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18/10/2022 | FRANCE | N°21/03852

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 18 octobre 2022, 21/03852


C8



N° RG 21/03852 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LAZX



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







la SELARL SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL D

E GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 18 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas





Contestation d'une décision d'une offre d'indemnisation du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante en date du 09 juillet 2021

selon saisine de la cour du 02 septembre 2021





APPELANT :



M. [T] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 12]

[Localité 3]


...

C8

N° RG 21/03852 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LAZX

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 18 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas

Contestation d'une décision d'une offre d'indemnisation du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante en date du 09 juillet 2021

selon saisine de la cour du 02 septembre 2021

APPELANT :

M. [T] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 12]

[Localité 3]

représenté par Me Jean-christophe COUBRIS de la SELARL SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Me Marilyn BELLOTI, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIME :

FIVA

[Adresse 14]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Samuel m. FITOUSSI de la SELARL DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Sarah LACAZE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 juin 2022

Mme Isabelle DEFARGE, chargée du rapport, et Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président ont entendu le représentant du contestataire en son dépôt de conclusions et observations et le représentant du [9] en ses conclusions et plaidoirie, assistées de Mme Chrystel ROHRER, Greffier, en présence de Mme Céline RICHARD, Greffier stagiaire, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 18 octobre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 18 octobre 2022.

M. [T] [I], né le 03 juin 1936, a d'abord travaillé dans un atelier de démontage de wagons [13] de décembre 1947 à décembre 1948. D'octobre 1951 à avril 1953 il a effectué son service militaire en tant que tankiste et été contraint au port de gants et de combinaisons ignifugés contenant de l'amiante du fait de la manipulation de douilles brûlantes. De mai 1957 à fin février 1965 il a travaillé comme dessinateur industriel en bureau d'études dans des locaux contenant de l'amiante ainsi qu'en atelier, et a été ainsi exposé à l'amiante lors des tests des moteurs de bâteaux, au contact avec les gaines, joints et protections ignifugées.

Après apparition en avril 2020 d'une dyspnée d'effort associée à une oppression thoracique, un amaigrissement important et une altération de son état général, le diagnostic de mésothéliome malin diffus infiltrant de variant épithéoïde a été confirmé après vidéo-thoracoscopie réalisée le 1er juillet 2020 et examen extemporané révèlant une plèvre tumorale.

Le 4 mai 2021 la [7] a accepté de prendre en charge sa maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels.

M. [I] a formé le 16 juin 2021 une demande d'indemnisation auprès du [9] qui lui a notifié le 09 juillet 2021 l'offre suivante :

- préjudice d'incapacité fonctionnelle : en attente

- préjudice moral : 18 500 €

- préjudice physique : 6 300 €

- préjudice d'agrément : 6 300 €

- préjudice esthétique : 2 000 €

- frais d'aide à domicile, d'hébergement et de déménagement : en attente de justificatifs.

Soit au total en l'état la somme de 31 100 €.

Le 31 août 2021 M. [I] a saisi la cour d'appel de Grenoble d'un recours à l'encontre de cette offre.

Par arrêt du 12 avril 2022, la cour a, avant dire droit :

- Ordonné la réouverture des débats à l'audience du 28 juin 2022 à 9h00.

- Invité la partie demanderesse à s'expliquer sur la mention figurant sur le bordereau de pièces complémentaires selon laquelle la SELARL [6] est l'avocat des ayants droit de M. [T] [I], en déposant et notifiant ses conclusions pour le 10 mai 2022.

- Invité le [9] à conclure sur le quantum de l'indemnisation sollicitée au titre des frais d'hébergement et tierce personne en déposant et notifiant ses conclusions pour le 1er juin 2022.

- Dit que la notification du présent arrêt vaut convocation des parties à cette audience.

- Réservé le surplus des prétentions des parties.

A l'audience du 28 juin 2022 M. [T] [I] a indiqué que la mention relative à ses ayants-droit résultait d'une erreur matérielle et a repris oralement ses conclusions déposées le 09 mai 2022 au terme desquelles il demande à la cour :

- de le dire recevable et bien fondé en son recours,

- de condamner le [9] à lui verser une indemnité de :

*234 236 € sauf mémoire en réparation de ses préjudices patrimoniaux sauf à réserver le préjudice d'incapacité fonctionnelle,

*95 000 € sauf mémoire en réparation de ses préjudices extra-patrimoniaux,

- d'assortir ces sommes des intérêts de droit y afférent à compter du jour du dépôt de sa demande d'indemnisation auprès du [9],

- de condamner le [9] à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure conformément aux dispositions de l'article 31 du décret n° 2011-963 du 23 octobre 2001.

Au terme de ses conclusions déposées le 02 juin 2022 reprises oralement à l'audience le [9] demande à la cour :

*sur les frais de déménagement

- de confirmer que ce recours est devenu sans objet du fait de l'offre du 25 janvier 2022 à hauteur de la somme de 2 305,68 €,

*sur les frais liés à l'aide ménagère et à l'hébergement en EHPAD :

A titre principal

- de déclarer ces recours irrecevables en l'absence de décision implicite ou explicite de sa part,

A titre subsidiaire

- sur le préjudice lié à la tierce personne :

de confirmer que ce besoin n'est en aucun cas justifié par des éléments médicaux et que M. [I] n'établit pas la preuve d'un lien de causalité entre sa maladie asbsetosique et ce besoin ; en conséquence de rejeter cette demande

- sur le remboursement des frais de logement en résidence senior :

de confirmer que le requérant n'apporte pas tous les éléments nécessaires à l'instruction de sa demande ; en conséquence de renvoyer le dossier à son examen et inviter celui-ci à communiquer les éléments nécessaires à l'instruction de ses demandes afin que le [9] puisse le cas échéant formuler une offre

*sur l'offre du 1er juillet 2020 :

- de confirmer l'accord des parties sur l'évaluation médicale retenue par le médecin-conseil du FIVA à savoir 100 % d'incapacité à compter du 1er juillet 2020,

- sur l'incapacité fonctionnelle :

de confirmer qu'il convient de déduire, pour les sommes dues par le [9], les indemnités de toute nature versées à la victime et en particulier celles versées par l'organisme de sécurité sociale en réparation de la maladie professionnelle ;

de confirmer que la décision du [9] demeure réservée dans l'attente de la production par M. [I] de la notification de la rente définitive allouée à ce titre,

- sur les préjudices extra-patrimoniaux de confirmer son offre du 1er juillet 2020 savoir :

*préjudice moral : 18 500 €

*préjudice physique : 6 300 €

*préjudice d'agrément: 6 300 €

*préjudice esthétique : 2 000 €

- de déduire des sommes éventuellement allouées la provision amiable versée,

- de rejeter la demande d'intérêts de retard à titre compensatoire,

- de débouter le requérant de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE :

Aux termes de l'article 53 V de la loi du 23 décembre 2000 le demandeur dispose du droit d'action en justice contre le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné au 1er alinéa du IV du même article, ou s'il n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite.

* indemnisation des préjudices patrimoniaux de M. [I]

- frais de déménagement

En cours d'instance M. [I] a accepté l'offre du [9] relative à l'indemnisation de ses frais de déménagement à hauteur de 2 305,68€ et la demande à ce titre est donc devenue sans objet.

- frais d'hébergement

*sur la recevabilité de la demande

Selon l'article 15 du décret n°2011-963 pris pour l'application de l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000,

I. - La demande d'indemnisation est présentée au fonds au moyen d'un formulaire conforme au modèle approuvé par le conseil d'administration ; elle est accompagnée des pièces justificatives qui y sont précisées, (...)

IV. - Le fonds accuse réception du dossier.

Au cas où il manque des pièces, le fonds invite, dans un délai de quinze jours, le demandeur à compléter son dossier. Dans ce cas, le délai prévu au premier alinéa du IV de l'article 53 de la loi du 23 décembre 2000 susvisée court à compter de la réception par le fonds des pièces demandées.

Le [9] soutient que la demande au titre des frais d'hébergement est en l'état irrecevable, faute pour le requérant de lui avoir fait parvenir malgré sa demande les documents nécessaires à leur instruction soit :

- les factures détaillées et acquittées avec le cachet et la signature de l'établissement,

- un certificat médical attestant du besoin en lien avec la maladie,

- les avis d'imposition pour les années correspondantes,

- le courrier indiquant la part de remboursement de ces frais effectuée par la mutuelle et/ou par l'organisme de sécurité sociale,

- le courrier de prise en charge par le conseil départemental au titre de l'APA,

- le courrier de prise en charge de ces frais par tout autre organisme payeur,

- ou à défaut une attestation sur l'honneur d'absence de remboursement par l'organisme de sécurité sociale, par la mutuelle, par le conseil départemental au titre de l'APA ou par tout autre organisme payeur.

En l'espèce la demande d'indemnisation de M. [I] en date du 21 mars 2021 ne comportait pas de demande relative à son préjudice économique et financier (pièce 27 [9] page 3) ; les pièces à fournir initialement étaient l'avis d'imposition relatif à la période du préjudice déjà subi ainsi que les avis datant de 3 ans avant l'apparition de la pathologie, et les éléments relatifs à sa retraite (date de départ, montant de la pension initiale) et le formulaire mentionne encore 'toute demande de préjudice économique pourra faire l'objet ultérieurement d'une demande de pièces complémentaires pour l'instruction de la demande'.

Le 09 juillet 2021 s'agissant de la demande de remboursement des frais d'hébergement en [8] ensuite formulée le 15 mars 2021, le [9] a sollicité la production de ces documents et indiqué par courrier du 25 février 2022 rester dans l'attente de la production de la copie des avis d'imposition 2021 sur les revenus 2020 et 2022 sur les revenus 2021.

M. [I] ne justifie pas de la production de ces documents auprès du [9] puisqu'il n'a produit qu'à l'occasion de l'instance ses avis d'imposition 2020 sur les revenus 2019 et 2021 sur les revenus 2020, étant observé qu'il soutient à juste titre n'avoir pu être en mesure de produire l'avis d'imposition 2022 sur les revenus 2021 non encore déclarés à la date du 25 février 2022.

S'agissant de l'éventuel crédit d'impôt évoqué par le [9], il ne fait pas partie des prestations déductibles énumérées à l'article 29 de la loi n°85-677 du 05 juillet 1985 qui dispose que seules les prestations énumérées versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur :

1. Les prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale et par ceux qui sont mentionnés aux articles 1106-9, 1234-8 et 1234-20 du code rural

2. Les prestations énumérées au II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;

3. Les sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation ;

4. Les salaires et les accessoires du salaire maintenus par l'employeur pendant la période d'inactivité consécutive à l'événement qui a occasionné le dommage ;

5. Les indemnités journalières de maladie et les prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances.

Il n'y a donc pas lieu à production de justificatifs à ce titre.

Mais faute pour M. [I] d'avoir produit les autres justificatifs visés ci-dessus, le [9] n'a pas rendu de décision implicite ou explicite sur la demande du 15 mars 2021. Le recours doit donc être déclaré irrecevable.

- assistance par une tierce personne

M. [I] soutient avoir été contraint de recourir à l'aide d'une tierce personne en raison de la gravité de son atteinte asbestosique à partir d'octobre 2020, pour un montant total capitalisé de 50 458,30 €.

Le [9] s'oppose doublement à cette demande, soutenant d'abord que c'est seulement si la victime ne peut plus accomplir seule les actes de la vie quotidienne que la prise en charge d'une tierce personne peut être ordonnée, ensuite qu'il incombe au demandeur d'établir le lien de causalité entre ce besoin et la maladie asbestosique dont il est atteint.

Pour démontrer ce lien de causalité M. [I] produit un certificat du Dr [D], oncologue, en date du 12 mars 2021 décrivant 'une atteinte importante à son intégrité physique nécessitant de manière indispensable le recours à une tierce personne pour les activités de ménage, d'entretien du linge, de courses, de déplacement en extérieur du domicile (et un rapprochement géographique auprès de ses enfants et ses proches).

Même s'il ne précise pas la durée nécessaire d'intervention d'une telle tierce-personne non spécialisée, ce seul certificat rapproché du taux d'incapacité à 100 % de M. [I] suffit à justifier ce besoin, en lien direct de causalité avec sa maladie asbestosique.

M. [I] justifie avoir bénéficié de l'aide de tierces personnes pour ses accompagnements hors domicile, les travaux ménagers, le lavage, le séchage et le repassage du linge ainsi que la préparation des repas, pour un coût moyen de 862,47 € TTC et produit à l'appui de sa prétention les factures acquittées émise à ce titre par la SAS [11].

Cependant, ces factures comportent outre ces prestations à prendre en compte, des prestations de 'supplément formule dîner complet, portage restauration, formule déjeuner et dîner léger' qui ne peuvent y être rattachées.

Ainsi le coût exposé s'élève en réalité à

- octobre 2020 : 0

- novembre 2020 : 119,50 + 95,60 = 215,10 €,

- décembre 2020 : 185,22 + 71,70 + 23,90 - 5,98 + 39 = 313,84 €,

- janvier 2021 : 221,08 + 95,60 + 23,90 + 21,67 + 4,33 = 366,58 €,

- février 2021 : 124 + 99,20 + 10,83 = 234,03 €,

- mars 2021 : 113,67 + 99,20 = 212,87 €,

- avril 2021 : 124 +124 + 6,45 + 15,17 = 269,62 €,

- mai 2021 : 74,40 + 24,80 + 99,20 + 6,45 + 19,50 = 224,35 €,

- juin 2021 : 111,60 + 99,20 = 210,80 €,

-juillet 2021 : 124 + 99,20 + 24,80 = 248 €,

- août 2021 : 62 + 24,80 + 99,20 = 186 €,

- septembre 2021 : 124 + 74,40 + 24,80 = 223,20 €

soit un montant total sur 11 mois de 2 704,39 € et une moyenne de 245,85 € par mois.

Pour la période d'octobre 2020 à décembre 2021 la dépense à ce titre sera en conséquence fixée à

2 704,39 + 3x245,85 = 3 441€.

A compter de janvier 2022 la capitalisation demandée à juste titre sera calculée comme suit :

245,85x12x3,697 = 10 906,88€

et il sera en conséquence alloué à M. [I] au titre de l'assistance par une tierce personne en relation de causalité directe avec sa maladie asbestosique la somme totale de 3 441 + 10 906,88 = 14 347,88 €.

* indemnisation des préjudices extra-patrimoniaux de M. [T] [I]

*incapacité fonctionnelle

M. [I] verse aux débats la décision de la [7] du 30 août 2021 lui attribuant une rente d'un montant annuel de 18 649,91 € à compter du 19 juin 2021 dont il ne justifie pas de la communication au [9].

Aucune offre n'ayant en conséquence été communiquée ni aucune décision implicite de rejet susceptible d'avoir été prise, le recours est irrecevable.

*préjudice moral

M. [I] expose que le préjudice moral des victimes de l'amiante est caractérisé par le sentiment d'anxiété voire d'angoisse lié au fait de savoir que l'on a été exposé à l'amiante et que l'on a développé une pathologie évolutive. Que jusqu'à l'annonce du diagnostic en juillet 2020 il vivait seul à domicile et était parfaitement autonome ; qu'il vit désormais dans la crainte permanente du lendemain et a perdu toute autonomie ; qu'il souffre d'insomnies et ne parvient plus à se projeter dans le quotidien s'interrogeant sur le sens de cette survie.

Ces éléments sont attestés par ses fils et petits-enfants qui décrivent le changement survenu chez leur père et grand-père depuis l'annonce de ce diagnostic.

Compte-tenu du bouleversement objectif entraîné par la maladie asbestosique dans la vie de M. [I], et de son âge l'année du diagnostic soit 85 ans, la somme de 18 500 € proposée par le [9] n'est pas suffisante pour indemniser ce préjudice et sera portée à 25 000 €.

*préjudice physique

M. [I] expose qu'il a d'abord été victime d'un très abondant épanchement pleural qui a du être draîné par ponction, a présenté et présente toujours une dyspnée ainsi que des oppressions thoraciques, a ensuite été opéré et bénéficié d'un talcage du poumon, présente des essoufflements particulièrement invalidants, des douleurs irradiantes induisant des suées nocturnes et a souffert des effets secondaires des traitements par immunothérapie mis en place (douleurs musculaires très importantes, anorexie, faiblesse musculaire, difficultés à déglutir ); que l'immunothérapie ayant entraîné une myosite (maladie auto-immune se traduisant par une faiblesse musculaire) a été traitée par corticothérapie entraînant des tremblements aux extrémités.

Le [9] soutient que ne peuvent être prises en compte au titre du préjudice physique les conséquences objectives de la maladie relevant du préjudice fonctionnel mais seulement les douleurs ressenties du fait de la maladie, et les traitements mis en oeuvre pour la combattre ainsi que leur durée et leur nature.

Il rappelle avoir tenu compte des examens diagnostiques, de la nature de la pathologie reconnue particulièrement douloureuse, de la thoracoscopie, de la radiothérapie, des traitements médicamenteux et de la nécessité de surveillance actuelle pour évaluer ce poste de préjudice à 5 sur les 7 échelons que comporte son barème et ainsi proposer la somme de 6 300 €.

M. [I] n'apporte au soutien de sa demande d'attribution de la somme de 20 000 € à ce titre aucun élément nouveau qui n'aurait pas été pris en compte par le [9] dans son appréciation qui sera confirmée.

*préjudice esthétique

M. [I] expose avoir subi une perte de poids conséquente tant avant la pose du diagnostic dont elle était un révélateur, qu'ensuite du fait de la perte de musculature induite par les opérations et traitements qu'il a subis et suivis. Il justifie qu'un effet secondaire de ces traitements lui a entièrement noirci les dents et sollicite à ce titre l'allocation d'une somme de 10 000 €.

S'agissant d'un préjudice esthétique pouvant être qualifié d'important, la somme de 2 000 € proposée par le [9] est insuffisante et il sera fait droit à sa demande.

* préjudice d'agrément

Ce poste de préjudice répare l'impossibilité, physique ou psychologique, pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et non pas seulement la perte de qualité de vie subie après consolidation laquelle est prise en compte au titre du déficit fonctionnel permanent

M. [I] soutient qu'il était président d'un club de lecture dont il a été contraint de démissionner du fait de sa maladie, qu'il est désormais incapable de pratiquer le vélo d'appartement, et de jardiner comme il le faisait auparavant.

Il ne produit cependant à l'appui de sa demande qu'un document daté de 2016 semblant constituer le procès-verbal de l'assemblée générale d'une association [5] sise à [Localité 10].

Le [9] fonde son offre limitée à la somme de 6 300 € à ce titre sur le fait qu'il ne démontre pas la spécificité des activités de jardinage et bricolage qu'il allègue avoir pratiquées, ni le caractère suffisant du lien de causalité avec la maladie asbestosique diagnostiquée en juillet 2020, dès lors qu'il avait déjà subi une opération de l'épaule en 2013 (pose d'une prothèse), souffrait également d'un cancer de la prostate, d'une hernie hiatale et a été victime d'un accident ischémique transitoire.

En l'absence d'autres justificatifs de la réalité du préjudice d'agrément allégué et de preuve de ce lien de causalité, la somme proposée par le [9] suffit à réparer celui-ci.

* autres demandes

M. [I] sollicite que les sommes que le [9] sera condamné à lui verser portent intérêts au taux légal à compter du jour du dépôt de sa demande d'indemnisation soit le 16 juin 2021.

Selon l'article 1231-7 du code civil, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à moins que le juge en décide autrement.

En l'espèce, la cour constate que le [9] a exprimé son offre d'indemnisation, même si certains postes étaient réservés, moins d'un mois après la demande d'indemnisation, et a instruit celle-ci ensuite avec diligence de sorte qu'aucun motif ne commande ici qu'il soit fait exception à ce principe.

M. [I] sollicite ensuite l'allocation de la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mais pour les mêmes raisons que ci-dessus, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de M. [T] les frais irrépétibles exposés dans l'instance.

Conformément aux dispositions de l'article 31 du décret du 23 octobre 2001 les dépens de la procédure restent à la charge du [9].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu contradictoirement, publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare sans objet la demande d'indemnisation de M. [T] [I] au titre de ses frais de déménagement.

Déclare irrecevable, en l'absence de décision implicite ou explicite de la part du [9], la demande d'indemnisation au titre de l'incapacité fonctionnelle de M. [T] [I].

Déclare irrecevable, en l'absence de décision implicite ou explicite de la part du [9], la demande d'indemnisation de M. [T] [I] au titre de ses frais d'hébergement.

Condamne le [9] à verser à M. [T] [I] les sommes de :

- 14 347,88 € au titre de l'assistance par une tierce personne,

- 25 000 € au titre de l'indemnisation de son préjudice moral,

- 6 300 € au titre de l'indemnisation de son préjudice physique,

- 10 000 € au titre de l'indemnisation de son préjudice esthétique,

- 6 300 € au titre de son préjudice d'agrément,

soit la somme totale de 61 947,88 € sous déduction de la somme de 33 100 € déjà versée le 28 septembre 2021 par le [9] à titre de provision.

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Déboute M. [T] [I] de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

DIT que conformément aux dispositions de l'article 31 du décret du 23 octobre 2001 les dépens de la procédure restent à la charge du [9].

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Magali DURAND-MULIN, conseiller faisant fonction de président et par Mme Chrystel ROHRER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffierLe conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 21/03852
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;21.03852 ?
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