N° RG 22/00091 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LPOA
N° Minute :
Copies délivrées le
Copie exécutoire
délivrée le
à
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C O U R D ' A P P E L D E G R E N O B L E
JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT
ORDONNANCE DE REFERE DU 12 OCTOBRE 2022
ENTRE :
DEMANDEUR suivant assignation du 12 août 2022
Monsieur [E], [J], [P] [Z]
né le 26 octobre 1976 à [Localité 3]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté par Me Yves BALESTAS de la SELARL CABINET BALESTAS, avocat au barreau de GRENOBLE
ET :
DEFENDERESSE
S.C.I. ARNEF représentée par son gérant en exercice, Mr [U] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Karine ALTMANN de la SELEURL AL-TITUDE, avocat au barreau de PARIS
DEBATS : A l'audience publique du 14 septembre 2022 tenue par Laurent GRAVA, conseiller délégué par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble par ordonnance du 24 juin 2022, assisté de Marie-Ange BARTHALAY, greffier
ORDONNANCE : contradictoire
prononcée publiquement le 12 OCTOBRE 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
signée par Laurent GRAVA, conseiller délégué par la première présidente et par Marie-Ange BARTHALAY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 07/02/2006, les époux [P] et [H] [Z] et leurs fils, [U] et [E], ont vendu un chalet situé à [Localité 2] au prix de 75 000 euros, à la société civile immobilière Arnef dont les associés sont [U] [Z] et sa compagne [N] [S], l'achat étant financé au moyen d'un prêt souscrit par M. [U] [Z] de 82 000 euros, remboursable in fine.
S'opposant à la volonté de la société civile immobilière Arnef de vendre le bien, [E] [Z] a assigné celle-ci le 30/07/2021 devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Grenoble aux fins de se voir reconnaître sa qualité de locataire et subsidiairement, titulaire d'un droit d'usage et d'habitation.
Par jugement du 23/06/2022, le tribunal a :
- débouté [E] [Z] de sa demande ;
- constaté qu'il est occupant sans droit ni titre du bien ;
- dit qu'il devra libérer les lieux ;
- autorisé la société civile immobilière Arnef, à défaut de départ volontaire, à procéder à l'expulsion de [E] [Z] et de tous occupants de son chef, avec au besoin le concours de la force publique, du chalet ;
- condamné M. [E] [Z] à payer à la société civile immobilière ARNEF la somme de 500 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration du 30/06/2022, M. [E] [Z] a relevé appel de cette décision.
Par acte du 12/08/2022, il a assigné la SCI Arnef en référé devant la première présidente de la cour d'appel de Grenoble aux fins de voir arrêter l'exécution provisoire et en paiement de 1 000 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile, faisant valoir en substance dans ses conclusions en réponse n° 2 que :
- il a reçu un commandement de quitter les lieux le 13/09/2022, l'exécution de la décision présentant des conséquences manifestement excessives, le chalet constituant sa résidence principale, son fils étant au surplus atteint d'une maladie de longue durée, ayant subi une transplantation rénale, ses deux enfants étant scolarisés à [Localité 5] dans le cadre d'une garde alternée ;
- il bénéficie d'un droit d'usage et d'habitation dans le chalet, puisqu'il a été autorisé en toute connaissance de cause par la société civile immobilière Arnef à s'y installer en contrepartie de la prise en charge des frais afférents à l'immeuble ;
- il justifie ainsi d'un moyen sérieux de réformation de la décision déférée.
La SCI Arnef, pour conclure au rejet de la demande et réclamer reconventionnellement 3 000 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile, réplique que :
- le moyen de réformation invoqué par le requérant n'est pas suffisamment sérieux pour entraîner une réformation du jugement entrepris ;
- aucun bail verbal n'a été conclu ;
- l'état de santé de [Y] [Z] s'est notablement amélioré, et il est désormais scolarisé à temps plein, étant hébergé principalement chez sa mère.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon l'article 514-3 du code de procédure civile, 'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance'.
Sur l'existence de moyens sérieux de réformation ou d'annulation de la décision déférée :
* l'existence d'un bail verbal :
Si par application de l'article 1714 du code civil, on peut louer par écrit ou verbalement, la preuve pouvant être apportée par témoins à l'aide de simples présomptions, il est de principe qu'un bail ne peut résulter de la simple occupation des lieux, car elle suppose, de la part de celui qui s'en prévaut, l'accomplissement de toutes les obligations incombant à un locataire, notamment celle de régler un loyer et de s'acquitter des charges afférentes.
Or, M. [Z] ne justifie que du règlement de factures d'électricité et de ramonage, tandis que la SCI Arnef déclare, sans être utilement contestée sur ce point, s'être acquittée de la taxe d'habitation et n'avoir encaissé aucun loyer.
Dans ces conditions, le moyen tendant à la reconnaissance d'un bail verbal ne peut être considéré comme sérieux.
* le droit d'usage et d'habitation :
Selon l'article 628 du code civil, 'les droits d'usage et d'habitation se règlent par le titre qui les a établis et reçoivent, d'après ses dispositions, plus ou moins d'étendue', étant relevé que, en vertu de l'article 625 du même code, ils s'établissent dans les mêmes conditions que l'usufruit. Il faut donc que ce droit résulte de la volonté du constituant, c'est-à-dire de la SCI Arnef.
Or, aucun titre n'a été établi. Surtout, aucun acte positif de la SCI ne permet d'affirmer qu'elle avait entendu laisser la libre disposition du chalet au requérant, le seul fait que celui-ci s'y soit installé étant inopérant, une tolérance ne pouvant constituer un droit, sauf prescription acquisitive, qui n'a pas eu lieu en l'espèce.
Là encore, M. [E] [Z] ne justifie pas d'un moyen sérieux de réformation du jugement attaqué.
En conséquence, la condition d'un moyen sérieux de réformation ou d'annulation du jugement entrepris n'étant pas remplie, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera rejetée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si l'exécution de la décision présente un risque de conséquences manifestement excessives, les conditions fixées par le texte susmentionné étant cumulatives et non alternatives.
Sur les frais irrépétibles :
S'agissant d'un conflit familial, l'équité ne commande pas, à ce stade de la procédure, l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile concernant les frais irrépétibles exposés par la société civile immobilière Arnef.
PAR CES MOTIFS :
Nous, Laurent Grava, conseiller délégué par la première présidente, statuant en référé, publiquement, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe :
rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Grenoble du 23/06/2022 ;
disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamnons M. [E] [Z] aux dépens.
Le greffierLe conseiller déléguée
M.A. BARTHALAYL. GRAVA