La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/09/2022 | FRANCE | N°20/01064

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section a, 20 septembre 2022, 20/01064


C1



N° RG 20/01064



N° Portalis DBVM-V-B7E-KMHJ



N° Minute :

















































































Copie exécutoire délivrée le :





la SELARL LEXAVOUE [Localité 7] - [Localité 6]



Me Pascale HAYS

AU NOM DU PEUPLE FRANÃ

‡AIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 20 SEPTEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 18/00252)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 31 janvier 2020

suivant déclaration d'appel du 03 Mars 2020



APPELANT :



Monsieur [V] [O]

né le 29 Juin 1987 à [Localité 5] (69)

de nationalité Franç...

C1

N° RG 20/01064

N° Portalis DBVM-V-B7E-KMHJ

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE [Localité 7] - [Localité 6]

Me Pascale HAYS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 20 SEPTEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 18/00252)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VIENNE

en date du 31 janvier 2020

suivant déclaration d'appel du 03 Mars 2020

APPELANT :

Monsieur [V] [O]

né le 29 Juin 1987 à [Localité 5] (69)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Caroline PARIS de la SCP PARIS GIRAUD, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON, substituée par Me Jean-Christophe GIRAUD, avocat au barreau de LYON,

INTIMEE :

S.A.S. CERL, représentée par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège de la société,

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Pascale HAYS, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,

et par Me Philippe ROUSSELIN-JABOULAY de la SELARL ALCYACONSEIL SOCIAL, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Fanny TILLOY, avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 31 Mai 2022,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.

Puis l'affaire a été mise en délibéré au 20 septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L'arrêt a été rendu le 20 Septembre 2022.

Exposé du litige :

M. [O] a été engagé par la SAS CERL dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée conclu pour accroissement d'activité du 1er février au 30 avril 2013.

Le contrat à durée déterminée de M. [O] a été prolongé jusqu'en juillet 2013, en qualité de chargé de mission, sous le statut d'agent de maîtrise groupe 2.

Par contrat du 2 septembre 2013 à effet au 1er septembre 2013, M. [O] a été embauché en contrat à durée indéterminée en qualité de démarcheur 2e degré, sous le statut d'agent de maîtrise Groupe 2.

Le contrat de travail de M. [O] a été rompu le 27 décembre 2016 dans le cadre d'une rupture conventionnelle.

M. [O] a saisi le Conseil des prud'hommes de Vienne, en date du 23 décembre 2017 afin de solliciter le paiement d'heures supplémentaires, d'obtenir la compensation de déplacements professionnels, d'obtenir une compensation au titre des congés payés, du temps de repos et de la durée de travail ainsi que le paiement de la part variable de sa rémunération et afin de faire constater qu'il a été victime de travail dissimulé.

Par jugement du 31 janvier 2020, le Conseil des prud'hommes de Vienne a :

- Dit et jugé M. [O] partiellement bien-fondé en ses demandes.

- Condamné la SAS CERL à verser à M. [O] les sommes suivantes:

3 780,00 euros à titre de compensation pour déplacements professionnels,

874,79 euros à titre de rappel de salaire concernant la part variable correspondant à la commission annuelle de 2015, outre 87,47 euros au titre de congés payés afférents,

600,00 euros à titre de rappel de salaire concernant la part variable correspondant au bonus pour ouverture de compte de 2016, outre 60,00 euros au titre des congés payés afférents,

5 169,47 euros au titre du rappel de salaire concernant la part variable correspondant à la commission annuelle de 2016, outre 516,95 euros au titre des congés payés afférents,

2 000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Ordonné la remise des bulletins de paie et documents de fin de contrat régularisés, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du 30e jour suivant la notification de la présente décision et ce jusqu'à la date de remise effective des documents. Le Conseil de Prud'hommes de Vienne se réserve expressément le droit de liquider ladite astreinte,

- Rappelé que l'exécution provisoire est de droit en application des dispositions de l'article L. 1454-28 du Code du travail, ce dans la limite de 9 mois de salaire ;

- Fixé la rémunération mensuelle brute perçue par M. [O] à 7 297,20 euros.

- Rappelé que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes, en ce qui concerne les créances de nature salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les autres sommes allouées.

- Débouté M. [O] du surplus de ses demandes.

Débouté la SAS CERL de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

La décision a été notifiée aux parties et M. [O] en a interjeté appel.

Par conclusions du 8 avril 2022, M. [O] demande à la cour d'appel de :

- Le recevoir en son appel

- Le dire régulier et bien fondé

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Vienne du 31 janvier 2020 en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [O] aux fins de rappel des heures supplémentaires réalisées et non payées,

- Condamner la société CERL à payer à M. [O] la somme de 3 000,00 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires 2014, outre celle de 300,00 euros à titre de congés payés afférents,

- Condamner la société CERL à payer à M. [O] la somme de 3 300,85 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires 2015, outre celle de 330,08 euros à titre de congés payés afférents,

- Condamner la société CERL à payer à M. [O] la somme de 2 566,21 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires 2016, outre celle de 256,62 euros à titre de congés payés afférents,

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Vienne du 31 janvier 2020 en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. [O] au titre du travail dissimulé,

- Condamner la société CERL à payer à M. [O] la somme de 45 476,90 euros à titre de dommages et intérêts forfaitaire pour travail dissimulé (correspondant à 6 mois de salaire),

- Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Vienne du 31 janvier 2020 en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. [O] au titre du non-respect des temps de repos et des congés,

- Condamner la société CERL à payer à M. [O] la somme de 6 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles afférentes au repos et congés payés,

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Vienne du 31 janvier 2020 en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. [O] au titre du non-respect des durées maximales de travail et des règles d'amplitude,

- Condamner la société CERL à payer à M. [O] la somme de 6 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles d'ordre public afférentes aux durées maximales de travail et amplitude,

- Condamner la société CERL à verser à M. [O] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la même aux entiers dépens de l'instance.

- Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Vienne du 31 janvier 2020 pour le surplus.

- Juger mal fondé l'appel incident formé par la société CERL,

- Rejeter l'intégralité des demandes de la société CERL et donc l'en débouter,

Par conclusions en réponse du 20 septembre 2020, la SAS CERL demande à la cour d'appel de :

- Infirmer partiellement le jugement du Conseil de Prud'hommes de Vienne en ce qu'il a condamné la SAS CERL à verser à M. [O] les sommes suivantes:

3 780 euros à titre de compensation pour déplacements professionnels

874,79 euros à titre de rappel de salaire concernant la part variable correspondant à la commission annuelle de 2015, outre 87,47 euros au titre des congés payés afférents,

600 euros à titre de rappel de salaire concernant la part variable correspondant au bonus pour ouverture de compte de 2016, outre 60 euros à titre de rappel de salaire,

5 169,47 euros au titre de rappel de salaire concernant la part variable correspondant à la commission annuelle de 2016 outre 516,95 euros au titre des congés payés afférents,

2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Confirmer ledit jugement en ce qu'il a débouté M. [O] du surplus de ses demandes

Statuant à nouveau

- Débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes

- Le condamner à payer à la société CERL la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI,

Sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :

Moyens des parties :

M. [O] expose avoir réalisé des heures supplémentaires au cours des années 2014, 2015 et 2016, au-delà des 39 heures hebdomadaires, qui n'apparaissaient pas sur les bulletins de paie et qui n'ont donc pas été payées par son employeur :

- Chaque mois, l'employeur fixait une réunion commerciale à 13h30, pendant la pause déjeuner et organisait également une réunion trimestrielle au cours de la pause méridienne, de 12 heures à 14 heures. Il avait une activité professionnelle intense en dehors des horaires de travail contractuellement fixés.

- En sus de son activité commerciale, il devait s'assurer du paiement des clients, gérer le matériel de téléphonie et les relations avec les prestataires, assurer la gestion commerciale et palier aux absences des salariés qui n'étaient pas remplacés. L'employeur lui a confié la responsabilité d'un groupe de travail en charge de mettre en place de nouvelles procédures au sein de la société, mission qu'il réalisait tard le soir. Il a été impliqué dans un audit ayant conduit au suivi d'un séminaire et à des analyses poussées sur le développement des projets. Il devait réaliser des objectifs de plus en plus élevés en terme de prospection et rencontres clients.

- La société CERL développe son activité à l'international, de sorte que les commerciaux doivent exercer leur activité dans tous les pays du monde, ce qui entraîne des décalages horaires et impose des échanges en dehors des heures de travail avec les clients qui ne se trouvent pas sous le même fuseau horaire. Il accomplissait des tâches, tels le planning de travail et les courriers, en dehors des heures de travail.

- Lors de son embauche en 2013, le service commercial était doté de 6 commerciaux encadrés par un directeur commercial, tandis qu'à partir de 2015, il n'y avait plus de directeur commercial et il ne restait plus que deux commerciaux.

- Compte-tenu de la charge de travail supportée par lui et décidée par l'employeur, de la réorganisation réalisée, également du fait de l'employeur, et de la situation de sous-effectifs, du fait de l'employeur, celui-ci ne peut pas dire aujourd'hui que les heures réalisées n'étaient pas demandées, non plus qu'elles étaient inutiles.

Sur la prescription alléguée d'une partie de ses demandes M. [O] fait valoir que le contrat de travail a été rompu le 30 décembre 2016 et qu'il a saisi le Conseil des prud'hommes le 22 décembre 2017. L'action en paiement peut porter sur les trois années qui précèdent la rupture du contrat de travail et remonter jusqu'au 30 décembre 2013.

La société CERL soutient tout d'abord qu'une partie des demandes formulées par M. [O] au titre des heures supplémentaires sont prescrites en application de la prescription triennale applicable en matière de rappel de salaire. M. [O] ayant saisi le Conseil de prud'hommes le 22 décembre 2017, ses demandes peuvent seulement porter sur les trois années précédentes, soit à compter du 22 décembre 2014. Au surplus, en matière de rappel d'heures supplémentaires, la prescription triennale des salaires court à réception des bulletins de paie mensuels.

La société CERL conteste la réalité des heures supplémentaires et fait valoir que :

- Les salariés arrivaient autour de 8 heures sans que la direction ne soit particulièrement regardante sur les retards ponctuels. Ils avaient toute liberté pour prendre leur pause méridienne de 12 heures à 14 heures et vaquer à leurs propres occupations, soit en quittant les bureaux pour déjeuner à l'extérieur ou en se restaurant sur place selon les habitudes de chacun. Les employés du service commercial quittaient en fin de journée le bureau à 18 heures et le vendredi à 17 heures conformément à l'horaire collectif. M. [O] allait et venait dans lesdits créneaux horaires sans que sa présence n'ait été remarquée avant 8 heures ou en soirée comme il le prétend.

- M. [O] n'a jamais émis la moindre réclamation au titre d'heures supplémentaires non payées tout au long de sa collaboration ni même à l'occasion de la négociation de rupture conventionnelle et il ne démontre nullement avoir été contraint d'effectuer des heures supplémentaires à la demande de son employeur.

- Les tableaux récapitulatifs qui établissent un décompte journalier des heures travaillées ont été établis par M. [O] pour les seuls besoins de la cause et de manière fantaisiste sans le moindre support probatoire. En effet, les « calendriers d'activités » ne contiennent aucun rendez-vous commercial. Le volume de travail effectif dont il se prévaut n'est jamais démontré et il ne produit aucun élément de nature à établir que la société CERL lui aurait demandé de réaliser des heures supplémentaires.

- M. [O] a copié l'intégralité de sa boite mail lors de son départ de la société sur un support informatique de sorte qu'il a adopté un comportement constitutif de concurrence déloyale.

- L'envoi ponctuel d'un e-mail en dehors des heures de travail contractuelles ne démontre pas l'amplitude horaire du salarié et l'employeur affirme ne l'avoir jamais empêché de prendre sa pause méridienne.

- M. [O] soutient qu'il avait une activité commerciale intense et de nombreux déplacements alors qu'il souligne lui-même qu'un audit avait relevé un manque de visites de sa part.

- M. [O] n'a pas été sollicité durant ses congés et s'est de lui-même manifesté pour commenter des dysfonctionnements et donner son avis sur « les points à améliorer », avec une volonté non dissimulée de dépasser le cadre de ses missions en s'occupant de l'organisation du service.

- Il ne démontre pas qu'il était en charge de la gestion de la téléphonie mais qu'au mieux il s'impliquait spontanément dans le bon fonctionnement de la téléphonie et signalait les dysfonctionnements.

- La société CERL n'a jamais surchargé M. [O] de travaux ni demandé à ce dernier de se charger de taches dépassant ses fonctions, mais restait à l'écoute des suggestions pouvant améliorer le fonctionnement de l'entreprise.

Réponse de la cour,

Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Selon l'article L. 3121-27 du même code, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.

 

La durée légale du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-28 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile selon l'article L. 3121-29.

Selon l'article L. 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur des sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

S'agissant d'une demande de rappel de salaire, il y a lieu de retenir que celui-ci a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son action à la date de réception de son bulletin de salaire concernant le mois au cours duquel il a, selon ses dires, effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées, soit, sauf contestation du salarié sur ce point, dans la première partie du mois suivant.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription d'une partie de la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [O] a saisi le Conseil de prud'hommes de Vienne le 22 décembre 2017. Dès lors, il y a lieu de retenir que le salarié a eu connaissance de l'absence de paiement des heures supplémentaires effectuées au cours du mois de novembre 2014 au début du mois de décembre 2015, et de celles effectuées au cours du mois de décembre 2014 au début du mois de janvier 2015, dates à partir desquelles les sommes dues au titre de ces deux mois se trouvaient déterminées.

Compte tenu de la date de saisine de la juridiction prud'homale, le 22 décembre 2017, les demandes portant sur les heures supplémentaires effectuées jusqu'au mois de novembre 2014 sont prescrites, la demande ne pouvant porter que sur des heures supplémentaires à compter du mois de décembre 2014.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

Il est constant qu'aux termes du contrat de travail à durée indéterminée du 2 septembre 2013, la durée hebdomadaire de travail était fixée à 39 heures, soit 169 heures mensuelles, le salarié étant ainsi rémunéré pour 151,67 heures à taux normal, et pour 17,33 heures en tant qu'heures supplémentaires.

Le contrat de travail susvisé a fixé les horaires de travail du salarié de la manière suivante : de 8h00 à 12h00, puis de 14h00 à 18h00, à l'exception du vendredi où la fin de la journée de travail était fixée à 17h00. En outre, le contrat de travail prévoyait dans son article 4, que M. [O] « s'engage à observer les horaires de travail qui sont fixés par l'employeur et à se conformer aux directives et instructions émanant de la direction ».

Enfin, la SAS CERL allègue, sans être contredite, que ces horaires correspondaient à l'horaire de travail collectif de l'entreprise.

Pour étayer sa demande de rappel au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà de 39 heures hebdomadaires, le salarié produit les éléments suivants :

Des calendriers pour les années concernées,

Un grand nombre de courriels envoyés par le salarié en dehors de ses horaires de travail contractuels,

Un décompte hebdomadaire des heures supplémentaires alléguées sur les années concernées par sa demande,

Plusieurs courriels faisant état de plusieurs missions confiées au salarié par son employeur,

Des tableaux de suivi des résultats commerciaux du salarié,

Une note d'analyse de l'activité du salarié pour l'année 2014 indiquant que le nombre de visites du salarié est trop irrégulier pour permettre de tirer profit des efforts fournis par celui-ci, et posant des objectifs de visite pour l'année 2015,

Une copie d'écran d'un agenda électronique mentionnant une réunion trimestrielle entre 12h30 et 14h00,

Des relevés de notes de frais sur les années concernées par la demande.

S'agissant du décompte établi par le salarié, celui-ci se limite à indiquer le volume horaire qu'il allègue avoir réalisé chaque semaine, sans indiquer les horaires de prise de poste et de fin de poste pour chaque jour de travail.

Concernant les mails qui viendraient corroborer le décompte établi par M. [O], ces seuls courriels malgré leur nombre, s'ils montrent que le salarié pouvait se trouver à un moment défini devant son ordinateur, ne peuvent suffire à justifier d'une durée effective de travail sur le reste de la journée et démontrer en conséquence l'amplitude de travail et étayer l'accomplissement d'heures supplémentaires.

Au surplus, il ne ressort d'aucun des courriels produits que le salarié a été contraint à la demande de son employeur, de travailler en dehors des horaires définis dans son contrat de travail ou encore que le supérieur hiérarchique de M. [O] lui demandait de répondre à des demandes de manière urgente ou sans délai aux horaires auxquels ces courriels ont été envoyés.

S'agissant des calendriers produits, ceux-ci n'ont pas été remplis de manière manuscrite, et ne contiennent que les horaires de travail allégués par le salarié pour ses périodes de déplacement et pour les réunions de service, soit pour quatre jours par semaine au maximum. Au surplus, s'agissant des déplacements, le calendrier fait mention des horaires de déplacement, lesquels ne constituent pas nécessairement du temps de travail effectif.

S'agissant plus précisément des réunions de service qui se seraient tenues durant la pause méridienne, l'unique copie d'écran d'un agenda électronique faisant état d'une une réunion de service entre 12h30 et 14h00 ne peut suffire à établir la réalité de ces réunions et leur récurrence, cette copie ne faisant par ailleurs apparaître ni le nom du salarié, ni celui de la société.

S'agissant de la surcharge de travail alléguée par le salarié, et qui aurait engendré la réalisation d'heures supplémentaires, les éléments produits sont insuffisants pour convaincre la cour d'appel, qu'il ne lui était pas possible de réaliser les tâches qui lui étaient confiées dans le cadre de ses horaires de travail ou encore qu'il n'avait ainsi pas d'autre possibilité que d'effectuer des heures supplémentaires en travaillant en dehors de ses horaires contractuels.

En effet, le salarié ne produit aucune liste précise des tâches qui lui auraient été confiées par son employeur et du temps qu'il devait y consacrer en moyenne, ni aucun élément de comparaison avec d'autres salariés exerçant des tâches similaires aux siennes, permettant à l'employeur de répondre à son allégation de surcharge de travail, et à la cour d'appel de constater la réalité de cette surcharge.

Par ailleurs, le seul fait que l'employeur ait pu lui confier certaines tâches, en plus de ses tâches de prospection et de rencontres clients, ne peut suffire à établir la surcharge alléguée, faute pour le salarié de démontrer que ses tâches principales occupaient déjà la totalité de sa durée de travail, la cour rappelant en outre que l'employeur est dans l'obligation de fournir du travail au salarié et d'en contrôler l'exécution.

Enfin, la cour d'appel relève que le salarié ne soutient ni ne démontre avoir alerté son employeur de l'existence de la surcharge alléguée au cours de la relation contractuelle et de ses difficultés pour remplir ses missions sans réaliser des heures supplémentaires au-delà de la durée hebdomadaire prévue par le contrat de travail.

Au vu de ce qui précède, il convient de constater que les éléments produits par le salarié sont insuffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

M. [O] est débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, et le jugement entrepris confirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du travail dissimulé :

Moyens des parties :

M. [O] fait valoir qu'il a accompli de nombreuses heures supplémentaires qui ne figurent pas sur son bulletin de paie et que c'est volontairement que l'employeur lui a confié une charge de travail donnant lieu à réalisation d'heures supplémentaires et qu'il n'a pas procédé au paiement des heures supplémentaires réalisées. Il soutient que cette intention ressort :

- Des courriels, dont avait connaissance l'employeur, émis à des heures en dehors des horaires de travail.

- De ce que l'employeur lui-même imposait la tenue des réunions commerciales collectives pendant le temps de la pause méridienne.

Il expose également que l'intention frauduleuse ressort en outre de ce que l'employeur n'ignorait pas qu'il imposait des heures, en sus des 39 heures hebdomadaires, et qu'aucun bulletin de paie n'a jamais mentionné une heure payée, au-delà de 169 heures par mois. L'entreprise savait qu'il devait travailler plus que le temps contractuellement prévu et, partant, réaliser des heures supplémentaires. Or, elle a imposé et accru sa charge de travail, sans le rétribuer.

La société CERL fait valoir pour sa part que c'est sans aucun fondement que M. [O] sollicite le paiement d'une indemnité de six mois de salaire au titre du travail dissimulé. M. [O] a été intégralement rempli de ses droits en ce qui concerne le règlement des heures supplémentaires accomplies dans le cadre de l'exécution de sa mission et il ne rapporte pas le moindre élément de nature à établir que l'employeur aurait agi de manière intentionnelle.

Réponse de la cour,

Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. Pour allouer une indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. Mais ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Cette indemnité forfaitaire n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail. Elle est due quelle que soit la qualification de la rupture, y compris en cas de rupture d'un commun accord

Cette indemnité est cumulable avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture du contrat de travail, y compris l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou l'indemnité de mise à la retraite.

En l'espèce, il a été jugé que M. [O] ne présentait pas d'éléments suffisamment précis sur la réalisation d'heures supplémentaires qui auraient été effectuées en raison d'une surcharge de travail, permettant à l'employeur de répondre, et qu'aucun rappel de salaire à ce titre n'était dû.

Dès lors, la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé fondé sur la seule absence de mention des heures supplémentaires alléguées sur les bulletins de paie est nécessairement infondée.

Il y a lieu de rejeter la demande de M. [O] d'indemnité à ce titre, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur le respect de la durée maximale de travail et des temps de repos :

Moyens des parties :

M. [O] soutient qu'il a été contraint de travailler tard le soir de sorte qu'il n'a pas été en mesure de bénéficier de son temps de repos quotidien. Il n'a pu profiter de temps personnels et familiaux, ni se reposer, ce qui a mis en péril sa santé. L'employeur ne conteste pas qu'il devait travailler en dehors des horaires contractuels, parfois la nuit, pour échanger avec ses interlocuteurs situés à l'autre bout du monde. Il disposait d'un téléphone professionnel et l'employeur dispose donc des relevés téléphoniques qu'il pourrait produire pour contester sa demande, ce qu'il ne fait pas.

Il expose en outre que son employeur n'a pas respecté les règles afférentes aux temps de repos et congés payés, puisqu'il a travaillé pendant ses périodes de repos et pendant les congés légaux. Il allègue avoir été contraint de travailler les soirs et week-ends, en dehors de ses heures de travail, compte-tenu de la charge qu'il supportait, ce qui l'a conduit à ne pas bénéficier des temps de repos légaux de sorte qu'il a subi un préjudice. L'employeur n'a mis en place aucun dispositif pour s'assurer qu'il ne travaille pas pendant ses temps de repos pas plus qu'il ne lui a reproché de travailler pendant le week-end.

La Société CERL fait valoir que la demande de rappel d'heures supplémentaires de M. [O] étant infondée, il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des règles afférentes aux durées maximales de travail et d'amplitude. M. [O] procède par voie d'affirmation et n'apporte aucun élément pour justifier d'un non-respect par l'employeur des durées maximales de travail et d'amplitude.

La société CERL soutient que M. [O] se fonde sur un mail que ce dernier aurait envoyé au dirigeant de l'entreprise afin de faire valoir un non-respect des règles afférentes au repos et congés payés. Ledit mail ne répondait à aucune demande de sa part et n'avait aucun caractère d'urgence qui aurait contraint le salarié d'écrire à sa direction durant ses congés. Aucun élément ne vient corroborer la thèse de M. [O] selon laquelle son employeur le contraignait à travailler durant ses congés.

Réponse de la cour,

Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Selon l'article L. 3121-18 du code du travail, la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf :

1° En cas de dérogation accordée par l'inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret ;

2° En cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret ;

3° Dans les cas prévus à l'article L. 3121-19.

Selon l'article L. 3121-20 du même code, au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.

Selon l'article L. 3121-23 du même code, une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée hebdomadaire de travail de quarante-huit heures calculée sur une période de douze semaines consécutives, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée, calculée sur une période de douze semaines, à plus de quarante-six heures.

Aux termes de l'article 10 bis de l'accord du 30 mars 1951 relatif aux techniciens et agents de maîtrise Annexe III de la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, applicable au contrat de travail à durée indéterminée, la durée hebdomadaire moyenne de travail effectif, calculée par période de 12 semaines consécutives, ne peut excéder :

- 44 heures pour l'ensemble des personnels des services d'exploitation et les personnels administratifs dont l'activité est liée à celle du rythme des services d'exploitation ;

- 42 heures pour l'ensemble des personnels des services administratifs autres que ceux visés ci-dessus.

La durée moyenne maximale hebdomadaire de travail effectif calculée sur 12 semaines consécutives ne peut excéder 46 heures.

Toutefois cette durée moyenne est fixée à 44 heures administratifs dont l'activité est liée à celle du rythme des services d'exploitation.

Il est de principe que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont applicables ni à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne ni à la preuve de ceux prévus par les articles L. 3121-18 et L. 3121-20 du code du travail relatifs aux durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail, qui incombe à l'employeur.

Par ailleurs, il est de principe que le dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire applicable, en ce qu'il prive le salarié de repos, lui cause, de ce seul fait, un préjudice dès lors qu'il est ainsi porté atteinte à sa sécurité et à sa santé. Ainsi, le seul constat du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail ouvre droit à réparation.

En outre, selon l'article L. 3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret.

Selon l'article L. 3132-2, le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre 1er.

La société CERL, à laquelle la charge de la preuve du respect des durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail et des temps de repos, incombe, ne verse aux débats aucun élément permettant de constater que M. [O] n'a pas dépassé ces durées, comme il l'allègue dans ses écritures.

Or, il ressort des courriels que le salarié verse aux débats que ceux-ci ont été envoyés en dehors des horaires de travail contractuels, et, pour certains d'entre eux, durant la nuit, en raison, aux dires du salarié, du décalage horaire existant avec la localisation géographique de certains clients de l'entreprise, l'employeur ne contestant pas cette dernière allégation.

Il est sans incidence, aux fins de statuer sur le dépassement de la durée maximale de travail quotidien et hebdomadaire, qu'il ait pu être jugé, s'agissant de la réalisation d'heures supplémentaires, que le salarié n'apportait pas d'éléments suffisamment précis permettant à l'employeur de répondre, et ainsi M. [O] ait été, pour ce motif, débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

Faute pour l'employeur de rapporter la preuve qui lui incombe, il y a lieu de retenir, sur la base des éléments produits par le salarié, que le dépassement des durées maximales de travail effectif quotidienne et hebdomadaire n'ont pas été respectées, et qu'ainsi, il a été porté atteinte au droit au repos de M. [O].

Eu égard aux éléments versés aux débats par le salarié, le préjudice subi sera justement réparé par la condamnation de la société CERL à verser à M. [O] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, par infirmation du jugement déféré de ce chef.

Sur la demande au titre des déplacements professionnels :

Moyens des parties :

M. [O] fait valoir qu'il était amené régulièrement à effectuer des déplacements professionnels au-delà de ses horaires de travail, depuis son embauche et jusqu'à la rupture de son contrat de travail. Or, ce temps de déplacement n'a donné lieu à aucune contrepartie. La société CERL confond les temps de trajets et les temps de déplacements qui tiennent compte du lieu de résidence, et posent la question du temps normal pour rejoindre le lieu habituel d'exercice de l'activité.

La société CERL fait valoir que M. [O] a déménagé au cours de la relation contractuelle et qu'elle n'est pas responsable de la décision de ce dernier de changer son lieu de domicile et n'a aucune obligation légale ou contractuelle de compenser les 30 minutes de trajet supplémentaire que M. [O] devait faire pour rejoindre son lieu de travail qui n'a jamais changé.

Réponse de la cour :

Selon l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Selon l'article L. 3121-4 du même code, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

Il résulte de ces dispositions que le temps de trajet pour se rendre du domicile à son lieu habituel de travail ne constitue pas du temps de travail et ne peut pas faire l'objet d'une compensation financière, quelle que soit la durée de ce trajet.

En conséquence, il est sans incidence que le salarié ait pu déménager de son lieu d'habitation au cours de la relation de travail.

Il ressort des conclusions du salarié que son temps de trajet habituel pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel était de trente minutes environ, ce que la SAS CERL ne conteste pas.

Le temps de trajet effectué par le salarié pour se rendre sur le lieu d'exécution de son contrat de travail lorsqu'il ne s'agit pas de son lieu habituel de travail doit faire l'objet d'une compensation en repos ou en argent lorsqu'il est supérieur à trente minutes et lorsqu'il n'est pas effectué durant les horaires de travail du salarié.

Pour établir qu'il a effectué des déplacements entre son domicile et des lieux de travail autre que son lieu habituel de travail, M. [O] verse aux débats un tableau dans lequel figure pour chaque date, l'heure de départ de son domicile, la durée du trajet aller, la durée du trajet retour et l'heure d'arrivée à son domicile, ainsi qu'un calendrier informatique faisant apparaître les déplacements effectués dans le cadre de son travail.

M. [O] produit également les tableaux de ses notes de frais faisant apparaître, entre autres, des dépenses de gasoil et de péages aux dates auxquelles il allègue avoir effectué des déplacements pour se rendre sur le lieu d'exécution de sa prestation de travail dépassant la durée du trajet pour se rendre de son domicile à son lieu de travail habituel.

La SAS CERL ne conteste ni que le salarié ait effectué des déplacements à partir de son domicile vers un autre lieu que son lieu de travail habituel, ni le relevé précis, produit par le salarié. Elle ne conteste pas non plus les relevés des frais professionnels produits par le salarié, ni le fait qu'elle lui ait bien remboursé ces frais.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande de compensation financière formulée par le salarié, la SAS CERL ne soutenant pas que M. [O] aurait bénéficié d'une compensation en repos pour ces trajets.

L'indemnité de 30 Euros réclamée par le salarié pour chaque heure de trajet n'est pas contestée par la SAS CERL et ne semble pas disproportionnée par rapport à son salaire horaire, et au nombre d'heures de trajet effectuées. Il y a lieu par conséquent par confirmation du jugement entrepris, de condamner la SAS CERL à payer à M. [O] la somme de 3 780 euros à titre de compensation financière sur le fondement des dispositions susvisées de l'article L. 3121-4 du code du travail.

Sur la rémunération variable :

Moyens des parties :

M. [O] fait valoir que son contrat de travail prévoit une rémunération variable, ainsi qu'un bonus développement commercial et une prime spécifique à l'entrée de nouveaux clients. Il affirme qu'il n'a pas été rempli de ses droits à ce titre de sorte qu'il y a lieu à rappel de salaire.

L'employeur soutient que M. [O] a été rempli de ses droits. M. [O] a bénéficié d'un trop-perçu de commissions et est mal fondé à revendiquer un reliquat au titre des commissions de 2015. En effet, aucune disposition contractuelle ne prévoyait dans l'avenant l'application rétroactive de cette augmentation.

Réponse de la cour :

Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé. Le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail, ce qui implique que l'employeur est tenu de lui communiquer l'ensemble des bases de calcul nécessaires à la vérification.

Il ressort du contrat de travail à durée indéterminée du 2 septembre 2013 que le salarié devait percevoir une rémunération variable déterminée contractuellement de la manière suivante :

« A (la rémunération fixe) s'ajoute une rémunération variable liquidée chaque année civile et payable le 15 du mois de janvier suivant chaque année, calculée comme suit :

M. [V] [O] se verra attribuer un pourcentage sur la base de la marge brute encaissée définitivement pendant l'année sur l'ensemble de son portefeuille client maritime et aérien, au-delà de 2,2 fois le salaire brut mensuel :

5 % sur la tranche de la marge brute 0 ' 35 000 €

10 % sur la tranche de la marge brute 35 001 ' 75 000 €

12 % sur la tranche de la marge brute 75 001 ' 100 000 €

13 % sur la tranche de la marge brute dépassant 100 001 €

Cette règle est applicable dans la mesure où le taux de marge brute moyen mesuré sur l'année est supérieur à 12 %.

De plus, cette règle s'entend hors grands projets, dans le cas contraire, le commissionnement est divisé par deux.

Définition de la marge brute :

Par marge brute, on entend la différence entre : le chiffre d'affaires HT facturé et encaissé moins tous les débours du dossier, soit principalement factures fournisseurs, droits et taxes de douane, augmenté ou diminué des intérêts ou produits financiers.

Il est précisé par ailleurs que les éventuels impayés viendront en déduction de la marge brute.

M. [V] [O] bénéficiera d'un bonus « développement commercial » de 150 € bruts par ouverture de compte confirmé.

Est considéré comme ouverture de compte confirmée un nouveau client ou un client inactif depuis plus d'un an qui passe au moins 2 commandes dans un intervalle de temps de moins de 3 mois et permettant de dégager sur ces commandes une marge brute supérieure à 300 €.

La direction se réserve la possibilité, après consultation du commercial, de refuser des clients qui présentent une situation financière difficile ou font l'objet de renseignements financiers incertains.

Concernant l'étranger, le développement d'actions commerciales spécifiques est lié à l'accord préalable de la Direction.

Les frais de déplacement de M. [V] [O] occasionnés par son activité professionnelle seront remboursés par la société sur présentation de justificatifs et dans les conditions applicables au sein de la société CERL.

L'engagement de frais de réception de nature exceptionnelle est soumis à autorisation préalable de la Direction ».

Il est constant que par avenant du 30 septembre 2016, le pourcentage appliqué sur la marge brute dépassant 101 000 euros a été porté à 15 % et que cet avenant ne prévoit pas de date d'entrée en vigueur.

La SAS CERL ne conteste pas avoir appliqué le nouveau pourcentage à la marge brute réalisée au cours de l'année 2015, ceci ressort notamment d'un courrier en date du 7 mars 2017, dans lequel elle indique au salarié que : « la dernière tranche étant augmentée à votre demande de 2 % pour passer à 15 % par un avenant signé en date du 30 septembre 2016 et ayant été appliquée sur 2015 ». De même la grille de calcul des commissions trimestrielles des commerciaux pour l'année 2015 produite par le salarié fait explicitement apparaître le taux de 15 % pour la tranche de marge brute supérieure à 100 001 euros.

Il résulte de ces éléments que l'employeur a volontairement appliqué le nouveau pourcentage prévu par l'avenant dès l'année 2015, s'estimant donc tenu par les dispositions de cet avenant pour le calcul des commissions dues au titre de cette année.

Il ressort du calcul produit par le salarié que la SAS CERL a commis une erreur dans l'application du pourcentage de 13 à 15 % pour la tranche de la marge brute dépassant 100 001 euros sur l'année 2015.

L'employeur ne remet pas en cause l'exactitude de la marge brute et de la franchise qu'il a lui-même retenues pour procéder au calcul de la commission trimestrielle, et ne produit aucun calcul venant contredire celui du salarié, la cour relevant par ailleurs que la grille de calcul établie par l'employeur ne contient aucune ventilation des sommes dues au titre de chacune des tranches de pourcentage.

En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire formulée à ce titre par M. [O], en condamnant la SAS CERL à lui payer la somme de 874,79 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2015, outre une indemnité compensatrice de congés payés y afférents d'un montant de 87,48 euros, par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

S'agissant de la commission portant sur le premier trimestre de l'année 2016, la SAS CERL ne remet pas non plus en cause l'exactitude de la marge brute et de la franchise qu'elle a retenue pour calculer la commission due au salarié et ne produit aucun calcul venant contredire celui du salarié.

En conséquence, il y a lieu de condamner la SAS CERL à payer à M. [O] la somme de 1 375,72 euros à titre de rappel de salaire sur la commission due au titre du premier semestre de l'année 2016, outre 137,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

S'agissant de la commission portant sur le second trimestre de l'année 2016, la SAS CERL ne conteste pas la marge brute que le salarié soutient avoir réalisée et ne produit aucun calcul contredisantcelui de M. [O] sur la base du cahier d'exploitation commercial dont il verse une copie aux débats.

Dès lors, il y a lieu de faire droit à sa demande de rappel de commission pour le second trimestre de l'année 2016, en condamnant la SAS CERL à lui payer la somme de 3 193,75 euros à titre de rappel de commission, outre 319,18 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

Au titre des commissions de l'année 2016, il y a donc lieu de condamner la SAS CERL à payer à M. [O] la somme totale de 4569,47 euros, outre 456,94 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

Le jugement entrepris, qui contient une erreur matérielle dans le calcul des commissions dues au titre de l'année 2016, est en conséquence infirmé sur le quantum de la condamnation.

Enfin, s'agissant du rappel de salaire au titre du bonus « développement commercial », la SAS CERL ne conteste pas l'allégation de M. [O], selon laquelle les clients Reyes Constructions, Marine Tech, Legras et Eie Guerrier constituent des nouveaux clients au sens des dispositions susvisées du contrat de travail, le salarié étayant son allégation par la production du cahier d'exploitation commerciale pour les années 2015 et 2016.

Faute pour la SAS CERL de verser aux débats des éléments venant contredire l'allégation du salarié, et compte tenu de la pièce produite, dont l'employeur ne conteste pas l'authenticité, il y a lieu de condamner la SAS CERL à payer à M. [O] la somme de 150 euros par ouverture de compte confirmé, conformément aux dispositions contractuelles, soit un total de 600 euros à titre de rappel de bonus « développement commercial », outre 60 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

Le jugement entrepris est confirmé de ce chef de condamnation.

Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu de condamner la SAS CERL à remettre à M. [O] un bulletin de salaire et les documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Le jugement entrepris est en conséquence infirmé de ce chef.

Le jugement entrepris est confirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.

La SAS CERL, partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [O] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

DIT que la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires est prescrite pour la période antérieure au mois de décembre 2014,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf :

en ce qu'il a condamné la SAS CERL à payer à M. [V] [O] la somme de 5169,47 euros à titre de rappel de salaire au titre de la part variable correspondant à la commission annuelle de l'année 2016, outre 516,95 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

en ce qu'il a ordonné la remise des bulletins de paie et documents de fin de contrat régularisés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30e jour suivant la notification de la présente décision et ce jusqu'à la date de remise effective des documents,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la SAS CERL à payer à M. [V] [O] les sommes suivantes :

4569,47 euros à titre de rappel de commissions trimestrielles au titre de l'année 2016, outre 456,94 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail effectif,

CONDAMNE la SAS CERL à remettre à M. [V] [O] un bulletin de paie et les documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision,

Y ajoutant,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la SAS CERL à payer à M. [V] [O] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la SAS CERL aux dépens d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section a
Numéro d'arrêt : 20/01064
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;20.01064 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award