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04/10/2022 | FRANCE | N°20/01669

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 2ème chambre, 04 octobre 2022, 20/01669


N° RG 20/01669 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KN6N



N° Minute :





C4

























































Copie exécutoire délivrée

le :



à



Me Jérémy TOURT



la S.E.L.A.R.L. AXIS AVOCATS ASSOCIES















AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GR

ENOBLE



2ÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 4 OCTOBRE 2022



Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/03295) rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 17 février 2020, suivant déclaration d'appel du 08 Juin 2020





APPELANTE :



Mme [E] [W]

née le 28 avril 1960 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par M...

N° RG 20/01669 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KN6N

N° Minute :

C4

Copie exécutoire délivrée

le :

à

Me Jérémy TOURT

la S.E.L.A.R.L. AXIS AVOCATS ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

2ÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 4 OCTOBRE 2022

Appel d'un Jugement (N° R.G. 18/03295) rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 17 février 2020, suivant déclaration d'appel du 08 Juin 2020

APPELANTE :

Mme [E] [W]

née le 28 avril 1960 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jérémy TOURT, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

S.A. BPCE ASSURANCES Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Nawale GASMI de la S.E.L.A.R.L. AXIS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Emmanuèle Cardona, présidente

Frédéric Dumas, vice-président placé, en vertu d'une ordonnance en date du 18 novembre 2021 rendue par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble

Laurent Grava, conseiller

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 mars 2022, Frédéric Dumas, vice-président placé, qui a fait son rapport, assisté de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seul les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 27 février 2011 Mme [E] [W] a chuté d'un escabeau à son domicile, entraînant une lésion à l'épaule droite.

Elle a été indemnisée par la société anonyme BPCE Assurance auprès de laquelle elle avait souscrit une police 'garantie des accidents de la vie', après fixation de ses postes de préjudices par le docteur [G] dans son rapport du 28 juin 2013.

Se plaignant d'une aggravation de son état Mme [W] a sollicité le docteur [K] qui, dans le cadre d'un rapport du 15 janvier 2016, a estimé que la pathologie examinée (lésion de la coiffe des rotateurs des deux épaules) s'intégrait à la fois dans un syndrome dégénératif et de contrainte par sur-utilisation du membre supérieur gauche en regard de l'incapacité du membre supérieur droit, et que la fracture de contrainte type de fatigue du pied (métatarsien droit) en 2013, pouvait survenir dans un contexte également de surcharge mécanique pouvant être une conséquence indirecte du traumatisme du 27 février 2011.

Mme [W] a procédé à une nouvelle déclaration de sinistre auprès de la société BPCE Assurance, laquelle a diligenté une expertise amiable confiée au docteur [U].

Ce dernier, aux termes d'un rapport du 21 novembre 2016, a retenu que Mme [W] souffrait, avant l'accident du 27 février 2011, d'une pathologie dégénérative bilatérale de l'épaule droite et conclu à l'absence d'aggravation de son état de santé.

Par exploit du 12 avril 2017 Mme [W] a fait assigner la société BPCE Assurance devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Grenoble aux fins de voir instituer une mesure d'expertise judiciaire.

Suivant ordonnance de référé du 17 mai 2017 le docteur [V] a été désigné en qualité d'expert judiciaire.

L'expert a déposé son rapport le 27 février 2018 et conclu à l'impossibilité d'établir l'imputabilité de l'évolution constatée depuis l'expertise du docteur [G] à l'accident du 27 février 2011.

Par acte d'huissier du 7 août 2018 Mme [W] a fait assigner son assureur devant le tribunal de grande instance de Grenoble afin qu'il constate les avis divergents de l'expert judiciaire et du docteur [K] et qu'il ordonne une contre-expertise.

Suivant jugement du 25 novembre 2019 le tribunal de grande instance de Grenoble a révoqué l'ordonnance de clôture et rouvert les débats, invitant les parties à conclure sur l'irrecevabi1ité de la demande de contre-expertise.

Par un nouveau jugement rendu le 17 février 2020 le tribunal a :

- déclaré la demande de garantie présentée par Mme [W] recevable,

- débouté Mme [W] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [W] aux entiers dépens de l'instance,

- accordé le bénéfice de l`article 699 du code de procédure civile à maître Gasmi de la S.E.L.A.R.L. Axis Avocats Associes.

Le 8 juin 2020 Mme [W] a interjeté appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, condamnée aux entiers dépens d'instance et accordé le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile à maître Gasmi de la S.E.L.A.R.L. Axis Avocats Associes.

Aux termes de ses dernières conclusions, dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, l'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de commettre un nouvel expert avec mission identique à celle donnée par l'ordonnance de référé du 17 mai 2017 et de réserver les dépens.

Au soutien de ses prétentions Mme [W] fait valoir que :

- son assignation visait à faire constater par le tribunal les avis divergents du docteur [V], expert judiciaire, et du docteur [K] et à l'instauration d'une contre-expertise confiée à tel expert qu'il appartiendra avec mission identique que celle ordonnée par le juge des référés,

- antérieurement au sinistre elle ne présentait aucun symptôme ainsi qu'en atteste le docteur [Z], n'évoquant qu'une douleur de l'épaule droite dans un contexte de surmenage professionnel en mars 2007 et qui a disparu après un simple traitement antalgique,

- le docteur [V] a également constaté que malgré l'absence de douleurs de son épaule droite, elle présentait vraisemblablement une pathologie depuis l'année 2010,

- il n'est cependant pas démontré que sa pathologie préexistante se serait manifestée de façon certaine et indépendamment de la survenance du fait dommageable dans un délai prévisible.

En réplique, selon ses dernières écritures, la société BPCE Assurance conclut à ce que la cour réforme le jugement critiqué en ce qu'il a jugé recevable la demande de Mme [W] et :

- juge irrecevable la demande de contre-expertise de Mme [W] en l'absence de demande présentée au fond,

- confirme le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses autres demandes,

- la déboute de toutes ses demandes à son encontre,

- la condamne à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de la S.E.L.A.R.L. Axis Avocats Associes- maître Gasmi.

L'intimée fait valoir que :

- Mme [W] a sollicité dans son assignation uniquement une contre-expertise alors que ce n'est que dans les conditions édictées à l'article 145 du code de procédure civile, soit sur requête ou en référé, qu'une mesure d'instruction peut être sollicitée seule,

- le juge du fond ne peut ainsi être saisi à titre principal d'une demande d'expertise, Mme [W] n'ayant pas davantage formulé explicitement ou implicitement dans ses conclusions ultérieures une demande au fond, voire de garantie à l'encontre de l'assureur,

- subsidiairement Mme [W] ne produit aucun élément nouveau à l'appui de sa demande alors que l'ensemble des éléments qu'elle fournit a déjà été pris en compte par le docteur [U] puis l'expert judiciaire.

L'instruction a été clôturée suivant ordonnance du 22 mars 2022.

MOTIFS

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

Sur la recevabilité de la demande de contre-expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Il s'ensuit que le juge du fond ne peut être saisi à titre principal d'une demande visant uniquement à ordonner une expertise dès lors que cette possibilité n'appartient qu'au juge désigné conformément au texte précité.

Il est toutefois constant que la demande de désignation d'un nouvel expert, motivée par l'insuffisance des diligences accomplies par l'expert précédemment commis en référé, relève de la seule appréciation du juge du fond.

En l'espèce Mme [W] ne forme qu'une seule demande concernant la commission d'un nouvel expert fondée sur une remise en cause de la précédente expertise, quand bien même ne prend-elle pas position sur la question de sa recevabilité.

Recherchant non pas à éclaircir ou à compléter une précédente expertise précédemment ordonnée par le juge des référés la demande de Mme [W] contient par conséquent en elle-même une contestation de cette expertise et doit, pour les motifs précédemment exposés, être déclarée recevable.

Sur la demande principale

Mme [W] justifie sa demande de contre-expertise par la nécessité de faire constater judiciairement les divergences d'appréciation entre les experts [V] et [K], que la pathologie dégénérative des épaules était asymptomatique avant l'accident et que l'expert judiciaire [V] n'avait pas tiré les conclusions adéquates de ses propres constatations du fait du caractère latent de la pathologie dégénérative des épaules.

Pour autant l'appelante ne produit aucune nouvelle pièce qui n'aurait été exploitée par l'expert judiciaire, lequel cite dans son rapport le certificat médical du docteur [Z] faisant état d'une douleur à l'épaule droite en mars 2007.

De surcroît, dans la partie 'discussion' de son rapport, le docteur [V] énonce expressément que le débat porte 'sur la différence d'appréciation sur une aggravation de l'état de santé de Madame N. [W] entre les rapports du Docteur S. [K]... et du Docteur V. [U]'.

Ainsi après avoir repris in extenso les conclusions du premier l'expert judiciaire cite celles contradictoires du docteur [U], dont Mme [W] n'a d'ailleurs pas jugé utile de verser la rapport au dossier :

'... L'analyse du dossier de Madame [W], fait ressortir l'existence d'une pathologie dégénérative bilatérale des deux épaules ainsi que des problèmes de décalcification liée à une ostéopénie.

A l'évidence, les fractures au niveau de l'avant-pied droit sont en relation avec cette décalcification.

En ce qui concerne la pathologie des deux épaules, il s'agit typiquement d'une pathologie dégénérative bilatérale, il est a noter qu'a droite, cette pathologie dégénérative a été reconnue dés le jour de l'accident, puisque des radiographies du 7 Mars 2011 montraient déjà des remaniements dégénératifs de la corticale supérieure du trochiter et une fissure intra tendineuse du supra épineux.

A cette époque, Madame [W] ne se plaignait pas de l'épaule gauche et à aucun moment on ne retrouve de doléances au niveau de cette articulation, ni d'examen particulier réalisé avant le rapport conclusif du Docteur [G] du 28 Juin 2013.

Nous rappellerons que le Docteur [G] avait retenu comme imputable une aggravation de la pathologie dégénérative de l'épaule droite, et notamment l'acromioplastie avec résection acromio-claviculaire,

Le Docteur [G] avait retenu des séquelles douloureuses et fonctionnelles de l'épaule droite dues a l'accident, en fixant un taux d'A.I.P.P. a 10 %.

Il s'agit d'une pathologie dégénérative qui a continué d'évoluer pour son propre compte, il parait donc difficile de retenir une quelconque aggravation de l'état de Madame [W] au niveau de l'épaule droite, au titre de l'accident du 27 Février 2011 et par rapport aux constatations du Docteur [G].

Au niveau de l'épaule gauche, il n'y a pas eu de traumatisme a ce niveau-là. Il s'agit d'une épaule dégénérative. La notion de sur-utilisation ne permet pas d'expliquer la symptomatologie ni les signes cliniques actuels qui seraient apparus en moins de deux ans...

En conclusion

Il parait difficile de dégager des éléments nouveaux constitutifs d'une aggravation de l'état pathologique séquellaire.'

Et l'expert judiciaire de conclure :

'Malgré l'absence de douleurs de son épaule droite, Madame N. [W] présentait très vraisemblablement une pathologie de l'épaule droite depuis environ l'année 2010.

L'aggravation dont fait état Madame N. [W] porte sur les deux épaules et le rachis cervical.

Il n'est pas possible d'affirmer que l'évolution constatée depuis l'expertise du Docteur J. [G] du 28/06/13 est imputable de façon directe, certaine et exclusive à l'accident du 27/02/11.

Les conclusions de l'expertise [G] ne doivent pas être modifiées.'

Il ressort ainsi de l'examen des pièces du dossier que la discussion sur l'imputabilité de l'évolution de l'état de santé de Mme [W] au sinistre du 27 février 2011 a été pleinement appréhendée par le docteur [V]. Celui-ci a en outre rendu des conclusions expertales circonstanciées au regard des divergences d'appréciations des médecins ayant précédemment eu à connaître de la situation de l'intéressée et après avoir pris connaissance des dires des parties.

Dès lors, au regard du travail complet accompli par le dernier expert, la demande de contre-expertise, qui ne saurait être justifiée par la seule non reconnaissance médicale d'un lien de causalité exclusif entre l'évolution de l'état de santé de Mme [W] et son accident, ne pourra qu'être rejetée.

Sur les demandes annexes

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société BPCE Assurance les frais exposés pour faire valoir ses droits devant la cour. Mme [W] sera donc condamnée à lui verser une indemnité de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante qui succombe sera en outre condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel distraits au profit de la S.E.L.A.R.L. Axis Avocats Associes- maître Gasmi.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement du 17 février 2020 du tribunal judiciaire de Grenoble en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [E] [W] à verser à la S.A. BPCE Assurance une indemnité de 500 euros (cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [E] [W] aux entiers dépens d'appel distraits au profit de la S.E.L.A.R.L. Axis Avocats Associes- maître Gasmi.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20/01669
Date de la décision : 04/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-04;20.01669 ?
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