C1
N° RG 20/02906
N° Portalis DBVM-V-B7E-KRTS
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 11 OCTOBRE 2022
Appel d'une décision (N° RG F 19/00015)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE
en date du 07 septembre 2020
suivant déclaration d'appel du 23 septembre 2020
APPELANTE :
S.A. DIGI FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 3]
représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Patrick ROULETTE, avocat plaidant inscrit au barreau de SEINE-SAINT-DENIS,
INTIME :
Monsieur [K] [O]
né le 02 Septembre 1967 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE, substituée par Me Laure JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 juin 2022,
Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 11 octobre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 11 octobre 2022.
Exposé du litige :
M. [O] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée par la SA DIGI France en date du 7 Janvier 2015 en qualité de technicien de service après-vente.
Le 10 février 2017, il s'est vu notifier un avertissement.
Le 7 juillet 2017, M. [O] s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
M. [O] a saisi le Conseil des prud'hommes de Vienne le 24 août 2017 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.
Par jugement du 07 septembre 2020, le Conseil des prud'hommes de Vienne a :
- Dit et jugé M. [O] recevable et bien fondé en ses demandes,
- Dit et jugé que le licenciement de M. [O] est sans cause réelle et sérieuse,
- Dit et jugé que la SA DIGI France n'a pas rémunéré les heures supplémentaires réalisées par M. [O],
- Dit et jugé que la SA DIGI France n'a pas respecté les durées légales de travail et a violé l'obligation de sécurité,
- Dit et jugé que la SA DIGI France n'a pas respecté son obligation de formation et d'adaptation à l'emploi vis-à-vis de M. [O],
- Dit et jugé que la SA DIGI France s'est rendue coupable de travail dissimulé,
En conséquence,
- Condamné la SA DIGI France à payer à M. [O] les sommes de :
15 000 euro nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
5 000 euro nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation et d'adaptation,
10 000 euros nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées légales de travail et violation de l'obligation de sécurité,
31 566,63 euros bruts à titre de paiement des heures supplémentaires outre 3 156,66 euros bruts au titre des congés payés afférents,
13 800 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes, en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées,
- Ordonné l'exécution provisoire de l'entier jugement au sens des dispositions de l'article 515 du Code de procédure civile,
- Débouté M. [O] de sa demande d'indemnité pour non-respect des durées légales maximales de travail,
- Dit qu'en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement par la SA DIGI France aux organismes concernés des indemnités de chômage perçues par M. [O] licencié dans la limite de 2 mois d'indemnités et dit qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent jugement sera adressée à Pôle Emploi,
- Débouté la SA DIGI France de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamné la SA DIGI France aux entiers dépens de l'instance.
La décision a été notifiée aux parties et la Société DIGI FRANCE en a interjeté appel.
Par conclusions du 21 décembre 2021, la SA DIGI FRANCE demande à la cour d'appel de :
- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Vienne en date du 7 septembre 2020, en ce qu'il a jugé que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse outre les dommages et intérêts à ce titre, ainsi qu'en ce qui concerne les heures supplémentaires et l'indemnité pour travail dissimulé, outre les dommages et intérêts pour non-respect des durées légales de travail et violation de l'obligation de sécurité, mais aussi les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation et d'adaptation,
En conséquence,
- Juger que le licenciement dont a fait l'objet M. [O] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- Juger que M. [O] n'a pas accompli d'heures supplémentaires au-delà de celles déjà réglées,
- Juger que la société DIGI France a respecté ses obligations,
- Débouter M. [O] de toutes ses demandes,
- Condamner M. [O] à payer à la société DIGI FRANCE la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions du 18 mars 2021, M. [O] demande à la cour d'appel de :
- Confirmer le jugement entrepris,
- Débouter la société DIGI France de l'intégralité de ses demandes,
- La condamner au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2022.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.
SUR QUOI :
Sur la demande au titre des heures supplémentaires :
Moyens des parties :
M. [O] expose qu'il a effectué de très nombreuses heures supplémentaires non rémunérées. Ces heures ressortent du rapport d'activité décomptant les heures de travail qu'il a effectuées et sont corroborées par le relevé mensuel d'heures et des échanges de mails justifiant de ce qu'il a été amené à travailler sur des jours de repos et tard le soir ou tôt le matin. Il soutient que l'employeur ne produit pas le moindre élément objectif permettant de remettre en cause ces éléments.
La société DIGI France expose que le salarié n'a jamais formulé de demande à ce titre pendant l'exécution de son contrat de travail et que sa demande est sur le principe irrecevable. Elle fait valoir qu'au sein de la société DIGI France, il existe une note de service relative à la fixation des heures supplémentaires au regard de la géolocalisation des véhicules de fonction que M. [O] a reçue en mains propres le 17 avril 2015. Cette note précise que le nombre d'heures supplémentaires mensuelles des techniciens est déterminé sur la base des relevés de la géolocalisation. Il y était également indiqué que les données nominales ne sont conservées que deux mois et, après ces périodes seules des données anonymes, à but statistique, sont conservées. Les salariés ont été informés de ce processus et du fait que la contestation rapide des relevés mensuels était essentielle du fait de cette courte période de conservation, eu égard à l'utilisation des données pour le calcul d'éventuelles heures supplémentaires. Les salariés disposaient ainsi d'un mois pour contester le relevé d'heures, et à défaut de contestation dans ce délai par tout moyen, ils sont réputés avoir accepté ce décompte et il appartenait à M. [O] de se conformer au règlement interne.
Concernant le quantum sollicité, la société DIGI France fait valoir que des heures supplémentaires ont été régulièrement payées pendant toute la période d'activité du salarié, non seulement sans qu'il les conteste à l'époque, mais sans qu'il les décompte dans le cadre de sa demande pourtant exorbitante. En 2016, il a ainsi perçu la somme de 15 495 euros au titre de ses heures supplémentaires majorées alors même qu'il n'en fait pas état dans son décompte d'heures démontrant sa particulière mauvaise foi.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Selon l'article L. 3121-27 du même code, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.
La durée légale du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-28 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile selon l'article L. 3121-29.
Selon l'article L. 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, M. [O], qui allègue qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées, verse aux débats les éléments suivants au soutien de sa demande :
Un relevé mensuel, établi par ses soins, du nombre d'heures de travail effectif pour les années 2015 à 2017,
Des rapports d'heures au nom de la SA DIGI France faisant apparaître pour chaque journée travaillée, l'heure de début, l'heure de fin, le temps de pause, le nombre d'heures de travail par jour, avec et sans pause, pour les années 2015 à 2017,
Un décompte, établi par ses soins, du nombre d'heures supplémentaires réalisées par semaine pour les années 2015 à 2017,
Les bulletins de salaire pour la période concernée faisant apparaître le paiement d'heures supplémentaires.
Compte tenu des informations contenues dans les rapports d'heures produits, qui sont manifestement issues du système de décompte du temps de travail de la SA DIGI France, et des décomptes et relevés établis par le salarié, il y a lieu de retenir que les éléments produits sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.
Il doit être constaté que la SA DIGI France ne produit aucun élément permettant de contredire les éléments versés aux débats par le salarié. En effet, la SA DIGI France verse uniquement aux débats un courrier du 17 mars 2015 remis en main propre contre signature à M. [O] qui ne conteste pas en avoir été destinataire. Aux termes de ce courrier, le salarié est informé de la géolocalisation de son véhicule aux fins, entre autres, d'établir la durée de travail du salarié et les éventuelles heures supplémentaires. Il est en outre précisé que la contestation des décomptes d'heures produits sur la base de ce système devait intervenir dans le délai d'un mois à compter de leur transmission.
Cependant la SA DIGI FRANCE ne produit pas les décomptes visés dans cette note et n'établit pas un relevé des heures supplémentaires effectuées venant contredire ceux établis par le salarié. En outre, la SA DIGI France n'indique pas dans ses écritures si les rapports d'heures versés par le salarié sont bien les relevés produits par le système de géolocalisation mis en place pourdéterminer les horaires de travail du salarié.
En conséquence, faute pour l'employeur de produire des éléments démontrant les horaires de travail effectivement réalisés par M. [O], il y a lieu de retenir que le salarié a effectué des heures supplémentaires telles que celles-ci apparaissent sur ses propres décomptes.
En revanche, il n'est pas contestable que les bulletins de salaire versés aux débats font apparaître qu'un grand nombre d'heures supplémentaires lui ont été payés sur la période concernée, soit, au total, d'après le calcul produit par l'employeur et non contesté par le salarié, la somme totale de 25 124 euros.
Compte tenu de la somme sollicitée par M. [O] au titre des heures supplémentaires calculée sur la base de ses propres décomptes et des sommes déjà perçues par lui au titre des heures supplémentaires, il y a lieu de condamner la SA DIGI France à lui payer la somme de 6 442,63 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 644, 26 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, par infirmation du jugement déféré sur le quantum de la condamnation.
Sur la demande au titre du travail dissimulé :
Moyens des parties :
M. [O] expose que le montant du rappel de salaire octroyé au titre des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées caractérise l'importance du manquement et permet d'établir au demeurant que l'employeur avait parfaitement conscience d'enfreindre les dispositions légales susvisées. Son employeur n'hésitait d'ailleurs pas à lui faire parvenir des courriels le week-end ou le soir à des heures tardives; la société DIGI avait donc pleinement conscience des horaires effectués par son salarié et a délibérément fait le choix de ne pas les déclarer alors même qu'elle avait été alertée par les délégués du personnel sur le volume d'heures supplémentaires.
La société DIGI France fait valoir que la réalité des heures supplémentaires sollicitées n'est pas établie et que l'élément intentionnel n'est pas démontré.
Sur ce,
Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Pour allouer une indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. Mais ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie. Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord
Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.
Il a été relevé que la SA DIGI France avait rémunéré un total de 25 124 euros au titre des heures supplémentaires réalisées par le salarié.
S'il a été jugé que la SA DIGI France ne produisait aucun élément contredisant les relevés établis par le salarié, justifiant qu'elle soit condamnée à lui payer un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, cet élément est, à lui seul, insuffisant pour établir l'intention de la SA DIGI France de dissimuler la réalisation d'heures supplémentaires effectuées par le salarié.
En conséquence, il n'y a pas lieu à condamnation de la SA DIGI France à payer à M. [O] l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par les dispositions susvisées de l'article L. L. 8221-5 du code du travail. Le jugement dont appel est infirmé de ce chef.
Sur la demande au titre du dépassement de la durée maximale de travail et de l'obligation légale de sécurité :
Moyens des parties :
M. [O] fait valoir que l'employeur n'a pas respecté la durée maximale du temps de travail ni réglé la totalité des heures supplémentaires. Il expose que :
Au cours de l'année 2015-2016, la société DIGI a connu d'importantes difficultés dans la gestion du centre d'appels du fait de l'absence prolongée puis du licenciement du responsable. A la même période, beaucoup de départs de salariés non remplacés ont eu lieu et il s'est trouvé confronté à une véritable surcharge de travail l'amenant à travailler bien au-delà de la durée légale ;
Il a occupé plusieurs fonctions : technicien, installateur de mise en service d'équipements nouveaux, réparateur et vérificateur en métrologie, et technicien de maintenance préventive et curative dans le cadre du SAV. Il s'est immédiatement retrouvé seul devant les problèmes rencontrés, n'ayant personne vers qui se tourner en cas de difficultés ;
Il a réalisé, sur l'année 2016, 753 heures supplémentaires ce qui équivaut à une moyenne de 62 heures par mois portant ainsi à 214 heures son temps de travail mensuel, soit l'équivalent de 53 heures par semaine. La durée maximale de 10 heures de travail quotidien a été dépassée plus de 200 jours pendant l'exécution du contrat de travail et la durée maximale de 48 heures de travail hebdomadaire a été dépassée quant à elle à l'occasion de 41 semaines ;
Ces manquements de l'employeur ont eu un impact certain sur sa vie de famille et sur sa santé dont la société a été alertée sans réagir en violation de l'obligation de sécurité. En effet, le 20 mai 2016, les Délégués du Personnel écrivent à la Direction de la société DIGI pour demander la limitation des heures supplémentaires des techniciens et que leur temps passé sur les routes soit payé ;
Lors de la réunion du 23 juin 2016, lorsqu'il est évoqué la question du non-paiement des heures supplémentaires, la direction déclare vouloir « vérifier les heures pour chaque journée ». Le 3 novembre 2016, il a directement pris contact avec M. [U], Directeur administratif et financier, afin de lui faire part de difficultés rencontrées en raison du manque de personnel puis a alerté de nouveau son employeur le 18 février 2017 sans succès ;
Aucun DUER n'est produit, et il n'est justifié d'aucune mesure de prévention.
La société DIGI France fait valoir que les heures supplémentaires ont été réglées et que les délégués du personnel consultés. Les salariés qui ont quitté l'entreprise ont toujours été remplacés. M. [O] ne justifie pas du quantum de sa réclamation fixé arbitrairement à 10 000 euros et ne verse aucune pièce afin de démontrer son préjudice.
Sur ce,
Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Selon l'article L. 3121-18 du code du travail, la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf :
1° En cas de dérogation accordée par l'inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret ;
2° En cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret ;
3° Dans les cas prévus à l'article L. 3121-19.
Selon l'article L. 3121-20 du même code, au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.
Il est de principe que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont applicables ni à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne ni à la preuve de ceux prévus par les articles L. 3121-18 et L. 3121-20 du code du travail relatifs aux durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail, qui incombe à l'employeur.
Par ailleurs, il est de principe que le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire applicable, en ce qu'il prive le salarié de repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé. Ainsi, le seul constat du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail ouvre droit à réparation.
En outre, selon l'article L. 3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.
Selon l'article L. 3132-2, le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre 1er.
En l'espèce, il ressort des rapports d'heures produits aux débats par le salarié, dont l'employeur ne conteste pas l'authenticité, que M. [O] a régulièrement dépassé la durée maximale de travail effectif de 10 heures par jour et la durée hebdomadaire maximale de travail effectif de 48 heures.
La SA DIGI France, responsable du décompte du temps de travail du salarié, et débitrice de l'obligation de respect des durées maximales de travail afin de garantir le droit au repos et à la vie familiale du salarié, ne produit aucun élément permettant de démontrer le respect de son obligations.
Eu égard au nombre de dépassements relevés sur la période 2015-2017, des durées maximales de travail quotidiennes et hebdomadaires, telles qu'elles ressortent des rapports d'heures, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice subi par le salarié en conséquence de ce manquement en condamnant la SA DIGI France à payer à M. [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
Sur ma demande au titre de l'obligation de formation et d'adaptation :
Moyens des parties :
M. [O] expose que l'employeur a violé son obligation d'adaptation en ne le formant pas de manière suffisante à son arrivée et durant la relation contractuelle. Il fait valoir que :
Il a été contraint à plusieurs reprises lors de ses interventions de solliciter l'assistance de ses collègues techniciens par téléphone, le mettant ainsi dans une situation embarrassante vis-à-vis des clients ;
Il a dû faire face à un support technique médiocre et s'est retrouvé ainsi livré à lui-même face à des situations totalement inédites. Il n'était pas non plus formé sur toutes les gammes d'emballeuses installées chez les clients ni sur les nouvelles gammes récemment installées ;
Les connaissances théoriques qu'il a initialement acquises deviennent donc rapidement obsolètes et l'employeur a été alerté lors d'une réunion du 17 juin 2015 sur ce manque de formation ;
Fin 2016, le programme de formation a été annulé compte tenu d'une surcharge de travail.
La société DIGI France expose pour sa part que le salarié a été formé et fait valoir que :
M. [O] est entré au sein de la société DIGI France le 2 mars 2015 et il a dès le 9 mars 2015, bénéficié du programme de formation des techniciens durant 6 semaines ;
Il a eu d'autres formations en avril et juillet 2015, novembre 2015 et avril 2017, formations théoriques mais également pratiques ;
Pendant plusieurs semaines, les techniciens bénéficient également d'une formation chez les clients, accompagné par un technicien plus expérimenté ;
Enfin, le responsable qualité et métrologie de la société DIGI France se rendait également régulièrement sur le terrain avec les techniciens afin d'effectuer des supervisions sur la conformité des instrument (supervision interne).
Sur ce,
Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Selon l'article L. 6321-1 du code du travail, dans sa version en vigueur du 9 octobre 2016 au 1er janvier 2019, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.
Les actions de formation mises en 'uvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.
Selon les dispositions de l'article 954, alinéa 1er, du code de procédure civile, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats par la SA DIGI France (attestations de formation et listes d'émargement), que le salarié a suivi plusieurs formations à la fois théoriques et pratiques sur de nombreux appareils lors de sa prise de poste, sur une durée totale de six semaines.
La SA DIGI France démontre également que le salarié a suivi deux nouvelles formations portant sur d'autres appareils en juillet et novembre 2015, ainsi qu'une formation relative à un autre appareil en avril 2017.
Enfin, il ressort d'un courriel en date du 24 juin 2015 que la SA DIGI France produit, que le salarié était parfois accompagné d'un autre salarié en intervention; ce qui corrobore l'existence d'une formation continue du salarié sur le terrain par un technicien plus expérimenté, M. [O] ne formulant aucune explication s'agissant de ce courriel venant contredire ses propres allégations.
Si le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel du 17 juin 2015 fait état du fait que les délégués se sont plaints que des techniciens étaient envoyés en intervention sur une nouvelle gamme d'emballeuse (5 600) sans avoir été formés, il ressort cependant des éléments produits que M. [O] a reçu une formation sur ce type d'emballeuse en novembre 2015.
Par ailleurs, si la SA DIGI France a reconnu lors de cette même réunion qu'elle n'avait pas assez de techniciens expérimentés pour « doubler » les tournées, regrettant qu'il ne puisse y avoir de formation « par compagnonnage », ce seul élément, compte tenu des formations suivies par le salarié au début de la relation contractuelle, est insuffisant pour retenir un manquement de la SA DIGI France à son obligation de formation et d'adaptation à son poste de travail.
M. [O], qui allègue que l'employeur a annulé, à la fin de l'année 2016, le programme de formation des techniciens en invoquant une surcharge de travail, échoue à en faire la démonstration. En effet, il se limite, dans ses écritures, à viser un courriel du 19 octobre 2016, lequel n'est ni numéroté ni individuellement identifié dans le bordereau des pièces, empêchant ainsi la cour de l'examiner. Au surplus, il ne peut être déduit de l'obligation de formation, telle qu'elle est exposée dans les dispositions susvisées de l'article L. 6321-1 du code du travail, qu'elle imposerait à l'employeur de proposer chaque année de nouvelles formations au salarié.
Si la SA DIGI France échoue à démontrer que M. [O] aurait reçu une formation concernant un appareil spécifique (INCO II), il doit être relevé que M. [O] ne fournit aucune explication permettant à la cour d'apprécier la spécificité de cet appareil par rapport aux autres appareils sur lesquels il a été formé et les conséquences d'une absence de formation sur son travail.
Ainsi, cette seule omission de formation de la SA DIGI France sur un appareil spécifique est insuffisante à elle seule, pour établir le manquement de l'employeur à son obligation de formation à l'égard de M. [O].
Compte tenu de l'ensemble de ces constatations, la Cour d'appel juge que la SA DIGI France n'a pas manqué à son obligation de formation et d'adaptation à son pose de travail à l'égard de M. [O]. Le jugement entrepris est par conséquent infirmé de ce chef.
Sur le bien-fondé du licenciement :
Moyens des parties :
La Société DIGI France fait valoir que le salarié, qui avait déjà été averti par un avertissement du 10 février 2017 intervenu suite à des doléances de clients, a persisté dans ses manquements envers plusieurs clients. Elle expose que :
Le 16 mai 2017, au magasin [M] de Chatte, la responsable s'est plainte auprès de la société DIGI France, suivant mail du 17 mai 2017, d'un gros problème de communication avec lui dans le cadre de son intervention. La société DIGI France a été contrainte d'envoyer un autre technicien sur site qui a constaté que M. [O] n'avait pas accompli sa mission.
Le 19 mai 2017 au magasin [M] de Vienne, dès le lendemain de son intervention sur une étiqueteuse rôtisserie, le client a relevé la persistance des dysfonctionnements et a sollicité que M. [O] n'intervienne plus.
Le 02 juin 2017, SUPER U [Localité 5], le directeur du magasin a sollicité une intervention en indiquant qu'il refusait que ce soit M. [O] qui donnait des explications incompréhensibles et avait des problèmes de comportement.
14 Juin 2017, SUPER U [Localité 9] : la société DIGI France a été rendue destinataire d'un courriel du client contestant une facture émise car M. [O] n'avait pas réalisé les prestations, objet du devis, à savoir l'installation du logiciel sur le PC boucherie.
M. [G], responsable du Super U de [Localité 5], a indiqué à la société DIGI France que M.[O] avait déréglé la Matriochka aggravant la situation et faisant régulièrement des réflexions au personnel.
La société DIGI France allègue qu'elle a également reçu un courriel de Mme [D], responsable qualité de plusieurs magasins SYSTEME U, et du magasin SUPER U de [Localité 8], qui se plaignait du comportement de M. [O] qu'elle jugeait inapproprié, outre ses insuffisances professionnelles, aux termes duquel, elle sollicitait que les interventions techniques s'améliorent à l'avenir afin que les relations commerciales se poursuivent.
Ces comportements et manquements ne peuvent s'expliquer par une prétendue absence de formation, le salarié ayant été formé pendant les deux années de présence au sein de la société DIGI France à concurrence de 9 semaines de formation, ce qui correspond à une moyenne de 4,5 semaines de formation par an.
S'agissant de la surcharge de travail alléguée par le salarié, la société DIGI France a toujours renouvelé ses départs et a même procédé à de nouvelles embauches. Entre 2015 et 2017, la société DIGI France a procédé à l'embauche d'une dizaine de techniciens supplémentaires.
S'agissant du fait que l'organisation de la société DIGI France aurait rencontré des difficultés qui seraient à l'origine de l'insatisfaction des clients, cette affirmation est fausse et elle ne repose sur aucun élément probant. Les clients se plaignaient du salarié, et seulement de lui, et n'hésitaient pas à demander d'autres techniciens qu'ils savaient semble-t-il plus diligents. En outre, l'effectif de l'entreprise connaît une certaine stabilité dans son personnel comme le démontrent les pièces 40 à 42.
M. [O] conteste le bien-fondé de son licenciement et fait valoir que :
Il a fait l'objet d'un avertissement le 10 février 2017, qu'il a contesté. En faisant valoir une insuffisance professionnelle, l'employeur ne peut se placer sur le terrain disciplinaire, de sorte que le licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il ne peut lui être fait grief d'une insuffisance professionnelle alors que l'employeur a violé son obligation d'adaptation en ne le formant pas de manière suffisante à son arrivée et durant la relation contractuelle.
Au cours de l'année 2016, la société DIGI a connu d'importantes difficultés dans la gestion du centre d'appels du fait de l'absence prolongée puis du licenciement du responsable. A la même période, de nombreux techniciens ont été licenciés et non pas été remplacés augmentant encore la charge de travail. La désorganisation du service conduit par ailleurs à une insatisfaction générale des clients de la société DIGI France et dans ce contexte, il est déloyal de lui reprocher une quelconque insuffisance.
Sur les manquements qui lui sont reprochés, il expose que :
S'agissant du [M] de Chatte, il n'a pas été formé sur ce matériel et l'intervention a été mise à mal par le client lui-même qui n'avais pas commandé le bon format d'étiquettes, et d'ailleurs il ressort du mail versé aux débats que c'est l'intervention du fournisseur d'étiquettes (société BIZERBA) qui est en cause, il n'est enfin pas établi qu'un autre technicien a été contraint d'intervenir.
S'agissant du [M] de Vienne, aucun dysfonctionnement n'est à constater puisque l'article en cause était vendu à la pièce (mention « PCS 1 », pour une pièce) et que le poids n'avait donc pas à apparaître. Conscient de son erreur, le client s'est avéré satisfait des interventions de M. [O] et a ensuite accepté qu'il se déplace à neuf reprises chez lui depuis l'intervention du 19 mai 2017.
S'agissant de SUPER U [Localité 5] : aucune explication précise n'est fournie par le client qui évoque tout au plus le comportement inapproprié.
S'agissant de SUPER U [Localité 9] : il s'est contenté de procéder à l'installation du logiciel sur les rayons boulangerie/pâtisserie et fromage et n'a pas procédé à son installation sur le rayon boucherie parce que le client a souhaité que cette dernière installation soit décalée.
Sur les plaintes des magasins SUPER U et SYSTEME U : aucun fait précis n'est avancé.
Sur ce,
Selon les articles L. 1232-1 et L. 1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, et notifiée au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre, qui fixe les limites du litige, doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.
En l'espèce, il doit être constaté que la SA DIGI France, en se limitant à indiquer dans la lettre de licenciement du 7 juillet 2021 que M. [O] est licencié pour une cause réelle et sérieuse, n'a pas qualifié le motif du licenciement du salarié.
Il ressort toutefois des termes employés dans le courrier de licenciement que la SA DIGI France a entendu se placer sur le terrain disciplinaire, ce qui se déduit notamment du fait qu'au début de la lettre de licenciement, il est fait explicitement référence à un avertissement adressé au salarié le 10 février 2017, au motif que plusieurs clients se sont plaints du comportement de M. [O] « tant professionnellement que sur (sa) façon d'aborder (ses) interlocuteurs », l'employeur ajoutant qu'elle a alors « sommer » le salarié « de réagir de façon immédiate », mais qu'il a de nouveau « été interpelé par des clients qui se plaignent (du) comportement (de M. [O]) lors de (ses) déplacements et de (ses) compétences professionnelles ».
Par ailleurs, après avoir énoncé les différentes plaintes reçues de clients depuis l'avertissement, la SA DIGI France conclut cette lettre en présentant la mesure de licenciement comme la conséquence de l'absence de changement de comportement du salarié, malgré l'avertissement dont il a fait l'objet pour des faits similaires, comme suit : « Je considère dans ces conditions qu'il existe de réelles difficultés dans l'accomplissement de vos missions qui peuvent mettre en péril l'avenir de nos relations commerciales avec les clients, alors même que vous avez déjà été alerté sur ces points il y a quatre mois à peine. Aussi, votre comportement chez les clients (attitude professionnelle et personnelle) constitue une cause réelle et sérieuse justifiant d'une mesure de licenciement, dans la mesure où les plaintes des clients se sont multipliées et qu'elles révèlent toutes un positionnement inadapté de votre part, pouvant nuire à la crédibilité de la société DIGI France et mettre en péril les relations commerciales avec certaines enseignes, alors même que vous avez déjà été averti sur ces points ».
Enfin, dans ses écritures, la SA DIGI France confirme qu'elle reproche à M. [O] des comportements constituant des fautes, en liant directement l'avertissement et la poursuite des comportements reprochés au salarié malgré celui-ci : « En outre, le 10 février 2017, la société DIGI France se voyait contrainte de prononcer un avertissement à l'encontre de M. [O] ensuite de plaintes reçues de plusieurs clients quant à son comportement, lequel a été confirmé le 1er mars 2017 ensuite de la contestation de M. [O]. M. [O] avait donc déjà été averti pour des faits similaires à ceux motivant la rupture de son contrat de travail, et n'en n'a pas tenu compte puisque moins de quatre mois après la société DIGI France recevait de nouvelles doléances de la part de clients ».
En conséquence, la SA DIGI France, qui a entendu prononcer à l'encontre du salarié un licenciement pour motif disciplinaire en raison de sa persévérance dans son attitude à l'égard des clients de l'entreprise, préjudiciable à la société, ne peut, pour justifier le licenciement, soutenir que les comportements reprochés au salarié seraient constitutifs d'une insuffisance professionnelle, dès lors qu'il est de principe que l'insuffisance professionnelle est exclusive de tout comportement fautif.
Il en résulte qu'il incombe à l'employeur de démontrer que les faits reprochés au salarié ne sont pas dus à une incapacité professionnelle de sa part d'effectuer les tâches qui lui étaient confiées mais procèdent de manquements à ses obligations contractuelles, en ce qu'ils sont révélateurs d'une négligence, d'un manque de volonté ou d'une mauvaise foi dans l'accomplissement de ses fonctions et dans son positionnement à l'égard des clients de l'entreprise.
S'agissant de l'intervention du salarié dans le magasin [M] de Chatte sur une machine INCO 2 le 16 mai 2017, la SA DIGI France verse aux débats :
La fiche d'intervention de laquelle il ressort que M. [O] est intervenu dans ce magasin le 16 mai 2017 de 9h15 à 20h20,
Un courriel du 17 mai 2017 de deux responsables du magasin [M] revenant sur l'intervention de M. [O] réalisée la veille au cours de laquelle le salarié n'est pas parvenu à résoudre un problème de format d'étiquettes. Est en outre relevé un problème de communication avec M. [O] empêchant d'anticiper les problèmes et de prendre les bonnes décisions. Les responsables ajoutent avoir contacté la société le lendemain et que le problème a été résolu, et expriment le souhait qu'un autre technicien leur soit envoyé pour terminer l'intervention, n'étant pas du tout satisfaits de M. [O] et de ses compétences ;
Un courriel interne de M. [Y] du 17 mai 2017 (technicien) dans lequel celui-ci indique qu'il a passé plus de deux heures avec l'une des responsables du [M] pour résoudre le problème sur la machine INCO 2 sur laquelle était intervenu M. [O] la veille, que celui-ci n'aurait « pas du tout assuré » et que la responsable a exprimé son fort mécontentement à propos de la société.
Ces éléments sont suffisants pour retenir que le fait reproché à M. [O], à savoir son incapacité à trouver une solution de manière rapide à un problème de format d'étiquettes sur une machine, est établi.
S'agissant de l'intervention du 19 mai 2017 dans le magasin [M] de Vienne, la SA DIGI France verse aux débats :
Deux fiches d'intervention desquelles il ressort que M. [O] est intervenu dans ce magasin de 9h11 à 13h39,
Un courriel du responsable du magasin indiquant que le problème d'étiqueteuse rôtisserie n'a pas été résolu, et demandant une nouvelle intervention avec un « technicien compétent », le responsable précisant qu'il ne souhaite plus voir intervenir M. [O] dans ses magasins,
Deux courriels internes à l'entreprise des 24 et 29 mai 2017, desquels il ressort que la SA DIGI France a dû chercher un autre technicien pour intervenir dans ce magasin, afin de répondre à la demande du client de ne plus voir M. [O] intervenir.
Le salarié ne peut valablement soutenir que la plainte adressée par le responsable du magasin à la SA DIGI France, le lendemain de son intervention, serait infondée en ce que la photographie de l'étiquette contenue dans son courriel indiquerait un article vendu à la pièce et non au poids. En effet, il se déduit de ce courriel que le responsable du magasin se plaint du fait que l'étiquette n'affiche plus le poids de l'article, ce qui est bien le cas sur l'étiquette qu'il fournit au soutien de sa réclamation.
Si la SA DIGI France ne conteste pas que, par la suite comme le soutient M. [O], celui-ci a bien été missionné à nouveau dans les magasins gérés par ce responsable, il ne peut s'en déduire pour autant que la plainte formulée à la suite de son intervention du 19 mai 2017, serait de ce fait infondée.
Les éléments produits par l'employeur sont en conséquence suffisants pour retenir que le fait reproché au salarié, à savoir un problème d'affichage de poids des produits sur des étiquettes à la suite de son intervention du 19 mai 2017, est établi.
S'agissant de l'intervention dans le Super U de [Localité 5] le 2 juin 2017, la SA DIGI France verse aux débats un échange de courriels internes du 2 juin 2017, desquels il ressort que le responsable du magasin a demandé spécifiquement que M. [O] n'intervienne pas pour résoudre un problème sur une machine, souhaitant l'intervention d'un autre technicien. Il ressort de ce même échange que le client n'a pas donné d'explication précise sur son refus de voir intervenir M. [O], mais que les raisons seraient liées à un problème de comportement, les clients se plaignant de ne pas comprendre les explications du salarié en cas de problème. Faute pour la SA DIGI France d'apporter des précisions sur les faits spécifiquement reprochés à M. [O] par ce client, ce grief invoqué par l'employeur ne peut être retenu pour justifier son licenciement.
S'agissant de la plainte du magasin Super U à [Localité 9], la SA DIGI France verse aux débats :
Un devis daté du 24 avril 2017 portant le numéro 2017042307 prévoyant l'installation d'un logiciel gestion et traçabilité DIGIProjet pour un montant total de 694,80 euros,
Une facture datée du 29 mai 2017 portant sur ce devis 2017042307 pour un montant total de 1068,30 euros,
Une fiche d'intervention du 26 mai 2017 de laquelle il ressort que le logiciel n'a pas été installé sur les machines du rayon boucherie,
Un courriel d'un responsable du Super U de [Localité 9] daté du 14 juin 2017, qui conteste le montant de la facture en indiquant que le technicien a passé 4,75 heures en magasin sans installer le logiciel sur le PC Boucherie, alors que c'était précisément l'objet du devis.
Il ressort de ces éléments que :
- le devis initial prévoyait une durée d'intervention estimée à 3 heures, et que la facture émise mentionne une durée d'intervention de 4,75 heures.
- l'objet de l'intervention prévoyait bien une installation du logiciel sur le PC Boucherie, même s'il ressort d'un courriel interne de la SA DIGI France que le client n'a pas compris que l'ensemble des balances du magasin devaient également être reliées au logiciel, l'auteur de ce courriel, M. [E] [W], indiquant que le technicien n'a pas fourni d'explication au client et que l'intervention n'est pas terminée,
- le client se plaint du temps passé par M.[O] et du fait que celui-ci a voulu intervenir sur le PC Boucherie en arrêtant les balances en pleine journée, ce que le client a refusé.
Ces éléments sont suffisants pour retenir que M. [O] n'a manifestement pas correctement communiqué avec le client pour lui expliquer l'objet de l'intervention et qu'il n'est intervenu qu'en dernier sur le PC Boucherie alors que cette intervention était prioritaire pour le client. En outre, il n'est pas contestable que la durée estimée du devis de 3 heures a été dépassée alors même que l'ensemble des opérations nécessaires pour réaliser la prestation prévue n'a pas été effectué. Le fait reproché au salarié, ne pas avoir rempli la prestation conformément au devis, est établi.
S'agissant de l'intervention dans le magasin Super U de [Localité 5], la SA DIGI France verse aux débats un courriel d'un responsable de la société Système U du 26 juin 2017, dans lequel celui-ci se plaint de l'intervention de M. [O] à deux reprises pour régler sans y parvenir une machine, la déréglant davantage. Il demande à ce que M. [O] n'intervienne plus dans les magasins U au motif qu'il ne reçoit que des avis négatifs sur la qualité de son travail et sur les réflexions qu'il aurait faites au personnel du magasin (« les bouchers coupent mal la viande », « vous ne savez pas emballer »). Ce courriel est suffisamment précis pour retenir que les faits reprochés à M. [O], à savoir son incapacité à répondre à la demande d'un client, ainsi que des commentaires inappropriés envers le personnel, sont établis.
S'agissant des interventions de M. [O] dans deux magasins Super U en Savoie, la SA DIGI France produit :
Deux fiches d'intervention dans des magasins Super U de [Localité 4] et de [Localité 6] des 31 mars et 5 avril 2017,
Un courriel de la responsable Hygiène Qualité pour les magasins Super U de [Localité 4] et de [Localité 6] daté du 24 avril 2017, qui se plaint de problèmes rencontrés avec M. [O] lors d'intervention dans différents magasins et notamment de son attitude jugée inappropriée à l'égard de certains collaborateurs et de ses compétences techniques jugées insuffisantes (« beaucoup de temps passé au téléphone avec ses collègues, interventions non finalisées »). La responsable ajoute qu'elle attend davantage de professionnalisme de la part de la SA DIGI France et de réactivité dans les situations d'urgence.
Les faits reprochés au salarié sont insuffisamment précisés dans les pièces produites, la responsable Hygiène Qualité des deux magasins SUPER U ne visant pas spécifiquement les interventions des 31 mars et 5 avril 2017 et ne précisant pas les reproches qu'elle adresse au salarié. Ces faits reprochés au salarié ne sont en conséquence pas établis.
S'agissant de la plainte concernant l'intervention de M. [O] dans le magasin Super U de [Localité 8], la SA DIGI France produit un courriel du directeur de ce magasin du 3 avril 2017, dans lequel il indique rencontrer d'« énormes difficultés » avec M. [O], notamment l'absence de prise en compte de leurs remarques par le salarié à l'origine de difficultés de communication, et un manque de respect à l'égard des équipes qualifié d'inadmissible. Toutefois, en l'absence de précision sur les comportements reprochés au salarié (dates des interventions, propos tenus dénotant un manque de respect), il y a lieu de retenir que ces faits ne sont pas établis.
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de relever que les éléments versés à l'appui des griefs susvisés, s'ils démontrent une incapacité de M. [O] à répondre de manière rapide aux attentes des clients et de réaliser les tâches qui lui sont confiées, ne permettent pas en revanche de constater que cette incapacité trouverait son origine dans un manque de volonté de sa part, une négligence, ou une mauvaise foi dans l'accomplissement de son travail.
Ainsi, les reproches adressés au salarié par les clients de la SA DIGI France portent sur ses compétences professionnelles, jugées insatisfaisantes en raison, notamment de son manque de rapidité dans l'exécution, de son incapacité à résoudre les problèmes techniques auxquels il est confronté, et du manque de clarté de ses explications techniques.
Eu égard à l'ensemble de ces constatations, il y a lieu de retenir, à l'exception des propos inappropriés tenus à l'encontre du personnel du magasin du Super U de [Localité 5] par M. [O] lors de son intervention, que les faits établis par la SA DIGI France reprochés au salarié dans la lettre de licenciement ne sont pas constitutifs de fautes.
S'agissant des propos inappropriés susvisés tenus à des membres du personnel du magasin Super U de [Localité 5], ils ne présentent aucun caractère injurieux et constituent manifestement une explication maladroite des dysfonctionnements de l'emballeuse sur laquelle M. [O] intervenait et ne sont pas dès lors de nature à justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens soulevés par le salarié, il y a lieu de juger que la SA DIGI France échoue à établir que le licenciement de M. [O] est fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Selon les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.
Eu égard à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (2 ans et 6 mois) à la date du licenciement intervenu le 07 juillet 2017, et de la rémunération brute mensuelle perçue par M. [O] au moment de son licenciement, le préjudice subi par le salarié sera justement réparé en condamnant la SA DIGI France à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, par confirmation du jugement déféré de ce chef.
Sur le remboursement des allocations chômage :
Il conviendra, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, de confirmer la décision déférée et d'ordonner d'office à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de deux mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés.
Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement entrepris est confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.
La SA DIGI France, partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [O] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette condamnation emportant nécessairement rejet de ses prétentions formées à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :
- Dit et jugé que la SA DIGI France n'a pas respecté son obligation de formation, et d'adaptation à l'emploi vis-à-vis de M. [K] [O]
- Dit et jugé que la SA DIGI France s'est rendue coupable de travail dissimulé,
En conséquence,
- Condamné la SA DIGI France à payer à M. [K] [O] les sommes de :
5 000 euro nets de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation et d'adaptation,
31 566,63 euro bruts à titre de paiement des heures supplémentaires outre 3 156,66 euro bruts au titre des congés payés afférents,
13 800 euro au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, .
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
CONDAMNE la SA DIGI France à payer à M. [O] les sommes suivantes :
6 442,63 euros à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 644,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SA DIGI France à payer à M. [O] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNE la SA DIGI France aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère ayant participé au délibéré, en remplacement de Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, légitimement empêchée, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère,