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13/10/2022 | FRANCE | N°20/01885

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 13 octobre 2022, 20/01885


C8



N° RG 20/01885



N° Portalis DBVM-V-B7E-KOVI



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







la SELARL [2]



la SCP AGUERA AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL

DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 13 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 17/00097)

rendue par le Pole social du Tribunal judiciaire de VIENNE

en date du 03 juin 2020

suivant déclaration d'appel du 29 juin 2020





APPELANTE :



L'URSSAF RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exer...

C8

N° RG 20/01885

N° Portalis DBVM-V-B7E-KOVI

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL [2]

la SCP AGUERA AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 13 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 17/00097)

rendue par le Pole social du Tribunal judiciaire de VIENNE

en date du 03 juin 2020

suivant déclaration d'appel du 29 juin 2020

APPELANTE :

L'URSSAF RHONE ALPES, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Pierre-Luc NISOL de la SELARL ACO, avocat au barreau de VIENNE

INTIMEE :

S.A.S. [4], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Adresse 10]

représentée par Me Edith COLLOMB-LEFEVRE de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 juin 2022

Mme Isabelle DEFARGE, chargée du rapport, et Mme Magali DURAND-MULIN, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 octobre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 13 octobre 2022.

Le 03 octobre 2016 l'URSSAF Rhône-Alpes a adressé à la SAS [4] à [Localité 7] une lettre d'observations portant redressement pour un montant principal en cotisations de 624 995 € outre 232 550 € de majoration complémentaire pour infraction de travail dissimulé, faisant suite à un contrôle diligenté le 25 mars 2014 par les services de gendarmerie ayant donné lieu à l'établissement de deux procès-verbaux.

Le 10 avril 2017 la SAS [4] a contesté ce redressement devant la juridiction de sécurité sociale de Vienne qui par jugement du 03 juin 2020 a :

- annulé le redressement notifié par mise en demeure du 13 décembre 2016,

- annulé la suppression des exonérations Fillon et TEPA pour la période du 1er mars 2011 au 30 octobre 2014,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la procédure était exempte de dépens.

L'URSSAF Rhône-Alpes a interjeté appel de ce jugement le 29 juin 2020 et au terme de ses conclusions déposées le 10 mars 2022 reprises oralement à l'audience demande à la cour :

- d'infirmer le jugement,

- de dire et juger que la procédure de redressement ensuite du constat de délit de travail dissimulé a été respectée,

- de dire et juger qu'elle aucunement tenue de produire les procès-verbaux établis par les services de gendarmerie,

- de dire et juger le redressement parfaitement fondé,

- de débouter la SAS [4] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la SAS [4] à lui verser la somme de 976 751 € au titre des cotisations restant dues augmentées des majorations de retard sans préjudice des majorations de retard complémentaires,

- de condamner la SAS [4] à lui verser la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au terme de ses conclusions déposées le 19 mai 2022 reprises oralement à l'audience la SAS [4] demande à la cour :

- de confirmer le jugement et par conséquent d'annuler le redressement et de débouter l'URSSAF de ses demandes,

A titre subsidiaire

- d'annuler le redressement dès lors que l'URSSAF n'a pas respecté le contradictoire et a méconnu la garantie de ses droits en la redressant sur les seuls éléments en sa possession sans les lui transmettre et en refusant explicitement de le faire,

- s'agissant de la situation des intérimaires roumains : d'écarter l'ensemble des PV et pièces sur lesquels l'URSSAF a fondé son redressement dès lors que l'ordonnance du 24 octobre 2014 n'est pas motivée et méconnaît l'article 8 de la CEDH

A titre subsidiaire et sur le fond

- d'annuler le redressement pour travail dissimulé au titre du détachement des intérimaires roumains ou de la [5] de Mme [Y] et par conséquent d'annuler le redressement au titre des réductions générales de cotisations et des déductions patronales TEPA et la décision de la commission de recours amiable,

A titre infiniment subsidiaire et en fonction des chefs de redressement maintenus, sur le calcul de son montant :

- situation des intérimaires roumains : de constater et juger que les conditions d'application de l'article R. 242-5 du code de la sécurité sociale ne sont pas remplies et en conséquence annuler le redressement ; dire que la majoration de 40 % n'est pas applicable,

- situation de Mme [Y] : de juger que le redressement doit être effectué sur la base des rémunérations versées par la SAR [8], seul employeur de celle-ci,

Dans tous les cas :

- de condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément référé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE :

Selon l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale en vigueur du 01 janvier 2014 au 01 janvier 2020 ici applicable, lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 du présent code (...), tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l'employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception.

Ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi par un des agents mentionnés à l'article L. 8271-7 du code du travail et précise la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés. Il informe l'employeur ou le travailleur indépendant qu'il a la faculté de présenter ses observations dans un délai de trente jours et de se faire assister par une personne ou un conseil de son choix.

Par ailleurs, selon les articles L.8271-1 et suivants du code du travail, les infractions constitutives de travail illégal ou dissimulé et les infractions au 1er alinéa de l'article 3 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 parmi lesquels les officiers et agents de police judiciaire, dans la limite de leurs compétences respectives en matière de travail illégal. Ces agents se communiquent réciproquement tous renseignements et tous documents utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.

Et selon l'article L.8271-8 du même code, les infractions aux interdictions du travail dissimulé sont constatées au moyen de procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

* sur la nature juridique du contrôle et la validité de la lettre d'observations du 03 octobre 2016

La société intimée soutient que le contrôle ayant été effectué dans le cadre de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale exclusif de la procédure de contrôle de droit commun, le défaut de signature de la lettre d'observations par un des inspecteurs y ayant procédé entraîne la nullité du redressement.

En l'espèce la lettre d'observations adressée à la SAS [4] le 03 octobre 2016 mentionne avoir pour objet ' la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l'article L. 8221-1 du code du travail ', pour la période vérifiée du 1er mars 2011 au 30 octobre 2014.

Elle fait expressément référence à l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale et précise au titre des documents consultés que les observations communiquées résultent des infractions de travail dissimulé constatées par les services de gendarmerie qui font l'objet des deux procès-verbaux dont les références sont indiquées.

Dès lors, cette lettre d'observations qui ne constitue pas le procès-verbal prévu par l'article L.243-7 du code de sécurité sociale n'avait pas à être signée par le ou les inspecteurs en charge du contrôle effectué sur pièces.

L'intimée soutient subsidiairement que le fait que la lettre d'observations ne soit pas signée par le directeur de l'organisme de recouvrement doit également en entraîner la nullité, comme l'a jugé le tribunal.

En cause d'appel l'URSSAF Rhône-Alpes produit la délégation délivrée le 02 janvier 2014 par son directeur régional par interim à M. [M] [F], inspecteur du recouvrement - superviseur pour en particulier 'Article 6 signer les documents visés aux articles R. 133-8 et R. 133-8-1 du code de la sécurité sociale'.

La société intimée soutient que cette délégation aurait pris fin à la date de désignation de la nouvelle directrice de l'URSSAF en septembre 2015 soit antérieurement à la date d'émission de la lettre d'observations.

Mais la délégation produite mentionne en son article 9 qu'elle est d'une durée indéterminée, et cesse de plein droit dès son retrait quel qu'en soit le motif par le délégant et en cas de fin de contrat ou changement de fonction.

Contrairement à ce que soutient la SAS [4], ce texte prévoit deux cas de cessation de la délégation, le premier concernant le délégant et le second concernant le délégataire, ainsi qu'il se déduit de l'emploi de la conjonction de coordination 'et' distinguant ainsi nettement ces deux cas et leurs conditions d'ailleurs distinctes.

La société intimée soutient ensuite que l'article R. 122-3§8 du code de la sécurité sociale permettant au directeur d'une URSSAF de déléguer ' une partie de ses pouvoirs ' à certains agents de l'organisme lui réserverait justement la signature d'une lettre d'observations, qu'il ne pourrait pas déléguer.

Mais ne s'appliquant pas à certains pouvoirs en particulier du directeur d'une URSSAF, cette limitation n'a pour effet que d'empêcher une délégation générale, nulle en ce qu'elle priverait ce directeur de l'ensemble de ceux-ci.

Enfin la société intimée soutient que la délégation litigieuse aurait du faire l'objet de 'mesures de publicité suffisantes', à défaut desquelles elle ne lui serait pas opposable.

Mais concernant la délégation interne à l'URSSAF Rhône-Alpes par son directeur à un inspecteur de certains pouvoirs et non la délégation par une URSSAF de ses pouvoirs à une autre URSSAF, elle n'avait contrairement à ce qui est soutenu à faire l'objet d'aucune mesure de publicité qui ne sont, contrairement à ce que soutient encore l'intimée, prévues par aucune disposition légale ou réglementaire.

Signée par une personne ayant régulièrement reçu délégation à cet effet, la lettre d'observations du 03 octobre 2016 est régulière et le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation du redressement subséquent notifié par mise en demeure du 13 décembre 2016.

* sur la validité de la procédure de redressement

La SAS [4] soutient que les inspecteurs du recouvrement n'ont pas respecté le principe du contradictoire à son égard pendant le déroulement du contrôle dès lors qu'elle n'a jamais été rendu destinataire des deux procès-verbaux de gendarmerie qui en constitueraient l'unique fondement.

Elle excipe des dispositions des articles 9 et 132 du code de procédure civile, des articles L. 121-1, L. 122-1 et L. 142-1 du code des relations entre le public et l'administration, des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 tels qu'interprétés par le conseil constitutionnel pour soutenir qu'il appartenait à l'URSSAF de lui communiquer l'ensemble des éléments en sa possession sur lesquels elle entendait fonder le redressement et ce même si cette communication n'est pas expressément prévue par un texte, et ce pendant la phase contradictoire préalable à la mise en demeure à peine de nullité du redressement.

Mais la procédure contradictoire est respectée dès lors que l'URSSAF lui a adressé une lettre d'observations régulière faisant référence aux procès-verbaux établis par les services de police judiciaire dont l'organisme de recouvrement n'est pas tenu de transmettre la copie au cotisant, qui peut la solliciter auprès du ministère public même comme en l'espèce en cas de classement sans suite.

La SAS [4] soulève encore l'inconventionnalité des dispositions de l'ancien article L. 8271-13 du code du travail sur le fondement duquel le juge des libertés et de la détention a en l'espèce autorisé une perquisition dans ses locaux par ordonnance du 24 octobre 2014, dont le classement sans suite de la procédure l'a empêchée de solliciter l'annulation.

Mais la juridiction sociale est incompétente pour apprécier, fût-ce au motif d'une telle inconventionnalité, la validité d'une ordonnance de perquisition prise dans le cadre d'une procédure pénale.

La procédure de contrôle étant ici régulière, la lettre d'observations du 03 octobre 2014 doit être considérée comme ayant pu servir de fondement au redressement pour cause de travail dissimulé de la SAS [4] pour la période considérée.

* sur le fond : cas des salariés intérimaires d'origine roumaine

Selon les articles L.8221-1, 3 et 5 du code du travail, est interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'activité ou de salariés.

Jusqu'au 1er janvier 2018, était réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur

et depuis le 10 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité de déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Selon la lettre d'observations qui se réfère aux procès-verbaux n° 1484/2014 et 1540/2014 des services de gendarmerie, les enquêteurs ont relevé le 25 mars 2014 à 10h35 au siège de la SAS [4] à [Localité 7] (38) la présence de 21 salariés dont 9 d'origine roumaine dont les vérifications ultérieures ont révélé qu'ils étaient mis à la disposition de cette société en qualité de carrossiers-peintres, pour certains depuis 2011, par la société [9] dont le siège social est à Bucarest (Roumanie).

La lettre d'observation énonce que les auditions de ces travailleurs temporaires roumains (par les militaires de la gendarmerie) ont permis de vérifier qu'ils étaient soumis aux mêmes conditions de travail à poste de travail équivalent (horaires de travail, fourniture des vêtements professionnels) que les salariés de la SAS [4], qu'ils intervenaient dans le cadre d'un service organisé sous l'autorité des chefs d'atelier de celle-ci qui en contrôlaient l'exécution et pouvaient être affectés à d'autres entités du [6] ([6], dirigeant de la SAS), que celui-ci disposait du pouvoir de les licencier ou de les gratifier et signait la majorité des contrats de mission dans ses locaux, à la seule exception du contrat initial signé en Roumanie, les rémunérait directement par virement bancaire complété d'une remise de numéraire et mettait à leur disposition à titre gracieux un logement et un véhicule pour leurs déplacements professionnels en France.

La SAS [4] soutient que tant les enquêteurs que les inspecteurs ont confondu une situation légale de 'détachement d'intérimaires' avec une situation illégale qualifiée de travail dissimulé.

Elle soutient que contrairement aux mentions de la lettre d'observations elle n'a établi ni signé aucun contrat de mission avec les intérimaires roumains, ne leur a versé aucun salaire ni aucune rémunération et ne leur a établi aucune fiche de paye.

Mais se prévalant ainsi des dispositions applicables au détachement de salariés alors que le procès-verbal des agents de l'URSSAF établit que l'activité des salariés roumains était réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue, elle échoue à rapporter la preuve contraire qui lui incombe que ceux-ci étaient demeurés sous la subordination juridique de leur employeur roumain la société [9].

Le redressement doit donc être confirmé de ce chef.

*sur les modalités de redressement concernant la situation des salariés intérimaires roumains

Selon l'article L.243-7-7 du code de la sécurité sociale en vigueur du 25 décembre 2014 au 23 décembre 2018 ici applicable le montant du redressement des cotisations et contributions sociales mis en recouvrement à l'issue d'un contrôle réalisé dans le cadre de l'article L. 243-7-5 du présent code sur la base des informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé qui leur sont transmis par les agents mentionnés à l'article L.8271-1-2 du code du travail est majoré de 25 % en cas de constat de l'infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail qui répriment le travail dissimulé par dissimulation d'activité ou de salarié.

La majoration est portée à 40 % dans les cas mentionnés à l'article L. 8224-2 du code du travail qui réprime l'emploi dissimulé d'un mineur soumis à l'obligation scolaire, de personnes vulnérables ou en bande organisée.

C'est donc à tort que l'inspecteur a appliqué à ce chef de redressement une majoration de 40% et le jugement sera réformé de ce chef.

* sur le fond : cas de Mme [W] [Y]

Selon la lettre d'observations faisant référence sur ce point au procès-verbal n°01484/2014 des services de gendarmerie d'[Localité 7] en date du 27 avril 2014, Mme [W] [Y] a déclaré aux enquêteurs travailler au sein de la SAS [4] en tant qu'employée administrative depuis le 25 mars 2014 sans avoir signé de contrat de travail, et auparavant avoir été employée dans le cadre de contrats d'intérim (WORK 2000) puis en CDD.

Les recherches effectuées ont révélé que cette salariée n'avait pas fait l'objet d'une déclaration préalablement à son embauche, et M. [N] [Z] a remis le 23 avril 2014 lors de son audition par les gendarmes une copie d'une DPAE effectuée le 25 mars 2014 à 15h37 soit 5 heures après le contrôle (et 7 heures après le début de son travail) non pas par la SAS [4] mais par le SARLU [8] ([8]), société du [6].

La [5] litigieuse est produite par l'intimée (pièce 19) de même qu'un contrat de travail à durée déterminée daté du 25 mars 2013 entre M. [N] [Z] pour la SARLU [8] et Mme [W] [Y] épouse [T], comportant une clause selon laquelle 'elle exercera ses fonctions dans les locaux de la société [4] à [Localité 7], société du [6]' ainsi que son bulletin de paye pour la période du 25 au 31 mars 2014 au nom de cette SARL, mais également le CDD du 1er janvier 2013 ayant lié Mme [Y] au GROUPE [N] [Z] à [Localité 3], personne morale distincte tant de la SARLU [8] que de la SAS [4].

La situation de cette salariée vis-à-vis de la SAS [4] au moment du contrôle de gendarmerie n'était donc pas conforme au droit du travail, puisque la déclaration tardive de son embauche est insusceptible de régulariser rétroactivement la situation de fait qui n'est ici pas contestée, et caractérise le travail dissimulé.

Le redressement sera en conséquence confirmé de ce chef.

* sur les modalités de redressement concernant la situation de Mme [W] [Y]

Selon l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale en vigueur du 19 décembre 2012 au 01 janvier 2016 ici applicable, pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale et par dérogation à l'article L. 242-1, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé au sens des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement à six fois la rémunération mensuelle minimale définie à l'article L. 3232-3 du même code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. Ces rémunérations sont soumises à l'article L. 242-1-1 du présent code et sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté.

La SAS [4] soutient que le contrat de travail produit constitue la preuve contraire prévue par ces dispositions.

Mais, produit au cours de l'instance et contredit par la situation de fait constatée et non contestée, savoir la présence de la salariée dans les locaux de la SAS [4] à [Localité 7](38) alors que son embauche n'avait pas encore été préalablement déclarée par son employeur allégué la SARLU [8] située à [Localité 3] (69), ce contrat ni le bulletin de paye subséquent ne suffisent à cet égard.

Le montant du redressement de ce chef tel que calculé conformément à la loi par l'URSSAF sera en conséquence confirmé, majoration complémentaire pour travail dissimulé incluse.

*sur l'annulation des réductions générales de cotisations et des déductions patronales TEPA

Dès lors que le redressement du chef de travail dissimulé est confirmé, tant en ce qui concerne les salariés roumains que Mme [Y], le redressement de ces chefs était justifié et le jugement sera confirmé de ce chef.

La SAS [4] sera condamnée aux dépens de la présente instance et devra en outre verser à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement.

Statuant à nouveau,

Déboute la SAS [4] de sa demande tendant à voir annuler le redressement notifié le 03 octobre 2014 par lettre d'observations signée par l'inspecteur du recouvrement,

Déboute la SAS [4] de sa demande tendant à voir annuler le redressement pour non respect du contradictoire au cours de la procédure administrative,

Valide le redressement pour travail dissimulé notifié selon lettre d'observations du 03 octobre 2016 et mise en demeure du 13 décembre 2016 concernant les chefs suivants :

Travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié - taxation forfaitaire (cas des salariés roumains) : 577 199 € au titre des cotisations et contributions recouvrées par les URSSAF pour les années 2011, 2012, 2013 et 2014

Travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié - taxation forfaitaire (cas de Mme [W] [T] épouse [Y]) : 4 176 € pour l'année 2014 et 1 670 € de majoration de redressement complémentaire.

Annulation des réductions générales de cotisations suite au constat de travail dissimulé : 35 905 €

Annulation des déductions patronales 'Loi TEPA' suite au constat de travail dissimulé : 7 715 €

Annule le redressement s'agissant de la majoration de 230 880 € de redressement complémentaire pour travail dissimulé s'agissant du cas des salariés roumains

Dit que le taux de la majoration de redressement complémentaire applicable était de 25% et fixe le montant de cette majoration à 577 199 x 0,25 = 144 299,75 soit 144 300€.

Condamne la SAS [4] à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes au titre du redressement notifié selon lettre d'observations du 03 octobre 2014 et mise en demeure du 13 décembre 2016 la somme de 577 199 + 144 300 + 4 176 + 1 670 + 35 905 + 7 715 = 770 965 € outre majorations de retard et complémentaires le cas échéant.

Condamne la SAS [4] à payer à l'URSSAF Rhône-Alpes la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS [4] aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Chrystel ROHRER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/01885
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;20.01885 ?
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