N° RG 20/00246 - N° Portalis DBVM-V-B7E-KJY5
N° Minute :
C4
Copie exécutoire délivrée
le :
à
Me Mathieu WINCKEL
la S.E.L.A.R.L. GABARRA GUIEU PRUD'HOMME - AVOCATS
S.C.P. MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL IN - AVOCATS ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
2ÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 4 OCTOBRE 2022
Appel d'un Jugement (N° R.G. 13/04275) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 04 avril 2019, suivant déclaration d'appel du 10 Janvier 2020
APPELANTE :
S.A.R.L. ALP'EXPERT prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
également intimé au 20/388 joint le 4/02/20
[Adresse 9]
[Localité 7]
Représentée par Me Mathieu WINCKEL, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me DEWULF-MAGNAT
INTIMÉS :
M. [K] [J]
né le 25 Juin 1976 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 15]
Représenté par Me Philippe GUIEU FAUGOUX de la S.E.L.A.R.L. S.E.L.A.R.L. GABARRA GUIEU PRUD'HOMME - AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me GASSMANN
Mme [I] [N] épouse [J]
née le 17 Juillet 1973 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 15]
Représenté par Me Philippe GUIEU FAUGOUX de la S.E.L.A.R.L. S.E.L.A.R.L. GABARRA GUIEU PRUD'HOMME - AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substitué par Me GASSMANN
M. [M] [Y]
de nationalité Française
Chez Mme [E] [Y], [Adresse 8]
[Localité 6]
Défaillant
Mme [C] [O]
appelante au 20/388 joint le 04/02/2020
née le 04 Février 1966 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Marie-Bénédicte PARA de la S.C.P. MICHEL BENICHOU MARIE-BÉNÉDICTE PARA LAURENCE TRIQUET-DUMOUL IN - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me BARRILE
S.C.P. [R] [F] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « S.A.S. BOISSONS CHARPENTE », S.A.S. inscrite au R.C.S. de LONS LE SAUNIER sous le numéro 397 807 785, exerçant sous l'enseigne CHALETS BOISSON, et dont le siège social est situé [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège ;
[Adresse 2]
[Localité 10]
Défaillante
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Emmanuèle Cardona, présidente
Frédéric Dumas, vice-président placé, en vertu d'une ordonnance en date du 18 novembre 2021 rendue par la première présidente de la cour d'appel de Grenoble
Laurent Grava, conseiller
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 mars 2022, Frédéric Dumas, vice-président placé, qui a fait son rapport, assisté de Caroline Bertolo, greffière, a entendu seul les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [M] [Y] et Mme [C] [O] ont entrepris la construction d'un chalet sur une parcelle de terrain cadastrée section A n°[Cadastre 11], formant le lot n°12 du lotissement 'La Colline de Bel Air', sur la commune de [Localité 15] (38). Ils ont confié le lot relatif à la structure bois à la société à responsabilité limitée Boisson Charpentes et celui concernant le dallage du sous-sol à la société Pakebat.
Le montant définitif du marché a été fixé à la somme de 310 290,09 euros.
Après leur séparation les consorts [Y]-[O] ont vendu, suivant acte du 19 décembre 2006 régularisé devant la société civile professionnelle Guiliani-Lintanff-Terry, notaires associés, leur bien immobilier à M. [K] [J] et son épouse, Mme [I] [N], pour un montant de 190 000 euros, l'acte précisant que la réception des travaux était intervenue tacitement lors de la prise de possession des lieux en mars 2003.
Les vendeurs ont déclaré dans l'acte de vente que les travaux de construction, tels que prévus au permis de construire, n'étaient pas achevés au jour de la vente en raison de la non réalisation du balcon prévu en façade. Il était ainsi convenu que les acquéreurs se chargeraient de la réalisation et de la fin des travaux, du dépôt de la déclaration d'achèvement de ceux-ci et de l'obtention du certificat de conformité.
Peu avant la réitération de la vente, le 7décembre 2006, la société à responsabilité limitée Alp'Expert a réalisé un diagnostic de performance énergétique.
M. et Mme [J] se sont plaints de désordres et de non conformités au permis de construire des travaux réalisés par les consorts [Y]-[O], 1'absence de chauffage central, un défaut d'isolation ainsi que des infiltrations d'eau, qu'ils ont fait constater par huissier de justice le 29 mai 2008.
Par acte du 10 novembre 2008 les époux [J] ont fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Grenoble M. [Y], Mme [O], la société Alp'Expert, la société Boisson Charpentes et la S.C.P. Guiliani-Lintanff-Terry aux fins de voir instaurer une mesure d'expertise judiciaire.
Selon ordonnance du 14 janvier 2009 le juge des référés a mis hors de cause la S.C.P. Guiliani-Lintanff-Terry et désigné M. [X] en qualité d'expert judiciaire.
Celui-ci a déposé son rapport le 7 septembre 2009.
Par exploits des 2, 14 et 19 août 2013, les époux [J] ont fait assigner M. [Y], Mme [O], la société Alp'Expert et la société Boisson Charpentes aux fins de les voir déclarer responsables des désordres et condamner à réparer leurs préjudices.
Suivant jugement du 4 avril 2019 le tribunal a :
- condamné in solidum M. [Y], Mme [O] et la société Alp'Expert à verser à M. [J] et Mme [N] les sommes suivantes représentant un total de 54 340 euros H.T., soit 64 990, 64 euros T.T.C. :
- 41.840 euros H.T. pour l'isolation du chalet,
- 12.500 euros H.T. pour l'installation du chauffage central,
- condamné in solidum M. [Y], Mme [O] et la société Alp'Expert à verser à M. [J] et Mme [N] une somme de 3000 euros à titre d'indemnisation de leur préjudice moral,
- débouté M. et Mme [J] de leurs autres demandes,
- dit que dans les rapports respectifs des parties, un partage de responsabilité sera effectué à hauteur de 90 % pour la société Alp'Expert et de 10 % à l'encontre des vendeurs, M. [Y] et Mme [O], concernant le poste de préjudice afférent à l'absence de chauffage central,
- dit que pour les autres indemnisations et dans leurs recours respectifs, un partage de responsabilité sera retenu à hauteur de 60 % pour la société Alp'Expert et de 10 % à l'encontre de M. [Y] et Mme [O] et de 30 % pour la société Boisson Charpentes,
- fixé la créance à la procédure collective de la société Boisson Charpentes à hauteur de 15 012,192 pour l'absence d'isolation du chalet, 1000 euros au titre du préjudice moral, 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
- condamné in solidum M. [Y], Mme [O] et la société Alp'Expert au paiement des dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire, selon état de frais de M. [X],
- rejeté les autres demandes.
La société Alp'Expert et Mme [O] ont interjeté appel du jugement les 10 et 17 janvier 2020.
Selon ordonnance du 4 février 2020 le conseiller de la mise en état a prononcé la jonction des deux procédures pendantes devant la cour.
Aux termes de ses dernières conclusions, dont le dispositif doit être expurgé de toutes mentions qui ne constituent pas des demandes mais reprennent les moyens soutenus dans les motifs, signifiées à personnes à M. [Y] et à la S.C.P. [F] en qualité de liquidateur de la société Boisson Charpentes, la société Alp'Expert demande à la cour de :
- à titre principal confirmer le jugement déferré en ce qu'il a débouté M. et Mme [J] de leur demande au titre des infiltrations d'eau,
- réformer le jugement déféré et rejeter l'ensemble des prétentions formulées par les époux [J] à son encontre,
- à titre subsidiaire évaluer à une somme dérisoire et en tout état de cause à de justes proportions, le montant des dommages et intérêts dus par la société Alp'Expert au profit de M. et Mme [J],
- rejeter la demande subsidiaire de Mme [O] tendant à voir confirmer la répartition de l'obligation à réparation telle qu'établie dans le jugement,
- condamner en tout état de cause M. et Mme [J] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, distraits au profit de maître Winckel.
Au soutien de ses prétentions l'appelante expose que :
- la question de la conformité du chalet au permis de construire est étrangère à la société Alp'Expert comme l'a d'ailleurs souligné l'expert judiciaire, de même que celle concernant les infiltrations d'eau,
- de plus, en application de l'article L271-4 du code de la construction et de l'habitation, 'l'acquéreur ne peut se prévaloir à l'encontre du propriétaire des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique qui n'a qu'une valeur informative',
- à la date du diagnostic litigieux, le 7 décembre 2006, les récentes dispositions légales l'instituant ne rendaient nullement la visite des lieux obligatoire, celle-ci ayant été imposée par l'arrêté du 8 février 2012,
- de surcroît l'immeuble n'était pas achevé lors de la réalisation du diagnostic de sorte que son auteur pouvait l'effectuer sur plan afin d'estimer sa consommation après achèvement, comme cela a d'ailleurs été indiqué conformément au devoir d'information et de conseil auquel il est tenu,
- en tout état de cause les conséquences d'un manquement du diagnostiqueur à ses obligations ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance de négocier un meilleur prix puisqu'en matière de défaut d'information le risque n'est pas créé par la faute du débiteur de l'obligation mais lui préexiste,
- il appartient en outre aux acquéreurs de démontrer la réalité de la perte de chance alléguée, ce que ne font pas les époux [J] alors au surplus qu'ils avaient déjà signé le compromis de vente pour un prix de 190 000 euros le 10 octobre 2006 lorsque le diagnostic de performance énergétique a été réalisé et que tant l'absence d'isolation que le défaut de raccordement de la chaudière étaient apparents,
- de surcroît les acquéreurs ne rapporte nullement la preuve d'un quelconque lien de causalité entre la prétendue faute du diagnostiqueur et le préjudice allégué.
Selon ses dernières écritures, signifiées à la S.C.P. [F] à personne, Mme [O] conclut à ce que la cour infirme le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée, le confirme en ce qu'il a jugé qu'elle n'avait pas la qualité de constructeur et :
- constate qu'elle ne peut voir sa responsabilité engagée en qualité de vendeur,
- déboute les époux [J] de l'intégralité de leurs demandes,
- condamne la société Boisson Charpentes à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre du défaut d'isolation,
- subsidiairement confirme la répartition de l'obligation à réparation du jugement déféré,
- condamne en tout état de cause les époux [J] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. et Mme [J] et maître Mollard à lui régler la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais de signification et d'exécution de l'arrêt à intervenir,
- condamner solidairement les époux [J] aux entiers dépens distraits au profit de la S.C.P. Benichou Para Triquet - Dumoulin, avocats.
Mme [O] fait valoir que :
- M. [Y] et elle-même sont des particuliers, néophytes, ayant fait appel à des professionnels pour effectuer les travaux, sa responsabilité en tant que constructeur ne pouvant qu'être exclue,
- s'agissant de la non-conformité alléguée les griefs des acquéreurs s'appliquent à des éléments dont ils connaissaient pertinemment le caractère inachevé, auquel s'ajoutait le prix attractif de la maison du fait de cet inachèvement qu'ils ne pouvaient ignorer en raison des visites qu'ils avaient effectuées,
- les époux [J] ont reconnu dans l'acte de vente qu'ils feraient leur affaire de la réalisation de la fin des travaux, du dépôt de la déclaration d'achèvement des travaux et de l'obtention du certificat de conformité, l'acte stipulant notamment que lesdits travaux étaient inachevés en raison de la non-réalisation du balcon prévu en façade,
- les époux [J] ne démontrent nullement l'existence d'un préjudice en relation avec le refus du certificat de conformité alors que celui-ci n'aurait pu être délivré en l'absence de réalisation du balcon,
- le défaut de chauffage central était parfaitement apparent lors des visites que les acquéreurs ont effectuées avant la transaction et en ce qui concerne l'absence d'isolation les vendeurs ont eu recours à un professionnel, la société Alp'Expert, à laquelle ils ont communiqué toutes informations,
- les époux [J], qui réclament une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, ont attendu plus de deux ans avant d'engager une procédure judiciaire et avaient connaissance des différents travaux à effectuer.
En réplique, dans leurs dernières conclusions signifiées à personnes à M. [Y] et à la S.C.P. [F], M. et Mme [J] sollicitent la confirmation du jugement déféré et la condamnation in solidum de Mme [O], de maître [F] ès qualité de liquidateur de la société Boisson Charpentes ainsi que de la société Alp'Expert à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les intimés expliquent que :
- à l'issue d'une visite de chantier intervenue au lendemain de la vente de l'immeuble la mairie a refusé la délivrance d'un certificat de conformité en raison de :
- la non-exécution du balcon,
- la non-exécution du velux,
- la création d'une fenêtre en façade sud-ouest,
- la transformation d'une porte en porte-fenêtre à deux battants,
- la suppression d'une porte en façade nord-est,
- la non-exécution de la couleur prévue pour les encadrements de fenêtres,
- les motifs du refus contredisent les déclarations des vendeurs dans l'acte de vente selon lesquelles les travaux déjà effectués l'avaient été en conformité avec le permis de construire de sorte que les parties étaient convenues que M. et Mme [J] accomplissent les travaux relatifs au balcon en façade,
- l'expert a également relevé que les travaux réalisés n'étaient pas conformes à la demande de permis de construire initial, ce dont à aucun moment ils n'ont été informés, de sorte que les consorts [Y]-[O] ont failli à leur obligation de délivrance d'un bien conforme,
- alors que le diagnostic de performance énergétique indiquait que la chaudière au fioul avait été installée après 2000 il est apparu que le chauffage central n'existait pas comme l'ont relevé l'expert ainsi que l'huissier de justice,
- ledit diagnostic annexé à l'acte de vente conditionne la conformité ou le défaut de conformité du bien vendu alors que lors des visites du chalet les vendeurs leur ont sciemment dissimulé que le système ne fonctionnait pas,
- le dossier du permis de construire mentionne l'existence d'une isolation en laine de verre les assurant de la présence de ce dispositif, conforté en cela par le diagnostic de performance énergétique alors que l'expert précise que seule l'épaisseur des madriers isole l'immeuble,
- profanes en la matière ils n'avaient aucun moyen de constater ce défaut,
- au regard du nombre d'heures d'intervention de la société Boisson Charpentes sur le chantier la participation active des consorts [Y]-[O] aux opérations de construction est avérée de sorte que leur obligation de délivrance était une obligation de résultat que les prétendus défauts apparents ne remettaient nullement en cause,
- eu égard aux infiltrations d'eau et d'air entre les madriers en bois l'habitation est impropre à sa destination, engageant ainsi la responsabilité de la société Boisson Charpentes en tant que constructeur,
- la société Alp'Expert, qui a réalisé le diagnostic de performance énergétique d'après les informations transmises sans aucune vérification ni visite des lieux, s'est fondée sur les plans du permis de construire sans préciser que ce diagnostic n'avait été effectué que sur cette seule base,
- le diagnostiqueur a ainsi commis une faute engageant sa responsabilité dans la mesure où les acquéreurs n'ont pu être informés d'éléments importants sur les caractéristiques du bien et les équipements de chauffage, perdant ce faisant une chance de ne pas contracter la vente ou de négocier le prix à la baisse.
M. [Y] et la S.C.P. [F] n'ont pas constitué avocat.
L'instruction a été clôturée suivant ordonnance du 22 mars 2022.
MOTIFS
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
Sur les demandes principales
Aux termes de l'article 1603 du code civil le vendeur a deux obligations principales, délivrer et garantir la chose qu'il vend, la délivrance étant selon l'article 1604 le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur tandis que la seconde obligation a trait à la garantie des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus
En l'espèce et à titre liminaire il convient de relever que la réalité des inachèvements, non finitions, désordres et défauts d'installation n'est aucunement contestée par les parties, la cour les considérant dès lors comme établis tels qu'ils ont été constatés par l'expert judiciaire et l'huissier de justice.
Sur la délivrance du bien vendu
La notion de conformité ou de non-conformité étant inhérente à l'obligation de délivrance le bien cédé doit revêtir les caractéristiques convenues entre les parties.
Le premier juge a justement relevé que, dans l'acte de vente régularisé le 19 décembre 2006, les consorts [Y]-[O] avaient déclaré que 'les travaux de construction tels que prévus au permis de construire n'étaient pas achevés à ce jour en raison de la non réalisation du balcon prévu en façade', et que les travaux réalisés jusqu'à présent avaient été effectués en conformité avec le permis de construire obtenu (page 12) alors que, selon les motifs du refus du certificat de conformité du 27 décembre 2006, d'autres éléments non conformes étaient en cause.
Il en est ainsi de :
- la non-exécution du balcon,
- la non-exécution du velux,
- la création d'une fenêtre et la transformation d'une porte en porte fenêtre à deux battants en façade sud-ouest,
- la suppression d'une porte en façade nord-est,
- la non-exécution de la couleur prévue pour les encadrements de fenêtres,
Ainsi en dehors de l'inexécution du balcon que l'acte de vente stipulait expressément comme seule cause d'inachèvement, tout en excluant toute non-conformité, il s'avère que les travaux réalisés n'étaient pas conformes à la demande de permis de construire initial.
Il en est de même de l'absence de l'isolation telle qu'elle était prévue dans le dossier du permis de construire, lequel a été remis à l'acquéreur par le vendeur au même titre que le permis de construire, les plans de constructions, les factures des entreprises de gros oeuvre (des sociétés Boisson Charpentes et Pakebat) aux termes de l'acte de vente (page 11).
Il importe donc peu que le défaut d'isolation était apparent ou non dès lors que le chalet devait être délivré aux époux [J] dans sa consistance décrite dans l'acte du 19 décembre 2006 et les documents auxquels il renvoyait.
En ce qui concerne le système de chauffage seul le diagnostic de performance énergétique évoque son installation étant cependant précisé que selon l'article L271-4 du code de la construction et de l'habitation alors applicable, l'acquéreur ne peut se prévaloir à l'encontre du propriétaire des informations qui y sont contenues en raison de sa valeur informative. Dès lors la demande d'indemnisation des époux [J] ne peut être appréciée sur ce point au regard de l'obligation de délivrance du bien immobilier, dont l'acte de vente est dépourvu de toute mention sur le dispositif de chauffage, mais par rapport à l'obligation de garantie des vendeurs.
Sur la garantie de la chose vendue
La garantie prévue à l'article 1641 susvisé s'applique au défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale.
Aucune des parties ne conteste que l'immeuble acquis par les époux [J] ne doive être doté d'un système de chauffage répondant à la destination normale d'une habitation et dont l'absence la rend nécessairement impropre à son usage.
L'absence de tout chauffage constitue par conséquent un défaut qui, s'il est caché, relève de la garantie du vendeur.
L'acte de vente énonce, au titre de l'état du bien (page 7), que 'l'acquéreur prend le bien dans son état au jour de l'entrée en jouissance, tel qu'il l'a vu et visité, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit et notamment... vices mêmes cachés,...'
Or, dans son rapport, l'expert écrit que 'lors de la réunion du 27/02/09, on a pu constater aisément que la chaudière fioul au sous sol n'était reliée à aucun conduit de cheminée ni branchée sur des tuyaux de chauffage, de plus des radiateurs étaient entreposés par terre à côté contre la cloison. Le matériel entreposé au sous sol n'est pas installé, le chauffage central ne peut donc pas être en service. Le chauffage central n'existe pas...'
Le défaut tiré de l'absence d'installation de chauffage était ainsi manifestement apparent de sorte que les époux [J] ne sauraient se prévaloir des indications du diagnostic de performance énergétique selon lesquelles une chaudière fioul aurait été installée après 2000 ou invoquer une quelconque dissimulation de la part des vendeurs puisqu'ils ont visité le chalet à plusieurs reprises avant de l'acheter.
Dans ces conditions la demande de garantie des époux [J] à l'encontre des consorts [Y]-[O] ne peut qu'être rejetée.
Sur les responsabilités encourues
En application des articles 1792 et 1792-4-1 du code civil tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit pendant une durée de dix ans, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Est réputé constructeur de l'ouvrage selon l'article 1792-1 du même code :
1°- Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;
2°- Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;
3°- Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.
Aux termes de l'ancien article 1147 du même code, en vigueur jusqu'au 30 septembre 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part et sous réserve des conditions édictées aux articles 1149, 1150 et 1151.
Par ailleurs en vertu de l'ancien article 1382 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. L'ancien article 1383 dispose en outre que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
En l'espèce les intimés procèdent par affirmations en soutenant que les consorts [Y]-[O] auraient la qualité de constructeur du chalet litigieux au motif que le montant de la facture de la société Boisson Charpentes serait inférieur à celui des travaux, alors qu'aucune pièce du dossier ne vient étayer leurs allégations quant à une particpation active des vendeurs à la construction.
En revanche M. [Y] et Mme [O] sont responsables contractuellement pour avoir failli à leur obligation de délivrance.
S'agissant du défaut d'isolation des murs rendant l'ouvrage impropre à sa destination la garantie décennale de la société Boisson Charpentes est également engagée.
En ce qui concerne la société Alp'Expert, à laquelle aucune disposition légale n'imposait une visite des lieux préalablement à l'émission du diagnostic de performance énergétique, celui-ci précise dans ses commentaires en page 3 :
'Rappel : ce D.P.E. a été réalisé à partir d'un recueil de données et d'éléments justificatifs d'opération mises en oeuvre vis-à-vis de l'économie d'énergie.
Toute omission d'éléments ou pièces jugées indispensables à sa constitution rendrait caduque ce dossier, la responsabilité du cabinet ne saurait alors être engagée.
Nota bene : investigations non destructives.
Certaines indications proviennent des dires du propriétaire ou du donneur d'ordre.
En cas d'inexactitude constatée, il conviendra d'en informer le cabinet.'
Il s'ensuit que sauf exploitation erronée des données sur l'état réel du bien, ce que ne soutiennent nullement les époux [J], il ne peut être reproché une faute au diagnostiqueur qui s'est fondé sur les documents relatifs à l'opération immobilière et les déclarations des maîtres d'ouvrage pour établir un diagnostic faisant notamment référence à un chauffage au fioul installé en 2000 et à des murs extérieurs constitués de pans de bois et de polystyrène dans le chalet achevé.
Dès lors la responsabilité de la société Alp'Expert ne sera pas retenue.
Sur l'indemnisation des époux [J]
Selon l'évaluation non contestée de l'expert qui s'est fondé sur un devis du 27 février 2009 de la S.A.R.L. Rest'Accro Sports, accepté par les nouveaux propriétaires, les travaux d'isolation des parois extérieures s'élèvent à la somme de 50 040,64 euros.
Le premier juge a souligné, à raison, que les époux [J] n'avaient pas mesuré l'ampleur des travaux à réaliser parce qu'ils avaient été induits en erreur sur la non-conformité des travaux à effectuer et l'état de la maison et que les diverses tracasseries occasionnées après la vente constituaient un préjudice moral certain indemnisé justement à hauteur de 3 000 euros.
M. [Y] et Mme [O] seront en conséquence condamnés in solidum à régler ces sommes aux époux [J], une créance de 53 040,64 euros étant fixée au passif de la procédure de liquidation de la société Boisson Charpentes au titre de la garantie due aux consorts [Y]-[O].
Les intimés seront déboutés du surplus de leurs demandes.
Sur les demandes annexes
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme [J] les frais exposés pour faire valoir leurs droits devant le tribunal de grande instance de Grenoble et la cour. M. [Y] et Mme [O] seront donc condamnés in solidum à leur verser une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Alp'Expert ses frais irrépétibles.
Les consorts [Y]-[O] qui succombent seront en outre condamnés in solidum aux entiers dépens de la procédure d'instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement du 4 avril 2019 du tribunal de grande instance de Grenoble en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Condamne in solidum M. [M] [Y] et Mme [C] [O] à payer à M. [K] [J] et Mme [I] [N] les sommes suivantes :
- 50 040,64 euros (cinquante mille quarante euros soixante quatre cents) au titre des travaux d'isolation,
- 3 000 euros (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
Fixe une créance de 53 040,64 euros (cinquante trois mille quarante euros soixante quatre cents) au passif de la procédure de liquidation de la société Boisson Charpentes représentée par la S.C.P. [F] au titre de la garantie due à M. [Y] et Mme [O],
Condamne in solidum M. [M] [Y] et Mme [C] [O] à verser à M. [K] [J] et Mme [I] [N] une indemnité de 5 000 euros (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne M. [Y] et Mme [O] in solidum aux entiers dépens de la procédure d'instance et d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Mme Emmanuèle Cardona, Présidente de la deuxième chambre civile et par la Greffière Caroline Bertolo, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,