C9
N° RG 19/02560
N° Portalis DBVM-V-B7D-KBQK
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
Me Amandine PHILIP
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 22 SEPTEMBRE 2022
Appel d'une décision (N° RG F17/01124)
rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 16 mai 2019
suivant déclaration d'appel du 14 juin 2019
APPELANTES :
SELAS MJS PARTNER, prise en la personne de M. [O] [F] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS OFFICE DEPOT FRANCE
[Adresse 9]
[Localité 7]
Société SCP ANGEL-[S], prise en la personne de M. [S] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS OFFICE DEPOT FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 13]
représentées par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me France LENAIN de l'AARPI BLM ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIME :
Monsieur [O] [N]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Amandine PHILIP, avocat au barreau de GRENOBLE
PARTIES INTERVENANTES :
S.E.L.A.R.L. BCM prise en la personne de M. [J] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société OFFICE DEPOT FRANCE
[Adresse 10]
[Localité 12]
S.E.L.A.R.L. A.J.C. prise en la personne de M. [R] ès qualités d'administrateur judiciaire de la société OFFICE DEPOT FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentées par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me France LENAIN de l'AARPI BLM ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS
CGEA - AGS D'[Localité 15]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 11]
défaillante
Société CGEA- AGS DE [Localité 6]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 6]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, présidente,
M. Frédéric BLANC, conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 juin 2022,
M. Frédéric BLANC, conseiller chargé du rapport, et Mme Blandine FRESSARD, présidente, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de M. Fabien OEUVRAY, greffier, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées ;
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 22 septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 22 septembre 2022.
EXPOSE DU LITIGE':
La SAS Office Dépôt France (la société) est spécialisée dans le secteur du commerce de détail.
M. [O] [N] (le salarié) a été engagé par la société en qualité de VRP au terme d'un contrat à durée indéterminée et à temps plein du 1er avril 1997.
Le 11 juillet 2002, le salarié a été promu aux fonctions de chargé de clientèle senior, statut cadre, pour une rémunération brute mensuelle de 4 600 euros ; il était également prévu au contrat une rémunération variable en fonction de la réalisation des objectifs. A compter de cette date, il a bénéficié du statut cadre, coefficient 450-2 (grands comptes) de la convention collective nationale des commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie du 15 décembre 1988.
Au titre de ses missions, un véhicule de fonction a été attribué au salarié, pour une utilisation professionnelle et personnelle.
M. [O] [N] a été placé en arrêt maladie à compter du 15 février 2016.
La société a convoqué M. [N] à un entretien préalable à licenciement par courrier recommandé du 10 octobre 2016. L'entretien s'est déroulé le 21 octobre suivant.
Par lettre recommandée du 26 octobre 2016, la société a notifié son licenciement à M. [O] [N] pour cause réelle et sérieuse à raison de l'utilisation de la carte carburant pendant ses arrêts maladie à des fins personnelles.
Par requête en date du 1er décembre 2017, M. [O] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble aux fins de contester son licenciement.
La SAS Office Dépôt France s'est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement en date du 16 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Grenoble a':
DIT le licenciement de M. [O] [N] sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SAS ETABLISSEMENTS Office Dépôt à payer à M. [O] [N] les sommes suivantes:
-29.000,00€ (vingt-neuf mille euros) en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-1.500,00 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du présent jugement,
DÉBOUTE M. [O] [N] du surplus de ses demandes,
DÉBOUTE la SAS Office Dépôt France de sa demande reconventionnelle,
ORDONNE à la SAS Office Dépôt France, en application de l'article L. 1235-4 du code du Travail, de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [O] [N], dans la limite de six mois,
DIT qu'une expédition certifiée conforme du présent jugement sera adressée par le greffe du Conseil à Pôle Emploi,
DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire,
CONDAMNE la SAS Office Dépôt France aux entiers dépens.
La décision a été notifiée par le greffe par LRAR dont les accusés de réception ont été signés le 17 mai 2019 par la SAS Office Dépôt France et le 27 mai 2019 par M. [O] [N].
Par déclaration en date du 14 juin 2019, la SAS Office Dépôt France a interjeté appel à l'encontre dudit jugement.
Par jugement en date du 5 février 2021, le tribunal de commerce de Lille a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Office Dépôt France, a désigné Me [O] [R] et la société BCM prise en la personne de Me [J] en qualité d'administrateurs judiciaires et la SELAS MJ Partners, représentée par Me [F] et la SCP Angel-[S], représentée par Me [P] [S] en qualité de mandataires judiciaires.
Par jugement en date du 28 septembre 2021, le tribunal de commerce de Lille a':
- prononcé la liquidation judiciaire simplifiée de la SAS Office Dépôt France
- maintenu M. [Z] [M] dans ses fonctions de juge commissaire
- nommé la SELAS M.J.S. Partners représentée par Maître [O] [F] et la SCP Angel-[S] représentée par Maître [P] [S] mandataires en qualité de liquidateurs.
- mis fin à la période d'observation.
- mis fin à la mission des administrateurs sauf pour les actes de cession si besoin.
Par acte en date du 8 juillet 2021 remis à personne s'étant déclarée habilitée à le recevoir, M. [O] [N] a appelé en intervention forcée à la procédure d'appel l'association CGEA AGS d'[Localité 15].
Par arrêt en date du 2 décembre 2021, la cour d'appel de Grenoble a':
- ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats
- invité les parties et en particulier M. [N], à l'initiative de l'intervention volontaire (erreur matérielle dès lors qu'il s'agit d'une intervention forcée) de l'organisme de garantie des salaires, non constitué, à ce qu'elles explicitent la compétence de l'UNEDIC délégation de l'AGS d'[Localité 15] alors que la société Office Dépôt France a fait l'objet d'une procédure collective ouverte au tribunal de commerce de Lille, soit sur un ressort territorial d'une autre association de garantie des salaires et le cas échéant, qu'il soit procédé, si besoin, à la mise en cause de l'organisme social susceptible d'être compétent territorialement
- renvoyé l'affaire à la mise en état
- réservé l'ensemble des prétentions au principal et accessoires
La SELAS MJS Partners et la SCP Angel-[S] ès qualités de liquidateurs judiciaires de la SAS Office Dépôt France s'en sont remises à des conclusions transmises le 29 avril 2022 et demandent à la cour d'appel de':
- Déclarer Office Dépôt France recevable et bien fondée en ses demandes,
- Donner acte de l'intervention de la MJS Partners et de la SCP Angel-[S] en leur qualité de liquidateurs,
- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 6 mai 2019 en toutes ses dispositions,
- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble le 16 mai 2019 en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande tenant au paiement de dommages et intérêts pour réparation du préjudice moral,
Statuant à nouveau :
- Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Déclarer opposable à l'AGS l'arrêt à intervenir
- Condamner M. [N] à payer à Office Dépôt France et aux organes de la procédure somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner M. [N] aux entiers dépens.
M. [P] [N] s'en est rapporté à des conclusions transmises le 21 octobre 2021 et entend voir':
- Dire et juger qu'aucun document n'interdisait à M. [N] d'utiliser sa carte carburant pendant son arrêt maladie
- Dire et juger qu'en tout état de cause, les faits imputés à M. [N] étaient prescrits lors de l'engagement de la procédure de licenciement
- Dire et juger que les faits imputés à M. [L] bénéficiaient en tout état de cause d'une tolérance de la part de la société Office Dépôt
- Dire et juger en outre que la sanction de licenciement prononcée est manifestement disproportionnée
- Dire et juger enfin que les faits imputés à M. [N] ne sont pas la cause réelle et sérieuse de son licenciement
EN CONSEQUENCE, CONFIRMER LE JUGEMENT DEFERE EN CE QU'IL A :
- Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [N] notifié par courrier du 26 octobre 2016
- Ordonné à la SAS Office Dépôt en application de l'article L1235-4 du code du travail, de rembourser aux organismes sociaux les indemnités chômage dans la limite de 6 mois
- Condamné la SAS Office Dépôt à régler à M. [O] [N] une somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC
REFORMER LE JUGEMENT DEFERE ET STATUANT A NOUVEAU :
- Condamner la société Office Dépôt à verser à M. [O] [N] les sommes suivantes :
- 99.102,96 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du CPH
- 33.034,32 € net, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du CPH
- Condamner la société Office Dépôt à verser à M. [O] [N] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC, outre aux entiers dépens
- Prononcer pour l'ensemble des condamnations une astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 9 ème jour suivant la décision, avec faculté pour le Conseil de liquider l'astreinte DECLARER OPPOSABLE à l'AGS la décision à intervenir,
- Dire et juger que l'AGS devra procéder à l'avance des créances visées par les articles L.3253-6 à L.3253-13 du Code du Travail ;
Par acte du 21 décembre 2021 remis à une personne s'étant déclarée habilitée à le recevoir, M. [O] [N] a fait assigner en intervention forcée l'association UNEDIC AGS CGEA de [Localité 6] aux fins de voir':
DECLARER M. [O] [N] recevable et bien fondé en sa demande d'intervention forcée du Centre de Gestion et d'Etudes AGS de [Localité 6] dans la procédure actuellement pendante devant la cour d'appel de Grenoble entre la SAS Office Dépôt France et M. [O] [N] suite à l'appel interjeté par la SAS Office Dépôt France contre le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Grenoble en date du 16 mai 2019
DIRE QUE, conformément aux dispositions de l'article 555 du code de procédure civile, l'évolution du litige justifie, en l'espèce, leur mise en cause dans la procédure pendante devant la cour de céans
DECLARER opposable la décision à intervenir du fait de la mise en redressement judiciaire prononcée par le tribunal de commerce de Lille Métropôle en date du 5 février 2021, sous le n°2021/58 au Centre de Gestion et d'Etudes de [Localité 6], unité déconcentrée de I'UNEDIC, en garantie des salaires et accessoires éventuellement dus par la SAS Office Dépôt France à M. [N]
LE DÉCLARER, en outre, bien fondé en cette demande ;
En conséquence,
DIRE ET JUGER qu'aucun document n'interdisait à M. [N] d'utiliser sa carte carburant pendant son arrêt maladie
DIRE ET JUGER qu'en tout état de cause, les faits imputés à M. [N] étaient prescrits lors de l'engagement de la procédure de licenciement
DIRE ET JUGER que les faits imputés à M. [N] bénéficiaient en tout état de cause d'une tolérance de la part de la société Office Dépôt France
DIRE ET JUGER en outre que la sanction de licenciement prononcée est manifestement disproportionnée
DIRE ET JUGER enfin que les faits imputés à M. [N] ne sont pas la cause réelle et sérieuse de son licenciement
En conséquence,
CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a :
- Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [N] notifié par courrier du 26 octobre 2016
- Ordonné à la SAS Office Dépôt France application de l'article L1235-4 du code du travail, de rembourser aux organismes sociaux les indemnités chômage dans la limite de 6 mois
- Condamné la SAS Office Dépôt France à régler à M. [O] [N] une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
REFORMER le jugement déféré
Et statuant à nouveau :
CONDAMNER la société Office Dépôt France par Maître [O] [F] et Maître [P] [S] à verser à M. [O] [N] les sommes suivantes :
- 99 102,96 € net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil, de prud'hommes
- 33 034,32 € net, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes
CONDAMNER la société Office Dépôt France représentée par Maître [O] [F] et Maître [P] [S] à verser à M. [O] [N] la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens
PRONONCER, pour l'ensemble des condamnations, une astreinte de 50€ par jour de retard à compter du 9ème jour suivant la décision, avec faculté pour le conseil de liquider l'astreinte.
L'association UNEDIC Délégation CGEA de l'AGS de [Localité 6] n'a pas constitué avocat.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.
La clôture'a été prononcée le 5 mai 2022.
EXPOSE DES MOTIFS':
Sur le licenciement :
D'une première part, l'article L 1332-4 du code du travail énonce que :
Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
La connaissance par l'employeur s'entend de celle de l'employeur ou de son représentant, et notamment du responsable hiérarchique du salarié auquel il est reproché une ou des fautes disciplinaires.
Lorsqu'un fait fautif a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur de rapporter lui-même la preuve qu'il n'a pas eu connaissance de ceux-ci dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire.
L'employeur peut sanctionner un fait fautif qu'il connaît depuis plus de deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature.
D'une seconde part, l'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
D'une troisième part, en vertu de l'article L 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement fixe les termes du litige.
D'une quatrième part, l'article L 1235-1 du code du travail dispose notamment que le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, premièrement, une partie des faits reprochés à M. [N] au titre de l'utilisation abusive de la carte carburant de l'entreprise a été commise entre le 10 août et le 10 octobre 2016 au vu du tableau figurant dans la lettre de licenciement pour cause réelle et sérieuse en date du 26 octobre 2016, de sorte qu'ils ne peuvent en aucun cas être atteints par la prescription.
Deuxièmement, de l'attestation de Mme [Y] [U], gestionnaire de flotte automobile, ainsi que des échanges de courriels des 14 et 15 septembre 2016, produits en pièces n°28 et 29 par les organes de la procédure collective suivie contre la société Office Dépôt France, il en est déduit que l'employeur, qui avait externalisé la gestion de son parc automobile et son suivi des frais afférents de carburant et de péages, n'a eu connaissance effective des faits reprochés à M. [N], antérieurs de plus de deux mois à l'engagement de la procédure de licenciement disciplinaire, soit pour ceux compris entre le 24 février 2016 et le 9 août 2016, qu'à la date du 15 septembre 2016 lorsque le prestataire extérieur, la société Parcours, a adressé à l'employeur le relevé des enlèvements de carburants pour le véhicule confié à M. [N] depuis le 15 février 2016'; ce qui permet de considérer que l'employeur, qui a dû faire une démarche pour obtenir ce listing, ne l'avait pas chaque mois à sa disposition immédiate.
Il s'ensuit que le moyen tiré de la prescription des faits fautifs est rejeté.
Troisièmement, quoique les règles afférentes à l'utilisation de la carte carburant ne visent pas expressément l'hypothèse de l'arrêt maladie, y compris dans les 11 premières pages de la charte véhicule VP produite aux débats par les organes de la procédure collective suivie contre la société Office Dépôt France, qui n'est effectivement pas l'exemplaire signé par M. [N] pour lequel il n'est versé aux débats, en pièce n°2, que l'ultime page n°12 de la charte dans sa version du 22 février 2013, il est jugé pour autant que le salarié a pu se convaincre qu'il n'y avait pas, si ce n'est une interdiction expresse, une autorisation de son employeur pour qu'il utilise ladite carte pendant son arrêt maladie au vu des mentions figurant sur le document de prise en charge carburant qu'il a signé le 7 juin 2013 puisqu'il est fait référence aux droits ouverts par la carte carburant hors CP, RTT et jours fériés et au fait que le salarié s'«'engage à respecter ces services uniquement dans le cadre professionnel'».
Par ailleurs, par courrier en date du 25 octobre 2016, reçu le 26 par l'employeur, M. [N] a indiqué que «'après explications et rappels sur les conditions d'utilisation de cette carte, je reconnais avoir fait preuve de négligence et utilisé la carte de manière inappropriée et non intentionnelle. Afin de clarifier encore mon état d'esprit, je confirme que j'ai utilisé cette carte en toute bonne foi, sachant que celle-ci est au nom d'Office Dépôt et qu'elle peut être contrôlée régulièrement ou à tout moment.'».
Pour autant, il est retenu, au vu des attestations d'anciens salariés ([A], [E] et [H]), non pas un usage insuffisamment caractérisé, mais une tolérance de l'employeur quant à l'utilisation de la carte carburant par les salariés pendant leurs arrêts maladie.
Contrairement à ce que soutiennent les organes de la procédure collective suivie contre la société Office Dépôt France, ces attestations comportent des énonciations parfaitement vérifiables ou réfutables puisque l'employeur pouvait parfaitement et aisément contrôler notamment si M. [N], avait ou non utilisé, comme il le soutient, sa carte carburant pendant un arrêt maladie en 2017-2018 ou le cas échéant, produire des sanctions/rappels à l'ordre de salariés sur une utilisation non-conforme à ce titre alors que d'autres salariés soutiennent l'avoir fait sans rencontrer de difficulté'; ce que les mandataires liquidateurs, ès qualités, s'abstiennent de faire.
Au regard de la tolérance de l'employeur, et en tout état de cause, compte tenu du caractère disproportionné de la sanction disciplinaire consistant en un licenciement d'un salarié qui avait plus de 19 ans d'ancienneté et indique, sans être démenti, n'avoir fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire antérieure, étant ajouté que M. [N] a adressé, par courrier reçu par l'employeur le même jour que la date figurant sur le courrier de licenciement, un chèque de remboursement de 1441,12 euros, soit du montant total des prélèvements indus sur la carte, que l'employeur a pour autant refusé et lui a retourné ultérieurement, il convient, sans qu'il y ait lieu d'analyser les faits non visés par la lettre de licenciement et d'entrer davantage dans le détail de l'argumentation des parties, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [N].
Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':
Premièrement, au visa de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au jour du licenciement, M. [N] établit qu'il avait plus de 19 ans d'ancienneté, un salaire de l'ordre de 5 500 euros bruts et qu'il a été indemnisé pendant une longue période par Pôle emploi, à tout le moins jusqu'en février 2020, et qu'il a créé une société immatriculée le 9 avril 2019 d'exploitation d'un fonds de commerce d'hôtellerie, restauration.
Au vu de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement entrepris et de fixer au passif de la procédure collective suivie contre la société Office Dépôt France au bénéfice de M. [N] la somme de 85 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le débouter du surplus de sa demande indemnitaire de ce chef.
Deuxièmement, M. [N] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral distinct qui ne serait pas d'ores et déjà indemnisé au titre de son licenciement déclaré sans cause réelle et sérieuse au motif que son poste aurait en réalité été supprimé et qu'en définitive, la véritable cause du licenciement serait économique.
Le jugement entrepris, qui l'a débouté de sa demande au titre du préjudice moral, est confirmé.
Troisièmement, la disposition du jugement au titre de l'article L 1225-4 du code du travail est purement et simplement confirmée.
Sur la garantie de l'AGS':
Il y a lieu de déclarer le jugement commun et opposable à l'AGS et de dire que l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA de [Localité 6], l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA d'[Localité 15] étant mise hors de cause, doit sa garantie selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt étant ajouté qu'en application de l'article L 3253-17 du code du travail tel que modifié par loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016, le plafond de garantie de l'AGS s'entend en montants bruts et retenue à la source de l'article 204 A du code général des impôts incluse.
Enfin, il convient de dire que les intérêts sur les sommes dues sont arrêtés au jour du jugement déclaratif par application de l'article L 622-28 du code de commerce.
Sur les demandes accessoires':
L'équité commande de confirmer l'indemnité de procédure de 1500 euros allouée par les premiers juges et de ne pas faire application complémentaire des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Office Dépôt France, partie perdante, aux dépens de première instance, et y ajoutant de dire qu'elle supportera également les dépens d'appel, lesdits dépens étant réglés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS':
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi';
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SAS Office Dépôt France à payer à M. [O] [N] la somme de 29 000€ (vingt-neuf mille euros) en réparation du préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
FIXE au passif de la procédure collective suivie contre la société Office Dépôt France au bénéfice de M. [O] [N] la somme de 85 000 euros (quatre-vingt-cinq mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
DÉBOUTE M. [O] [N] du surplus de sa demande au principal
MET hors de cause l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA d'[Localité 15]
DÉCLARE l'arrêt commun et opposable à l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA de [Localité 6]
DIT que l'UNEDIC délégation de l'AGS CGEA de [Localité 6] doit sa garantie dans les conditions des articles L 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail, étant précisé que les plafonds de garantie de l'AGS s'entendent en sommes brutes et retenue à la source de l'impôt sur le revenu de l'article 204 du code général des impôts incluse
DIT que les intérêts légaux sont arrêtés au jour du jugement déclaratif dans les conditions énoncées à l'article L 622-28 du code de commerce
DIT n'y avoir lieu à application complémentaire des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
DIT que les dépens d'appel seront réglés en frais privilégiés de procédure collective suivie contre la société Office Dépôt France
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Blandine FRESSARD, présidente et par Mme Carole COLAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente