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13/10/2022 | FRANCE | N°20/01830

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch.secu-fiva-cdas, 13 octobre 2022, 20/01830


C6



N° RG 20/01830



N° Portalis DBVM-V-B7E-KOPO



N° Minute :







































































Notifié le :



Copie exécutoire délivrée le :







la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT



Me Assia BOUMAZA



la SELARL FAYAN-ROUX, BONTO

UX ET ASSOCIES



la CPAM DE L'ISÈRE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 13 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas



Appel d'une décision (N° RG 17/00482)

rendue par le Pole social du Tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 22 mai 2020

suivant déclaration d'appel du 24 juin 2020



APPELANT...

C6

N° RG 20/01830

N° Portalis DBVM-V-B7E-KOPO

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT

Me Assia BOUMAZA

la SELARL FAYAN-ROUX, BONTOUX ET ASSOCIES

la CPAM DE L'ISÈRE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 13 OCTOBRE 2022

Ch.secu-fiva-cdas

Appel d'une décision (N° RG 17/00482)

rendue par le Pole social du Tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 22 mai 2020

suivant déclaration d'appel du 24 juin 2020

APPELANTES :

ASSOCIATION [14], [14], SIRET N° [N° SIREN/SIRET 7],

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

[12], ès qualités d'assureur de l'ASSOCIATION [14], SIRET N° [N° SIREN/SIRET 9],

prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 10]

toutes deux représentées par Me Laurence LIGAS de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMES :

M. [N] [L]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me Assia BOUMAZA, avocat au barreau de GRENOBLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/007283 du 12/08/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

La CPAM DE L'ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

comparant en la personne de Mme [K] [V], régulièrement munie d'un pouvoir

LA [13], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

[Localité 6]

représentée par Me Xavier BONTOUX de la SELARL FAYAN-ROUX, BONTOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Toufik ARIB, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 juin 2022

Mme Magali DURAND-MULIN, chargée du rapport, et Mme Isabelle DEFARGE ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 13 octobre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 13 octobre 2022.

Exposé du litige

Le 4 avril 2014, M. [N] [L], employé par l'association [14] (ci après dénommée l'association [14]) et mis à disposition de la [13] (ci après dénommée [13]) en qualité d'agent de tri des déchets ménagers, a été victime d'un accident du travail lors de la phase de nettoyage de son poste au niveau de la table de tri. En récupérant une canette tombée au sol, son sweat-shirt s'est accroché aux galets du tapis entraînant son bras.

Cet accident a été pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Isère.

Les examens médicaux ont révélé une lésion avec rupture partielle des fibres distales du muscle radial, par écrasement, avec un épanchement liquidien.

L'état de santé de M. [L] a été déclaré consolidé à la date du 9 mars 2017.

Le 27 septembre 2016, M. [L] a saisi la caisse primaire d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur à l'origine de son accident du travail. Un procès-verbal de carence a été dressé le 16 février 2017.

Le 11 mai 2017, M. [L] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Grenoble aux mêmes fins.

L'association [14], a appelé en la cause la [13], en sa qualité d'entreprise utilisatrice.

La compagnie [12] ès qualité d'assureur de l'association [14], est intervenue volontairement.

Par jugement du 22 mai 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble a :

- déclaré le jugement commun et opposable à la société [12],

- dit que l'accident dont a été victime M. [L] le 4 avril 2014 est dû à la faute inexcusable de son employeur, l'association [14] avec mise à disposition du salarié au profit de la [13],

- fixé au maximum la rente versée à M. [L],

Avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices complémentaires de M. [L] :

- ordonné une expertise médicale judiciaire, confiée au docteur [S], assisté d'un sapiteur algologue,

- dit que la CPAM de l'Isère fera l'avance des frais d'expertise,

- dit que la CPAM de l'Isère fera l'avance à M. [L] de la somme de 8 000 € allouée au titre de l'indemnité provisionnelle,

- condamné in solidum la [13] et l'association [14] à rembourser à la CPAM de l'Isère l'ensemble des sommes dont elle aura fait l'avance en application des articles L. 452-2, L. 452-3 et L. 452-3-1 du Code la sécurité sociale, y compris les frais d'expertise et la provision, outre les intérêts au taux légal à compter de leur versement,

- débouté M. [L] de sa demande de provision ad litem,

- condamné in solidum la [13] et l'association [14] à payer à M. [L] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'association [14] à payer à la société [11] la somme de 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- renvoyé M. [L] à faire valoir ses demandes indemnitaires devant la juridiction sociale après dépôt du rapport d'expertise,

- réservé les dépens.

Le 24 juin 2020, l'association [14] et la compagnie d'assurances [12] ont interjeté appel de cette décision.

Selon leurs conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2022 et reprises oralement à l'audience, l'association [14] et la compagnie d'assurances [12] demandent à la cour de :

- réformer le jugement dont appel et statuant à nouveau,

A titre principal,

- constater que M. [L] ne bénéficie d'aucune présomption de faute inexcusable à l'égard de l'association [14],

- constater que M. [L] ne démontre pas la faute inexcusable qu'il invoque,

- constater qu'en sa qualité d'employeur, l'association [14] n'a commis aucune faute inexcusable,

En conséquence,

- débouter M. [L] de son recours en reconnaissance de faute inexcusable à l'encontre de l'association [14],

- condamner M. [L] à verser à l'association [14] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- juger que la faute inexcusable a été commise par l'entremise de la [13], en sa qualité d'entreprise utilisatrice, substituée dans la direction de l'association [14],

- condamner la [13] à garantir intégralement l'association [14] de l'ensemble des conséquences financières résultant de l'accident,

- condamner la [13], ès qualité d'entreprise utilisatrice, à garantir l'association [14] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre tant en principal, intérêts et frais qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la [13], ou qui mieux le devra à verser à l'association [14] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que l'association [14] devra prendre en charge 10 % des sommes qui seront allouées à M. [L] compte tenu du rôle particulièrement limité joué par cette dernière dans la réalisation de cet accident,

- dire que la [13] devra prendre en charge 90 % des conséquences financières de la reconnaissance d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail de M. [L],

- condamner la [13], ou qui mieux le devra à verser à l'association [14] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Selon ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 mai 2022 et reprises oralement à l'audience, M. [L] demande à la cour de :

Sur les demandes de réformation totale et partielle sur la responsabilité pour faute inexcusable formulées à titre principal et subsidaire par l'association [14],

- débouter l'association [14] de ses demandes de réformation totale et partielle,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- constater qu'il n'a pas commis de faute inexcusable,

- constater que son accident a pour cause une faute inexcusable par manquement à l'obligation de sécurité de la [13] qui a procédé au retrait des protections latérales fixes et rigides autour des parties entrainantes basses du tapis à savoir les galets et la grande roue, l'inaccessibilité au bouton d'arrêt d'urgence en partie basse en cas d'accident, l'absence d'arrêt du tapis de tri pendant les opérations de nettoyage, l'absence de formation et d'information suffisante des salariés quant aux consignes de sécurité dans la salle de tri et l'inadéquation de cet équipement de protection gants et une faute inexcusable de l'association [14] par défaut de formation sécurité renforcée en présence d'un poste à risques particuliers pour un personnel intérimaire,

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et donc en ce qu'il a jugé que l'accident dont il a été victime le 4 avril 2014 résulte d'une faute inexcusable de son employeur, l'association [14] par manquement à l'obligation de formation renforcée et de la faute inexcusable de l'entreprise de mise à disposition [13] pour manquement à l'obligation de sécurité du salarié, défaut de conformité à la sécurité du tapis de tri, défaut de formation et d'information des salariés et d'équipement de travail adapté,

- confirmer la condamnation in solidum de l'association [14] et [12] en tant qu'assurance intervenant volontaire, ainsi que la [13],

Sur la demande de partage de responsabilité à hauteur de 10 % à la charge de l'association [14],

- constater qu'il s'en remet à l'appréciation de la Cour sous les réserves faites,

Sur la confirmation des autres dispositions du jugement,

- confirmer ledit jugement en toutes ses dispositions quant aux conséquences des deux fautes inexcusables de l'association [14] et la [13],

- confirmer la majoration de la rente à son maximum,

- confirmer la désignation d'un expert judiciaire aux fins d'évaluation de ses préjudices,

- confirmer la condamnation in solidum de l'association [14] et son assurance [12], ainsi que la [13] à lui verser la somme de 8 000 € à titre de provision,

- confirmer que la décision à intervenir sera commune et opposable à la CPAM de l'Isère, à la [13] et l'association [14] et [12],

- juger que les paiements des éventuelles condamnations et de la majoration de rente seront assurés directement par la CPAM de l'Isère conformément aux dispositions des articles L.452-3 et L.452-4 du code de la sécurité sociale,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à venir,

- confirmer le même jugement quant à l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1 500 € à la charge in solidum de l'association [14] et la [13],

- condamner les mêmes à la somme de 2 500 € au titre des frais de procédure en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Selon ses conclusions déposées le 3 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, la [13] demande à la cour de :

A titre principal

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau

- dire que l'employeur n'a commis aucune faute inexcusable à l'égard de M. [L],

- débouter M. [L], l'association [14] et la société [12] de l'ensemble de leurs prétentions,

A titre subsidiaire

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau

- à titre principal

- débouter M. [L] de sa demande de provision,

- à titre subsidiaire

- réduire notablement la provision sollicitée,

- En tout état de cause

- limiter l'expertise judiciaire aux seuls préjudices indemnisables à savoir :

- le préjudice de souffrances physiques et morales

- le préjudice esthétique

- le préjudice d'agrément

- le préjudice résultant de la perte ou diminution des possibilités de promotion professionnelle

A titre infiniment subsidiaire, sur l'appel en garantie

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné in solidum la [13] et l'association [14] à rembourser à la CPAM de l'Isère l'ensemble des sommes dont elle aura fait l'avance en application des articles L. 452-2, L. 452-3 et L. 452-3-1 du Code la sécurité sociale, y compris les frais d'expertise et la provision, outre les intérêts au taux légal à compter de leur versement,

- condamné in solidum la [13] et l'association [14] à payer à M. [L] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement déféré pour le surplus

Statuant à nouveau

- à titre principal

- débouter l'association [14] et la société [12] de leur demande d'appel en garantie totale,

- juger que la [13] ne peut garantir l'association [14] et la société [12] qu'à hauteur du maximum d'un tiers du capital représentatif de rente,

- à titre subsidiaire

- confirmer le jugement en ce qu'il prévoit une condamnation in solidum, soit totalement partagée, entre l'association [14] et la [13],

En tout état de cause

- condamner l'association [14] à lui payer la somme de 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

A l'audience, la CPAM de l'Isère, a indiqué s'en rapporter.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la faute inexcusable présumée

En application de l'article L. 4154-3 du code du travail, la faute inexcusable de l'employeur est présumée établie à l'égard d'un salarié temporaire lorsque, victime d'un accident de travail alors qu'il était affecté à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité, il n'a pas bénéficié de formation renforcée à la sécurité.

En l'espèce, le salarié a été mis à disposition de la [13] par son employeur l'association [14] à compter du 1er avril 2014 en qualité d'agent de tri sur le site du centre de tri de la Buisse. Sa mission consistait à trier visuellement et manuellement sur tapis les ordures ménagères recyclables.

Alors qu'aucune mention d'un risque particulier sur le poste ne résulte du contrat de mission et qu'aucun élément produit ne permet de retenir que le poste d'agent de tri du salarié aurait présenté une dangerosité spécifique au sens des dispositions précitées, il s'ensuit que c'est à tort que le salarié se prévaut d'une présomption de faute inexcusable.

Sur la faute inexcusable prouvée

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

L'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale énonce que pour l'application des articles L. 452-1 à L. 452-4, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l'employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable.

La preuve de la faute inexcusable incombe au salarié qui s'en prévaut.

Il importe peu que le salarié ait lui-même commis une imprudence ayant concouru à son dommage. Cette circonstance ne peut atténuer la gravité de la faute de l'employeur dès lors que celle-ci a concouru à la survenance de l'accident.

En l'espèce, il ressort de la déclaration d'accident du travail qu'en effectuant le nettoyage de la chaîne de tri, le salarié s'est accoudé à la table de tri pour enlever des déchets se trouvant dessous alors que la chaîne de tri était encore en marche pour nettoyage. La manche s'est coincée dans les rouages entraînant avec elle le bras et le retournant, le salarié ayant hurlé de douleur puis fait un malaise.

Le caractère professionnel de l'accident et les circonstances de celui-ci ne font pas l'objet de contestation.

La [13], substituée à l'employeur, avait incontestablement conscience au préalable d'un risque d'écrasement ou d'entraînement lors de la manipulation de déchets lorsque la chaîne est en mouvement puisqu'elle soutient elle-même avoir donné au salarié des consignes de sécurité relatives à l'utilisation de la table de tri et notamment celle de ne pas ramasser les objets tombés sous la table de tri lorsqu'elle est en marche et qu'elle produit une page du DUER de 2013 mentionnant le risque de blessure par action mécanique à savoir coupure, écrasement en lien avec un tapis en mouvement de sorte qu'un risque accidentel était identifié.

L'employeur soutient que le salarié aurait commis une faute à l'origine de l'accident puisqu'il lui reproche d'avoir enfreint les règles de sécurité en se baissant pour ramasser une canette alors que la machine était en marche au lieu de respecter la consigne consistant à ramasser l'objet au sol avec une pelle et un balai.

Mais la preuve de cette faute qui au demeurant n'aurait aucune incidence sur la faute inexcusable de l'employeur, n'est au surplus pas rapportée en ce que rien ne justifie de la connaissance par le salarié de cette consigne qui n'est même pas mentionnée dans les livrets d'accueil que produit l'employeur.

Sur les mesures de prévention, le salarié invoque en premier lieu l'absence de protections latérales fixes et rigides autour des parties entraînantes basses du tapis et l'absence de bouton poussoir en partie basse pour un arrêt d'urgence en cas d'accident ce qui est confirmé par les deux attestations de M. [H] collègue de travail.

Cette absence de protections résulte également de l'analyse de l'accident du travail (pièce 13 produite par la [13]) qui fait ressortir que la protection rigide autour de la table avait été enlevée sur les préconisations d'un ergonome pour permettre l'utilisation de sièges assis-debout, que des protections mobiles avaient été rajoutées sur le devant et les côtés mais pas sur l'arrière et que le document unique indique que la protection de l'ensemble des parties entraînantes doit être prévue lors de la nouvelle table tout en mentionnant entre parenthèse qu'il n'est plus d'actualité immédiate de changer la table.

La page du DUER de 2013 produit par la [13] mentionne s'agissant du risque lié au tapis en mouvement et des actions mises en place : 'protection 'maison' mise en place et arrêt d'urgence du tapis'.

Au vu de ces éléments, la [13] ne justifie pas avoir mis en place des mesures de protections efficaces puisqu'au contraire les protections prévues à l'origine ont été supprimées.

Le salarié invoque également l'absence de consignes d'arrêt du tapis de tri pendant les opérations de nettoyage.

La [13] soutient que le salarié a suivi un accueil sécurité et que lui a été donnée la consigne de procéder au ramassage des objets uniquement lorsque la machine est à l'arrêt et à l'aide d'un balai.

Mais la seule production du livret d'accueil sécurité et du guide d'accueil santé et sécurité ne permet pas de justifier de l'effectivité des consignes données et notamment celle consistant à l'arrêt du tapis avant de ramasser un objet.

D'une part la preuve de la remise du livret au salarié n'est pas justifiée alors même qu'il est expressément prévu que l'agent doit renseigner une attestation d'accueil dont une copie doit être conservée dans son dossier et que cette attestation n'est pas produite.

D'autre part ainsi qu'il a été dit, la consigne invoquée n'est même pas mentionnée dans les livrets d'accueil.

Le salarié fait aussi valoir l'inadéquation de l'équipement de protection à savoir une tenue vestimentaire de travail constituée par un sweat à manches larges à proximité d'un poste sur un tapis de tri sans protections latérales, son sweat s'étant accroché à la chaîne.

La [13] ne conteste pas avoir fourni un sweat à manches larges. Cet équipement qui a contribué à la survenance de l'accident apparaît inadapté puisque la manche a été prise dans la machine en fonctionnement.

Au vu des manquements relevés lesquels ont pour le moins contribué à la survenance de l'accident, confirmant le jugement entrepris, il convient de dire que l'association [14] qui a seule la qualité d'employeur a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident survenu au salarié.

Sur les conséquences de la faute inexcusable

En cas de faute inexcusable, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui sont dues en vertu de la législation sur les accidents du travail (CSS, art. L. 452-2, al. 1).

La victime a droit au taux maximal de la majoration de la rente sauf si elle a commis une faute inexcusable, au sens de l'article L. 453-1 du même code.

La faute inexcusable du salarié est définie comme étant une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant, sans raison valable, son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dispose qu'en cas de faute inexcusable de l'employeur, et indépendamment de la majoration de rente, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la victime d'un accident du travail, demande également à l'employeur, la réparation, outre des chefs de préjudice énumérés par le texte susvisé, mais aussi celle de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

En l'espèce, dès lors que la faute inexcusable est reconnue et qu'aucune faute au sens de l'article L. 453-1 du code de la sécurité sociale n'est imputée au salarié, le tribunal a justement dit que la rente servie par la caisse sera majorée au maximum.

En outre, le salarié est fondé à solliciter une expertise aux fins de détermination de son préjudice complémentaire au vu de son taux d'incapacité permanente et des éléments médicaux produits.

Le jugement sera également confirmé en ses dispositions relatives à la mission de l'expert ainsi que le sollicite la victime, cette mission visant des préjudices indemnisables conformément aux dispositions rappelées ci-dessus.

Compte tenu des éléments médicaux fournis, il convient de confirmer le montant de la provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice allouée par le tribunal à hauteur de 8000 euros dont la caisse devra faire l'avance.

Sur l'action de la caisse primaire d'assurance maladie

Il convient de condamner l'association [14], laquelle a seule la qualité d'employeur de M. [L], à rembourser à la CPAM de l'Isère l'ensemble des sommes qu'elle a avancées, y compris au titre des frais d'expertise.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a prononcé une condamnation in solidum à l'encontre de l'employeur et de la [13].

Sur le recours en garantie de l'employeur

L'entreprise de travail temporaire en sa qualité d'employeur dispose d'une action en remboursement à l'encontre de l'entreprise utilisatrice qui n'est pas limitée au capital représentatif de rente mais porte sur l'ensemble des conséquences financières dues à la reconnaissance de la faute inexcusable.

En l'espèce, dès lors que la faute inexcusable reconnue a été causée par l'entreprise utilisatrice s'agissant de l'enlèvement des protections remplacées par une protection partielle, de l'absence de consignes précises données lors de l'affectation du salarié à son poste de travail et de la remise d'un vêtement de travail inadapté, il convient de condamner la [13] à garantir l'association [14] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts et frais.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.

La [13]qui succombe principalement sera condamnée aux dépens d'appel.

Elle sera condamnée à payer au salarié la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 1.000 € à l'association [14].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné in solidum la [13] et l'association [14] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère l'ensemble des sommes dont elle aura fait l'avance en application des articles L. 452-2, L. 452-3 et L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale y compris les frais d'expertise et la provision outre les intérêts au taux légal à compter de leur versement.

Statuant à nouveau,

CONDAMNE l'association [14] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère l'ensemble des sommes dont elle aura fait l'avance en application des articles L. 452-2, L. 452-3 et L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale y compris les frais d'expertise et la provision outre les intérêts au taux légal à compter de leur versement.

CONDAMNE la [13] à garantir l'association [14] de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts et frais.

Y ajoutant,

CONDAMNE la [13] à payer à M. [N] [L] la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la [13] à payer à l'association [14] la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la [13] aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Magali DURAND-MULIN, Conseiller faisant fonction de président et par Mme Chrystel ROHRER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GreffierLe Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch.secu-fiva-cdas
Numéro d'arrêt : 20/01830
Date de la décision : 13/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-13;20.01830 ?
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