C9
N° RG 20/04164
N° Portalis DBVM-V-B7E-KVNK
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT
Me Frédéric TORT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 22 SEPTEMBRE 2022
Appel d'une décision (N° RG 18/01184)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 23 novembre 2020
suivant déclaration d'appel du 22 décembre 2020
APPELANTE :
Madame [D] [S]
née le 25 octobre 1960 à [Localité 4] ([Localité 4])
de nationalité Française
Saint Ange
[Localité 3]
représentée par Me Sophie DETROYAT de la SELARL JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
EURL SETIS, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Frédéric TORT, avocat au barreau d'AVIGNON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, Présidente,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier, en présence de Mme Céline RICHARD, greffière stagiaire
DÉBATS :
A l'audience publique du 29 juin 2022,
Monsieur BLANC, Conseiller, a été chargé du rapport, et les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries.
Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.
EXPOSE DU LITIGE':
Mme [D] [S] a obtenu un diplôme de technicienne supérieure géomètre topographe option cabinet de géomètre le 22 juillet 2009.
Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 6 décembre 2010, elle a été recrutée en contrat de travail à durée indéterminé par l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Setis en qualité d'opérateur géomètre, niveau II, échelon 1, indice 236, statut employé, à temps plein de la convention collective nationale des géomètres-topographes et experts fonciers.
Depuis le mois de décembre 2017, Mme [D] [S] est classée au niveau II, échelon 3, indice 281.
Au cours de l'année 2013, Mme [D] [S] a été mise à la disposition de l'Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire (CERN) située à Genève.
Après plusieurs échanges infructueux entre les parties portant sur un repositionnement professionnel niveau III, échelon 1 de la convention collective, Mme [D] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble par requête en date du 31 octobre 2018 aux fins d'obtenir son repositionnement niveau III, échelon 1 de la convention collective applicable, des rappels de salaire à ce titre et que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Setis.
L'Eurl Setis s'est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement en date du 23 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':
- Dit que Mme [D] [S] ne peut prétendre au niveau 3, échelon 1 de la convention collective Nationale des géomètres-topographes et experts fonciers,
- Dit n'y avoir lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail,
- Dit que l'EURL Setis n'a pas exécuté le contrat de travail de façon déloyale,
- Débouté Madame [D] [S] de l'ensemble de ses demandes,
- Débouté L'EURL Setis de sa demande reconventionnelle,
- Condamné Mme [D] [S] aux dépens.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusé de réception signé le 24 novembre 2020 par chacune des parties.
Par déclaration en date du 22 décembre 2020, Mme [D] [S] a interjeté appel à l'encontre de ladite décision.
Mme [D] [S] s'en est remise à des conclusions transmises le 29 avril 2022 et demande à la cour d'appel de':
Vu l'article 1222-1 du code du travail,
Vu l'article 1224 du code civil,
Vu la jurisprudence précitée,
Vu les pièces produites au débat,
REFORMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau,
CONSTATER que Madame [S] exerce les fonctions de technicienne géomètre, niveau 3, échelon 1 de la convention collective nationale des géomètres topographes et experts fonciers.
CONSTATER l'exécution déloyale du contrat de travail par la société Setis,
En conséquence,
PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Setis laquelle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER la société Setis à verser à Mme [S] les sommes suivantes :
- Rappel de salaire
(arrêté au mois de mars 2022) 16.755,31 € bruts
- Indemnité de licenciement 6.638,20€ nets
- Indemnité compensatrice de congés payés 574.70 € nets
- Indemnité compensatrice de préavis (2mois) 3. 885,78 € bruts
- Congés payés afférents au préavis 388.57 € bruts
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (11mois) 21.371,79 € nets
- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail 3.000 € nets
RAPPELER que dans le cadre du solde de tout compte, la société Setis devra verser à Mme [S] l'indemnité compensatrice des congés payés acquis et non pris à la date de la décision à intervenir,
CONDAMNER la société Setis à verser à Mme [S] la somme de 4.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER la société Setis aux entiers dépens, de première instance comme d'appel.
DEBOUTER la société Setis de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
La société Setis s'en est rapportée à des conclusions remises le 19 mai 2021 et demande à la cour d'appel de':
- Juger que Mme [S] n'a à aucun moment exercé une fonction de commandement, d'animation ou d'organisation de quelque assistant ou personnel mis à sa disposition,
- Partant, juger qu'elle ne peut prétendre à la classification demandée,
- Juger ses demandes prescrites,
- Subsidiairement, les juger tardives,
- Juger que l'employeur a loyalement exécuté le contrat de travail,
- Juger que Mme [S] a, lors de l'audience du 21 septembre 2020, confirmé sa décision de de mettre fin à son contrat de travail,
- Juger que le contrat de travail liant Mme [S] à la société Setis est rompu à compter du jour où elle a cessé sa collaboration au 3 décembre 2020,
- Condamner Mme [S] à verser à la société SETIS les sommes de :
500 euros à titre de dommages-intérêts,
1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner Mme [S] aux dépens.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.
La clôture a été prononcée le 05 mai 2022.
EXPOSE DES MOTIFS':
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription':
Premièrement, au visa de l'article L. 3145-1 du code du travail énonçant que les créances de salaire se prescrivent par trois ans, il apparaît que Mme [S] a saisi la juridiction prud'homale de sa demande de repositionnement et de prétentions de rappels de salaires afférentes le 31 octobre 2018 et qu'elle fait débuter, dans son décompte actualisé produit en pièce n°30, ses revendications salariales à novembre 2015, de sorte qu'elle n'est pas prescrite en son action et que la fin de non-recevoir soulevée par la société Setis doit être rejetée.
Deuxièmement, le juge, saisi d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté, de sorte qu'aucune prescription au titre de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail présentée par Mme [S] à raison de manquements anciens n'est acquise.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Setis doit également être rejeté pour ce chef de demande.
Sur la demande de repositionnement':
D'une première part, sous la réserve de l'hypothèse où l'employeur confère contractuellement une qualification professionnelle supérieure aux fonctions exercées, la classification se détermine par les fonctions réellement exercées à titre principal par le salarié.
En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de rechercher la nature de l'emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu'il requiert.
En outre, la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une classification autre que celle qui lui a été attribuée, sous la réserve néanmoins que l'employeur doit établir qu'il respecte la convention collective applicable.
L'article 7.3 de la convention collective nationale des cabinets ou entreprises de géomètres-experts, géomètres-topographes, photogrammètres et experts fonciers du 13 octobre 2005, étendue par arrêté du 24 juillet 2006 JORF 2 août 2006, énonce que':
«'Le classement des employés des cabinets ou entreprises s'effectuera au regard de l'emploi effectivement occupé et de sa correspondance dans les grilles de classifications annexées à la convention étant précisé que le principe à travail égal salaire égal devra être respecté.'».
L'article 11.3 en vigueur étendu dispose que':
«'Le niveau I est un niveau d'exécution non spécialisée.
Le niveau II est un niveau d'exécution spécialisée.
Le niveau III est un niveau de conception, d'organisation et de commandement.'».
Grille des classifications en application de l'article L. 133.5 du code du travail :
«'Eléments essentiels servant à la détermination des classifications professionnelles et des niveaux de classification
NIVEAU : I
ECHELON :
COEFFICIENT : 200
NIVEAU de formation + : Niveau VI - Education nationale
AUTONOMIE initiative : Sous contrôle permanent
FONCTION : Exécution de travaux sans difficultés particulières à partir de directives simples.
TECHNICITE : Sans mise en oeuvre de connaissances particulières autres que celles acquises du fait de l'intégration dans le cabinet ou l'entreprise.
NIVEAU : II
ECHELON : 1
COEFFICIENT : 236
NIVEAU de formation + : Niveaux V à V bis. Education nationale.
AUTONOMIE initiative : Limitée aux travaux simples avec contrôles fréquents.
FONCTION : Exécute les travaux simples de sa spécialité.
TECHNICITE : Maîtrise de sa technique.
NIVEAU : II
ECHELON : 2
COEFFICIENT : 259
NIVEAU de formation + : Niveaux V à V bis. Education nationale.
AUTONOMIE initiative : Limitée aux travaux habituels avec contrôles fréquents.
FONCTION : Exécute les travaux habituels de sa spécialité, possibilité d'aide technique non habituelle.
TECHNICITE : Bonne maîtrise de sa technique.
NIVEAU : II
ECHELON : 3
COEFFICIENT : 281
NIVEAU de formation + : Niveaux IV. Education nationale.
AUTONOMIE initiative : Limitée aux travaux habituels avec contrôles ponctuels.
FONCTION : Exécute les travaux habituels de sa spécialité, possibilité d'aide technique.
L'aide technique telle que définie à cet échelon implique pour l'employeur un souci promotionnel.
TECHNICITE : Parfaite maîtrise de sa technique.
NIVEAU : III ++
ECHELON : 1
COEFFICIENT : 306
NIVEAU de formation + : Niveaux III Education nationale.
AUTONOMIE initiative : Est responsable de la bonne exécution de son travail, se contrôle et rend compte.
FONCTION : Organise les travaux de sa spécialité et ceux de ces assistants à partir de directives précises et permanentes.
TECHNICITE : Réalise les travaux habituels de sa spécialité.
NIVEAU : III ++
ECHELON : 2
COEFFICIENT : 364
NIVEAU de formation + : Niveaux III Education nationale.
AUTONOMIE initiative : Initiative très large dans la réalisation de son travail.
Est responsable de sa bonne exécution.
Il rend compte à sa hiérarchie.
FONCTION : Organise les travaux de sa spécialité et ceux de ses assistants à partir de directives générales.
Assure la formation spécifique du personnel mis à sa disposition. TECHNICITE : Réalise tous les travaux de sa spécialité et intègre les techniques connexes ou les finalités du cabinet ou de l'entreprise.
NIVEAU III :
ECHELON : 3
COEFFICIENT : 450
NIVEAU de formation + : Niveaux III. Education nationale.
AUTONOMIE initiative : Initiative très large dans la réalisation de son travail.
Est responsable de sa bonne exécution.
Il rend compte, à son initiative, à sa hiérarchie.
FONCTION : Organise les travaux ou missions de sa spécialité.
Anime et assure la formation du personnel mis à sa disposition.
TECHNICITE : Haute technicité.
Bonne connaissance et intégration des techniques connexes dans son actions.
+ Ces connaissances peuvent être acquises soit par voie scolaire ou par formation équivalente, soit par expérience professionnelle dans le cadre d'une action de VAE.
++ A ce niveau d'emploi correspondent des fonctions dotées d'un commandement hiérarchique. A partir de ce seuil les collaborateurs peuvent bénéficier d'avantages spécifiques de retraite en application de l'article 36 de l'annexe I à la convention collective nationale de retraite des cadres du 14 mars 1947 ayant créé le régime de retraite des cadres.'».
D'une seconde part, selon le principe d'égalité de traitement, des salariés placés dans une situation identique ou similaire doivent en principe pouvoir bénéficier des mêmes droits individuels et collectif, qu'il s'agisse des conditions de rémunération, d'emploi, de travail ou de formation.
Seules sont présumées justifiées, pour autant qu'elles résultent d'un accord collectif et à condition qu'elles ne relèvent pas d'un domaine où est mis en oeuvre le droit de l'Union Européenne, les différences de traitement entre catégories professionnelles, collaborateurs appartenant à des établissements distincts, ou s'agissant d'une entreprise de prestation de services, entre salariés affectés à des sites ou des établissements différents ou enfin, entre ceux exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes.
S'agissant des premières, c'est au salarié d'apporter non seulement des éléments de preuve de la réalité de l'inégalité, laquelle résulte le plus souvent des termes même de l'accord collectif, mais il lui faut aussi démontrer que cette différence de traitement est étrangère à toute considération de nature professionnelle.
En revanche, s'agissant du régime de la preuve des autres inégalités de traitement, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une inégalité et ensuite, le cas échéant, à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.
En l'espèce, au dernier état de la relation contractuelle, Mme [S] est classée au niveau II, échelon 3, indice 281 et ce depuis, le mois de décembre 2017.
Mme [S] établit qu'elle remplit la condition de diplôme pour le niveau III, échelon 1 de la convention collective applicable puisqu'elle est titulaire du titre professionnel de technicienne supérieure géomètre topographe option cabinet de géométrie depuis le 20 juillet 2009 et que ce diplôme est de niveau III de l'éducation nationale.
Les conditions, qui ne sont pas discutées par l'employeur dans ses moyens de défense, tenant à «'l'autonomie': est responsable de la bonne exécution de son travail, se contrôle et rend compte et à la fonction : Organise les travaux de sa spécialité'» sont jugées suffisamment remplies au vu des éléments produits par Mme [S], en particulier les curricula vitae produits en pièces n°7 et 8 décrivant précisément les missions exercées par la salariée ainsi que le descriptif de son poste depuis février 2013, dans le cadre de son travail au sein du CERN.
La seule condition que Mme [S] ne justifie pas remplir tient à l'exercice de fonctions de commandement.
Toutefois, si les éléments relatifs à M. [E] [X] [W], qui se prévaut de sa qualité de technicien de mesure avec la production d'un diplôme en ce sens de la circonscription régionale de Hannovre, en Allemagne, ne peuvent être pris en compte dès lors qu'il atteste avoir été employé par le CERN au service patrimoine sans qu'il soit précisé si son employeur est directement le CERN ou éventuellement la société Setis alors que l'égalité de traitement ne peut être invoquée qu'entre salariés d'une même entreprise, Madame [S] avance, comme élément de fait, que Mme [R], qui atteste en ce sens, a été employée par la société Setis d'avril 2010 à novembre 2017 en tant que technicienne et est, depuis janvier 2018, technicienne intérimaire dans le service de l'information et du patrimoine du CERN, dirigé par M. [J], et n'a jamais eu de personnel sous ses ordres.
Les deux salariées sont jugées dans une situation similaire, l'employeur ne développant aucun moyen critique à ce titre.
Or, la justification apportée par l'employeur, dans ses conclusions d'appel (page n°7), selon laquelle «'elle est libre de décider ou de consentir à un éventuel surclassement de l'un ou l'autre de ses collaborateurs, mais cette décision ne saurait, en toute hypothèse, valoir reconnaissance du bien-fondé des exigences de Mme [S]. A supposer qu'une telle décision soit prise, elle ne peut résulter que d'une volonté non équivoque de procéder à un tel surclassement qui ne saurait être imposé à l'employeur sans méconnaitre la portée et la teneur d'une convention collective dont les termes sont particulièrement clairs et non ambigus'» n'apparaît aucunement légitime pour expliquer une différence de traitement entre les deux salariées.
Il s'ensuit que pour ce motif, nonobstant le fait que Mme [S] ne justifie pas remplir le critère du commandement, à raison du principe d'égalité de traitement et de sa déclinaison à travail égal, salaire égal, il convient de lui reconnaître la classification de technicienne niveau III, échelon 1 par infirmation du jugement entrepris.
Elle a droit, par voie de conséquence, à un rappel de salaires depuis novembre 2015 jusqu'en mars 2022 au regard des minima conventionnels, selon le décompte produit en pièce n°30, à l'égard duquel l'employeur ne développe aucun moyen utile en défense, à hauteur de 16 755,41 euros bruts.
Il est également alloué à Mme [S], qui a entrepris de nombreuses démarches en amont avec son employeur pour obtenir un repositionnement, la somme de 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, le surplus de la demande étant rejeté.
Sur la démission alléguée de Mme [S]':
D'une première part, il appartient à celui qui se prévaut de la rupture du contrat de travail d'en rapporter la preuve.
D'une seconde part, la démission du salarié doit résulter d'une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail, de sorte qu'elle ne peut être présumée.
En l'espèce, le fait que Mme [S] ait déclaré, lors de l'audience des plaidoiries devant le conseil de prud'hommes, qu'elle ne voulait plus travailler avec la société Setis ne saurait constituer la preuve suffisante d'une volonté claire et non équivoque de sa part de démissionner dès lors qu'elle a, dans le même temps, maintenu ses prétentions au titre d'une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de son employeur, soit selon une rupture décidée par le juge.
Il s'ensuit qu'il convient de débouter la société Setis de sa demande reconventionnelle tendant à voir juger que le contrat de travail liant Mme [S] à la société Setis a été rompu à compter du jour où elle a cessé sa collaboration, au 3 décembre 2020.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail':
Conformément aux articles 1224 et suivants du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement, la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut demander au juge la résolution du contrat.
Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée.
En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, sauf si le salarié a été licencié dans l'intervalle de sorte qu'elle produit alors ses effets à la date de l'envoi de la lettre de licenciement.
Les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail et pour répondre à cette définition, les manquements invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais ils doivent de surcroît être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
En l'espèce, si, à la suite d'échanges entre les parties, la société Setis a proposé, par courrier du 03 septembre 2018, à Mme [S] de lui accorder une promotion au niveau III échelon 1, elle a limité la rétroactivité de sa demande au 01 juillet 2017 alors qu'il est jugé que Mme [S] était légitime en ses rappels de salaire depuis, à tout le moins, novembre 2015 de sorte que le manquement de l'employeur persistait au jour où les premiers juges et la cour d'appel ont eu à connaitre de la demande de résiliation judiciaire, nonobstant une proposition de l'employeur n'apparaissant satisfaire que de manière limitée aux revendications de la salariée.
Par ailleurs, le refus persistant de l'employeur participe d'une inégalité de traitement parfaitement injustifiée.
Il s'ensuit que les manquements de la société Setis apparaissent suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte qu'infirmant le jugement entrepris, il convient de prononcer à effet de la date du présent l'arrêt la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Setis, ladite rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les prétentions afférentes à la rupture':
Premièrement, dès lors que le contrat de travail est résilié aux torts de l'employeur, Mme [S] est fondée en ses prétentions au titre de l'indemnité de préavis, des congés payés afférents et de l'indemnité de licenciement, si bien que la société Setis est condamnée à payer à Mme [S] les sommes suivantes':
- Indemnité de licenciement': 5 990,57 € (après re-calcul : 11 ans et non 12 ans d'années d'ancienneté complète)
- Indemnité compensatrice de préavis (2mois)': 3 885,78 € bruts
- Congés payés afférents au préavis : 388,57 € bruts.
La demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés de 574,30 euros nets, pour laquelle aucun moyen au soutien n'est développé, ne peut qu'être rejetée purement et simplement.
Deuxièmement, au visa des articles L. 1235-3 et L 1235-3-2 du code du travail, au jour de la rupture du contrat de travail, Mme [S] a une ancienneté, préavis compris, de plus de 11 ans et un salaire de l'ordre de 2 020,66 euros, étant relevé que Mme [S] a calculé ses demandes au titre de la rupture sur la base du salaire non revalorisé au titre du repositionnement.
Il convient de lui allouer la somme de 21 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse et de la débouter du surplus de sa demande de ce chef.
Sur la demande indemnitaire pour procédure abusive':
Au visa des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, l'instance engagée par Mme [S], qui voit une partie significative de ses prétentions accueillies, ne saurait être qualifiée d'abusive, de sorte que la société Setis est déboutée de ce chef de demande.
Sur les demandes accessoires':
L'équité commande de condamner la société Setis à payer à Mme [S] une indemnité de procédure de 2 000 euros.
Le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile est rejeté.
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société Setis, partie perdante, aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi';
INFIRME le jugement entrepris
Statuant à nouveau,
REJETTE les fins de non-recevoir soulevées par la société Setis
REPOSITIONNE à compter de novembre 2015 Mme [D] [S] en qualité de technicienne niveau III, échelon 1 de la convention collective nationale des géomètres-topographes et experts fonciers
PRONONCE la résiliation judiciaire à la date du présent arrêt du contrat de travail liant Mme [D] [S] à l'EURL Setis, ladite rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNE la société Setis à payer à Mme [D] [S] les sommes suivantes':
- 16 755,41 euros (seize mille sept cent cinquante-cinq euros et quarante-et-un centimes) bruts à titre de rappel de salaire depuis novembre 2015 jusqu'en mars 2022
- 2000 euros (deux mille euros) nets au titre de l'exécution fautive du contrat de travail
- 5 990,57 euros (cinq mille neuf cent quatre-vingt-dix euros et cinquante-sept centimes) d'indemnité légale de licenciement
- 3 885,78 euros (trois mille huit cent quatre-vingt-cinq euros et soixante-dix-huit centimes) bruts d'indemnité compensatrice de préavis
- 388,57 euros (trois cent quatre-vingt-huit euros et cinquante-sept centimes) bruts au titre des congés payés afférents au préavis
- 21 000 euros (vingt-et-un mille euros) bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
DÉBOUTE Mme [D] [S] du surplus de ses prétentions au principal
DÉBOUTE la société Setis de sa demande reconventionnelle tendant à voir juger que le contrat de travail liant Mme [S] à la société Setis a été rompu à compter du jour où elle a cessé sa collaboration, au 3 décembre 2020
DÉBOUTE la société Setis de sa demande indemnitaire pour procédure abusive
CONDAMNE la société Setis à payer à Mme [D] [S] une indemnité de procédure de 2000 euros
REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société Setis aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente