C1
N° RG 20/02764
N° Portalis DBVM-V-B7E-KRE4
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Eric ARDITTI
Me Nicolas CHARMASSON
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 11 OCTOBRE 2022
Appel d'une décision (N° RG F19/00048)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GAP
en date du 24 août 2020
suivant déclaration d'appel du 08 septembre 2020
APPELANT :
Monsieur [D] [P]
né le 17 Septembre 1979 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Eric ARDITTI, avocat au barreau de HAUTES-ALPES,
INTIMEE :
S.A.S.U. [S] RECUPERATION, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Nicolas CHARMASSON, avocat au barreau de HAUTES-ALPES,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 juin 2022,
Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 11 octobre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 11 octobre 2022.
Exposé du litige :
M. [P] a été embauché le 15 octobre 2007 par la SASU [S] RÉCUPÉRATION (2ETP) suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet de 169 heures en qualité de man'uvre de la convention collective de l'industrie et commerce et de la récupération IDCC 637.
Le 28 mai 2018, le 28 février 2019 et le 18 mars 2019, le salarié a fait l'objet de trois avertissements.
Par courrier du 19 mars 2019, M. [P] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur.
Le 2 juillet 2019, M. [P] a saisi le Conseil des prud'hommes de Gap, aux fins de voir juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, obtenir la condamnation de la SASU [S] RECUPERATION à lui payer les indemnités afférentes à la rupture de la relation de travail, des dommages et intérêts pour harcèlement moral, un rappel de salaires au titre des congés payés, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 24 août 2020, le Cnseil des prud'hommes de Gap, a :
Dit et jugé que les manquements invoqués par M. [P] dans sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ne sont pas d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail,
Débouté M. [P] de sa demande de requalification de sa prise d'acte de rupture de contrat en une rupture aux torts de l'employeur,
Dit et jugé que la prise d'acte de M. [P] est requalifiée en démission,
Débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes afférentes,
Dit et jugé que M. [P] n'a pas été victime de harcèlement du fait de son employeur,
Débouté M. [P] de sa demande de 150,60 euros au titre du solde des congés payés,
Débouté M. [P] de l'ensemble de ses demandes,
Débouté M. [P] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La décision a été notifiée aux parties et M. [P] en a interjeté appel.
Par conclusions du 10 janvier 2022, M. [P] demande à la cour d'appel de :
Dire et juger la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur suite à la prise d'acte du salarié en conséquence condamner la SASU [S] RECUPERATION au paiement des sommes suivantes :
Indemnité de préavis : 1837 euros brut x 2 soit 3674 euros brut,
Indemnité de licenciement : 1/4 de mois sur 10 ans soit 4590 euros et 1/3 de mois sur 1 an soit 612 euros, soit un total de 5562 euros indemnité de licenciement : 18 370 euros,
Dire et juger que monsieur [P] a été victime de harcèlement moral ; en conséquence condamner la SASU [S] RECUPERATION à payer au titre du harcèlement moral la somme de 10 000 euros,
Condamner la SASU [S] RECUPERATION à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions en réponse du 21 janvier 2021, la SASU [S] RECUPERATION demande à la cour d'appel de :
Confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Gap,
Condamner M. [P] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2022.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.
SUR QUOI :
Sur la demande au titre du harcèlement moral :
Moyens des parties :
M. [P] expose qu'il a incité l'employeur à se conformer à la convention collective et compte tenu du refus de ce dernier à appliquer les règles du droit du travail, il a été plus insistant. Pour seule réponse à ses demandes, l'employeur lui a adressé un avertissement de travail pour des prétendus propos déplacés à l'égard de l'épouse de M. [S]. M. [S] n'a cessé de le harceler pour de prétendus retards de quelques minutes (3 à 5 minutes de retard), alors qu'il quittait régulièrement son poste après l'heure ou lui adressait des reproches sur la qualité de son travail. La pression psychologique n'étant plus supportable il a dû être mis en arrêt de travail par son médecin traitant.
L'employeur lui a notifié un troisième avertissement pour de prétendues absences injustifiées alorsqu'il l'avait informé de ce qu'il ne respectait pas ses droits au titre de la convention collective.
Compte tenu de la réaction de l'employeur, il n'a pas estimé possible de voir s'améliorer la relation contractuelle. Il a renoncé à adresser un courrier pour mettre en demeure son employeur de régulariser les bulletins de salaire et les arriérés. Il a donc pris la décision de la prise d'acte pour être rétabli dans ces droits.
La SASU [S] RECUPERATION conteste tous faits de harcèlement moral et expose que le salarié ne présente aucun fait permettant de le présumer. En outre, c'est le salarié qui a adopté un comportement fautif durant la relation contractuelle.
Réponse de la cour,
L'article L. 1152-1 du code du travail prévoit qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
M. [P] fait grief à la SASU [S] RECUPERATION de lui avoir fait subir une situation de harcèlement moral caractérisée par les faits suivants :
Des reproches répétés en raison de la qualité de son travail et de ses prétendus retards à sa prise de poste,
Un avertissement injustifié en réaction à ses demandes faites à son employeur de se conformer à la convention collective,
Deux autres avertissements injustifiés, alors que la SASU [S] RECUPERATION avait connaissance qu'il réclamait d'être rempli de ses droits.
Le salarié ne verse aux débats aucun élément permettant à la cour d'appel de constater que la SASU [S] RECUPERATION lui a adressé des reproches répétés sur la qualité de son travail et sur de prétendus retards répétés. Ce fait n'est pas établi.
Il est constant que la SASU [S] RECUPERATION a notifié à M. [P] un premier avertissement le 28 mai 2018 pour avoir procédé à l'enlèvement d'un véhicule pour son propre compte, en usant de ses fonctions d'ouvrier, et pour avoir été agressif et irrespectueux à l'égard d'un client.
Un second avertissement le 28 février 2019 lui a été notifié pour avoir tenu des propos agressifs et irrespectueux à l'égard d'une collaboratrice de l'entreprise et épouse du gérant, Mme [F] [S], alors que celle-ci le rappelait à l'ordre s'agissant de l'usage personnel de son téléphone portable sur son lieu de travail le 20 février 2019, et pour avoir omis de se présenter sur son lieu de travail, le lendemain à l'heure de sa prise de poste sans en informer son employeur et justifier de son absence.
Il n'est pas non plus contesté que la SASU [S] RECUPERATION a adressé à M. [P] un troisième avertissement le 18 mars 2019 pour des absences à son poste de travail les 5 et 6 mars 2019 sans autorisation, sans avoir prévenu de son absence, et sans en avoir justifié par la suite, et pour s'être présenté en retard à son poste de travail les 7 et 8 mars 2019 (retard de quinze et vingt minutes). Dès lors, ces faits sont établis.
Toutefois, il doit être relevé que le salarié ne verse aux débats aucun élément conduisant à retenir qu'il aurait informé son employeur de ce qu'il considérait avoir été lésé s'agissant de ses congés payés et du versement de la prime de vacances prévue par la convention collective, aussi bien oralement, que par écrit, et qu'ainsi, il pourrait exister un lien entre les avertissements qui lui ont été notifiés à compter du 28 mai 2018 et sa prétendue demande d'être rempli de ses droits.
En outre, il ne peut qu'être constaté que le courrier de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, dans lequel le salarié reproche à son employeur le mauvais calcul de ses indemnités de congés et l'absence de versement de la prime de vacances, est daté du 19 mars 2019, soit le lendemain du troisième avertissement qui lui a été adressé.
Enfin, M. [P], qui ne demande pas l'annulation de ces avertissements, se limite à contester le bien-fondé des griefs qui lui ont reprochés par la SASU [S] RECUPERATION dans ces avertissements sans produire aucune pièce de nature à laisser supposer que ces griefs seraient infondés et que les avertissements qui lui ont été adressés seraient ainsi injustifiés.
Le courrier adressé par le salarié à son employeur le 10 mars 2019, dans lequel M. [P] se limite à contester les faits qui lui sont reprochés dans l'avertissement du 28 février 2019, sans fournir aucune explication ni aucune version des faits, n'est ainsi pas suffisant, compte tenu de son laconisme et de son absence de précision, pour remettre en cause la version des faits présentés par la SASU [S] RECUPERATION.
Eu égard à l'ensemble de ces constations, il y a lieu de retenir que les seuls faits établis susvisés, à savoir les trois avertissements, pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer une situation de harcèlement moral.
M. [P] doit être en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts formulées à ce titre, par confirmation du jugement entrepris.
Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :
Moyens des parties :
M. [P] expose que la prise d'acte est fondée sur plusieurs manquements de l'employeur :
- Absence de fourniture de bleu de travail : la convention collective stipule en son article 77 que l'employeur doit mettre à disposition deux paires de vêtements de travail par an (combinaison, bleu de travail, blouse). Or cet équipement n'a jamais été acheté par l'employeur qui procédait à la récupération des bleus de travail auprès d'EDF ou d'ESCOTA. Si la récupération du vêtement n'est pas un problème, il est rare qu'il soit à la taille de la personne intéressée ce qui était son cas, il n'a jamais eu de blouse à sa taille ;
- Un mode de calcul des congés payés défavorable : l'employeur a appliqué sa propre règle du 1/26e pour chiffrer le montant alors que cette règle d'indemnisation des congés n'est pas celle stipulée dans la convention collective, la méthode de calcul des congés payés applicable étant la règle la plus favorable soit la règle de 10 % de la rémunération brute de référence ou la règle du maintien du salaire. De surcroît, il travaillait 5 jours par semaine et à sa connaissance la règle du 1/26e ne s'applique que pour les semaines de 6 jours. L'employeur, n'ayant pas d'autres choix, a réglé le rappel de congés payés sur les trois dernières années, soit une somme de 825 euros après la rupture d'acte et avec la remise du dernier bulletin de salaire et certificat de travail, mais M. [P] expose qu'il a été lésé depuis 2007 et ne pourra jamais être réglé des congés payés de plus de trois ans en raison de la prescription. Avec une perte de 10 euros environ par jours de congés payés soit 3 300 euros, en réglant seulement la somme de 825 euros l'employeur a gagné 2 475 euros ;
Une absence de paiement de la prime de vacances : Cette prime est fixée par la convention collective (accord du 21 mai 2015 modifiant l'article 67bis « prime de vacances ») et l'employeur devait régler la somme de 1 511,54 euros en 2018, 1 528,60 euros en 2017, 1 499,33 euros en 2016 et 1 544,53 euros en 2015 et également les années antérieures. Dans son courrier du 30 mars 2019, l'employeur reconnaît son « erreur » mais M. [P] soutient qu'il s'agit d'une faute car la société dispose d'un expert-comptable qui peut difficilement ignorer cet accessoire du salaire. L'employeur en ne réglant pas la prime de vacances depuis l'embauche a gagné 12 000 euros (primes qui auraient dû être réglées de 2007 à 2015) ;
L'absence d'entretiens professionnels : M. [P] expose qu'un entretien professionnel est obligatoire tous les deux ans depuis le 7 mars 2014, et qu'il n'a fait l'objet d'aucun entretien professionnel durant toute la relation de travail, ce qui témoigne de la volonté de la SASU [S] RECUPERATION d'empêcher toute discussion.
M. [P] soutient ainsi que du fait du non-paiement des sommes dues, son salaire a été amputé de 11 % par mois depuis 12 ans. M. [P] fait valoir que les torts de l'employeur justifient la prise d'acte et les manquements éventuels qui lui sont reprochés par l'employeur et qu'il conteste, ne peuvent être pris en compte.
La SASU [S] RECUPERATION conteste l'ensemble des manquements et expose que :
Sur le bleu de travail : il y a toujours eu au sein de l'atelier de la société des tenues de travail à la disposition des salariés, qui sont d'ailleurs régulièrement offertes à la société, par ses différents fournisseurs en plusieurs tailles. Le salarié refusait de les porter ;
Sur les congés payés : dans son courrier en date du 30 mars 2019, la société a reconnu avoir effectivement appliqué la règle du 1/26e, comme sa salariée, en charge de l'établissement des bulletins de paie, a toujours eu l'habitude de procéder. L'expert-comptable de la société ne lui avait jamais formulé la moindre observation sur cette méthode de calcul et le salarié a été réglé dès sa première demande ;
Sur la prime de vacances : la SASU [S] RECUPERATION a reconnu avoir commis une erreur en omettant de régler à Monsieur [P], ainsi qu'aux autres salariés de l'entreprise, une prime de vacances dans les conditions fixées par la convention collective applicable à l'entreprise et lorsque la société a été destinataire de la première réclamation du salarié en 11 ans de fonction, elle a immédiatement pris attache avec son cabinet comptable qui lui a confirmé son obligation de payer cette prime de vacances et les modalités de paiement de cette prime ;
Sur l'absence d'entretien professionnel qui montrerait le refus de dialogue de l'employeur : ce « grief » ne figure pas dans sa lettre de prise d'acte de la rupture de son contrat de travail. La SASU [S] RECUPERATION est une petite société qui ne compte que quatre salariés dont M. et Mme [S]. M. [S] et M. [P] se voyaient donc tous les jours et surtout ils avaient l'occasion de discuter ensemble quotidiennement. Par conséquent, si M. [P] avait réellement souhaité faire part de ses revendications salariales à son employeur, il aurait pu le faire sans difficulté.
Réponse de la cour,
Aux termes de l'article L. 1231-1 du code du travail, le salarié qui reproche à l'employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat. La prise d'acte doit être transmise à l'employeur.
Lorsque le salarié justifie de manquements suffisamment graves de la part de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et dans le cas contraire d'une démission.
Les juges du fond doivent examiner l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués par le salarié sans se limiter aux seuls griefs énoncés dans la lettre de prise d'acte.
Sur le fait que la SASU [S] RECUPERATION n'aurait pas fourni au salarié de « bleus de travail », en violation des dispositions de la convention collective applicable, la SASU [S] RECUPERATION ne conteste pas qu'elle avait l'obligation de fournir des tenues de travail à ses salariés, et que M. [P] ne portait pas de tenue de travail, mais ses propres vêtements.
Pour établir qu'elle fournissait bien à ses salariés, dont M. [P], des tenues de travail appropriées, la SASU [S] RECUPERATION verse aux débats :
Des photographies de tenues de travail sur des cintres, et des photographies des étiquettes de ces tenues desquelles il ressort que plusieurs tailles étaient disponibles,
Des factures au nom de la société datant de 2016, 2017 et 2018 de remise à titre gratuit de combinaisons dites publicitaires,
Un courriel du 3 avril 2019 de la société Fuchs Lubrifiant France SA, dans lequel le responsable régional de ladite société indique qu'il remet depuis plus de dix ans tous les ans et gratuitement deux combinaisons de travail pour le personnel de l'entreprise,
Diverses factures d'achats d'EPI (gants, lunettes, etc.),
Une attestation d'un ancien salarié de l'entreprise, M. [B] [I], en date du 15 avril 2019, qui indique que la SASU [S] RECUPERATION a toujours mis à disposition au vestiaire des tenues pour le travail et des tee-shirts, mais que M. [P] ne mettait pas de combinaison et disait : « je ne mets pas ça moi ».
Le salarié ne conteste pas que les photographies prises l'ont été sur son lieu de travail. En conséquence, il y a lieu de retenir que la SASU [S] RECUPERATION mettait bien à la disposition de M. [P] des tenues de travail.
Par ailleurs, étant relevé que le salarié ne soutient pas que ces tenues n'étaient pas aux normes de sécurité ou inadaptées à son travail, il est sans incidence qu'elles aient pu être offertes à la SASU [S] RECUPERATION dans le cadre des relations commerciales qu'elle entretenait avec ses fournisseurs et qu'elles aient pu être à l'effigie de sociétés avec lesquelles la SASU [S] RECUPERATION travaillait, cet élément ne constituant pas une atteinte à sa sécurité.
M. [P], qui allègue qu'aucune des tenues existantes n'était à sa taille, ne produit aucun élément démontrant qu'il aurait informé son employeur de ce fait, et demandé à ce qu'une tenue à sa taille lui soit fournie. Au surplus, la cour relève que les photographies font apparaître que diverses tailles étaient bien disponibles (tailles 2, 4 et 5, taille L et XL).
Le manquement allégué n'est en conséquence pas établi.
S'agissant du harcèlement moral, il a été jugé par la présente cour d'appel que le salarié ne présentait pas d'éléments laissant supposer une situation de harcèlement moral. Ce manquement n'est pas établi.
S'agissant du calcul erroné de l'indemnité de congés payés et de l'absence de versement de la prime de vacances, il ressort du courrier du 30 mars 2019 adressé par la SASU [S] RECUPERATION au salarié en réponse à son courrier de prise d'acte daté du 19 mars 2019 que la SASU [S] RECUPERATION a reconnu qu'elle avait commis des erreurs en appliquant la règle du 1/26e pour le calcul de l'indemnité de congés payés et en omettant de verser la prime de vacances. Il ressort de ce même courrier que la SASU [S] RECUPERATION a accepté de procéder à la régularisation des sommes demandées par le salarié au titre de l'indemnité de congés payés et de la prime de vacances pour les années 2016 à 2018, conformément aux demandes du salarié dans son courrier du 19 mars 2019.
Aucun des éléments produits par le salarié ne corrobore le fait que M. [P] aurait, préalablement à son courrier du 19 mars 2019 par lequel il a pris acte de la rupture de son contrat de travail, informé son employeur de ces erreurs et demandé qu'il régularise la situation.
En outre, M. [P] ne verse aux débats aucun documents permettant de retenir que la SASU [S] RECUPERATION aurait volontairement commis ces erreurs.
Enfin, la cour rappelle qu'en matière de salaire, la prescription est triennale. Il est dès lors, sans incidence que ces erreurs aient pu être commises depuis le début de la relation contractuelle, soit depuis plus de trois ans, et qu'ainsi M. [P] ait été lésé d'une partie de ses droits, la SASU [S] RECUPERATION n'ayant procédé au rappel d'indemnité de congés payés et au rappel de prime de vacances que pour les trois dernières années, conformément à la demande du salarié dans son courrier de prise d'acte du 19 mars 2019. M. [P] étant rempli de ses droits, ce manquement n'est pas établi.
S'agissant de l'absence d'entretiens professionnels durant la relation contractuelle, la SASU [S] RECUPERATION ne conteste pas qu'elle n'a pas organisé d'entretien professionnel. Cependant, le salarié ne fait valoir aucun préjudice résultant de cette omission de l'employeur, l'allégation selon laquelle il a été empêché de faire part des erreurs de la SASU [S] RECUPERATION ne pouvant être valablement soutenue, dès lors que l'entretien professionnel a pour objet d'évaluer le travail effectué par le salarié durant l'année écoulée et de fixer des objectifs pour l'année suivante.
Il ne peut être déduit de l'absence d'entretien professionnel que la SASU [S] RECUPERATION refusait toute communication avec le salarié, celui-ci restant, dans tous les cas, libre d'écrire à son employeur pour réclamer la réalisation de ses droits, ce qu'il n'a pas fait avant son courrier de prise d'acte du 19 mars 2019.
Eu égard à l'ensemble de ces constatations, la cour d'appel retient que le salarié n'établit pas l'existence de faits imputables à la SASU [S] RECUPERATION suffisamment graves empêchant la poursuite de la relation de travail et justifiant que la prise d'acte du contrat de travail produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dès lors, la prise d'acte du 19 mars 2019 a produit les effets d'une démission.
En conséquence, M. [P] est débouté de ses demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, et de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, par confirmation du jugement déféré de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement entrepris est confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.
M. [P], partie perdante, est condamné aux dépens d'appel et à payer à la SASU [S] RECUPERATION la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE M. [P] à payer à la SASU [S] RECUPERATION la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [P] aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère ayant participé au délibéré, en remplacement de Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, légitimement empêchée, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère,