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20/09/2022 | FRANCE | N°18/00924

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chbre des aff. familiales, 20 septembre 2022, 18/00924


N° RG 18/00924 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JNJ3



C6



N° Minute :





































































Copie Exécutoire délivrée

le :











à



Me Alain GONDOUIN



la SELAFA AVOCAJURIS













AU NOM DU PEU

PLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES



ARRET DU MARDI 20 SEPTEMBRE 2022







APPEL

Jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Valence, décision attaquée en date du 4 janvier 2018, enregistrée sous le n° 16/03240 suivant déclaration d'appel du 22 février 2018



APPELANTES :

Mme [N] [L] épouse [K]

née le 25 Avril 1956 à [Localité 13] (...

N° RG 18/00924 - N° Portalis DBVM-V-B7C-JNJ3

C6

N° Minute :

Copie Exécutoire délivrée

le :

à

Me Alain GONDOUIN

la SELAFA AVOCAJURIS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE DES AFFAIRES FAMILIALES

ARRET DU MARDI 20 SEPTEMBRE 2022

APPEL

Jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Valence, décision attaquée en date du 4 janvier 2018, enregistrée sous le n° 16/03240 suivant déclaration d'appel du 22 février 2018

APPELANTES :

Mme [N] [L] épouse [K]

née le 25 Avril 1956 à [Localité 13] (26)

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 6]

Mme [B] [L] épouse [Z]

née le 20 Juin 1942 à [Localité 13] (26)

de nationalité Française

[Adresse 17]

[Localité 8]

toutes deux représentées et plaidant par Me Alain GONDOUIN, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMES :

M. [I] [L]

né le 1er Mars 1946 à [Localité 13] (26)

de nationalité Française

[Adresse 16]

[Localité 5]

représenté par Me Roland DARNOUX, avocat au barreau d'ARDECHE

M. [X] [O]

né le 12 Octobre 1967 à [Localité 15] (26)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 7]

NON REPRESENTE

Mme [E] [O]

née le 23 Janvier 1972 à [Localité 15] (26)

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 7]

NON REPRESENTEE

PARTIES INTERVENANTES VOLONTAIRES :

Mme [M] [T] épouse [L]

de nationalité Française

[Adresse 16]

[Localité 5]

représentée par Me Roland DARNOUX, avocat au barreau d'ARDECHE

Mme [D] [L] épouse [F]

née le 1er Mars 1946 à [Localité 13] (26)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 9]

représentée par Me Alain GONDOUIN, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DELIBERE :

Mme Anne BARRUOL, Présidente,

Mme Martine RIVIERE, Conseillère,

M. Philippe GREINER, Conseiller honoraire,

DEBATS :

A l'audience publique du 24 mai 2022, M. Philippe Greiner, conseiller, chargé du rapport, assisté de Mme Abla Amari greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et Me Gondouin en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées, conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile. Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu à l'audience de ce jour.

Vu l'arrêt du 5 février 2020 auquel la présente décision se rapporte pour l'exposé des faits et de la procédure ;

Dans son rapport du 10 mai 2021, Maître [P] aboutit aux conclusions suivantes :

- un hangar a été construit après la donation partage et n'est pas concerné par l'expertise ;

- un bâtiment sur la parcelle sise à [Adresse 14] cadastrée section A

n° [Cadastre 3] a été agrandi et aménagé ; la partie existante lors de la donation partage était dans un état sommaire et sa valeur est de 103.000 euros ;

- la parcelle [Cadastre 3], qui supporte le hangar et un agrandissement à usage de bergerie doit être estimée pour une valeur agricole, l'autorisation de construire délivrée à M. [I] [L] ne l'ayant été qu'au regard de sa qualité d'agriculteur ;

- le bâtiment sur la parcelle [Cadastre 12] sera évalué sur la base de 500 euros/m² concernant les dépendances et la partie habitation nécessite de lourds travaux de rénovation, pour une valeur de 222.000 euros ;

- la valeur des biens immobiliers, parcelles agricoles incluses, est de 356.488,25 euros au titre des biens propres et de 8.511,35 euros pour les biens communs ;

- concernant la succession de M. [L], la valeur des biens au jour du partage est de 421.537,30 euros et celle des biens communs de 13.531 euros, ces revalorisations ayant été réalisées d'après la cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2019 ;

- les époux [I] [L] ont bénéficié d'une créance de salaire différé qui doit être considérée comme ayant été réglée par une dation en paiement du fait de la donation partage ;

- la valeur des libéralités au jour du décès s'élève à 360.743,92 euros :

- la valeur des biens au jour du partage est de 428.302,80 euros (succession du père) et de 6.765,50 euros (succession de la mère) ;

- en définitive, l'indemnité de réduction due à chaque héritier réservataire est de 14.517,75 euros , dont il convient de déduire la valeur de la parcelle [Cadastre 2] pour celui qui en sera attributaire.

Dans leurs conclusions n° 2 après expertise du 9 février 2022, Mmes [N] [K], [B] [Z] et [D] [L] demandent à la cour de :

- dire irrecevables, vu l'article 122 du code de procédure civile, les demandes de [I] [L], dont il a déjà été débouté au titre de soins incontestables à sa mère ;

- débouter M. [I] [L] de tous ses moyens de contestations comme se heurtant à l'autorité de la chose précédemment jugée dans l'arrêt avant dire droit ;

- débouter M. [I] [L] de sa prétendue demande au titre des soins donnés, qui sont totalement inexistants ;

- prendre acte de ce que Mme [K] renonce à l'attribution de la parcelle qui n'a aucune valeur ;

- juger, vu les textes régissant l'expertise, que l'experte a outrepassé sa mission et proposé un calcul erroné violant l'article 16 du code de procédure civile, alors que par hypothèse, l'acte de donation partage leur était inopposable concernant le calcul de l'indemnité de réduction ;

- juger que l'experte n'a en réalité pas rempli sa mission, qu'elle y a ajouté de manière non contradictoire un mode de calcul totalement erroné sur la base de l'action en réduction d'où le fait que ces calculs sont faux et inexploitables et doivent être écartés ;

- juger qu'il y a lieu à annuler le rapport d'expertise qui n'a pas respecté le principe du contradictoire, l'experte ayant en outre inventé des règles de liquidation-partage totalement injustifiées en prétendant qu'il y aurait eu une dation en paiement par l'effet d'une créance de salaire différée alors que l'acte n'est pas un acte de dation en paiement et que les comptes doivent être légalement rétablis conformément à l'arrêt du 5 février 2020 et que l'action en réduction doit par nature être calculée indépendamment de la créance de salaire différé, ce qu'avait demandé l'arrêt du 5 février 2020 ;

- en conséquence, annuler le rapport pour violation du principe du contradictoire en ce que l'experte n'a pas fait connaître en temps utile son interrogation erronée au Cridon qui a rendu lui-même un avis erroné qu'elle n'a en outre pas suivi, se comportant en outrepassant sa mission en juge du fond ;

- vu l'article 6§3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, vu le défaut d'impartialité de l'experte, annuler le rapport d'expertise sur le mode de calcul erroné de l'action en réduction ;

- juger en constatant qu'a minima le total de la masse de calcul des successions [L] confondues est de 435.068,83 euros sur laquelle il faut liquider l'indemnité provisionnelle de réduction, M. [L] n'ayant droit qu'à un quart, doit 108.767,21 euros, l'indemnité de réduction devant être fixée à 326.301,62 euros ;

- condamner M. [I] [L] à leur verser une indemnité de réduction d'un montant total de 326.301,62 euros, outre 40.000 euros de terres agricoles, soit une indemnité globale de 358.301,62 euros ;

- condamner M. [I] [L] à leur verser cette indemnité, outre intérêts au taux légal capitalisé depuis le 22 mai 2018, date de la demande par conclusions, soit 89.575,41 euros pour chacune des concluantes, à titre provisionnel ;

- désigner un nouvel expert pour évaluer les biens contestés, à savoir le bâtiment section [Cadastre 3] et pour vérifier la constructibilité des parcelles de terrain situées à [Localité 5] ;

- juger qu'il y a lieu à réintégration d'une valeur de 150.000 euros pour ces terrains potentiellement constructibles puisqu'intégrés au hameau de [Localité 5] ;

- juger concernant la valorisation du bâtiment sur la parcelle Sud, à savoir la maison d'habitation principale de [I] [L], et ses annexes aménagées et aménageables à usage d'habitation, que la valeur doit être fixée à 251.000 euros au lieu des 103.000 manifestement sous-évalués par l'expert, vu les photographies prises par l'experte, qui démontrent que la valeur de cette maison habitable ne peut qu'être inférieure à l'autre maison évaluée à 222.000 euros et augmenter en conséquence la valeur de l'actif à partager et juger qu'il y a lieu d'augmenter en proportion l'indemnité de réduction ;

- réserver la liquidation complémentaire de l'indemnité de réduction sur cette base complémentaire des évaluations à effectuer par un nouvel expert qui sera désigné par la cour par suite de l'annulation du précédent rapport ;

- juger sur les demandes réservées par l'arrêt du 5 février 2020 sur le rapport des revenus nets de l'exploitation, les donations indirectes et les indemnités d'occupation, vu l'absence de participation de Mme [B] [L] à l'acte de donation partage et l'absence d'exécution de tout partage et le paiement de quelconque soulte par M. [L] à ses soeurs, bien fondées les demandes de réduction des libéralités ;

- juger que en présence de cinq enfants, les parents [L] ne pouvaient pas disposer de plus d'un quart de leurs biens ;

- juger que l'acte de donation n'est pas sincère et que le prix de la propriété qui était fixé ne correspondait pas à la valeur réelle de 1973, ce que ne conteste pas l'expert qui n'a pas rempli sa mission sur ce point, la valeur de la propriété de la donation partage étant manifestement dérisoire et frauduleuse pour léser les concluantes ;

- juger en tout état de cause les stipulations de l'acte de la donation partage concernant la liquidation du salaire différé erronées et totalement inopposables aux concluantes qui n'ont pas participé à l'acte de partage et ce, sur le fondement des articles 1165 ancien devenu 1103 du code civil ;

- leur déclarer inopposables les stipulations de l'acte de partage qui sont frauduleuses au visa de l'article 860 du code civil qui dispose que le rapport à la succession est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage et sur le fondement de l'article 843 du code civil sur le rapport à la succession qui impose le rapport de la valeur des biens ;

- juger au surplus que la liquidation était frauduleuse et non fondée notamment car y étaient intégrées les périodes de service militaire de M. [L] et que toutes les concluantes ont également travaillé sur l'exploitation agricole et qu'elles avaient droit à une créance de salaire différé qui n'a jamais été liquidée dans l'acte pour frauder leurs droits ;

- juger sur le salaire différé que l'acte n'avait pas liquidé la créance de salaire différé à la somme de 48.275 francs, soit la somme de 7.360 euros, liquidation déjà erronée et frauduleusement majorée et qui ne peut servir de base légalement à une clé de répartition du partage des biens pour respecter les articles 921, 922, 912, 913 et 860 du code civil puisque la liquidation n'en a pas été demandée dans les 5 ans du décès de M. [A] [L], qui est dès lors irrecevable à se prévaloir des stipulations de l'acte ;

- juger prescrite la demande de salaire différé qui n'a pas eu lieu dans les 5 ans du décès de [A] [L] et juger en tout état de cause qu'elle ne peut pas fonder une règle de calcul de l'action en réduction ;

- juger qu'il n'y a donc pas lieu de prendre en compte cette créance de salaire différé, que l'acte n'était pas une dation en paiement et que le calcul proposé par la notaire est donc faux quant à la clé de répartition erronée en droit ;

- vu l'article 815-10 sur les revenus de l'exploitation agricole, juger que, conformément aux dispositions de l'article 815-10 du code civil, M. [I] [L] sera redevable des revenus nets de l'exploitation desdits biens et ce depuis 1973, qui seront fixés à 15.000 euros annuel, soit 260.000 euros au total et a minima 10 ans de revenus nets, ce qui compense plus que largement la prétendue créance de salaire différé de 7.360 euros contestée, outre une indemnité d'occupation mensuelle de 1.500 euros depuis le décès de sa mère ;

- le débouter de ses demandes au titre des factures qu'il a présentées, dont il n'est nullement justifié qu'elles soient rattachables et soient des impenses nécessaires pour l'indivision, ainsi que l'avait déjà jugé l'arrêt du 5 février 2020 ;

- juger que le prétendu allotissement par la parcelle [Cadastre 2] ne pouvait constituer une modalité de partage équitable, s'agissant de bois et landes totalement inaccessibles et sans valeur, l'experte agricole, Mme [R], ayant confirmé que cette parcelle ne valait que 420 euros et ne pouvait donc remplir de ses droits les concluantes, ce qui démontre au contraire le caractère frauduleux de l'acte de donation-partage fait sciemment pour léser gravement les droits des héritiers réservataires en faisant croire à tort que la quotité disponible aurait été préservée ;

- condamner M. [I] [L] au paiement de la somme de 246.000 euros au titre des revenus nets et de l'indemnité d'occupation des biens et des donations indirectes puisque sa mère avait payé tous les frais des biens indivis de 1973 à son décès, alors que ces charges lui incombaient et qu'il s'agissait donc de donations indirectes à réintégrer à l'actif de la succession ;

- le condamner à payer une indemnité d'occupation de 1.500 euros mensuels depuis le décès de Mme Veuve [L] en 2014 jusqu'au partage ;

- juger qu'à défaut de paiement de l'indemnité de réduction, dans les 2 mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, il y a lieu à la vente aux enchères publiques de l'intégralité des biens, désigner M. Le bâtonnier de l'ordre des avocats de Valence afin de procéder à la vente aux enchères sur licitation de l'ensemble des biens immobiliers objet de la donation-partage ;

- ordonner à M. [I] [L] de communiquer tous les comptes et toutes les assurances vie dont il a été bénéficiaire qu'il devra réintégrer à la succession, Mme [L] ne pouvant avoir que 7.000 euros au jour de son décès ;

- juger que M. [I] [L] sera exclu de sa part sur le fondement de l'article 778 du code civil sur les donations indirectes et sur les fonds d'assurance-vie et liquidités qu'il a recelés ;

- ordonner la communication des comptes bancaires de la défunte détenus par M. [I] [L] qui a seul prélevé toutes les disponibilités de la défunte qui doivent être réintégrées au partage ;

- condamner M. [I] [L] au paiement de 6.000 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses conclusions après expertise du 21/12/2021, M. [I] [L] demande à la cour de :

- débouter les appelantes de leur demande d'annulation de l'expertise ;

- retenir les sommes réclamées dans le cadre de l'expertise judiciaire au titre de l'indemnité de réduction ;

- dire toutefois n'y avoir lieu à règlement au regard des soins donnés par M. [L];

- dire que la parcelle restante de la succession remplit Mme [K] de ses droits;

- débouter les appelantes de leurs demandes et les condamner au paiement de 5.000 euros au titre des frais visés à l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Il expose en substance que :

- c'est après la donation qu'il a pu entreprendre des travaux de rénovation et permettre à la famille de poursuivre ses activités ;

- il a assuré avec l'aide de son épouse, l'hébergement et les soins des parents ;

- ce n'est que 33 ans après la donation que les appelantes en contestent le bien-fondé sur la base d'évaluations inexactes ;

- la valeur actuelle de la propriété résulte uniquement de son travail ;

- le coût des soins moyens en maison de retraite soit 36.000 euros/an sur les dix dernières années de vie de leur mère est supérieur au montant des indemnités auxquelles les appelantes peuvent prétendre.

Les consorts [O], qui viennent par représentation de leur mère [C] [O], n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du rapport d'expertise

Les appelantes font valoir en substance que l'expert a consulté le Cridon pour savoir si la créance de salaire différé de [I] [L] avait ou non fait l'objet d'une dation en paiement à l'occasion de la donation-partage et qu'en procédant ainsi, sans en informer immédiatement les parties, il a agi de façon non contradictoire.

La mission conférée à l'expert était double. D'une part, il devait être procédé à l'évaluation des biens dont les parents [L] étaient propriétaires, d'après leur état à l'époque de la donation partage et leur valeur au 22 octobre 2014. D'autre part, l'indemnité de réduction éventuellement due devait être calculée.

Or, pour ce faire, il est apparu que l'acte de donation partage du 6 octobre 1973 comprenait une créance de salaire différé. Il fallait donc, pour que l'expert puisse procéder au calcul de l'indemnité de réduction, que soit déterminé le statut juridique de cette créance. L'expert, en consultant le Cridon sur ce point particulier, n'a fait que respecter les termes de la mission qui lui avait été confiée. Cette consultation à elle seule, n'est ainsi pas de nature à entraîner la nullité, même partielle, du rapport d'expertise, la consultation litigieuse n'ayant porté que sur un point particulier, sa remise en cause ne pouvant en conséquence remettre en question l'entier rapport.

Par ailleurs, le rapport est tout à fait explicite sur le raisonnement suivi par l'expert pour le calcul des droits respectifs des parties. Le rapport ne liant pas le juge, et étant soumis à la discussion des parties, alors surtout que l'avis du Cridon a été annexé au rapport, l'expert pouvait ainsi considérer, cela étant son avis personnel, que la créance de salaire différé avait pu régulièrement être intégrée dans l'acte de donation partage et avoir été réglée par une dation en paiement.

Le seul fait que les appelantes soient d'un avis juridique différent sur ce point est inopérant pour rendre irrégulier le rapport d'expertise, les parties ayant été à même, devant la cour, de faire valoir tous arguments juridiques et de fait utiles. Il sera observé à cet égard que, une fois le rapport du Cridon porté à la connaissance des parties, celles-ci ont pu formuler des observations auprès de l'expert, qui y a répondu par courrier annexé au rapport. Ainsi, le contradictoire a été respecté.

Enfin, l'expert a procédé à une visite approfondie des lieux et a recouru aux services d'un sapiteur spécialiste en matière de propriétés agricoles, pour parvenir à une estimation de la valeur des biens en cause.

Dans ces conditions, la demande d'annulation de l'expertise sera rejetée.

Sur la créance de salaire différé

L'acte de donation partage du 6 octobre 1973 stipule page 3 que 'les parties déclarent qu'il s'est formé entre eux un contrat de travail à salaire différé (..). Compte tenu du temps de collaboration ci-dessus, la créance de salaire différé des époux [L]-[T] ressort à la somme de 48.275 francs. Usant de la faculté qui leur est réservé par le premier alinéa de l'article 67 du décret loi du 29 juillet 1939, les donateurs entendent remplir leur fils de sa créance de salaire différé à l'occasion de la présente donation-partage'.

Il en résulte que d'une part, a été reconnue l'existence d'une créance de salaire différé au bénéfice de [I] [L], dont la présence sur l'exploitation n'est pas contestée sérieusement, ce qui exclut toute fraude et d'autre part, que cette créance a été réglée dans l'acte.

Ainsi, il est indiqué page 4 que, 'pour l'établissement des droits des donataires, les parties déclarent que l'ensemble des biens appartenant aux donateurs est d'une valeur de 62.275 francs' soit, après déduction de la créance de salaire différé, une valeur nette des biens de 14.000 francs.

Ces valeurs, comme la créance de salaire différé, ne peuvent plus aujourd'hui être remises en cause, la cour, dans son arrêt susvisé, ayant confirmé le jugement du 4 janvier 2018 en ce qu'il a débouté Mmes [K] et [Z] de leur demande en nullité de l'acte de donation-partage.

C'est donc exactement que l'expert, pour procéder au calcul des droits des parties, a considéré que des biens avaient été donnés à [I] [L] en règlement de sa créance de salaire différé, et que ceux-ci ne faisaient pas partie intégrante de la masse à partager.

Sur l'évaluation des biens

* le bâtiment sis sur la parcelle [Cadastre 3]

Il comprend au rez-de-chaussée des box à destination de garage, atelier et chèvrerie et au 1er étage, des pièces à usage d'habitation. Au moment de la donation partage, celles-ci avaient une superficie de 50 m², n'étaient alimentées que par une source de faible débit, avec assainissement individuel ancien.

Il ne peut être valorisé comme résidence secondaire, en raison de sa proximité avec l'exploitation agricole, de l'absence de terrain aménagé et de la nécessité de passer à proximité pour accéder au hangar. Dès lors, c'est exactement que l'expert a retenu une valeur de 103.000 euros au jour du décès de Mme [L].

* la parcelle [Cadastre 3]

Là encore, c'est à juste titre que l'expert n'a pas considéré qu'elle devait être évaluée comme terrain constructible, car elle n'est pas située en zone urbanisée, mais dans un hameau constitué de bâtiments épars. Si des bâtiments ont pu y être édifiés, c'est seulement au regard de la qualité d'agriculteur de M. [L]. Du reste, le maire a indiqué que ces terrains n'étaient pas constructibles. La partie non bâtie a été donc exactement évaluée comme terrain agricole.

* le bâtiment à usage de ferme (parcelle [Cadastre 12])

Il s'agit tout d'abord de dépendances de 190 m², non communicantes, en très mauvais état, sol en terre battue, et d'une partie habitation de 90 m², sans chauffage ni raccordement au réseau d'eau potable. L'évaluation de l'expert sera retenue par la cour (500 euros/m² pour les dépendances et 1.780 euros/m² pour l'habitation), compte tenu de ce que le corps de ferme est en pierre, mais que la maison est imbriquée dans les dépendances.

* les terres agricoles (48 ha 92 a 84 ca)

Le sapiteur de l'expert, Mme [R], a procédé à un examen précis et circonstancié des terres agricoles et les a valorisées en les regroupant par îlots culturaux. La valeur de 40.000 euros en 2014 outre 420 euros pour la parcelle [Cadastre 2] sera ainsi retenue par la cour.

* la valorisation des biens immobiliers au jour du partage

L'expert a procédé, comme cela lui était demandé, à cette valorisation et les chiffres obtenus seront retenus par la cour, car fondés sur l'état du marché actuel.

Sur les autres demandes des appelantes

M. [I] [L] étant propriétaire de l'exploitation agricole depuis la donation partage, les biens exploités ne l'ont pas été en indivision. Dès lors, il n'est redevable d'aucune indemnité d'occupation pour leur usage.

Par ailleurs, le capital placé sur un contrat d'assurance vie revient directement à son bénéficiaire au décès de l'assuré. Dès lors, ces fonds ne font pas partie intégrante de la succession, et n'ont pas à être rapportés comme une libéralité.

Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande des appelantes de production de tous justificatifs à ce titre.

Enfin, il est constant que les parents [L] ont continué, après la donation partage faite à leur fils, d'occuper une partie de la ferme. Dès lors, ils se devaient de participer aux charges de la vie courante, sans que cette participation puisse être considérée comme des donations indirectes.

Sur les indemnités de réduction

La cour ayant retenu les évaluations faites par l'expert, le chiffrage opéré par celui-ci sera retenu. En conséquence, l'indemnité de réduction sur la succession de M. [L] sera fixée à 14.517,75 euros pour chacun des héritiers réservataires, et à 484,24 euros au titre des héritiers réservataires de la succession de Mme [L].

Concernant la parcelle [Cadastre 2], elle devra revenir à M. [I] [L], sa soeur ayant indiqué ne pas vouloir la recevoir dans sa part.

Sur les demandes de M. [I] [L]

M. [L] fait valoir que les frais d'entretien de ses parents doivent venir en déduction des sommes à verser aux autres héritiers, ce montant devant être calculé à ses dires, non d'après les sommes réellement exposées, mais au regard des frais d'hébergement en maison de retraite.

Cette thèse ne sera pas retenue par la cour. En effet, le fait de s'occuper de ses parents relève d'une obligation naturelle, s'agissant d'un devoir de conscience.

Il est de principe qu'en cas d'exécution volontaire d'une telle obligation, aucune répétition du paiement des frais exposés ne peut avoir lieu.

En conséquence, M. [I] [L] se verra débouté de cette prétention et sera condamné au paiement des indemnités fixées ci-avant.

Sur les autres demandes

Le montant des sommes allouées étant fixé par le présent arrêt, les intérêts ne courent au taux légal qu'à compter de la présente décision.

S'agissant d'un conflit familial, l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile concernant les frais irrépétibles exposés par les parties.

Enfin, s'agissant des dépens, ils seront mis en masse et employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort;

Dit que l'expertise est régulière ;

Dit que la créance de salaire différé de M. [I] [L] lui a été réglée par acte de donation-partage du 6 octobre 1973 ;

Dit que la masse de calcul de la succession de M. [G] [L] est de 428.302,80 euros et celle de la succession de Mme [L] de 6.765,50 euros ;

Condamne M. [I] [L] à payer à Mmes [K] et [Z] chacune la somme de 14.517,75 euros et à M. [X] [O] et à Mme [E] [O], celle de 7.258,87 euros chacun ;

Dit que la parcelle [Cadastre 2] est attribuée à M. [I] [L] ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leur demande ;

Fait masse des dépens et dit qu'ils seront employés en frais privilégiés de partage;

Autorise les avocats qui en ont fait la demande à recouvrer directement les dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision ;

PRONONCÉ par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile .

SIGNÉ par la présidente, Anne Barruol, et par la greffière, Abla Amari, à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chbre des aff. familiales
Numéro d'arrêt : 18/00924
Date de la décision : 20/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-20;18.00924 ?
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