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15/09/2022 | FRANCE | N°20/03003

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Ch. sociale -section b, 15 septembre 2022, 20/03003


C7



N° RG 20/03003



N° Portalis DBVM-V-B7E-KR6K



N° Minute :













































































Copie exécutoire délivrée le :





la SCP JANOT & ASSOCIES



la SELARL LEXAVOUE [Localité 6] - [Localité 5]





AU NOM DU PEUP

LE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 15 SEPTEMBRE 2022





Appel d'une décision (N° RG 18/01293)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 04 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 1er octobre 2020





APPELANTE :



Madame [R] [X]

née le 20 août 1990 à [Localité 7] (38)

de...

C7

N° RG 20/03003

N° Portalis DBVM-V-B7E-KR6K

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP JANOT & ASSOCIES

la SELARL LEXAVOUE [Localité 6] - [Localité 5]

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 15 SEPTEMBRE 2022

Appel d'une décision (N° RG 18/01293)

rendue par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 04 septembre 2020

suivant déclaration d'appel du 1er octobre 2020

APPELANTE :

Madame [R] [X]

née le 20 août 1990 à [Localité 7] (38)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Pierre JANOT de la SCP JANOT & ASSOCIES, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

S.A.S. GE HYDRO FRANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Bérangère DE NAZELLE, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Blandine FRESSARD, Présidente,

M. Frédéric BLANC, Conseiller,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 avril 2022,

Madame FRESSARD, Présidente, chargée du rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date du 16 juin 2022, prorogé au 08 septembre 2022, puis à la date de ce jour, à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DU LITIGE':

Mme [R] [X] a été embauchée en qualité d'assistante commerciale à compter du 17 février 2014 par la société Alstom Renvewbable Poxer Hydro France selon contrat à durée indéterminée.

Par courrier en date du 14 mars 2018, Mme [R] [X] a adressé à la société GE Hydro France sa démission et a quitté son poste le 30 mars 2018.

Le 7 juillet 2017, un projet d'accord de sauvegarde de l'emploi s'inscrivant dans le projet de réorganisation de l'établissement de [Localité 6] de la société GE Hydro France a été remis au comité central d'entreprise dans le cadre de la procédure d'information et de consultation prévus aux articles L.'1233-28 et 1233-30 du code du travail.

Un nouveau plan de sauvegarde a été proposé le 7 décembre 2017.

Le 12 janvier 2018, la DIRRECTE a refusé l'homologation du plan de sauvegarde au motif que «'la construction des catégories socio-professionnelles servant de base à l'application des critères de licenciement était non conforme'».

Le 5 avril 2018, un accord collectif de suspension du contrat de travail des salariés de l'établissement de [Localité 6] ayant trouvé un emploi extérieur a été conclu.

Le 22 mai 2018, un accord de sauvegarde de l'emploi s'inscrivant dans le projet de réorganisation de l'établissement de [Localité 6] de la société GE Hydro France a été conclu avec les syndicats.

Le 1er juin 2018, la DIRRECTE a validé l'accord de sauvegarde de l'emploi.

À compter du 11 juin 2018, a débuté la phase de départs volontaires en application dudit accord.

Le 14 décembre 2018, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Grenoble, considérant qu'elle a été exclue à tort du bénéfice des mesures d'accompagnement du plan de sauvegarde de l'emploi.

Par jugement en date du 4 septembre 2020, dont appel, le conseil de prud'hommes de Grenoble ' section industrie ' a':

DÉBOUTÉ Mme [R] [X] de sa demande de communication de pièces';

DIT ET JUGÉ que la SAS GE Hydro France n'a pas commis de fraude à la loi à l'encontre de Mme [R] [X] en l'excluant du bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi';

DIT ET JUGÉ que la SAS GE Hydro France a exécuté loyalement le contrat de travail de Mme [R] [X]';

DIT ET JUGÉ que la démission de Mme [R] [X] n'a pas été forcée';

DÉBOUTÉ Madame [R] [X] de l'intégralité de ses demandes';

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS GENERAL ELECTRIC HYDRO FRANCE';

LAISSE les dépens à la charge de Mme [R] [X].

La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception le 11 septembre 2020.

Mme [R] [X] en a relevé appel par déclaration de son conseil transmise au greffe de la présente juridiction par voie électronique le 1er octobre 2020.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 avril 2021, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [R] [X] demande à la cour d'appel de':

INFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 4 septembre 2020 en toutes ses dispositions';

En conséquence,

Avant dire droit':

ORDONNER à la société GE la communication sous astreinte de 100 euros par jour de retard les éléments suivants':

Un bilan individualisé des départs depuis le 1er janvier 2017 par des salariés non intégrés dans le dispositif du plan';

Un bilan individualisé des départs volontaires,

À titre principal,

DIRE ET JUGER que Mme [X] aurait dû bénéficier des mesures favorables du PSE';

En conséquence,

CONDAMNER la société GE Hydro France à verser à Mme [X] les sommes suivantes':

Indemnité de licenciement obligatoire': 2'507,29'€,

Indemnité de volontariat': 4'916,26'€,

Indemnités de rupture complémentaires':

Indemnité de rupture complémentaire variable': 1'253,65'€,

Indemnité de rupture fixe': 20'000'€,

Indemnité d'incitation au reclassement extrêmement rapide : 26'179,08'€,

Allocation temporaire dégressive': 5'227'€';

A titre subsidiaire,

DIRE et JUGER que la société GE Hydro France a exécuté déloyalement le contrat de travail de Mme [X], le privant d'une chance de bénéficier des mesures favorables du plan';

En conséquence,

CONDAMNER la société GE Hydro France à verser à Mme [X] la somme de 30'000'€ de dommages et intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail';

A titre infiniment subsidiaire,

DIRE et JUGER que la démission de Mme [X] n'était pas libre';

En conséquence,

REQUALIFIER la démission de [W] [X] en licenciement sans cause réelle et sérieuse';

CONDAMNER la société GE Hydro France à verser à Mme [X] les sommes suivantes':

Indemnité de préavis': 4'916,26'€,

Congés payés afférents': 491,62'€,

Indemnité légale de licenciement': 2'507,29'€,

Indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse': 15'000'€';

En tout état de cause,

CONDAMNER la société GE Hydro France à verser à Mme [X] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNER la société GE Hydro France aux entiers dépens.

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 17 février 2022, auxquelles il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS GE Hydro France demande à la cour d'appel de':

Sur la demande avant-dire droit de remise de documents sous astreinte':

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 4 septembre 2020';

En conséquence,

DEBOUTER Mme [X] de sa demande de communication de pièces';

Sur la demande principale du bénéfice des mesures d'accompagnement du PSE':

À titre principal':

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 4 septembre 2020';

En conséquence,

DEBOUTER Mme [X] de sa demande du bénéfice des mesures d'accompagnement du PSE';

À titre subsidiaire':

LIMITER le montant des condamnations aux sommes suivantes en retenant un salaire de référence à hauteur de 2'269,05'euros bruts':

Indemnité légale de licenciement': 2'316,32'€,

Indemnités complémentaires de rupture': 21'158,16'€,

Indemnité de volontariat': 4'538,10'€,

Indemnité d'incitation au reclassement externe rapide': 23'825,03'€

Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

À titre principal,

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 4 septembre 2020';

En conséquence,

DEBOUTER Mme [X] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail';

À titre subsidiaire':

RAMENER le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions';

Sur la demande infiniment subsidiaire de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse':

À titre principal':

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 4 septembre 2020';

En conséquence,

DEBOUTER Mme [X] de sa demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse';

À titre subsidiaire':

LIMITER le montant des condamnations aux sommes suivantes en retenant un salaire de référence à hauteur de 2'269,05'euros bruts':

Indemnité légale de licenciement': 2'316,32'€,

Trois mois de salaire à titre de dommages et intérêts en application de l'article L 1235-3 du Code du travail': 6'807,15'€,

Sur la demande d'article 700 du Code de procédure civile':

CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 4 septembre 2020';

En conséquence,

DEBOUTER Mme [X] de sa demande d'article 700';

À titre reconventionnel':

CONDAMNER Mme [X] au paiement de la somme de 3'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient, au visa de l'article 455 du code de procédure civile, de se reporter à leurs écritures susvisées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2022 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 6 avril 2022'; la décision a été mise en délibérée au 8 septembre 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT':

Sur la demande avant-dire droit de remise de documents sous astreinte':

Au visa des articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

Conformément à l'article 145 du même code, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L'article 146 du même code dispose qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

Il ressort de ces articles que la demanderesse doit justifier de l'utilité de la pièce ainsi que de son existence.

Au cas d'espèce, la salariée sollicite la communication d'un bilan individualisé des départs depuis le 1er janvier 2017 par des salariés non intégrés dans le dispositif du plan et un bilan individualisé des départs volontaires.

Cependant, elle ne justifie pas de l'utilité de ces deux listes nominatives des salariés, dès lors que la société verse aux débats un bilan chiffré des départs volontaires, transmis à la commission de suivi le 26 juin 2018, qui apparaît suffisant pour identifier le nombre de salariés potentiellement éligibles au dispositif de l'accord.

Par ailleurs, la salariée ne justifie pas en quoi ces listes nominatives permettraient de déterminer les mesures d'accompagnement qui auraient dues être reconnues aux salariés ayant volontairement quitté l'entreprise, d'autant que, quand bien même la salariée était éligible, le bénéfice de l'accord n'était pas automatique et que sa demande de communication de pièces prend comme postulat l'exécution déloyale de l'accord de sauvegarde de l'emploi qu'elle allègue par la production d'autres pièces.

Finalement, elle ne démontre pas l'existence des documents sollicités, se contentant d'affirmer «'qu'il ne peut pas en être autrement'» alors que la vérification de l'identité des salariés partis volontairement n'entre pas dans les missions de la commission de suivi, du comité d'établissement ou du comité central d'entreprise.

En conséquence, il convient de débouter Mme [R] [X] de sa demande avant-dire droit de communication de pièces.

Sur la demande au titre de l'exclusion du bénéfice des dispositions favorables du plan de sauvegarde de l'emploi':

L'article L.'1233-61 du code du travail prévoit que dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en 'uvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.

De plus, l'employeur n'est pas tenu de mettre en 'uvre les dispositions prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi avant qu'il ait été définitivement adopté à l'issue des réunions de consultation des représentants du personnel et qu'il ait été validé par l'autorité administrative compétente.

Au cas d'espèce, le plan de sauvegarde de l'emploi a définitivement été conclu le 22 mai 2018 et a été validé par la DIRRECTE le 1er juin 2018.

Or, Mme [R] [X] a démissionné le 30 janvier 2018, soit plusieurs mois avant l'adoption définitive du plan de sauvegarde de l'emploi.

Dès lors, la société GE Hydro France n'était pas tenue de mettre en 'uvre les dispositions du plan de sauvegarde de l'emploi à leur égard.

En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes au titre du bénéfice des dispositions favorables du plan de sauvegarde de l'emploi.

Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail':

Conformément à l'article L. 1222-1 du code de travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi se présumant, la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur incombe au salarié.

Au cas d'espèce, les demandes de la salariée portent sur la rupture du contrat de travail dès lors qu'elle sollicite à titre principal le bénéfice du plan de sauvegarde de l'emploi, relatif à son départ volontaire caractérisé par sa démission.

Dès lors, par confirmation du jugement entrepris, les demandes ne concernant pas l'exécution de leur contrat de travail, il y a lieu de débouter la salariée à ce titre.

Sur la demande au titre de la démission contrainte :

La démission ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de mettre un terme à la relation contractuelle.

L'employeur qui prend l'initiative de la rupture du contrat de travail, le rompt ou le considère comme rompu, en dehors de toute manifestation de volonté expresse du salarié tendant à la rupture, doit engager la procédure de licenciement. À défaut, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Seul l'accord clair et non équivoque du salarié peut caractériser la validité de la rétraction du licenciement par l'employeur.

Au cas d'espèce, il ressort d'un document d'information et de consultation sur le projet de réorganisation de l'établissement de [Localité 6] de la société GE Hydro France SAS et de ses conséquences sociales, remis le 7 juillet 2017 au comité central d'entreprise et au comité d'établissement, ainsi que du projet d'accord du 7 juillet 2017, que la société avait initialement prévu la suppression de 345 postes permanents, répartie sur l'ensemble des départements de l'établissement de [Localité 6].

Compte tenu de ce projet de réorganisation, la salariée a démissionné le 14 mars 2018 en raison de son recrutement par un autre employeur et allègue devant la présente cour que «'sa démission était contrainte par la menace de licenciements économiques'».

La société GE Hydro France met en évidence, par la production d'une série de courriels envoyés entre le 5 octobre 2017 et le 15 décembre 2017 à l'ensemble de ses salariés, avoir informé la salariée de l'évolution des négociations et de l'état d'avancement du projet de plan de sauvegarde de l'emploi.

Ainsi, par mail du 20 novembre 2017, suite à des blocages de l'établissement au mois d'octobre et aux discussions entre les organisations syndicales et la direction, la société a informé les salariés qu'une extension de la période d'information et de consultation aurait lieu afin de trouver un accord en vue de remettre les documents nécessaires à la DIRRECTE le 22 décembre 2017 en vue de son approbation.

Par mail en date du 22 novembre 2017, la société a indiqué avoir proposé plusieurs mesures d'accompagnements favorables au salarié concernant les conditions de l'indemnité de licenciement conventionnelle, une prime supplémentaire tenant compte des personnes à charge ainsi que l'extension de la durée du congé de reclassement et l'augmentation de sa rémunération.

Par mail en date du 29 novembre 2017, la direction a précisé avoir retenu certaines idées alternatives proposées par les organisations syndicales quant à la future organisation, y compris le fait que «'parmi les 345 postes potentiellement impactés, certains seraient gardés dans plusieurs fonctions, d'autres seraient également conservés plusieurs mois supplémentaires pour accompagner la transition de l'organisation. Des nouveaux postes seraient par ailleurs créés.'».

Par mail daté du 8 décembre 2017, la société a informé qu'il existait deux versions du Livre 1 du projet de PSE en fonction de l'accord ou non des organisations syndicales et que le projet serait ensuite remis aux différentes instances représentatives du personnel entre le 13 et le 21 décembre avant d'être soumis à la DIRRECTE le 22 décembre.

Par mail du 15 décembre 2017, la société a expressément rappelé le calendrier des étapes et que «'La DIRECCTE aura un délai de 15 à 21 jours pour rendre son avis. Si elle valide nos propositions et si les Organisations Syndicales ne lancent pas une procédure administrative contre le plan, celui-ci pourra être mis en place d'ici fin janvier avec notamment l'ouverture du plan de départ de volontaire. Dans le cas d'un refus d'homologation de la DIRECCTE ou d'une action en justice de la part des organisations syndicales, la mise en place du plan sera retardée.'».

Finalement, par mails datés des 12 et 18 janvier et 15 février, la société a informé les salariés du refus d'homologation du PSE par la DIRECCTE, de la continuation de la procédure d'information ' consultation afin de faire évoluer les catégories professionnelles et de négocier un accord sur les départs anticipés.

Ainsi, il se dégage de ses différents courriels que la direction a informé la salariée de l'avancement des négociations, du calendrier prévisionnel tout en mentionnant la possibilité que celui-ci ne puisse être respecté.

Dès lors, contrairement à ce que soutient la salariée, la société n'a pas utilisé des effets particuliers d'annonce afin de pousser les salariés à démissionner avant l'adoption définitive du plan, aucune autre pièce n'étant versée aux débats à ce titre.

Néanmoins, d'une première part, il ressort de la décision de refus d'homologation de la DIRECCTE en date du 12 janvier 2018 du document unilatéral présenté par l'employeur suite à l'échec de la négociation d'un accord majoritaire que la société avait connaissance, dès le 4 août 2017, de la demande de la DIRRECTE de faire évoluer les catégories professionnelles, émises dans le projet de plan du 7 juillet 2017, en conformité avec la définition jurisprudentielle, observation réitérée les 8 et 28 septembre 2017.

De plus, il est indiqué que les différentes instances de représentants du personnel ont régulièrement demandé des explications sur les catégories professionnelles et dans un courrier en date du 21 décembre 2017, demandant à la DIRECCTE de refuser l'homologation, elles ont alerté cette dernière «'sur les erreurs et anomalies nombreuses qui affectent les documents transmis en dernière minute par notre Direction, bouleversant pour la 5ème fois sa construction unilatérale des catégories professionnelles (à la veille de la dernière réunion du CHSCT)'» et que cette problématique avait expressément été relevée dans le rapport de l'expert «'SYNDEX'», présenté au comité central d'entreprise fin novembre 2017.

La DIRECCTE précise également que des postes ont spécifiquement été ciblés pour être supprimés, «'sans justification suffisante et sans que la détermination de ces catégories professionnelles soit objectivée'».

La DIRECCTE conclut que l'employeur n'a pas adressé «'aux instances représentatives du personnel tous les éléments utiles pour qu'ils soient en capacité de formuler en toute connaissance de cause leur avis sur le projet de réorganisation et ses conséquences sociales'» et a refusé d'homologuer le plan soumis par la société GE Hydro France.

Or, la société n'allègue pas ni ne démontre avoir pris en compte les demandes de la DIRECCTE avant le dépôt du projet, de sorte que le refus d'homologation était prévisible et évident, aucun recours n'ayant d'ailleurs été formé par l'employeur.

Il résulte de ces éléments que la SA GE Hydro France a commis un manquement volontaire dans l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi sous forme de document unilatéral en ne prenant pas en compte les différentes alertes concernant les incertitudes et irrégularités dans l'élaboration des catégories professionnelles entre l'été 2017 et la demande d'homologation déposée le 22 décembre 2017, ce qui a conduit à un rallongement considérable des délais d'adoption du plan et de sa mise en 'uvre, contraignant les salariés, ayant cherché un autre poste en réaction à l'annonce du PSE à l'été 2017, à démissionner avant l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi en juin 2018.

La cour observe que sans avoir directement incité par ses communications les salariés concernés par le projet de réorganisation économique à la démission, l'employeur a pour autant directement tiré un bénéfice financier de l'allongement fautif des délais de mise en 'uvre du plan de sauvegarde de l'emploi dans la mesure où le projet du 7 juillet 2017 prévoyait la suppression de 345 emplois, celui du 7 décembre 2017, 329 départs et en définitive l'accord majoritaire du 22 mai 2018 homologué par la DIRRECTE le 1er juin 2018 n'a plus concerné que la suppression de 293 postes, étant relevé que l'effectif de l'établissement de [Localité 6] est passé de 826 au 1er janvier 2017 à 725 au 1er mai 2018, soit une réduction hors plan de sauvegarde de l'ordre de 100 salariés de sorte que les mesures d'accompagnement n'ont plus concerné qu'un nombre significativement réduit de salariés.

Le projet de plan de sauvegarde de l'emploi dans sa version du 7 décembre 2017 confirme l'intérêt financier pour l'employeur à l'allongement des délais de mise en 'uvre du projet de réorganisation économique à tout le moins s'agissant du financement du plan de sauvegarde de l'emploi puisqu'il est indiqué en page n°21 de l'avant-dernier paragraphe': «'il est prévu que le Nombre maximum de Départs initialement envisagé en application du présent Plan sera diminué de toute mobilité en dehors de l'Etablissement et de tout départ (démission, départ à la retraite, etc.) quelle qu'en soit la cause intervenue depuis le 1er janvier 2017, à condition que les salariés partant de l'Etablissement dans ce cadre appartiennent aux Catégories Concernées par le Présent Plan, au jour de l'ouverture de la Phase I en application du présent Plan'».

D'une deuxième part, il ressort du courrier de la salariée en date du 28 février 2018 qu'elle a sollicité la suspension de son contrat de travail avant de démissionner, en raison du refus de la société de suspendre son contrat.

Or, en réaction aux demandes de suspension du contrat de travail et des démissions, les organisations syndicales et la société ont conclu, le 5 avril 2018, un accord collectif de suspension du contrat de travail des salariés de l'établissement de [Localité 6] ayant trouvé un emploi extérieur qui prévoit la possibilité pour les salariés de suspendre leur contrat de travail, avec l'accord de la direction, afin de tester leur nouvel emploi.

Cependant, le PSE étant en négociation depuis l'été 2017 et la société prévoyant le début de la phase des départs courant janvier 2018, elle a fait preuve de mauvaise foi en n'ayant pas pris en compte les demandes massives de suspension de contrat de travail, d'autant qu'elle aurait pu les anticiper.

Dès lors, en laissant la salariée dans l'ignorance quant aux négociations dudit accord, finalement conclu en avril 2018, le mail d'information du 23 mars 2018 étant tardif et postérieur à la démission de la salariée, la société a délibérément exclu la salariée de ce dernier, la contraignant soit à refuser l'embauche proposée par un autre employeur en attendant l'adoption définitive du PSE, soit à démissionner et ainsi a donc omis fautivement d'informer la salariée sur ce point.

D'une troisième part, le courrier de démission de la salariée, en date du 14 mars 2018, fait expressément mention du refus de la société de suspendre son contrat de travail et de l'intégrer au plan de départ volontaire.

Il s'ensuit que la démission de Mme [R] [X] ne peut qu'être considérée comme équivoque puisqu'elle est liée au contexte des négociations retardées du PSE et qu'elle résulte donc des manquements de l'employeur quant aux négociations du PSE et aux négociations tardives de l'accord de suspension des contrats de travail.

Dès lors, il ressort de l'ensemble des éléments précédents que la démission de la salariée le 14 mars 2018 apparaît contrainte en raison de manquements fautifs de la société dans le cadre des négociations du plan de sauvegarde de l'emploi.

En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, la démission de Mme [R] [X] n'étant pas claire et non équivoque, il y a lieu de la requalifier en prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail':

D'une première part, la démission étant requalifiée en prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié est bien-fondé à solliciter le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, peu important qu'il en ait en été dispensé ou non, ainsi qu'une indemnité de licenciement.

Les parties n'étant pas d'accord quant au montant du salaire, la cour retient, en application de l'article R.'1234-4 du code du travail et compte tenu des bulletins de salaire produits par le salaire, le salaire moyen brut de 2'274,59'€.

Ainsi, la société Général Electric Hydro France est condamné à payer à Mme [R] [X] les sommes suivantes':

- 4'549,18'€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 454,91'€ de congés payés afférents,

- 1'971,66'€ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

D'une deuxième part, l'article L.'1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.

La cour rappelle que les dispositions de l'article L.'1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention n°158 de l'Organisation internationale du travail et que les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne n'ont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers. L'invocation de ces deux dispositions ne peut donc conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L.'1235-3 du code du travail, de sorte qu'il convient d'allouer en conséquence au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.

Ainsi, compte tenu de son ancienneté, de son salaire et en application de l'article L.'1235-3 du code du travail, il convient de condamner la SAS Général Electric Hydro France à payer à Mme [R] [X] la somme de 12'000'€ au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes accessoires':

La SAS Général Electric Hydro France, partie perdante à l'instance au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d'en supporter les entiers dépens.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l'espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [R] [X] l'intégralité des sommes qu'elle a été contrainte d'exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu'il convient de condamner la SAS Général Electric Hydro France à lui verser la somme de 2'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l'appel et après en avoir délibéré conformément à la loi';

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a':

- Débouté Madame [R] [X] de sa demande de communication de pièces,

- Débouté la SAS General Electric Hydro France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

L'INFIRME pour le surplus';

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REQUALIFIE la démission de Mme [R] [X] en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Général Electric Hydro France à payer à Mme [R] [X] les suivantes':

- quatre mille cinq cent quarante-neuf euros et dix-huit centimes (4'549,18'€) bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre quatre cent cinquante-neuf euros et quatre-vingt-onze centimes (454,91'€) bruts de congés payés afférents

- mille neuf cent soixante-et-onze euros et soixante-six centimes (1'971,66'€) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

- douze mille euros (12'000'€) au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse';

DÉBOUTE la SAS Général Electric Hydro France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SAS Général Electric Hydro France à payer à Mme [R] [X] la somme de 2'000'€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SAS Général Electric Hydro France aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Ch. sociale -section b
Numéro d'arrêt : 20/03003
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;20.03003 ?
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