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13/10/2022 | FRANCE | N°20/01843

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 13 octobre 2022, 20/01843


C6



N° RG 20/01843



N° Portalis DBVM-V-B7E-KOQY



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

AR

RÊT DU JEUDI 13 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas





Appel d'une décision (N° RG 17/1073)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de VIENNE

en date du 22 mai 2020

suivant déclaration d'appel du 18 juin 2020





APPELANTE :



Mme [O] [P]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



représentée par Me David BAPCERES de la...

C6

N° RG 20/01843

N° Portalis DBVM-V-B7E-KOQY

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 13 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 17/1073)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de VIENNE

en date du 22 mai 2020

suivant déclaration d'appel du 18 juin 2020

APPELANTE :

Mme [O] [P]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me David BAPCERES de la SELARL DBKM AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Pauline LABORIE, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/011075 du 08/12/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMEE :

La CAF DE L'ISERE, n° siret : [N° SIREN/SIRET 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en la personne de M. [N] [E], régulièrement muni d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 juin 2022

Mme Magali DURAND-MULIN, chargée du rapport, a entendu les représentants des parties en leurs observations, assistée de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 octobre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 13 octobre 2022.

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'un contrôle diligenté le 6 janvier 2016 par la Caisse d'Allocations Familiales (CAF) de l'Isère, un indu d'un montant de 15 017,43 € correspondant à :

10 242,76 € au titre de l'Allocation de Logement à caractère Familial (ALF) versée du 1er juin 2014 au 31 octobre 2016,

393,54 € au titre de l'Allocation de Rentrée Scolaire (ARS) versée en 2013,

3 770,38 € au titre de l'Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) servie du 1er septembre 2013 au 31 octobre 2016,

382,08 € au titre de l'Allocation de Soutien Familial versée du 1er juin 2014 au 31 décembre 2014,

228,67 € au titre de la prime de Noël 2014 versée au bénéficiaire du Revenu de Solidarité Active (RSA)

a été notifié le 17 janvier 2017 à Mme [O] [P], connue comme étant parent isolé en situation de handicap, au motif que l'allocataire n'avait pas déclaré une situation de vie maritale depuis le 1er avril 2013 avec M. [J] [Z], père de son enfant.

Une pénalité administrative de 2 000 € a également été appliquée le 16 mars 2017 en raison de fausses déclarations et de la dissimulation de sa vie maritale par Mme [P].

Le 14 septembre 2017, Mme [P] a formé opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble à une contrainte décernée par la CAF de l'Isère le 1er septembre 2017, notifiée le 9 septembre 2017, pour avoir paiement de la somme de 2 200 € correspondant au montant de la pénalité administrative augmentée des majorations de retard (200 €).

Le 13 juin 2018, Mme [P] a formé opposition devant le pôle social de Grenoble à une contrainte décernée par la CAF de l'Isère le 24 mai 2018, notifiée le 31 mai 2018, pour avoir paiement de la somme de 15 017,43 € correspondant aux indus précédemment notifiés.

Par jugement du 22 mai 2020, le pôle social du tribunal de grande instance de Grenoble a :

- ordonné la jonction des recours,

- déclaré recevables les oppositions formées par Mme [P] à l'encontre des contraintes décernées par la CAF de l'Isère les 1er septembre 2017 et 24 mai 2018,

- débouté Mme [P] de l'ensemble de ses demandes,

- validé la contrainte décernée le 1er septembre 2017 au titre de la pénalité administrative pour son entier montant soit la somme de 2 200 € majoration comprise,

- validé la contrainte décernée le 24 mai 2018 au titre de l'indu pour son entier montant soit la somme de 15 017,43 €,

- condamné Mme [P] à payer la somme de 17 217,43 € à la CAF de l'Isère,

- dit que Mme [P] conservera la charge des frais de signification de la contrainte ainsi que de tous les actes de procédure nécessaires à son exécution,

- rappelé qu'au terme de l'article R.133-3 du code de la sécurité sociale, la décision est exécutoire à titre provisoire,

- condamné Mme [P] aux dépens nés à compter du 1er janvier 2019.

Le 18 juin 2020, Mme [P] a interjeté appel de cette décision.

Selon ses conclusions, parvenues au greffe le 1er juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, Mme [P] demande à la cour de :

- déclarer recevable son appel à l'encontre du jugement prononcé le 22 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Grenoble,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, a validé les contraintes décernées à son encontre, l'a condamnée à payer à la CAF de l'Isère la somme de 17 217,43 € et a laissé à sa charge les frais de signification des contraintes, les frais de procédure nécessaires à l'exécution du jugement et les dépens de première instance,

- par l'effet dévolutif de l'appel, annuler les deux contraintes décernées le 1er septembre 2017 et le 24 mai 2018,

- prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes mentionnées sur les deux contraintes, principal et majorations,

- ordonner le remboursement à son bénéfice des sommes recouvrées, le cas échéant, sur le fondement des deux contraintes,

- la rétablir rétroactivement dans ses droits à prestations et ordonner à la CAF de l'Isère de lui verser les allocations familiales et l'AAH dont elle a été privée à la suite du contrôle,

- condamner la CAF de l'Isère au versement de 1 200 € en application des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- condamner la CAF de l'Isère aux entiers dépens de l'instance.

Selon ses conclusions, parvenues au greffe le 7 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, la CAF de l'Isère demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire du 22 mai 2020 dans toutes ses dispositions,

- valider pour leur entier montant les contraintes des 1er septembre 2017 et 24 mai 2018,

A titre subsidiaire,

- la recevoir en son appel incident,

- condamner Mme [P] au paiement de la somme de 15 017,43 €,

- condamner Mme [P] au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement des articles 1240 et 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE

Sur la régularité de la procédure de contrôle et le rapport d'enquête

Selon l'article L.114-10, alinéa 1er du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date du contrôle, les directeurs des organismes de sécurité sociale confient à des agents chargés du contrôle, assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, le soin de procéder à toutes vérifications ou enquêtes administratives concernant, notamment, l'attribution des prestations.

Il résulte de ces dispositions qu'un agent d'un organisme de sécurité sociale régulièrement assermenté et agréé peut procéder aux vérifications et enquêtes administratives qu'elles mentionnent, sans avoir à justifier d'une délégation de signature ou de pouvoir du directeur de l'organisme.

Au soutien de sa contestation portant sur la régularité du rapport d'enquête, Mme [P] prétend que la CAF de l'Isère n'a pas établi l'agrément et la prestation de serment de l'agent de contrôle de sorte qu'elle ne saurait se fonder sur ce rapport à l'appui de sa position. Mais la CAF de l'Isère, versant aux débats la décision d'agrément du 20 octobre 2010 au bénéfice de l'agent de contrôle en charge du dossier de l'allocataire et le procès-verbal de sa prestation de serment effectuée devant le tribunal d'instance de Vienne le 22 septembre 2010, ces pièces suffisent à démontrer que l'agent était assermenté et bénéficiait, lors du contrôle, d'un agrément en vigueur et qu'en conséquence, tous ses constats et déclarations font foi jusqu'à preuve du contraire. Au surplus, il sera souligné que la CAF de l'Isère produit également la délégation de signature accordée à cet agent de contrôle notamment pour exercer cette fonction et rédiger les rapports correspondants. La CAF de l'Isère pouvant valablement se fonder sur le rapport d'enquête établi le 29 juillet 2016, Mme [P] est donc mal fondée en sa contestation.

Sur la saisine de la commission de recours amiable

Il résulte de l'application combinée des article R.142-1 et R.142-6 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige que, les réclamations relevant de l'article L.142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable qui doit être

saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Lorsque la décision du conseil d'administration ou de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai d'un mois, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale prévu à l'article L.142-2.

Mme [P] prétend que la CAF de l'Isère n'était pas fondée, dès le 17 mai 2017, à la mettre en demeure de rembourser les indus non exigibles, alors même que la commission de recours amiable instruisait encore son recours. Il convient d'observer au préalable que Mme [P] se prévaut à tort des dispositions de l'article L553-2 du code de la sécurité sociale lesquelles concernent uniquement la question des retenues sur prestations qui ne sont pas possibles en cas de contestation du caractère indu par l'allocataire, ce qui n'est pas applicable à l'espèce. Aucune disposition n'interdit à un organisme social d'émettre une mise en demeure alors que la commission de recours amiable est saisie.

Au surplus, il n'est pas contesté qu'après que lui ait été notifié le 17 janvier 2017 un indu d'un montant de 15.017,43 € correspondant à des prestations familiales, Mme [P] a saisi la commission de recours amiable de la caisse le 13 février 2017.

Si une décision explicite de rejet en date du 8 janvier 2018 a été notifiée à Mme [P] le 1er mars 2018, il n'en demeure pas moins que l'absence de réponse de la commission de recours amiable dans le délai d'un mois suivant la saisine du 13 février 2017, valait rejet implicite du recours, de sorte que cela ouvrait à Mme [P] la possibilité de contester cette décision ce qu'elle n'allègue pas avoir fait.

En tout cas, une mise en demeure pouvait valablement être adressée le 17 mai 2017 à l'allocataire dans le cadre de l'action en recouvrement des sommes indues.

Le moyen tiré de l'illégalité de la mise en demeure doit être écarté.

Sur la prescription de l'action en recouvrement

En application de l'article L.553-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2016 au 1er septembre 2019, l'action de l'allocataire pour le paiement des prestations se prescrit par deux ans.

Cette prescription est également applicable à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration.

La charge de la preuve d'une fraude ou d'une fausse déclaration incombe à la caisse.

L'article 2224 du code civil prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article L.114-17 du code de la sécurité sociale prévoit que, peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d'assurance vieillesse, au titre de toute prestation servie par l'organisme concerné :

1° L'inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations ;

2° L'absence de déclaration d'un changement dans la situation justifiant le service des prestations ;

3° L'exercice d'un travail dissimulé, constaté dans les conditions prévues à l'article L. 114-15, par le bénéficiaire de prestations versées sous conditions de ressources ou de cessation d'activité ;

4° Les agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir le versement indu de prestations servies par un organisme mentionné au premier alinéa, même sans en être le bénéficiaire ;

5° Les actions ou omissions ayant pour objet de faire obstacle ou de se soustraire aux opérations de contrôle exercées, en application de l'article L.114-10 du présent code et de l'article L.724-7 du code rural et de la pêche maritime, par les agents mentionnés au présent article, visant à refuser l'accès à une information formellement sollicitée, à ne pas répondre ou à apporter une réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive à toute demande de pièce justificative, d'information, d'accès à une information, ou à une convocation, émanant des organismes chargés de la gestion des prestations familiales et des prestations d'assurance vieillesse, dès lors que la demande est nécessaire à l'exercice du contrôle ou de l'enquête.

Au soutien de son recours, Mme [P] prétend qu'en 2018, les dettes étaient prescrites de sorte que la CAF de l'Isère n'était pas fondée, le 24 mai 2018, à poursuivre le recouvrement des sommes au titre des mois de septembre 2013 à octobre 2016.

Mais il ressort des pièces produites par la CAF de l'Isère que lors du dépôt de sa demande d'allocation logement pour son nouveau logement occupé depuis le 1er mai 2013, Mme [P] a complété et signé une déclaration de situation, le 4 juin 2014, indiquant être célibataire et a transmis une attestation de loyer mentionnant les coordonnées de son bailleur : « Mme [H] [C] SCI [Adresse 3] ». Le 7 août 2014, alors qu'un droit à l'allocation de logement familial lui a été ouvert à compter du 1er juin 2014, l'allocataire a confirmé être célibataire, avec un enfant à charge et sans activité professionnelle depuis le 1er février 2011.

Or, il résulte du rapport d'enquête établi le 29 juillet 2016 que l'agent assermenté a tout d'abord constaté que figurait également sur la boîte aux lettres à l'adresse de Mme [P] le nom de D. [Z], que cette dernière a refusé de lui communiquer l'identité de la personne vivant sous son toit depuis l'entrée dans le logement et qu'après avoir usé de son droit de communication, prévu à l'article L.114-14 du code de la sécurité sociale, auprès de l'administration fiscale, il est établi que la SCI « Une autre vie » et non Mme [C], inconnue des services fiscaux, est propriétaire du logement occupé par Mme [P] et par M. [J] [Z], ces derniers détenant tous deux des parts au sein de cette SCI, constituée selon acte du 29 novembre 2012.

Il ressort en outre des éléments recueillis par l'agent assermenté concernant M. [Z] que ce dernier est connu comme étant domicilié à l'adresse de Mme [P] : au répertoire national commun de protection sociale, également pour le versement de sa pension de retraite de l'Etat, depuis avril 2013 auprès de sa banque et lors de l'ouverture d'un compte en juin 2015.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, comme le précise le courrier de notification de l'indu du 17 janvier 2017nadressé à Mme [P], la CAF de l'Isère a retenu à bon droit que, compte tenu des adresses et intérêts communs, l'allocataire vit maritalement depuis le 1er avril 2013.

La CAF de l'Isère rapporte dès lors la preuve qui lui incombe du caractère mensonger des déclarations faites par Mme [P] et de l'existence d'une fraude et ce d'autant que le rapport d'enquête relate aussi les refus réitérés de l'allocataire de transmettre les informations relatives à sa situation et de se soumettre au contrôle dont elle a été pourtant régulièrement avisée par courrier du 21 décembre 2015 puisqu'elle refusait catégoriquement l'accès à son domicile comme elle l'a écrit au responsable du secteur fraude de la caisse le 13 février 2017. En tout cas, ce n'est que le 26 février 2016 que Mme [P] a finalement contacté l'agent de contrôle.

Il en résulte que la fraude est caractérisée de sorte qu'en application des dispositions de l'article L.553-1 du code de la sécurité sociale, la prescription biennale doit être écartée au profit de la prescription quinquennale.

Par conséquent, contrairement à ce que prétend l'appelante, à la suite du contrôle diligenté le 6 janvier 2016, la CAF de l'Isère pouvait lui réclamer les sommes indûment versées sur une période de 5 ans en arrière lesquelles ont été régulièrement visées lors de l'envoi de la mise en demeure du 17 mai 2017 puis lors de la délivrance de la contrainte du 24 mai 2018.

Mme [P] est donc mal fondée en son moyen tiré de la prescription des sommes qui lui sont réclamées par la CAF de l'Isère.

Sur la validité des contraintes décernées les 1er septembre 2017 et 24 mai 2018

En application de l'article L.161-1-5 du code de la sécurité sociale, pour le recouvrement d'une prestation indûment versée, le directeur d'un organisme de sécurité sociale peut, dans les délais et selon les conditions fixés par voie réglementaire, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère notamment le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.

Au soutien de sa demande tendant à voir déclarer nulles les contraintes litigieuses, Mme [P] prétend que les actes sont illégaux car entachés d'incompétence au motif que la CAF de l'Isère n'établit pas l'existence de la délégation régulièrement donnée au signataire des contraintes avant leur émission.

Mais comme il l'a été précisé précédemment, la CAF de l'Isère verse aux débats la délégation de signature accordée pour une durée indéterminée à l'agent de contrôle chargé du dossier de Mme [P]. Cette délégation ayant été signée par le directeur de la caisse le 2 mai 2016, donc avant la délivrance des contraintes, l'appelante est dès lors mal fondée en sa prétention.

Sur le quantum

Il résulte des dispositions des articles R. 133-3 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, que dès lors qu'un intéressé a été dûment informé des voies et délais de recours qui lui sont ouverts devant les juridictions du contentieux de la sécurité sociale, et qu'il n'a pas contesté en temps utile la décision de la commission de recours amiable saisie, il n'est pas recevable à contester, à l'occasion d'une opposition à contrainte décernée sur le fondement de ladite décision, la régularité et le bien-fondé des montants qui font l'objet de la contrainte.

En l'espèce, la décision de la commission de recours amiable de la CAF, qui a rejeté le recours exercé par Mme [P], avait été prise le 8 janvier 2018 et notifiée le 1er mars 2018 à celle-ci, sans qu'aucun recours n'ait été formé dans le délai expressément visé dans le courrier de notification. De même, la décision explicite de la commission des primes de la CAF portant sur la prime exceptionnelle de fin d'année a été rendue le 8 mars 2018 et notifiée le 20 mars 2018 sans qu'aucun recours n'ait été formé dans le délai expressément visé dans le courrier de notification.

Faute pour Mme [P] d'avoir contesté en temps utile le montant des sommes qui lui sont réclamées au titre de la contrainte décernée par la CAF de l'Isère le 24 mai 2018, notifiée le 31 mai 2018, elle sera validée pour son entier montant.

Le jugement sera confirmé.

Sur la pénalité

Dès lors que la fraude est caractérisée, est justifiée la pénalité administrative régulièrement notifiée à l'allocataire par courrier du 16 mars 2017, conformément aux dispositions de l'article L.114-17 du code de la sécurité sociale et dont le montant de 2 000 € doit être maintenu au vu de la gravité des faits relevés par l'agent de contrôle.

Il en résulte que la contrainte du 1er septembre 2017 doit être également validée pour son entier montant par voie de confirmation.

Sur les mesures accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [P] qui succombe sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande formée au titre des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

La demande de la CAF aux fins de voir condamner Mme [P] au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement des articles 1240 et 700 du code de procédure civile n'a été formée qu'à titre subsidiaire. Dès lors qu'il a été fait droit à ses prétentions formées à titre principal, il n'y a pas lieu de statuer de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement déféré.

Y ajoutant,

Déboute Mme [O] [P] de ses prétentions.

Condamne Mme [O] [P] aux dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président et par Mme Kristina YANCHEVA, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/01843
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;20.01843 ?
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