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13/10/2022 | FRANCE | N°20/01890

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 13 octobre 2022, 20/01890


C6



N° RG 20/01890



N° Portalis DBVM-V-B7E-KOVS



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :





La CPAM DE LA DROME

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOC

IALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 13 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 17/00615)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de VALENCE

en date du 24 avril 2020

suivant déclaration d'appel du 24 juin 2020





APPELANTE :



SAS [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité ...

C6

N° RG 20/01890

N° Portalis DBVM-V-B7E-KOVS

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

La CPAM DE LA DROME

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 13 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 17/00615)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de VALENCE

en date du 24 avril 2020

suivant déclaration d'appel du 24 juin 2020

APPELANTE :

SAS [5], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Cécile GABION, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

La CPAM DE LA DROME, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

comparante en la personne de Mme [W] [H], régulièrement munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 juin 2022

Mme Magali DURAND-MULIN, chargée du rapport, a entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistée de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 octobre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 13 octobre 2022.

EXPOSE DU LITIGE

Le 29 novembre 2016, l'entreprise de travail temporaire [5] a établi une déclaration d'accident du travail accompagnée d'un courrier de réserves pour des faits déclarés survenus le même jour concernant M. [I] [U], grutier mis à disposition de la société [6].

Il ressort de ce document que « M. [U] levait un panier rempli de planches en bois avec une chaîne ; il se serait coincé la main droite entre le panier et la chaîne ».

Le certificat médical initial établi le jour des faits mentionne une « contusion colonne pouce droit ».

Cet accident a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Drôme au titre de la législation professionnelle suivant notification du 16 février 2017.

M. [U] a été placé en arrêt de travail jusqu'au 25 août 2017.

Le 14 avril 2017, la société [5] a saisi la commission de recours amiable de la caisse primaire de l'Isère puis, le 15 mai 2017 celle de la Drôme de sa contestation de la décision de prise en charge.

Le 9 août 2017, l'employeur a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence.

Par jugement du 24 avril 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Valence a :

- déclaré irrecevable le recours de la société [5] tendant à l'inopposabilité de la prise en charge, au titre de la législation concernant les risques professionnels, des arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail du 29 novembre 2016 de M. [U],

- condamné la société [5] aux éventuels dépens à compter du 1er janvier 2019.

Le 24 juin 2020, la société [5] a interjeté appel de cette décision.

Selon ses conclusions parvenues au greffe le 23 mars 2022 et soutenues oralement à l'audience, la société [5] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré,

A titre liminaire,

- constater l'absence de forclusion à son encontre,

- juger recevable son recours,

A titre principal,

- constater la violation du contradictoire par la CPAM,

- juger inopposable la décision de prise en charge de l'accident survenu le 29 novembre 2016 à M. [U],

A titre subsidiaire,

- juger à nouveau qu'il doit ordonner, avant dire droit, une expertise médicale judiciaire et confier notamment les missions suivantes au médecin désigné :

déterminer si l'ensemble des lésions à l'origine de l'ensemble des arrêts de travail pris en charge peut résulter directement et uniquement de l'accident du travail,

déterminer si une pathologie évoluant pour son propre compte et indépendante de l'accident du travail est à l'origine de tout ou partie des arrêts de travail,

- juger que l'entier dossier de M. [U] sera communiqué à son consultant médical, le docteur [V],

- juger que les frais d'expertise seront mis à la charge de la CPAM en application des dispositions légales,

Dans l'hypothèse selon laquelle les arrêts de travail ne seraient pas en lien de causalité direct et certain avec la lésion initiale, lui déclarer ces arrêts inopposables.

Selon ses conclusions parvenues au greffe le 26 avril 2022 et développées oralement à l'audience, la CPAM de la Drôme demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Valence du 24 avril 2020,

- débouter la société [5] des fins de son recours,

- juger que le recours de la société [5] est irrecevable,

- juger que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident survenu le 29 novembre 2016 à M. [U] est définitive à l'égard de la société [5],

- maintenir sa décision,

A titre subsidiaire,

- juger opposable à la société [5] la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident survenu le 29 novembre 2016 à M. [U],

- débouter la société [5] des fins de son recours,

- maintenir sa décision,

- rejeter la demande d'expertise médicale judiciaire sur pièces,

- débouter la société [5] des fins de son recours,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du recours

Dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2019 applicable au litige, l'article R.142-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les réclamations relevant de l'article L.142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme.

Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.

En application de l'article R142-6 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, lorsque la décision de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai d'un mois, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.

L'article R142-18 du même code dans sa version applicable au litige, prévoit que le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi dans un délai de deux mois à compter soit de la date de notification de la décision soit de l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R142-6.

La forclusion ne peut être opposée toutes les fois que le recours a été introduit dans les délais soit auprès d'une autorité administrative, soit auprès d'un organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole.

L'article 2241 du code civil prévoit que la demande en justice même portée devant une juridiction incompétente interrompt le délai de prescription.

En l'espèce, au soutien de son moyen d'irrecevabilité du recours de l'employeur, la caisse invoque en premier lieu l'absence de saisine préalable de la commission de recours amiable.

Par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 20 février 2017, la caisse a notifié à l'employeur sa décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident de M. [I] [U] survenu le 29 novembre 2016.

Ce courrier mentionne expressément en cas de contestation de la décision, le délai de deux mois pour exercer un recours devant la commission de recours amiable de [Localité 7] et ses modalités d'exercice.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, depuis le décret du 29 juillet 2009 entré en vigueur le 1er janvier 2010, la saisine de la commission de recours amiable est un préalable obligatoire à la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale.

Compte tenu de la date de réception de la notification, l'employeur avait un délai jusqu'au 20 avril 2017 pour saisir la commission de recours amiable de [Localité 7].

Par courrier du 14 avril 2017, l'employeur a adressé sa contestation devant la commission de recours amiable de la CPAM de [Localité 4] au lieu de celle de [Localité 7].

S'agissant du recours auprès de la commission de la caisse primaire de [Localité 4], qui s'avère être incompétente, la société [5] n'ayant pas adressé une copie de la notification de la décision de prise en charge, n'a pas permis à cette commission de transmettre sa contestation à celle de [Localité 7], compte tenu de l'impossibilité d'identifier l'accident du travail litigieux comme le précise le courrier envoyé à l'employeur le 28 avril 2017. Ce grief n'est donc pas fondé.

Mais la saisine d'une commission de recours amiable incompétente intervenue avant l'expiration du délai de deux mois interrompt le délai de forclusion.

Dans ces conditions, la saisine par l'employeur par courrier daté du 15 mai 2017 et réceptionné le 19 mai 2017 par la commission de recours amiable de [Localité 7] n'est pas atteinte par la forclusion.

Il en résulte que l'obligation de saisine préalable de la commission de recours amiable a été respectée. Ce moyen sera rejeté.

En second lieu, la caisse fait valoir que la commission de recours amiable de [Localité 4] n'ayant pas statué dans le mois suivant sa saisine du 19 avril 2017, cela équivalait à une décision implicite de rejet et que l'employeur qui a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 9 août 2017 soit après le délai de deux mois à compter du 19 mai 2017 doit être déclaré forclos en son recours.

Mais, le délai de deux mois pour la saisine du tribunal n'est opposable qu'à la condition d'avoir été mentionné ainsi que les voies de recours dans la notification de la décision explicite ou en cas de décision implicite dans l'accusé réception de la demande.

Or, il n'est produit ni l'accusé réception de la commission de recours amiable de [Localité 4] ni celui de [Localité 7] faisant apparaître les délais et voies de recours en cas de décision implicite.

Dans ces conditions, le délai de deux mois n'a pas couru et la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale intervenu le 9 août 2017 doit être déclarée recevable.

Sur le respect du contradictoire

En application de l'article R441-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou procède à une enquête auprès des intéressés.

Au soutien de sa demande d'inopposabilité de la décision de prise en charge, l'employeur reproche à la caisse de ne pas lui avoir adressé un questionnaire malgré ses réserves.

Pour justifier avoir satisfait à son obligation, la caisse produit la copie d'un écran ORPHEE laquelle est illisible et inexploitable. Elle produit le questionnaire complété par la victime ce qui est inopérant à l'égard de l'employeur.

Mais la caisse produit un courrier recommandé du 30 décembre 2016 réceptionné le 3 janvier 2017 informant l'employeur qu'un délai complémentaire d'instruction était nécessaire et un courrier du 13 janvier 2017 ayant pour objet une demande de renseignements complémentaires par lequel la caisse adresse à l'employeur le questionnaire renseigné par le salarié et interroge l'employeur afin de savoir s'il confirme ou infirme les réponses faites par le salarié et notamment si le chef d'équipe a été informé le jour même de l'accident de travail litigieux.

L'accusé réception ne comporte pas de date mais a bien été signé donc réceptionné par l'employeur ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas. Ce faisant la caisse justifie avoir procédé à une enquête auprès des intéressés et avoir ainsi permis à l'employeur de présenter ses observations ce qu'il n'allègue pas avoir fait ni après réception de ce courrier ni après réception du courrier en date du 27 janvier 2017 l'informant de la possibilité de consultation du dossier avant décision sur l'accident du travail.

Le contradictoire ayant été respecté par la caisse, le moyen tiré de l'inopposabilité de la décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle sera rejeté.

Sur la demande d'expertise

En application des dispositions de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve que les soins et arrêts de travail ont une cause totalement étrangère au travail ou qu'ils se rattachent exclusivement à un état pathologique préexistant et évoluant pour son propre compte.

Il résulte de l'article 146 du code de procédure civile qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe.

En l'espèce, le fait que la CPAM de la Drôme puisse se prévaloir de la présomption d'imputabilité résultant de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale ne fait pas l'objet de contestation de la part de l'employeur.

Pour tenter de renverser cette présomption, la société [5] sollicite avant dire droit une mesure d'expertise médicale afin d'apprécier, selon ses dires, si l'ensemble des arrêts de travail prescrits à M. [U] sont imputables à l'accident survenu le 29 novembre 2016 ou à une pathologie évoluant pour son propre compte.

Mais le caractère bénin allégué de la lésion initiale à savoir une contusion de la colonne du pouce droit et le fait que le consultant médical de l'employeur fasse état d'une décompensation douloureuse d'un état pathologique antérieur lequel aurait poursuivi une évolution qui lui est propre au delà de la durée de 60 jours qu'il affirme être celle devant être retenue, ne constituent que des allégations qui ne constituent pas un commencement de preuve suffisant pour justifier l'expertise sollicitée étant observé que l'existence d'un état antérieur, à la supposer établie, n'est pas en elle-même de nature à mettre en doute le lien entre l'accident du travail et les arrêts de travail postérieurs.

En conséquence, conformément aux dispositions de l'article 146 du code de procédure civile, en l'absence d'un commencement de preuve susceptible de justifier la demande d'expertise, celle-ci sera rejetée.

La société [5] qui succombe sera condamnée à supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré.

Statuant à nouveau ;

Déclare recevable le recours de la société [5].

Déclare opposable à la société [5] la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident survenu le 29 novembre 2016 à M. [U].

Rejette la demande d'expertise médicale judiciaire sur pièces.

Déboute la société [5] de sa prétention tendant à l'inopposabilité de la prise en charge, au titre de la législation concernant les risques professionnels, des arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail du 29 novembre 2016 de M. [U].

Condamne la société [5] aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président et par M. OEUVRAY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/01890
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;20.01890 ?
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