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11/10/2022 | FRANCE | N°20/02424

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 11 octobre 2022, 20/02424


C4



N° RG 20/02424



N° Portalis DBVM-V-B7E-KQBX



N° Minute :























































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 11 OCTOBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG F19/00133)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 30 juin 2020

suivant déclaration d'appel du 31 juillet 2020





APPELANT :



Monsieur [B] [D]

[Adresse 3]

[Localité 2]



représenté p...

C4

N° RG 20/02424

N° Portalis DBVM-V-B7E-KQBX

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 11 OCTOBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG F19/00133)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTELIMAR

en date du 30 juin 2020

suivant déclaration d'appel du 31 juillet 2020

APPELANT :

Monsieur [B] [D]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Didier ADJEDJ de la SELASU AD CONSEIL AVOCAT, avocat plaidant inscrit au barreau de CARPENTRAS,

INTIMEE :

S.A. SMAC, prise en la personne de son représentant légal domicilié en

cette qualité audit siège,

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Emmanuelle Anne LEROY, avocat plaidant au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 juin 2022,

Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente , chargée du rapport, et Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 11 octobre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 11 octobre 2022.

Exposé du litige :

M. [D] a été engagé le 26 juin 2013 en contrat d'intérim par la société SYNERGIE à [Localité 4] aux fins d'exercer des missions au sein de la SAS SMAC à [Adresse 5] en qualité d'étancheur bardeur.

Le 17 mars 2014, M. [D] a été embauché en contrat à durée indéterminée par la SAS SMAC en qualité d'étancheur bardeur. Le 29 décembre 2017, il était promu responsable chantier dans le cadre d'un avenant à son contrat de travail.

Le 30 juin 2019, M. [D] adresse à son employeur un courrier de demande de rupture conventionnelle que la SAS SMAC refuse.

Le 15 juillet 2019, M. [D] fait l'objet d'un arrêt maladie et le 2 septembre 2019, il prend acte de la rupture de son contrat de travail.

M. [D] a saisi le conseil des prud'hommes de Montélimar en date du 5 novembre 2019 aux fins de voir requalifier sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du 30 novembre 2020, le Conseil des prud'hommes de Montélimar, a :

Constaté que Mme [J], mère de M. [D] ne justifie pas de la qualité lui permettant d'assister son fils dans le cas de l'instance au visa de l'article R. 1453-2 du code du travail

Constaté que par voie de conclusions du 10 février 2020, M. [D] se présente comme assisté de M. [V] [C], défenseur syndical inscrit sur la liste numéro 14 de la DIRECCTE Auvergne Rhône-Alpes

Dit que la demande d'heures supplémentaires mentionnées dans les conclusions de M. [D] du 10 février 2020 n'est pas une demande nouvelle

Jugé recevable la demande de rappel d'heures supplémentaires transmises à la partie défenderesse par voie de conclusions du 10 février 2020

Jugé que les manquements invoqués par M. [D] au soutien de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en date du 2 septembre 2019 n'était pas d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de son contrat de travail

Jugé que la rupture du contrat de travail de M. [D] constitue une prise d'acte produisant les effets d'une démission

Requalifié la prise d'acte en démission

Débouté en conséquence M. [D] de ses demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis et de congés payés sur préavis

Fixé le salaire mensuel moyen brut de M. [D] à la somme de 3470 €

Condamné en outre la SA SMAC à verser à M. [D] les sommes de :

1000 € au titre des heures supplémentaires

20 820 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé

Ordonné la délivrance des documents modifiés suivant par la SA SMAC à M. [D] :

Les bulletins de salaire rectifié

L'attestation pôle emploi

Le certificat travail

Rejeté la demande d'astreinte

Dit que les sommes porteront intérêt aux taux légaux à compter de la saisine du conseil

Débouté M. [D] de ses autres demandes

Dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile

Débouté la sa smac de toutes ses demandes reconventionnelles

Condamné la SA SMAC aux entiers dépens.

La décision a été notifiée aux parties et M. [D] en a interjeté appel.

Par conclusions N°2 du 26 avril 2021, M. [D] demande à la cour d'appel de :

Voir confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a reconnu le fait que la SA SMAC soit redevable d'heures supplémentaires auprès de lui ainsi que d'indemnité pour travail dissimulé sauf avoir porté le montant des condamnations aux sommes sollicitées ci-après,

Voir confirmer le jugement dont appel sur la question de la remise de bulletin de salaire et des documents sociaux rectifiés conformes ainsi que sur la question des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,

Voir infirmer le jugement dont appel sur l'ensemble de ses autres dispositions,

En conséquence et statuant à nouveau,

Dire et juger que son salaire de référence s'élève à la somme de 3900,09 euro

Dire et juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail comme étant un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et ceux avec toutes ses conséquences

Condamner la SA SMAC à lui verser les sommes suivantes :

27 300,62 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

6259,64 € à titre d'indemnité légale de licenciement

7800 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

780 € à titre de congés payés sur préavis

Dire et juger que l'employeur a manqué gravement à ses obligations légales, conventionnelles et contractuelles

Condamner la SA SMAC à lui verser les sommes suivantes :

77 868,58 € à titre de rappel d'heures supplémentaires du 5 novembre 2016 au 2 septembre 2019

3900 € à titre de rappel de salaire du 15 juillet 2019 au 18 août 2019

390 € à titre de congés payés sur rappel de salaire du 15 juillet 2019 au 18 août 2019

2 135,90 € à titre de remboursement des tickets restaurants

47 196,46 € à titre de repos compensateur

23 400,54 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé

23 400,05 euro à titre d'indemnité pour non-respect du temps de repos, des RTT et des jours de congés supplémentaires

70 201,62 euros à titre de dommages et intérêts à raison du préjudice subi du fait du non-respect de l'obligation de santé et de sécurité au travail

Ordonner la remise des bulletins de salaire ainsi que des documents rectifiés conformes, le tout sous astreinte de 150 € par jour de retard

Débouter la SA SMAC de son appel incident tendant à voir infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SA SMAC de sa demande de condamnation de M. [D] a réglé une indemnité compensatrice de préavis au motif de l'absence de préjudice

Débouter la SA SMAC de son appel incident tendant à voir infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la demande de rappel d'heures supplémentaires présentées par voie de conclusions pour la première fois le 10 février 2020 ne constituait pas une demande nouvelle était recevable

Débouter la SA SMAC de son appel incident tendant à voir infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA SMAC à verser une indemnité de travail dissimulé de 20 820 €

La déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

Ordonner la condamnation aux intérêts au taux légal et ceux à compter de la demande en justice

La condamner aux dépens ainsi que la somme de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d'intimée et appel incident en réponse du 28 juillet 2021, la SA SMAC demande à la cour d'appel de :

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

Dit et jugé que les manquements invoqués par M. [D] au soutien de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en date du 2 septembre 2019 n'étaient pas d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail

Dit et jugé que la présidente de la rupture du contrat de travail par M. [D] prend les effets d'une démission

Requalifié la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la SA SMAC en démission

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté de sa demande de condamnation de M. [D] a réglé une indemnité compensatrice de préavis au motif de l'absence de préjudice

Statuant à nouveau

Condamner M. [D] à titre reconventionnel à lui régler la somme de 5126,44 € (deux mois) à titre d'indemnité compensatrice de préavis

Débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions au titre de la rupture de son contrat de travail,

Subsidiairement

Constater que :

L'indemnité de préavis se porterait à la somme de 5126,44 € outre 512,64 € de congés payés afférents

L'indemnité de licenciement à la somme de 3204 €

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 10 410 €

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que :

La demande de rappel d'heures supplémentaires présentées par voie de conclusions pour la première fois le 10 février 2020 ne constituait pas une demande nouvelle

La demande de rappel d'heures supplémentaires présentées par voie de conclusions pour la première fois le 10 février 2020 était recevable

Statuant à nouveau

Constater que M. [D] a formulé une demande qui sera jugée irrecevable car requalifiée de « demande nouvelle » formulée au cours de l'instance

Juger en tout état de cause qui ne rapporte pas la preuve d'avoir réalisé des heures supplémentaires et ne justifient pas d'un décompte précis étayé des heures dont il sollicite le règlement

Juger en tout état de cause qu'il ne rapporte pas la preuve d'avoir réalisé des heures supplémentaires au-delà du contingent

Constater que la SA SMAC n'a pas dissimulé d'heures de travail de M. [D]

En conséquence

Infirmer le jugement ce qu'il a condamné la SA SMAC à verser une indemnité de travail dissimulé de 20 820 €

En conséquence

Le débouter de sa demande de rappel d'heures supplémentaires

Le débouter de sa demande d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé

Dire et juger que le salarié ne justifie pas d'un préjudice au regard du non-respect de son temps de repos obligatoire

Le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect du temps de repos obligatoire

Constater qu'il ne démontre pas avoir travaillé des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel subsidiairement que ces calculs sont erronés

Le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour repos compensateur

Le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, en l'absence d'agissements caractérisés

Le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et faute inexcusable

Constater que c'est à juste titre que la SA SMAC n'a pas maintenu la subrogation pour le règlement des indemnités journalières de sécurité sociale ni le paiement du salaire en raison des conclusions du contrôle médical de l'arrêt de travail

Débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire

Constater que la SA SMAC respecte bien ses obligations conventionnelles concernant la mise en place des tickets restaurant et débouter M. [D] de ce chef de demande

Le débouter de sa demande de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à titre reconventionnel le condamner à une somme de 3000 € sur le même fondement

Condamner M. [D] aux entiers frais et dépens de l'instance en ce compris les frais d'exécution.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI :

Sur le rappel d'heures supplémentaires pour la période du 5 novembre 2016 au 2 septembre 2019 :

Moyens des parties :

M. [D] soutient qu'il a accompli pas moins de 300 heures de travail par mois au su de son employeur dont il avait attiré l'attention, sans être rémunéré et sans avoir obtenu de repos compensateur et de temps de repos conformément aux dispositions légales. Il était par ailleurs régulièrement sollicité durant ses congés. L'employeur a d'ailleurs reconnu devant le conseil des prud'hommes, l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées à hauteur de 38 heures.

La SA SMAC estime pour sa part que le salarié n'apporte aucun élément tangible pour prouver la réalité de ses allégations et explique qu'il n'a jamais réclamé d'heures supplémentaires au cours de la relation contractuelle. Il percevait de manière tout à fait aléatoire, tant sur le principe que sur le montant, des primes dites primes de chantier destinées à récompenser son investissement et son mérite dans la bonne finalisation des chantiers qui lui étaient confiés. Ces primes ne correspondant pas au paiement d'heures supplémentaires. Par ailleurs l'employeur soutient que cette demande constitue une demande nouvelle en cours de première instance par voie de conclusions et donc irrecevable.

Sur ce,

Sur la fin de non-recevoir tirée de la demande nouvelle :

Il ressort des dispositions combinées de l'article 914 du code de procédure civile et de l'article 789 du même code du code que le Conseiller de la mise en état est seul compétent pour statuer sur cette fin de non-recevoir tendant à l'irrecevabilité de la demande de M. [D] s'agissant des heures supplémentaires comme étant nouvelle en cause d'appel.

Par conséquent faute d'avoir saisi le Conseiller de la mise en état de cette fin de non-recevoir, la Cour d'appel n'a pas compétence pour statuer sur cette fin de non-recevoir, qui doit être déclarée irrecevable.

Sur l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées :

Conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; la durée légale du travail, constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L 3121-22 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile.

Par application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, le juge formant sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande.

Ainsi, si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient aussi à ce dernier de présenter préalablement des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies de nature à permettre également à l'employeur d'y répondre utilement.

Une fois constatée l'existence d'heures supplémentaires, le juge est souverain pour évaluer l'importance des heures effectuées et fixer le montant du rappel de salaire qui en résulte sans qu'il soit nécessaire de préciser le détail du calcul appliqué.

Par ailleurs, l'absence d'autorisation donnée par l'employeur au salarié pour effectuer des heures supplémentaires est indifférente dès lors que les heures supplémentaires ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

En l'espèce, M. [D] verse aux débats au soutien de sa demande à ce titre :

Des photographies de travaux datées et avec les horaires,

Des feuilles de pointage,

Des SMS, dont des demandes de la part de son employeur d'intervenir alors qu'il est en congé

Ses bulletins de salaires

Toutefois M. [D] ne fournit à la cour ni décompte des heures prétendument effectuées (même dans ses conclusions), ni agenda, ni aucun autre élément, se contentant d'arrondir son calcul à une durée moyenne hebdomadaire théorique de 14 heures par jour sur trois années.

Les documents et pièces ainsi produits par M. [D] ne constituent pas une présentation d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies de nature à permettre à l'employeur d'y répondre utilement, au-delà des 38 heures que l'employeur a accepté de régler en première instance.

Le jugement déféré est confirmé à ce titre.

La demande de M. [D] au titre des heures supplémentaires étant rejetée, il n'y pas lieu de statuer la demande au titre des repos compensateurs s'agissant des heures supplémentaires prétendument non rémunérées par voie de confirmation du jugement déféré, devenue sans objet.

Sur la demande de rappel de salaire du 15 juillet 2019 au 18 août 2019 :

Moyens des parties :

M. [D] soutient que, placé en arrêt de travail depuis le 15 juillet 2019 jusqu'au 18 août 2019, et malgré le règlement par l'organisme de sécurité sociale de l'employeur, la SA SMAC ne lui a jamais réglé le salaire à ce titre.

La SAS SMAC fait valoir que M. [D] n'a pas respecté les prescriptions de son arrêt de travail en n'étant pas présent à son domicile lors du contrôle effectué à sa demande le 16 juillet 2019, les sorties libres étant malgré tout soumises à des restrictions d'horaires qui figuraient sur le certificat médical. Ainsi faute de justification légitime d'absence, l'employeur estime qu'il était en droit de ne plus assurer le maintien du salaire conventionnel et qu'il a bien remboursé les indemnités perçues indument par la CPAM.

Sur ce,

Suivant les dispositions de l'article L. 1226-1 du code du travail tout salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie, en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière prévue à l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale à savoir les indemnités journalières.

Cette indemnité complémentaire est calculée selon les modalités suivantes (article D.1226-1 du code du travail ) :
1° Pendant les trente premiers jours, 90 % de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s'il avait continué à travailler ;
2° Pendant les trente jours suivants, deux tiers de cette même rémunération.

Pour le calcul des indemnités dues au titre d'une période de paie, il est tenu compte des indemnités déjà perçues par l'intéressé durant les douze mois antérieurs, de telle sorte que si plusieurs absences pour maladie ou accident ont été indemnisées au cours de ces douze mois, la durée totale d'indemnisation ne dépasse pas celle applicable en application des articles D. 1226-1 et D. 1226-2 (D. 1226-4 du code du travail. Sont déduites de l'indemnité complémentaire les allocations que le salarié perçoit de la sécurité sociale et des régimes complémentaires de prévoyance, mais en ne retenant dans ce dernier cas que la part des prestations résultant des versements de l'employeur (D 1226-5 du code du travail).

En contrepartie du maintien complémentaire du salaire, l'employeur peut faire procéder à une contre visite médicale sans que le salarié ne soit informé au préalable d'un tel contrôle et le salarié est dans l'obligation de s'y soumettre. Il doit informer l'employeur des horaires et de l'adresse où celui-ci peut avoir lieu notamment s'il bénéficie d'un arrêt de travail avec sorties libres. C'est à l'employeur de démontrer qu'il n'a pas pu faire procéder à la contrevisite en raison de l'absence ou de l'opposition du salarié mais au salarié dès lors que son absence est établie de prouver qu'elle était justifiée par un motif légitime.

Si le Médecin contrôleur conclut à l'absence de justification médicale de l'arrêt de travail ou à l'impossibilité de procéder à la contrevisite, le salarié perd le bénéficie du maintien du salaire complémentaire.

En l'espèce, il ressort de l'arrêt de travail de M. [D] du 15 juillet 2019 que les sorties sont autorisées mais qu'il doit être présent à son domicile entre 9 et 11 heures et entre14 et 16 heures. M. [D] a été contrôlé à la demande de son employeur le 16 juillet 2019 à 14 heures 54 par le Dr [K] qui n'a obtenu aucune réponse. M. [D] ne conteste pas son absence au domicile et ne conclut pas sur ce point. Par conséquent, la SAS SMAC était valablement fondée à suspendre le maintien de son salaire complémentaire à compter de la date du contrôle et la demande de M. [D] de rappel de salaire à ce titre est rejetée par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur les tickets restaurant :

Moyens des parties :

M. [D] soutient que dans le cadre de la convention collective applicable l'indemnité de repas a pour objet d'indemniser le supplément de frais occasionnés par la prise de déjeuner en dehors de la résidence habituelle du salarié à hauteur de 10,50 €. Or il va remettre tous les mois à son employeur des tickets restaurant d'une valeur de 8,60 € dont une participation de 3,44 € sera déduite de son salaire, l'employeur faisant ainsi supporter à son salarié son obligation de payer une indemnité de repas. Le salarié réclame le remboursement de la somme de 2 135,90 € à ce titre.

La SA SMAC soutient que le calcul du salarié est erroné et que sa demande est donc mal fondée. Le salarié bénéficiait de tickets restaurant d'une valeur de 8,60 € dont 3,44 € était mis à sa charge et lui a versé un complément de repas, respectant ainsi ses obligations contractuelles.

Sur ce,

Il résulte de la convention collective nationale des ouvriers des entreprises de travaux publics que la prime de panier est due lorsque l'ouvrier est en déplacement et qu'il ne peut déjeuner chez lui. La prime de panier n'est pas due lorsque le repas est fourni par l'entreprise, gratuitement ou pour un montant au moins égal au montant du panier conventionnel, que ce soit dans un restaurant d'entreprise ou un restaurant traditionnel. Il est possible pour l'employeur de s'exonérer de son obligation relative au paiement des paniers par l'attribution des tickets-restaurant mais il n'est pas possible de cumuler les deux. Si l'employeur met en place des tickets restaurant, il devra verser une indemnité de repas couvrant la différence entre le montant conventionnel du panier et la part patronale du ticket-restaurant qui est plafonnée à 60 % de sa valeur totale.

En l'espèce, la SAS SMAC a participé à hauteur de 60 % de la valeur totale du ticket restaurant et complété cette somme chaque mois par un « complément repas » afin de compléter ses obligations conventionnelles. Il convient de rejeter cette demande par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la demande au titre du travail dissimulé :

Moyens des parties :

M. [D] soutient que la SAS SMAC ne lui ayant pas réglé l'intégralité de sa rémunération (heures supplémentaires, tickets restaurant, repos compensateurs), elle s'est rendue coupable de travail dissimulé.

La SAS SMAC conteste la demande d'heures supplémentaires de M. [D] et le caractère intentionnel du non-paiement de certaines d'entre elles.

Sur ce,

Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le paiement de cette indemnité suppose de rapporter la preuve, outre de la violation des formalités visées à l'article L.8223-1 du code du travail, de la volonté de l'employeur de se soustraire intentionnellement à leur accomplissement. Ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie ni se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite.

Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord.

Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.

En l'espèce M. [D] fonde sa demande d' indemnité pour travail dissimulé sur le défaut de paiement de tickets restaurant et des repos compensateurs, demandes qui ont été rejetées par la Cour d'appel.

La demande au titre des heures supplémentaires n'a été retenue qu'à hauteur de la reconnaissance de 38 heures par l'employeur en première instance et M. [D] a été débouté de sa demande supplémentaire en cause d'appel. En outre le caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

La demande de M. [D] au titre du travail dissimulé doit par conséquent être rejetée par voie d'infirmation du jugement déféré.

Sur l'indemnité pour non-respect des temps de repos, RTT et jours de congés supplémentaires :

Moyens des parties :

M. [D] soutient que tout salarié doit pouvoir bénéficier d'un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures consécutives et que dans le domaine des travaux publics au-delà de l'acquisition des jours légaux de congés payés, des congés pour fractionnement et des éventuelles RTT existant dans l'entreprise, certains salariés du bâtiment peuvent prétendre à des jours supplémentaires de congés payés. Compte tenu du nombre important d'heures supplémentaires effectuées, M. [D] fait valoir qu'il n'a pas bénéficié du temps de repos légal ni d'aucun jour de RTT. Il réclame la somme de 23 400,05 euros à titre d'indemnité équivalant à six mois de salaire.

La SA SMAC fait valoir qu'il appartient au salarié de rapporter la preuve de l'existence d'un préjudice et surtout de le justifier sur pièces qu'il ne fait pas. Par ailleurs il est soumis à l'accord d'entreprise sur l'organisation, la réduction du temps de travail sur l'emploi du 21 décembre 1999 qui prévoit un dispositif de modulation du temps de travail. Il est dès lors pas éligible au jour de RTT.

Sur ce,

Selon l'article L.3121-18 du code du travail, la durée quotidienne de travail effectif ne peut excéder dix heures, sauf en cas de dérogation, en cas d'urgence ou dans les cas prévus à l'article L. 2121-9 du même code.

S'agissant du temps de repos, il résulte des dispositions de l'article L. 3131-1 du code du travail que tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.

Il appartient à l'employeur de prouver le respect des temps de repos et des durées maximales journalières ou hebdomadaires de travail.

En l'espèce, s'agissant du temps de repos durant les heures supplémentaires alléguées comme non rémunérées, la demande de M. [D] au-delà de 38 heures a été rejetée. La SAS SMAC verse en outre aux débats les fiches de pointage journalière ainsi que sa fiche individuelle de modulation annuelle qui démontrent le respect des dispositions légales sur la durée du travail et des temps de repos.

S'agissant des RTT, Il ressort de l'accord du 21 décembre 1999 sur l'organisation, la réduction du temps de travail et sur l'emploi concernant la SAS SMAC, qu'une modulation du temps de travail a été instaurée sur une période de 12 mois avec une durée maximale égale à 10 heures, une durée maximale de travail de 46 heures hebdomadaires, une durée moyenne hebdomadaire sur 12 semaines de 44 heures et sur le trimestre civil de 43 heures, la réduction du temps de travail pouvant être réalisée par l'attribution de journées de repos supplémentaires uniquement pour certaines catégories de personnels spécifiques en fonction de contraintes particulières d'organisation. 

Par conséquent M. [D], qui ne justifie pas des critères lui permettant d'obtenir des RTT, n'est pas fondé à obtenir une indemnité pour non-respect des RTT.

Il convient de rejeter la demande de M. [D] à ces titres par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur l'indemnité pour non-respect d'obligation de sécurité et de santé au travail :

Moyens des parties :

M. [D] soutient que faute pour l'employeur d'avoir respecté son obligation légale de sécurité de résultat, il a subi un préjudice moral dont il doit être indemnisé à hauteur de 70 201,62 euros. Il fait valoir que l'employeur ne lui a pas fourni les moyens propres à assurer sa sécurité au cours de l'exercice de ses missions contractuelles mais également en exerçant des pressions morales sur sa personne. Il soutient que son frère [U], également salarié de l'entreprise, a été victime d'un accident du travail alors que le responsable de chantier (M. [H]) a jeté une palette par-dessus le toit de l'entrepôt, violant les règles de sécurité, et qu'il a dû ensuite intervenir à de nombreuses reprises en qualité de responsable de chantier auprès de son employeur afin qu'à l'avenir la sécurité des salariés soit sauvegardée. La seule réponse de l'employeur étant de notifier une mise à pied de trois jours à M. [H] intervenant pendant ses congés.

La SAS SMAC fait valoir en réponse que M. [D] ne caractérise aucun manquement qui lui serait imputable à son obligation de sécurité et s'étonne du non déclenchement par M. [D] de son droit d'alerte ou de retrait en sa qualité notamment de responsable de chantier.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. es mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Il en résulte que constitue une faute engageant la responsabilité de l'employeur le fait d'exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l'employeur doit assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise.

En l'espèce, le fait pour le frère de M. [D] d'avoir été victime d'un accident de travail dans la même entreprise ne suffit pas à démontrer qu'il était lui-même exposé à un danger du fait du non-respect par l'employeur de son obligation légale de sécurité. Il reconnaît également que le responsable de cet accident a été sanctionné par l'employeur, et ne précise pas quelles mesures de sécurité dont se serait abstenu la SAS SMAC, auraient pu empêcher la survenue de cet accident qui ne le concerne pas personnellement.

M. [D] ne justifie pas non plus, comme conclu, être intervenu à de nombreuses reprises auprès de son employeur , avant le courrier de demande de rupture conventionnelle, afin que la sécurité des salariés soit sauvegardée dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, ni avoir réclamé en vain des glacières pour les salariés lors de températures extérieures élevées, qu'il soit le seul détenteur de CACES sur un chantier en centrale nucléaire, ni avoir fait usage de son droit de retrait surtout en sa qualité de responsable de chantie,r face à des conditions de travail qu'il jugeait dangereuses.

Les seules photographies de chantiers, dont on ignore le stade d'avancée et dont on ne peut s'assurer de la localisation ni de la date, sont insuffisantes à justifier de manquements de l'employeur à l'obligation de sécurité ayant pu engendrer un préjudice moral, à savoir un burn-out, pour M. [D].

Par ailleurs, la SAS SMAC justifie d'un livret d'accueil retraçant l'ensemble des mesures mises en place dans l'entreprise pour assurer l'information et la sécurité des salariés y compris en période de fortes chaleurs, M. [D] ayant été informé de leur existence le 24 juin 2016 (coupon de remise signé et daté par le salarié).

Il convient donc de débouter M. [D] de sa demande à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la rupture du contrat de travail :

Moyens des parties :

M. [D] soutient qu'il n'a eu d'autres alternatives que de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur à effet du 2 septembre 2019, la SA SMAC ayant manqué à ses obligations légales contractuelles et conventionnelles à savoir, la violation de son obligation de sécurité, de mauvaises conditions de travail, le non-respect des dispositions applicables à la durée du temps de travail, et le non règlement des heures supplémentaires accomplies ainsi que les agissements constitutifs de harcèlement moral et psychologique.

La SA SMAC fait valoir que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail précisément après qu'elle ait refusé d'entrer en pourparlers de rupture conventionnelle, qu'il a soudainement adressé à l'employeur une succession de lettres recommandées avec accusé de réception exposant un certain nombre de reproches, non datés pour la plupart remontant à de très nombreux mois qui n'ont jamais alors empêché la poursuite du contrat de travail. Ces manquements n'étant nullement établis et à tout le moins pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Sur ce,

Il est de jurisprudence constante que le salarié qui reproche à l'employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat. La prise d'acte doit être transmise à l'employeur ; lorsque le salarié justifie de manquements suffisamment graves de la part de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et dans le cas contraire d'une démission. La prise d'acte ne nécessite aucun formalisme particulier mais doit être transmise directement à l'employeur.

Il est de principe que lorsque les manquements reprochés à l'employeur ne sont pas établis ou ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat travail, la prise d'acte produit les effets d'une démission et le salarié qui ne peut prétendre à aucune indemnité de rupture, peut être condamné à verser à l'employeur une indemnité pour non-respect du préavis sauf si l'employeur l'en a dispensé.

En l'espèce, s'agissant des manquements invoqués au titre des heures supplémentaires, de l'absence de repos compensateurs, du non-respect des temps de repos et des durées maximales de travail, de la violation de l'obligation légale de sécurité, la cour d'appel a jugé que ces faits n'étaient pas établis.

Sur ce,

Aux termes des articles L.1152-1 et L.1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Suivants les dispositions de l'article L.1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le harcèlement moral n'est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l'ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d'un salarié défaillant dans la mise en 'uvre de ses fonctions.

Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.

En application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En l'espèce au titre du harcèlement moral, M. [D] allègue les faits suivants :

Alors qu'il devait être investi des fonctions d'aide conducteur de travaux, l'employeur n'a jamais régularisé le moindre contrat de travail ou avenant en ce sens ;

Alors que l'aide conducteur de travaux bénéficie d'un véhicule et les responsables de chantier d'un camion, la direction va solliciter expressément qu'il restitue le véhicule de fonction qui lui avait été attribué à telle enseigne qu'en réalité le poste promis, alors qu'il avait pris la peine de réaliser l'ensemble des formations nécessaires, ne lui sera jamais attribué ;

Le ton employé par M. [Y], responsable d'agence, à son encontre dans les SMS démontrant les pressions morales subies ;

Un contrôle de son arrêt de travail quelques heures à peine après avoir déposé son arrêt auprès de son employeur.

S'agissant de la matérialité des faits allégués par le salarié :

Sur la promesse de l'employeur de lui attribuer des fonctions d'aide conducteur de travaux, il est constant que M. [D] a été embauché en qualité d'intérimaire à compter du 26 juin 2013 puis en contrat à durée indéterminée en qualité d'étancheur bardeur à compter du 17 mars 2014. Le 1er avril 2014, il est nommé chef d'équipe étancheur bardeurs.

M. [D] verse aux débats son entretien d'évaluation du 10 octobre 2016 aux termes duquel l'employeur note que sa contribution est remarquable et qu'une évolution ou un changement de fonction peut être envisagé, les objectifs individuels notant « voir pour évoluer dans le sens d'aide conducteur et travaux » dans l'année 2017. M. [D] suit ensuite avec succès les formations « savoir assister l'encadrement de chantier » (module 2) en octobre 2016, et « perfectionnement fonction Responsable de chantier ».

Toutefois, il ne résulte pas de ces éléments, l'engagement formel de l'employeur de lui affecter ces nouvelles fonctions d'aide conducteur de travaux mais uniquement le fait d'envisager sa montée en compétence pour évoluer sur ces nouvelles fonctions. Ce fait n'est donc pas établi.

Sur le retrait du véhicule de fonction, M. [D] n'en justifie pas. Ses contrats de travail ne font par ailleurs mention d'aucun véhicule de fonction. Ce fait n'est pas établi.

Sur les pressions subies de la part de M. [Y], responsable d'agence, caractérisées par le ton employé dans ses SMS, M. [D] ne verse aucun SMS ni ne démontre l'existence de pressions comme conclu. Ce fait n'est pas établi.

Il est établi que l'employeur a demandé un contrôle suite à l'arrêt de travail de M. [D] du 15 juillet 2019 et que la contre visite a eu lieu dès le lendemain 16 juillet après-midi.

Ce seul fait établi, qui par ailleurs relève du pouvoir de direction de l'employeur, ne constitue pas un ensemble de faits précis, concordants et répétés qui pris dans leur ensemble permettent de présumer que M. [D] a subi des agissements répétés de la part de son employeur pouvant caractériser un harcèlement moral. Le harcèlement moral n'est donc pas établi.

Faute pour M. [D] de caractériser des manquements graves de la part de son employeur à son encontre empêchant la poursuite du contrat de travail, il convient de juger que sa prise d'acte du 15 juillet 2019 doit produire les effets d'une démission par voie de confirmation du jugement déféré.

Il convient également de rejeter les demandes indemnitaires de M. [D] liées à la requalification de la prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur la demande reconventionnelle d'indemnité compensatrice de préavis :

Moyens des parties :

La SA SMAC soutient que, dès lors que les griefs invoqués par le salarié ne sont pas fondés, la prise d'acte du 2 septembre 2019 produira les effets d'une démission et que le salarié est dès lors redevable d'une indemnité correspondant au préavis qu'il a pas exécuté. Cette indemnité étant due même en l'absence d'un quelconque préjudice.

Sur ce,

Il est de jurisprudence constante que lorsque la prise d'acte produit les effets d'une démission, le salarié est redevable de l'indemnité compensatrice de préavis même en l'absence de préjudice pour l'employeur. Il sera par conséquent fait droit à la demande de la SAS SMAC et de condamner M. [D] à rembourser à M. [D] la somme de 5 126,44 € à ce titre par voie d'infirmation du jugement déféré.

Sur les demandes accessoires :

M. [D], partie perdante sera condamné aux dépens.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE M. [D] recevable en son appel principal et la SAS SMAC en son appel incident,

DIT que la cour d'appel n'a pas compétence pour statuer sur la fin de non-revoir tirée de la demande nouvelle relative aux heures supplémentaires,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :

Constaté que Mme [J], mère de M. [D] ne justifie pas de la qualité lui permettant d'assister son fils dans le cas de l'instance au visa de l'article R. 1453-2 du code du travail,

Constaté que par voie de conclusions du 10 février 2020, M. [D] se présente comme assisté de M. [V] [C], défenseur syndical inscrit sur la liste numéro 14 de la DIRECCTE Auvergne Rhône-Alpes,

Dit que la demande d'heures supplémentaires mentionnées dans les conclusions de M. [D] du 10 février 2020 n'est pas une demande nouvelle,

Jugé recevable la demande de rappel d'heures supplémentaires transmises à la partie défenderesse par voie de conclusions du 10 février 2020,

Dit et jugé que les manquements invoqués par M. [D] au soutien de sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en date du 2 septembre 2019 n'était pas d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de son contrat de travail,

Dit et jugé que la rupture du contrat de travail de M. [D] constitue une prise d'acte produisant les effets d'une démission,

Requalifié la prise d'acte en démission,

Débouté en conséquence M. [D] de ses demandes d'indemnité de licenciement, d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis et de congés payés sur préavis,

Fixé le salaire mensuel moyen brut de M. [D] à la somme de 3470 €,

Condamné en outre la SA SMAC à verser à M. [D] les sommes de :

1000 € au titre des heures supplémentaires

Dit que les sommes porteront intérêt aux taux légaux à compter de la saisine du conseil,

Débouté M. [D] de ses autres demandes,

Dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile.

Y ajoutant,

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

CONDAMNE M. [D] à rembourser à la SAS SMAC l'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 5 126,44 €,

CONDAMNE M. [D] aux dépens de première instance et d'appel,

DIT n'y avoir à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère ayant participé au délibéré, en remplacement de Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente de chambre, légitimement empêchée, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Conseillère,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 20/02424
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;20.02424 ?
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