pour la période novembre 2015 à février 2017 dont le calcul n'a pas été contesté par Mme [L].

En conséquence le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné Mme [L] à verser à la caisse d'allocations familiales la somme de 725,21 euros au titre d'un indu de complément familial.

3°) Sur la pénalité pour fraude.

Selon l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable à l'espèce, peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d'assurance vieillesse, au titre de toute prestation servie par l'organisme concerné :

1° L'inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations ;

2° L'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant le service des prestations.

En l'occurrence, Mme [L] n'a pas déclaré son changement de situation à partir de septembre 2015 et, en tout état de cause, n'a pas effectué dans ses déclarations trimestrielles auprès de la caisse d'allocations familiales la déclaration des 2 400 euros de pension alimentaire que M. [P] R lui a versés, pourtant repris par les deux dans leurs déclarations fiscales des revenus 2014, ni les sommes virées par leur père sur les comptes de ses enfants mineurs.

Le prononcé par le directeur de la caisse d'allocations familiales d'une pénalité pour fraude était donc justifié et la caisse d'allocations familiales a demandé la confirmation du jugement qui a confirmé de ce chef la décision de la caisse notifiée le 9 juin 2017.

En conséquence au vu des motifs qui précèdent, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

4°) Sur les frais du procès.

Les dépens seront supportés par Mme [L] qui succombe.

Il parait équitable d'allouer à la caisse d'allocations familiales la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel à la charge de Mme [L] qui succombe aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement RG 17/00577 du 11 juin 2020 du pôle social du tribunal judiciaire de Valence.

Y ajoutant,

Condamne Mme [F] [L] aux dépens d'appel.

Condamne Mme [F] [L] à verser à la caisse d'allocations familiales de la Drôme la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/02094
Date de la décision : 27/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-27;20.02094 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award